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Full text of "Revue de l'Orient chrétien"

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Revue  de  l'Orient  chr  etien 


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REVUE 


DE 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


DEUXIÈME   SÉRIE,  Tome  I  (XI)  —   1906.  —  N°   1 


SOMMAIRE 


Pages. 

I.       —  Msr  Addaï  Scher.  —  Etude  supplémentaire  sur 'les  écrivains 

syriens  orientaux 1 

IL     —  F.  Bouvier.  —  La  Syrie  à  la  veille  de  l'usurpation  Tulunide 

(avant  878) 34 

III.  —  E.    Blochet.    —    Les  monnaies  mongoles    de  la   collection 

Decourdemanche 50 

IV.  —  B.  Evetts.  —  Le  rite  copte  de  la  prise  d'habit  et  de  la  pro- 

fession monacale 60 

V.  —  F.  Tournebize.  — Histoire  politique  et  religieuse  de  l'Armé- 

nie. —  Les  frères-Unis  de  saint  Grégoire  l'Illuminateur 74 

VI.  —  Mélanges  : 

I.  E.  Mangenot.  —  L'origine  espagnole  du  Filioque 92 

IL  L.  Delaporte.  —  Note  sur  de  nouveaux  fragments  sahidi- 
ques  du  Pasteur  d'Hermas 101 

III.  F.  Nau.  —  Une  lettre  du  R.  P.  Constantin  Bâcha  sur  un 
nouveau  manuscrit  carchouni  de  la  chronique  de  Michel 
et  sur  Théodore  Abou-Kurra 102 

VIL  —  Bibliographie.  —  K.  Kunstle.  Antipriscilliana  {E.  Mangenot). 

—  Vacant-Mangenot.  Dictionnaire  de  théologie  catholique 
{A.-G.).  —  Rév.  G.  Horner.  The  service  of  aChurch  (B.  Evetts). 

—  René  Basset.  Les  apocryphes  éthiopiens  traduits  en  fran- 
çais [F.  Nau) 105 


PARIS 


BUREAUX 
DES   ŒUVRES   D'ORIENT 

RUE   DU   REGARD,    20 

LEIPZIG 

OTTO  HARRASSOWITZ 


LIBRAIRIE 
A.    PICARD   ET    FILS 

RUE   ROXAPARTE,    82 

LONDRES 

WILLIAM  ET  NORGATE 


Recueil  trimestriel.  —  Prix  de  l'abonnement  :  i-2  fr.  —  Étranger  :  14  fr. 


La  Revue  de  l'Orient  chrétien  (recueil  trimestriel) 
paraît  en  avril,  juillet,  octobre  et  janvier  par  fascicules  formant 
chaque  année  un  volume  de  près  de  500  pages  in-8°. 

Prix  de  l'abonnement  :   12  francs.  —  Etranger  :  14  francs. 
Prix  de  la  livraison  :  3  francs  net. 


Les  communications  relatives  à  la  rédaction  doivent  être  adressées 

à  M.    le  Secrétaire  de  la  Revue  de  l'Orient  chrétien 

A   LA    LIBRAIRIE   RICARD 

RUE    BONAPARTE,    82,    PARIS. 

Il  sera  rendu  compte  de  tout  ouvrage  relatif  à  l'Orient  dont  on  enverra 
un  exemplaire  à  la  précédente  adresse. 


COMITE   DIRECTEUR  : 

M&  Charmetant  ($0,  protonotaire  apostolique,  Directeur  des  OEuvres  d'O- 
rient, président.  —  M.  l'abbé  Bousquet,  vice-recteur  et  professeur  de  grec 
à  l'Institut  catholique  de  Paris.  —  M^r  Graffin  {Q),  camérier  de  Sa  Sain- 
teté, professeur  d'hébreu  et  de  syriaque  à  l'Institut  catholique  de  Paris. — 
M.  l'abbé  Lerov,  professeur  d'arabe  et  d'Égyptologie  à  l'Institut  catho- 
lique d'Angers.  —  M.  l'abbé  Mangenot,  professeur  d'Écriture  sainte  à  l'Ins- 
titut catholique  de  Paris.  —  M.  l'abbé  Nau,  professeur  de  mathématiques 
à  l'Institut  catholique  de  Paris. 

Le  Comité  est  assuré  du  concours  de  spécialistes  compétents  :  pour  Y  Ar- 
ménien, M.  Basmadjian,  directeur  de  la  revue  «  Banasêr  »,  et  le  R.  P. 
Peeters,  Bollandiste  ;  pour  l'assyrien,  etc.,  le  P.  Scheil,  professeur  à 
l'École  des  Hautes  Études  ;  pour  le  Copte,  le  R.  P.  Mallon,  professeur  à 
l'Université  de  Beyrouth  ;  pour  Y  Éthiopien,  M.  I.  Guidi,  professeur  à  l'Uni- 
versité de  Rome,  M.  l'abbé  F.  Martin,  professeur  à  l'Institut  catholique  de 
Paris,  et  M.  E.  Pereira;  pour  le  Mongol  et  le  Persan,  M.  Blochet,  attaché 
à  la  Bibliothèque  Nationale. 

En  dépit  du  contrôle  qui  sera  exercé  par  ces  divers  savants,  chaque 
auteur  conserve  l'entière  responsabilité  de  ses  articles. 


REVUE 


DE 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


DEUXIEME     SERIE 
Tome  I  (XI) 


11e  volume.  —  1906 


REVUE 


SEI 


A 


DE 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


RECUEIL    TRIMESTRIEL 


DEUXIEME    SERIE 

Tome  I  (XI) 


PARIS 


BUREAUX 
DES   ŒUVRES  D'ORIENT 

BUE    DU    REGARD,    20 

LEIPZIG 

OTTO  HARRASSOWITZ 


LIBRAIRIE 
A.    PICARD   ET    FILS 

RUE   BONAPARTE,    82 

LONDRES 

WILLIAM  ET  NORGATE 


Recueil  trimestriel.  —  Prix  de  l'abonnement  :  12  fr.  —  Étranger  :  11  fr. 


TABLE  DES  MATIERES 

CONTENUES  DANS  CE  VOLUME 


Pages. 

I.  -  ÉTUDE  SUPPLÉMENTAIRE  SUR  LES  ÉCRIVAINS  SYRIENS  ORIEN- 
TAUX, par  Mer  Addaï  Scher,  Archevêque  de  Séert  (Kurdistan) 1 

II.  —  LA  SYRIE  A  LA  VEILLE  DE  L'USURPATION  TULUNIDE,  par  F. 
Bouvier 34 

III.  -  LES  MONNAIES  MONGOLES  DE  LA  COLLECTION  DECOURDE- 
MANCHE,  par  E.  Blochet 50,  113 

IV.  -  LE  RITE  COPTE  DE  LA  PRISE  D'HABIT  ET  DE  LA  PROFESSION 
MONACALE,  par  B.  Evetts 60,  130 

V.  —  LES  FRÈRES  UNIS    DE   SAINT  GRÉGOIRE   L'ILLUMINATEUR,  par 

F.  Tournebize 74 

VI.  —  LES  SYNAGOGUES  DES  JUIFS  (MOÏSE  ET  ÉLIE  D'APRÈS  LES 
TRADITIONS  ARABES).  Texte  arabe  de  Makrizi  et  traduction  française, 

par  L.  Leroy 149,  371 

VII.  —  LES  CENT  DIX-SEPT  ACCUSATIONS  PRÉSENTÉES  A  BENOIT  XII 

,  CONTRE  LES  ARMÉNIENS,  par  F.  Tournebize 163,  274,  352 

VIII.  —  ANALYSE  DE  L'HISTOIRE  DU  COUVENT  DE  SABRISCHO'  DE  BEITH 
QOQA,  par  M61  Addaï   Scher 182 

IX.  —  VIE  D'OLYMPIAS  LA  DIACONESSE,  par  J.  Bousquet 225 

X.  —  DESCRIPTION  D'UN  MANUSCRIT  ARABE  CHRÉTIEN  DE  LA  BIBLIO- 
THÈQUE DE  M.  CODERA  (LE  POÈTE  'ISA   EL-HAZAR),  par  M.  Asin 

y  Palacios 251,  439 

XI.  —  LE  PASTEUR  D'HERMAS.  NOUVEAUX  FRAGMENTS  SAHIDIQUES. 
NOTE  SUR  DEUX  MANUSCRITS  DE  LA  BIBLIOTHÈQUE  NATIONALE 
DE  PARIS  QUI  RENFERMENT  LE  RITE  COPTE  DE  LA  PRISE  D'HABIT, 

par   L.   Delaporte 301 

XII.  —  TEXTES  ORIENTAUX  INÉDITS  DU  MARTYRE  DE  JUDAS  CYRIA- 
QUE,  ÉVÈQUE  DE  JÉRUSALEM  (TEXTE  ÉTHIOPIEN),  par  I.  Guidi  .  .    :!37 


VI  TABLE    DES    MATIERES. 

Pages. 

XIII.  —  ANALYSE  DE  L'HISTOIRE  DE  RABBAN  BAR  'EDTA,  MOINE  NES- 
TORIEN  DU  VIe  SIÈCLE,  par  M*  Addaï  Scher 403 


MELANGES 

I.    —  L'ORIGINE  ESPAGNOLE  DU  FILIOQUE,  par  E.   Mangenot 92  ' 

IL  —  NOTE  SUR  DE  NOUVEAUX  FRAGMENTS  SAHIDIQUES  DU  PAS- 
TEUR D'HERMAS,  par  L.  Delaporte 101 

III.  —  UNE  LETTRE  DU  R.  P.  CONSTANTIN  BACHA  SUR  UN  NOUVEAU 
MANUSCRIT  CARCHOUNI  DE  LA  CHRONIQUE  DE  MICHEL  ET  SUR 
THÉODORE  ABOU-KURRA,  par  F.  Nau 102 

IV.  —  NOTES  SUR  LES  MOTS  HOAITIKOS  ET  nOAITEÏOMENOS  ET  SUR 
PLUSIEURS  TEXTES  GRECS  RELATIFS  A  S.  ETIENNE,  par  F.  Nau.  .     108 

V.  —  NOTE  SUR  UN  MANUSCRIT  SYRIAQUE  (COMMENTAIRE  DES 
PSAUMES  D'APRÈS  THÉODORE  DE  MOPSUESTE)   APPARTENANT    A 

M.  DELAPORTE,  par  F.  Nau 313 

VI.  —  CURIEUSES  ANNOTATIONS  DE  QUELQUES  MANUSCRITS  BYZAN- 
TINS, par  Amédée  Gastoué :!17 

VIL  —  NOTE  SUR  LES  MANUSCRITS  DE  PARIS  QUI  RENFERMENT  LA 
NOTICE  BIOGRAPHIQUE  D'ANTIOCHUS  MOINE  DE  S.  SABBA,  par  F. 
Nau 327 

VIII.  —A  PROPOS  DES  CURIEUSES  ANNOTATIONS  DE  QUELQUES  MA- 
NUSCRITS BYZANTINS,  par  E.  Mangenot 424 

IX.  —  NOTE  SUR  DEUX  OUVRAGES  APOCRYPHES  ARABES  INTITULÉS  : 

«  TESTAMENT   DE  NOTRE-SEIGNEUR  »,  par  P.  Dib 127 

X.  —  NOTE  SUR  LE  CONTENU  DES  MANUSCRITS  PALIMPSESTES  : 
PARIS  SUPPLÉMENT  GREC  480  ET.  CHARTRES  N°  1754,  par  F.  Nau  .       130 


CHRONIQUE 

L'ÉGLISE  MARONITE  EN  1905-1906,  par  K.  Mokles 132 

BIBLIOGRAPHIE 

K.  Kiinstle,  Antipriscilliana  (E.  Mangenot) 105 

Vacant-Mangenot,  Dictionnaire  de  Théologie  catholique  (A.  G.) 107 

Rev.  G.  Horner,  The  service  for  the  consécration  of  a  church  and  an  Allar 
according  to  the  coptic  rite  (B.  Evetts) 108 


TABLE    DES    MATIÈRES.  VII 

Pages. 

René  Basset,  Les  apocryphes  éthiopiens  traduits  en  français  (F.  Nau) 110 

M8'  Joseph  Darian,  Morphologie  de  la  langue  syriaque  (P.  Dib) 217 

F.  Cravvford  Burkitt,  Earhj  eastem   christianity  (M.  A.  Kugener) 217 

C.  Brockelmann,  Syrische  grammatik  (M. -A.  Kugener) 219 

Francisco  Maria  Esteves  Pereira,  Historia  do  Vespasiano :  .  .  .  220 

Antoine  Dard,  Chez  les  ennemis  d'Israël 220 

Gustaf  Karlberg,  Den  langa  hisloriska  inskiflen  i  Ramses  III's  Tempcl  i  Me- 

dînet-ffabu 2^0 

E.  Anderson,  Ausgewahlte  Remerkungen  ùber  den  Bohairischen  Dialect  im 
Pentateuch    Koptisch 221 

0.  F.  Feruling.  —  Fôrsta  Kapitlel  of  Misnatraktaten  Pireke  Aboi 221 

Josué  de  Decker,  Contribution  à  l'étude  des  vies  de  Paul  de  Thèbes 221 

F.  Martin,  Le  livre  d'Rénoch  traduit  sur  le  texte  éthiopien  (F.  Nau) 331 

D'-  Paul  Maas,  Die  chronologie  der  Èymnen  des  Romanos  (J.  Bousquet)  .  .  .  333 

Alexandre  Cartellieri,  Philipp  II  August,  Kœnig  von  Frankreich  (F.  Nau).  333 

Dom  H.  Leclercq,  Les  Martyrs,  vol.  III,  IV,  V  (Dom  Placide  de  Meester).  .  331! 

L.  A.  Fillion,  Saint  Pierre ;;:;[ 

Rev.  G.  M.  Pope,  A  Handbook  of  the  ordinary  Dialect  of  the   Tamil  Lan- 

!l"arJe 335 

Dr  Lucas  Jelic,  Fontes  historici  Liturgiae  Glagolilo-Romanae  a  XIII  ad  XIX 

saeculum 335 

Le   Père  Bernard  Ghobaïra  Alghaziri,  Rome  et  l'Église  Syrienne  maronite 

d'Antioche  (517-1531),  thèses,  documents,  lettres 335 

Dragutin  N.  Anastasijewic,  Die  pardnelischen  Alphabete  (J.  Bousquet).  .  .  .  440 

Dom  Fernand  Cabrol,  Les  Origines    liturgiques  (F.  Nau) 441 

N.   A.  Kouznetsov,    Transformations  dans  l'Église  Russe  (A.  Malvy) 441 

Université  S.-Joseph;  Mélanges  de  la  faculté  orientale  (F.  Nau) 442 

R.  P.  Constantin  Bâcha,  Le  livre  de  l'expulsion  de  la  tristesse,  d'Élie  de 

Nisibe  (F.  Nau) 443 

F.  X.  Funk,  Didascalia  et  constitutiones  Aposlolorum 443 

D'  August  Haffner,  Texte  zur  arabisehen  Lexicographie 444 

Louis  Bréhier,  Les  Croisades 444 

H.  T.  F.  Duckworth,  Notes  ou  Alexander  Palli's  Romaic  version  oflhc  New 

Testament  Canticlc* 44c 

J.  J.  Clamageran,  Correspondance  (1849-1902) 446 

Sommaire  des  revues 023  440 


ETUDE  SUPPLÉMENTAIRE 


SUR 


LES  ÉCRIVAINS  SYRIENS  ORIENTAUX 


INTRODUCTION 

Assémani,  en  éditant  le  catalogue  d'Ebedjésus  de  Nisibe  dans 
sa  Bibliothèque  orientale  (t.  III,  pars  I),  nous  a  transmis  de  pré- 
cieuses notices   sur  tous  les  écrivains  nestoriens  mentionnés 

(1)  [Il  nous  a  paru  intéressant  de  commencer  la  nouvelle  série  de  la  ROC  par  ce 
travail  d'un  prélat  oriental  qui  trouve  le  moyen,  dans  les  montagnes  du  Kurdistan, 
de  cultiver  l'érudition  et  de  rectifier  les  notices  un  peu  sommaires  que  nous 
possédons  sur  bien  des  écrivains  syriens.  Certains  points  pourraient  être  com- 
plétés. Par  exemple  nous  tenons  (chap.  xn)  qu'il  n'y  a  eu  qu'un  seul  Ahoude'm- 
meh,  d'abord  évèque  Nestorien,  puis  dissident  et  rattaché  par  hasard  à  la  doc- 
trine Jacobite.  Le  traité  sur  la  composition  de  l'homme  est  postérieur  au  traite 
sur  l'homme  microcosme,  car  il  le  cite.  Nous  avons  développé  ces  divers  points 

dans  Histoire  d'Ahoudemmeh Patrologie  orientale,  t.  III,  l'asc.  1. —  De  même 

(chap.  xxiii),  M='r  Rahmani  a  signait1  la' véritable  étymologie  du  nom  de  Jean  Bar 
Penkayé,  mais  il  suppose  que  cet  auteur  vivait  au  rx°  siècle,  Studio,  syriaca,  Pa- 
ris, Leroux,  1904,  page  65.  —  Enfin  (chap.  xxvii),  M.  Pognon,  consul  de  France  à 
Alep,  a  déjà  écrit  :  «  D'après  les  renseignements  qui  m'ont  été  récemment  don- 
nes, on  trouve  dans  un  ms.  de  Mossoul  la  phrase  suivante  insérée  au  milieu  du 
XI''  livre  (des  scolies)  :  avec  l'aide  de  N.-S.  ce  livre  appelé  Livre  des  scolies,  com- 
posé par   Théodore,   docteur  du   pays   de  Kachkar,   en  Van  1103  d'Alexandre 

(791-792)  est  terminé Il  me  parait  à  peu  près  certain  que  Théodore  bar  Khouni 

et  Théodore  évèque  de  Lachoum  ne  sont  pas  une  seule  et  même  personne 
Théodore  bar  Khouni  a  vécu  a  la  fin  du  viu°  siècle  et  peut-être  au  commence 
ment  du  ixe,  il  était  né  dans  le  pays  de  Kaschkar  où  l'on  devait  parler  un  dia- 
lecte ressemblant  beaucoup  au  mandaïte  et  rien  ne  prouve  qu'il  ait  jamais  été' 
évèque  »,  Pognon,  Inscriptions  mandaïtes  des  coupes  de  Khuuabir,  Paris,  1896, 
pages  105  et  106.  —  Nous  reproduisons  tel  quel  le  travail  de  Ms*  Scher,  arche- 
vêque de  Séert;  les  matériaux  inédits  qu'il  a  employés  pour  le  composer  permet- 
tront aux  amis  de  l'histoire  de  la  littérature  syriaque  d_>  l'aire  abondante  mois- 
son dans  ces  quelques  pages.  —  F.  Nau], 

ORIENT    CHRÉTIEN.  1 


2  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRETIEN.- 

dans  le  susdit  catalogue;  mais  il  a  commis  aussi  de  nombreuses 
erreurs,  en  identifiant  plusieurs  personnages  les  uns  avec  les 
autres. 

C'est  pour  redresser  ces  erreurs,  faire  connaître  quelques  au- 
tres écrivains  inconnus  jusqu'ici  aux  Orientalistes  (1),  et  pou- 
voir servir  ainsi  à  l'étude  et  à  l'enseignement  de  l'histoire  ecclé- 
siastique, que  je  me  suis  proposé  de  publier  ce  petit  travail. 


LES    ÉCRIVAINS    CONTEMPORAINS    DU    PATRIARCHE    PAPAS. 

La  chronique  qui  se  trouve  dans  un  manuscrit  de  la  biblio- 
thèque du  Patriarcat  Chaldéen  de  Mossoul  (2),  mentionne  plu- 
sieurs écrivains  syriens  orientaux  qui  vivaient  à  la  fin  du 
nie  et  au  commencement  du  ive  siècle  :  «  Il  y  avait,  dit-elle,  au 
temps  des  primats  Schahlupas  et  Papas  (3),  et  d'Etienne,  pa- 

(1)  Déjà  les  Orientalistes  ont  redressé  plusieurs  erreurs  d'Assémani  et  ont  l'ait 
connaître  quelques  auteurs  inconnus  (R.  Durai,  Littér.  syr.,  234-234, 236-237,  etc.). 
Je  n'en  parlerai  pas  dans  cet  opuscule. 

(2)  Cette  chronique,  qui  est  en  arabe,  traite  de  l'histoire  ecclésiastique  et  pro- 
fane des  ive  et  ve  siècles;  elle  devait  encore  traiter  de  l'histoire  des  r",  11e  et  m" 
siècles;  mais  malheureusement  le  manuscrit  a  bien  des  feuilles  manquant  au 
commencement  et  à  la  fin.  La  continuation  de  cette  chronique  se  trouve  dans  un 
manuscrit  à  notre  bibliothèque  de  Séert,  et  va  depuis  le  patriarche  Baboï 
(466-481)  jusqu'au  patriarche  Mar-Emmeh  (617-650);  ce  manuscrit  aussi  .est  in- 
complet au  commencement  et  à  la  fin. 

(3)  D'après  le  Livre  de  la  Tour,  Schahlupas  aurait  occupé  le  siège  de  Séleucie 
depuis  224  jusqu'à  241,  et  Papas  depuis  247  jusqu'à  326,  ce  qui  me  paraît  erroné. 
Voici  mon  opinion  :  Ebedjésus  de  Nisibe  dans  son  nomocanon  (traité  IX,  chap.  i) 
dit  "  que  deux  patriarches,  celui  des  Araméens  et  celui  d'Antioche,  ont  été  cru- 
cifiés à  la  porte  de  l'église  d'Antioche;  et  il  ajoute  que  le  premier  patriarche 
qui  a  été  consacré  en  Orient,  c'est,  suivant  les  uns,  Schahlupas,  et,  suivant  d'au- 
tres, Papas  ».  Dans  la  persécution  de  Dèce  (250),  reçurent  la  palme  du  martyre 
et  Polychrone  évêque  de  Babylone  et  Babylas  d'Antioche.  Babylone  alors  n'exis- 
tait pas;  par  conséquent,  Polychrone,  dont  les  écrivains  occidentaux  rapportent 
le  martyre,  était  évoque  ou  primat  de  Séleucie.  Ce  Polychrone  serait  donc  Schah- 
lupas, que  les  écrivains  grecs  auraient  écrit  7toXu-/povov,  et  dont  la  mort  ou  le  mar- 
tyre aurait  eu  lieu  en  250,  et  non  en  222,  ainsi  que  le  rapporte  le  Livre  de  la 
Tour;  et  par  conséquent  Papas  lui-même  n'aurait  pas  été  consacré  en  247,  mais 
longtemps  après  :  car  il  est  bien  difficile  de  croire  que  Papas  ait  gouverné  l'Église 
pendant  79  ans,  ainsi  que  le  dit  le  Livre  de  la  Tour.  Si  donc,  avant  Papas,  c'était 
à  Antioche  que  les  primats  de  Séleucie  étaient  consacrés,  certainement  après  le 


LES    ECRIVAINS   SYRIENS    ORIENTAUX.  3 

triarche  de  Rome  (1),  de  célèbres  écrivains;  ce  sont  :  David 
évêque  de  Prath-Maïschan  (Bassora),  qui  donna  sa  démission 
et  alla  aux  Indes,  où  il  convertit  beaucoup  de  païens,  Gadyab 
évêque  de  Goundischabor,  Ebedjésus  évêque  de  Caschcar,  Jean 
évêque  de  Maïschan,  André  du  couvent  de  Mâré,  Abraham 
évêque  de  Teschtar  et  Miles  évêque  de  Suse.  Ce  furent  ceux-ci 
qui  se  réunirent  contre  Papas  et  lui  imputèrent  des  faits  con- 
damnables. » 

Maroutha,  dans  la  Vie  de  saint  Siméon  Bar-Sabbaê,  parle  de 
Gadyab  de  Goundischabor  et  de  Jean  de  Maïschan  en  disant 
qu'ils  eurent  la  tête  tranchée  avec  ce  patriarche  en  341  (2).  Je 
pense  qu'Ebedjésus  de  Caschcar  est  la  même  personne  qu'Ar- 
chélaùs,  qui  fleurit  vers  277  et  disputa  contre  Manès  (3)  ;  les 
écrivains  grecs  auraient  jeté  son  nom  dans  un  moule  hellé- 
nique. Quant  à  Miles,  Ebedjésus  de  Nisibe  lui  attribue  des  let- 
tres et  des  homélies  (4)  ;  ses  actes  ont  été  publiés  par  Ev.  As- 
sémani  et  P.  Bedjan  (5). 


II 

CYROLLONA  OU  CYORÉ. 

Cyrollona  est  Fauteur  d'un  poème  sur  les  calamités  qui  arri- 
vèrent de  son  temps  :  le  fléau  des  sauterelles  et  l'invasion  des 
Huns  (en  396);  on  possède  encore  de  lui  quelques  autres  poé- 
sies sur  le  crucifiement,  sur  la  Pâque  et  le  froment.  M.  Bickell, 
qui  a  publié  ses  œuvres,  l'identifie  avec  Absamya  le  neveu  de 
de  saint  Ephrem,  qui  lui  aussi  composa  des  hymnes  et  des  ho- 
mélies sur  l'invasion  des  Huns  (6). 

meurtre  de  Polychrone  ou  de  Schahlupas  par  les  rois  romains,  aucun  des  évè- 
ques  orientaux  n'aurait  osé  se  rendre  à  Antioche,  comme  ses  prédécesseurs,  pour 
y  être  consacré.  Ainsi,  suivant  moi,  Polychrone  qui  a  été  tué  par  le  roi  Dèce 
en  250,  serait  Schahlupas;  et  ce  serait  Papas,  et  non  Schahlupas,  qui  serait  le 
premier  primat  consacré  en  Orient. 

(1)  Etienne  gouverna  l'Église  depuis  253  jusqu'à  257. 

(2)  P.  Bedjan,  Acta  mart.,U,  131. 

(3)  R.  Ceillier,  Hist.  yen.  des  auteurs  sacrés,  II,  453. 

(4)  Ass.,  B.  0.,  I,  12,  186;  III,  pars  I,  51. 

(5)  P.  Bedjan,  Acta  mari.,  II,  260-575. 

(6)  R.  Duval,  Litlér.  syr.,  337-338. 


4  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

Ce  Cyrollona  serait  Cyoré  ou  Kyoré  (i***«),  dont  parle  Bar- 
hadbeschabba  Arbaïa  dans  son  traité  sur  la  session  des  éco- 
les (1),  et  qui  a  succédé  à  saint  Ephrem  dans  la  direction  de 
l'école  d'Édesse  :  Barhadbeschabba  en  parle  avec  beaucoup  d'é- 
loge :  «  Il  avait,  dit-il,  un  esprit  très  illuminé;  il  était  tout  à 
Dieu;  il  était  si  dévoré  par  l'amour  de  l'instruction,  que  lui- 
même  prit  à  tâche  et  d'interpréter  et  d'enseigner  la  lecture  et 
de  faire  épeler  et  de  faire  des  homélies  dans  l'église.  Quoiqu'il 
fût  assidu  au  jeûne  et  à  la  mortification,  il  s'acquittait  toute- 
fois avec  zèle  de  toutes  ces  charges.   » 

Barhadbeschabba  ajoute  que  Narsaï  succéda  à  Cyoré  dans  la 
direction  de  l'école.  Or,  saint  Ephrem  étant  mort  en  373,  et  le 
départ  de  Narsaï  d'Édesse,  où  il  enseigna  vingt  ans,  ayant  eu 
lieu  en  457  (2),  Cyoré  aurait  dirigé  l'école  d'Édesse  pendant 
soixante-quatre  ans  —  si  toutefois  entre  lui  et  saint  Ephrem  il 
n'y  a  pas  eu  un  autre  directeur  de  l'école  —  et  serait  mort  en 
437.  Les  Nestoriens  faisaient  la  commémoraison  de  Cyoré  avec 
saint  Ephrem  et  Mar  Narsaï  le  VI0  vendredi  de  l'Epiphanie. 


III 

ELISÉE    L'INTERPRÈTE. 

Ebedjésus  de  Nisibe  (3)  dans  son  catalogue  des  écrivains  sy- 
riens énumère  ainsi  les  œuvres  d'Elisée  :  «  Elisée  l'interprète, 
dit-il,  composa  des  commentaires  sur  Job,  sur  les  deux  épîtres 
aux  Corinthiens,  et  sur  les  trois  autres  qui  les  suivent,  la  cause 
des  sessions  et  des  martyrs,  des  actions  de  grâces  et  des  dis- 
cours.  » 

Assémani  (B.  0.,  III,  i,  100)  identifie  cet  écrivain  avec  le  pa- 
triarche Elisée  (523-539).  Mais  il  s'est  trompé.  Aucun  chrono- 
graphe  ne  dit  que  le  patriarche  Elisée  ait  composé  quelque  ou- 
vrage. 

Elisée,  qu'Ebedjésus  mentionne  dans  son  catalogue    était  le 

(1)  Ce  traité  se  trouve  dans  ua  manuscrit  à  notre  bibliothèque  de  Séert.  Voir 
ci-dessous,  n"  XV. 

(2)  R.  Pavai,  Littér.  syr.,  346. 

(3)  Apud  Assémani,  B.  0.,  III,  i.  100. 


LES    ECRIVAINS    SYRIENS    ORIENTAUX.  5 

compagnon  de  Narsaï  dans  l'école  d'Édesse  et  il  lui  succéda 
dans  la  direction  de  l'école, de  Nisibe.  La  chronique  de  Séert  (1) 
en  dit  que  :  «  le  roi  Kawad  voulant  que  chaque  secte  qui  se 
trouvait  dans  son  royaume  fit  un  traité  sur  sa  foi  pour  le  lui 
présenter,  le  patriarche  Acace  demanda  à  Elisée,  qui  était  in- 
terprète à  Nisibe,  et  qui  était  un  de  ceux  qui  avaient  quitté 
Édesse  avec  Narsaï,  d'écrire  un  livre,  dans  lequel  il  prouverait 
la  réalité  de  la  religion  chrétienne.  Elisée  composa  un  livre  sur 
la  religion  et  le  divisa  en  38  chapitres  ayant  pour  sujet  :  l'es- 
sence divine,  la  Trinité,  la  Création,  l'hexaméron,  la  création  de 
l'homme  et  des  anges,  la  chute  de  Satan  et  la  venue  de  N.-S. 
Acace  traduisit  cet  ouvrage  en  persan  et  le  présenta  au  roi,  qui 
le  préféra  à  tous  les  ouvrages  des  autres  religions.  Elisée  com- 
posa aussi  des  commentaires  sur  toutes  les  lettres  paulines,  sur 
Job,  Josué,  les  Juges  et  les  Rois  et  la  cause  de  la  session  des 
écoles  ». 

Barhadbeschabba  Arbaïa,  dans  «  la  cause  de  la  session  des 
écoles  »,  l'appela  fils  de  Qozbayé  p^)Q^^  et  dit  de  lui  qu'après  la 
mort  de  Narsaï,  il  lui  succéda  dans  la  direction  de  l'école  de  Ni- 
sibe, qu'il  dirigea- pendant  sept  ans.  Il  composa  bien  des  ou- 
vrages, il  écrivit  contre  les  mages  et  contre  les  hérétiques  et  fit. 
des  commentaires  sur  tous  les  livres  de  l'Ancien  Testament. 

Suivant  Barhadbeschabba,  Elisée  serait  mort  en  509  (2). 

Reste  une  difficulté  à  résoudre,  Barhadbeschabba  dit  claire- 
ment que  cet  Elisée  n'a  pas  été  évoque  ;  tandis  que  la  chronique 
de  Séert  et  Maris  dans  le  Livre  de  la  Tour  disent  de  lui  qu'il  a  été 
consacré  évêque  pour  Nisibe.  Quant  aux  statuts  de  l'école  de 
Nisibe  et  aux  actes  du  synode  de  Mar  Babai,  ils  nous  montrent 
qu'en  496  et  497,  Osée  était  évêque  de  Nisibe.  Barhadbeschabba 
est  beaucoup  plus  digne  de  foi  que  l'auteur  de  la  susdite  chro- 
nique et  Amri;  car  il  était  de  la  même  famille  et  il  a  vécu  au 
même  siècle  qu'Elisée,  ayant  écrit  son  traité  à  la  fin  du  vie  siè- 
cle, du  vivant  même  de  Henana  d'Adiabène.  Maris  et  l'auteur  de 
la  chronique  de  Séert  auraient  donc  confondu  Elisée  l'interprète 
avec  Osée  de  Nisibe;  et  en  effet,  la  ressemblance  des  deux  noms 
d'Elisée  et  d'Osée,  leur  résidence  dans  une  même  ville,  leur 


(1)  Voir  ci-dessus,  page  2,  n.  -2. 

(2)  Voir  ci-dessous,  n"  IV. 


6  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

contemporanéité  :  tout  aurait  porté  ces  deux  auteurs  à  identifier 
les  deux  personnes  l'une  avec  l'autre. 


IV 


LES    MAITRES    DE    L  ECOLE    DE    NISIBE 

Barhadbeschabba  Arbaïa,  dans  son  traité  sur  la  session  des 
écoles,  nous  donne  de  précieux  renseignements  sur  l'école  de 
Nisibe  et  sur  ses  maîtres  depuis  l'année  157  jusqu'à  la  fin  du 
Vie  siècle. 

Narsaï  (1  ),  après  avoir  enseigné  vingt  ans  dans  l'école  d'Édesse, 
se  voyant  obligé  de  quitter  cette  ville,  se  rend  à  Nisibe  ;  Bar- 
sauma,  évêque  de  la  ville,  l'accueille  avec  empressement;  à  sa 
demande,  Narsaï  fonde  l'école  de  Nisibe  et  y  enseigne  pendant 
quarante-cinq  ans.  Le  départ  de  Narsaï  ayant  eu  lieu  en  457  (2), 
sa  mort  tomberait  en  502. 

Elisée  bar  Kosbayé  lui  succède  et  dirige  l'école  pendant  sept 
ans,  sa  mort  aurait  donc  eu  lieu  en  509  (3). 

Elisée  eut  pour  successeur  Abraham,  qui  était  des  parents  de 
Narsaï  (4);  il  dirigea  l'école  pendant  60  ans,  sa  mort  tomberait 
donc  en  569. 

Le  successeur  d'Abraham  fut  Mar  Jésuyab  Arzounaïa,  qui  au 
bout  de  deux  ans  fut  élu  évêque  pour  Arzoun  (5). 

Son  successeur,  Abraham  de  Nisibe  (6),  ayant  dirigé  l'école 
pendant  une  année  seulement,  sa  mort  tomberait  en  572,  et  la 
même  année  Henana  d'Adiabène  (7)  lui  aurait  succédé. 


(1)  Sur  Narsaï  et  ses  ouvrages  voir  Assémani  (B.  0.,  III,  i.  55,  56);  Wright, 
Syriac  literature,  2e  édit.,  p.  58  et  suiv. 

(2)  Sur  cette  date  voir  R.  Duval,  Littér.  syr.,  346. 

(3)  Voir  le  numéro  précédent. 

(4)  Il  s'appelle  encore  Abraham  de  Beth  Rabban.  c.-à-d.  de  la  maison  de  notre 
maître  (Narsaï);  sur  ses  ouvrages  voir  Ebedjésus  apud  Assémani  (B.  0.,  III, 
h  72). 

(5)  Jésuyab  devint  ensuite  patriarche  en  581  et  mourut  en  595;  sur  ses  œuvres 
voir  Assémani,  B.  0.,  III,  i,  108. 

(6)  Ibid.,  81. 

(7)  Ibid,,  83-84. 


,   LES    ECRIVAINS    SYRIENS    ORIENTAUX.  / 

V 

MA'NA,    ÉVÊQUE  DE   RÉWARDASCHIR 

Barhadbeschabba  Arbaï'a  dans  son  traité  sur  la  session  des 
écoles  dit  de  ce  Ma'na  qu'il  était  compagnon  de  Narsaï  et  de 
Barsauma  dans  l'école  d'Édesse,  et  qu'ayant  terminé  ses  études, 
il  quitta  l'école  avant  Narsaï  et  après  Barsauma,  et  se  rendit  en 
Perse,  où  il  devint  l'évèque  d'Ardaschir  (1).  Suivant  Ebecljé- 
sus  (2)  et  Élie  de  Nisibe  (3),  Barsauma  ayant  été  fait  évêque  de 
Nisibe  en  435,  le  départ  de  Ma'né  d'Édesse  serait  vers  ce  même 
temps. 

La  chronique  de  Séert  (4)  nomme  quatre  évèques  de  Ré- 
wardaschir,  savoir  :  Mana,  Ma'na,  Mari  et  Ma'na  (U*^  1>U 
L*»j  ,c,U},  et  c'est  de  ce  dernier  qu'elle  dit  qu'il  était  compagnon 
de  Narsaï,  de  Barsauma  et  d'Acace  dans  l'école  d'Édesse,  et 
qu'il  traduisit  en  syriaque  les  œuvres  de  Diodore  de  Tarse  et  de 
Théodore  de  Mopsueste,  et  qu'il  composa  en  persan  des  hymnes, 
des  poésies  et  des  homélies  :  «  Il  prit  parti  pour  Barsauma, 
ajoute-t-elle,  contre  le  patriarche  Baboï  (466-481),  mais,  ayant 
assisté  ensuite  au  synode  du  patriarche  Acace  (5)  (484-496),  il 
annula  ses  premières  démarches.  » 

C'est  donc  à  tort  que  Barhébraeus  (6)  et  Assémani  (7)  ont  con- 
fondu ce  Ma 'né  avec  le  patriarche  Ma'na,  qui  succéda  à  Iaba- 
laha  I  en  420.  Le  successeur  de  Iabalaha  serait  Ma'na  I,  évêque 
de  Réwardaschir,  dont  parle  la  chronique  de  Séert;  tandis  que 
Ma'na  II  ne  serait  devenu  évêque  qu'après  la  mort  du  célèbre 
Mari,  évêque  de  la  même  ville,  et  auquel  Ibas  d'Édesse  avait 
adressé  sa  fameuse  lettre. 


(1)  Ce  nom  est  tantôt  écrit  Àrdàschir,  tantôt  Beth-Ardaschir  et  tantôt  Réwar- 
daschir. 

(2)  Règle  des  jugements  ecclésiastiques. 

(3)  Chronique  d'Élie  de  Nisibe. 

(4)  Voir  ci-dessus,  n°  I,  n.  1. 

(5)  Voir  aussi  .1.  B.  Chabot,  Synodicon  orientale,  300. 
(G)  Chron.  eccl.,  II. 

(7)  B.  0.,  III,  i,  376,  381. 


8  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

VI 

JACQUES    DE    GOUNDISCHABOR 

La  chronique  de  Séert  en  dit  qu'il  était  métropolitain  de 
Goundischabor,  sous  Elisée  et  Narsaï,  qui  se  disputèrent  la 
chaire  du  patriarcat,  depuis  523  jusqu'à  539.  Jacques  ne  se 
mêla  point  de  ce  débat,  seulement,  ayant  vu  qu'Elisée  nuisait 
beaucoup  aux  évêques  qui  n'étaient  pas  d'accord  avec  lui,  il 
écrivit  un  livre  sur  les  devoirs  des  pasteurs,  les  excitant  à  bien 
gouverner  l'Église;  il  y  parla  encore  des  dommages  notables 
causés  par  Elisée. 


VII 


THEOPHILE   LE   PERSAN 

Ebedjésus  de  Nisibe  (1)  le  compte  parmi  les  écrivains  grecs 
et  lui  attribue  deux  livres,  l'un  contre  Cyrille  d'Alexandrie  et 
l'autre  contre  Dosthïeus.  Mais  je  pense  que  ce  Théophile  est  un 
des  écrivains  syriens  orientaux  et  d'origine  persane,  ainsi  que 
l'indique  son  surnom  ;  il  avait  encore  écrit  un  autre  livre  inti- 
tulé :  Année  (\L±a)  (2),  et  des  commentaires  sur  l'Écriture 
sainte  (3). 

La  chronique  de  Séert,  dans  la  Vie  de  Mai*  Aba  I,  dit  que  «  ce 
patriarche,  étant  à  Nisibe,  convertit  à  la  vraie  foi  Théophile 
qui  avait  abandonné  la  route  de  vérité  ».  Cette  personne  ne 
serait-elle  pas  Théophile  le  persan? 


(1)  Apud  Assémani,  B.  0.,  III,  i,  42. 

(2)  Éclaircissement  des  mots  difficiles  dans  le  Pehtateuque.  Ce  livre  se  trouve 
en  plusieurs  manuscrits  aux  bibliothèques  de  Séert,  de  Diarbékir,  de  Kerkuk  et 
du  couvent  de  Rabban  Ilormezd. 

(3)  Livre  du  Jardin  des  délices,  note  finale:  Rabban  Denha,  commentaire  sur 
les  Psaumes,  note  au  commencement  :  ces  deux  livres  se  trouvent  à  notre  biblio- 
thèque de  Séert  et  à  celle  du  couvent  de  Rabban  Ilormezd. 


LES    ECRIVAINS    SYRIENS    ORIENTAUX.  9 

VIII 

ABRAHAM   BAR    LIPÉH 

Assémani  (1)  prétend  que  c'est  Abraham  bar  Lipéh  qui  a  été 
le  maître  du  patriarche  Timothée  le  Grand  (780-823);  mais  il 
s'est  trompé  :  le  maître  de  Timothée  est  Abraham  bar  Daschna- 
tiad,  dont  parle  aussi  Assémani  (2)  dans  sa  Bibliothèque  orien- 
tale. Thomas  de  Marga  (3)  dit  simplement  que  le  maître  de  Ti- 
mothée était  Abraham,  sans  en  désigner  le  surnom  ;  mais  le  Livre 
de  la  Tour  (4)  nous  apprend  que  le  surnom  d'Abraham,  maître 
de  Timothée,  était  le  «  boiteux  »  ;  or,  Assémani  (5)  donne  ce  sur- 
nom, non  à  Abraham  bar  Lipéh,  mais  à  Abraham  Bar  Daschna- 
dad  (6). 

Abraham  bar  Lipéh  appartiendrait  donc  au  vi"  siècle,  et  serait 
cet  Abraham  dont  Issaï  l'interprète  (7)  parle  avec  éloge  dans  son 
traité  sur  la  commémoraison  des  martyrs  et  dit  qu'il  a  été  inter- 
prète dans  l'école  de  Séleucie. 

Ebedjésus  (8)  attribue  à  Abraham  bar  Lipéh  un  livre  de  l'ex- 
position des  offices  de  l'Église.  Quelques  chapitres  de  ce  livre  se 
trouvent  dans  deux  manuscrits  du  couvent  de  Rabban  Hormezd 
et  de  l'Église  de  'Ainkawa  dans  le  diocèse  de  Séert.  Abraham 
était  du  pays  des  Katars,  ainsi  que  l'indique  le  titre  de  son 
livre. 

IX 

ABA   CASCHCRÀÏA 

Ebedjésus  (9;  attribue  à  Aba  Caschcraïa  des  explications,  des 
lettres  et  l'éclaircissement  de  toute  la  logique  d'Aristote. 

(1)  B.  0.,  III,  i,  196. 

(2)  Ibid.,  194. 

(3)  Liber  superiorum,  lib.  IV,  cap.  m. 

(4)  Édit.  Gism.,  p.  ('>('>. 

(5)  B.  0.,  III,  i,  194. 

(6)  Comparer  encore  Liber  superiorum,  lib.  III,  cap.  m;  R.  Duval,  Litt.  syr.,  381. 

(7)  Voir  ci-dessous,  n°  XI. 

(8)  Apud  Assémani,  B.  0.,  III,  i,  190. 

(9)  Ibid.,  154. 


10  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Assémani  (1)  l'identifie  à  tort  avec  Abraham  Caschcraïa,  qui 
fonda  le  célèbre  couvent  d'Izla,  qui  écrivit  des  règles  pour  ses 
moines  en  571  et  qui  mourut  en  588  (2). 

Aba  Caschcraïa  était  à  la  porte  (à  la  cour)  du  roi-Chosroès  Ir 
surnommé  Anoschirwan  (531-578).  Voici  ce  qu'en  dit  la  chro- 
nique de  Séert  :  «  Aba  Caschraïa  était  un  de  ceux  qui  étaient  au 
service  du  roi  Chosroès;  il  était  un  des  plus  puissants  de  tous 
ceux  qui  se  trouvaient  à  la  Porte  :  il  était  instruit  dans  la  philo- 
sophie, l'astronomie  et  la  médecine;  il  savait  le  persan,  le  syria- 
que, le  grec  et  l'hébreu;  il  composa  beaucoup  de  livres;  il  tra- 
duisit des  lettres  (livres?)  qui  n'étaient  pas  encore  passées  en 
syriaque.  Le  roi  l'envoya  en  mission  auprès  du  roi  Mau- 
rice. Il  servit  l'Église  auprès  du  roi  sous  Sabrjésus  et  Grégoire 
patriarches  (596-609).  » 

X 

RAMISCHO  '    L'iNTERrRÈTE 

Ramischo'  était  disciple  du  patriarche  Mar  Aba  I  (540-552), 
et  interprète  dans  l'école  de  Séleucie  ;  il  devint  ensuite  évêque 
d'Anbar  (3). 

Jésuyab  bar  Malkoun  dans  son  livre  de  grammaire  (4)  attribue 
à  Ramischo'  un  livre  de  grammaire  qui  ne  nous  est  point  par- 
venu. 


XI 


ISSAl    L INTERPRETE 

Issaï  a  un  traité  sur  la  commémoraison  des  martyrs,  qui  se 
trouve  dans  un  manuscrit  à  notre  bibliothèque  de  Séert;  ce 
traité  est  divisé  en  neuf  chapitres,  ayant  pour  sujet  :  Pourquoi 


(1)  Ibkl. 

(2)  Sur  cette  date  voir  Ebedjésus  de  Nisibe  :  Règle  des  jugements  ecclésiastiques. 

(3)  Mari,  Le  livre  delà  Tour,  édit.  Gism.,  50;  Chronique  de  Séert. 

(Il  Ce  livre  est  intitulé  :  Livre  d'éclaircissement,  et  se  trouve  dans  trois  manus- 
crits à  notre  bibliothèque  de  Séert. 


LES    ÉCRIVAINS    SYRIENS    ORIENTAUX.  11 

ceux  qui  ont  souffert  pour  le  Christ  ont-ils  été  appelés  martyrs 
et  confesseurs  ?  Que  signifie  commémoraisoir?  Pourquoi  faisons- 
nous  la  commémoraison  des  martyrs  le  premier  vendredi  de 
Pàque?  Où  se  trouvent  les  âmes  des  justes?  En  honorant  les 
ossements  des  martyrs,  nous  ne  les  adorons  pas  comme  nous 
adorons  Dieu,  etc. 

Issaï  était  disciple  du  patriarche  Mar  Aba  I  (5 10-552);  il  était 
interprète  dans  l'école  de  Séleucie,  et  il  semble  avoir  succédé  à 
Ramischo'  dans  cette  charge  (1);  la  chronique  de  Séert  dit  de 
lui  qu'après  la  démission  du  patriarche  Joseph,  il  a  été  un  des 
compétiteurs  au  patriarcat.  Issaï  serait  mort  sous  Ézéchiel 
(567-580),  car  à  l'élection  de  Jésuyab  I,  Job  était  interprète  de 
l'école  de  Séleucie  (2). 


XII 


AHOUDEMMEH 

Ebedjésus  de  Nisibe  (3)  catalogue  Ahoudemmeh  parmi  les 
écrivains  nestoriens  et  lui  attribue  les  ouvrages  suivants  : 
«  Un  livre  contre  les  philosophes,  un  autre  contre  les  mages; 
un  livre  de  définitions,  sur  la  logique,  un  traité  sur  la  compo- 
sition des  personnes  (4),  sur  le  libre  arbitre,  sur  l'âme  et  sur 
l'homme  considéré  comme  le  microcosme;  il  a  encore  des 
instructions  d'un  style  clair  et  élégant.  » 

Assémani  (5),  s'appuyant  sur  les  paroles  de  Barhébraeus  (6) 
sur  un  certain  Ahoudemmeh,  qui  a  été  élevé  au  siège  métro- 
politain de  Tagrit  par  Jacques  Baradée  en  559  et  massacré  par 
Chosroés  Anoschirwan  en  575,  dit  qu'Ahoudemmeh,  qu'Ebed- 
jésus  mentionne  dans  son  catalogue,  est  le  même  que  cet  Ahou- 
demmeh dont  parle  Barhébraeus. 

(1)  Toutefois,  Mari  dans  Le  livre  de  la  Tour  (Édit.  Gism.  50)  dit  que  c'est  Ra- 
mischo  qui  a  succédé  à  Issai. 

(2)  Aniri,  Livre  de  la  Tour,  édit.  Gism.,  44. 

(3)  Apud  Assémani,  B.  0.,  III.  i.  192. 

(4)  M.  Du  val  dit  que  c'était  un  traité  sur  la  composition  de  l'homme  en  corps 
et  en  àme  (Litt.  syr.,  250). 

(5)  Ass.,  B.  0.,  III,  i,  192. 

(6)  Chron.  eccles.,  II. 


12  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Non  seulement  rien  ne  prouve,  à  ma  connaissance,  que 
ces  deux  Ahoudemmeh  soient,  comme  l'ont  cru  Assémani  et 
les  orientalistes,  une  seule  et  même  personne,  mais  aussi 
tout  prouve  le  contraire  (1). 

1°  Ahoudemmeh,  dont  parle  Ebedjésus,  est  un  écrivain 
assez  fécond.  Or  Barhébraeus,  dont  ce  n'est  pas  l'habitude  de 
passer  sous  silence  les  ouvrages  des  écrivains  de  sa  secte, 
quand  il  en  parle,  ne  dit  rien  ni  sur  la  science  d' Ahoudemmeh 
de  Tagrit,  ni  sur  ses  écrits;  de  même  les  autres  auteurs  jaco- 
bites,  qui  en  ont  parlé,  n'ont  rien  dit  sur  ses  ouvrages* 

2°  Ebedjésus  avait  lu  sans  doute  les  ouvrages  d'Ahou- 
demmeh  :  témoin  ce  qu'il  dit  de  ses  instructions  qu'elles  ont 
un  style  clair  et  élégant.  La  bibliothèque  de  Nisibe  (et  surtout 
celle  de  son  école)  avait  acquis  une  fort  belle  collection  d'ou- 
vrages des  auteurs  nestoriens  (2);  c'est  certainement  grâce  à 
cette  bibliothèque  qu'Ebedjésus  put  composer  son  célèbre 
catalogue  des  écrivains  ecclésiastiques.  Or  les  susdites  ins- 
tructions étaient  probablement  religieuses  et  ne  devraient  pas 
laisser  de  doutes  sur  la  confession  de  l'auteur. 

Ahoudemmeh  dont  parle  Ebedjésus ,  serait  donc  autre 
qu'Ahoudemmeh  dont  parle  Barliébraeus.  Ne  serait-ce  pas 
cet  Ahoudemmeh,  évêque  de  Ninive,  qui  en  554  assista  au 
synode  du  patriarche  Joseph  (3)  et  dont  les  Nestoriens  faisaient 
la  commémoraison  le  IIe  vendredi  d'été  avec  les  autres  évèques 
de  Ninive? 

XIII 

NATHNIÈL    DE    SIRZOR 

Ebedjésus  (4)  lui  attribue  des  controverses  contre  les  Mono- 
physites,  les  Manichéens,  les  Cantéens  et  les  Mandréens  (Man- 
déens)  (5),  et  un  commentaire  sur  les  Psaumes. 

(1)  [Voir  page  1,  note  1.  —  F.  Nau.] 

(2)  Statuts  de  l'école  de  Nisibe  :  II, .8;  Vie  de  Bar  Edta  (cotte  Vie  se  trouve  dans 
un  manuscrit  à  la  bibliothèque  du  couvent  do  Rabban  Hormezd). 

(3)  Synodicon  Orientale,  synode  de  Joseph  patriarche. 

(4)  Apud  Assém.,  B.  0.,  III,  i,  224. 

(5)  Sur  ces  diverses  sectes  voir  Théodore  bar  Koni,  Livre  des  seholies,  IIe  livre, 
II.  Pognon,  Inscrip.  Mandaïles,  etc.,  Paris,  1898,  p.  220,  224. 


LES    ÉCRIVAINS    SYRIENS    ORIENTAUX.  13 

Assémani  l'identifie  à  tort  avec  Nathnièl,  moine  du  cou- 
vent de  Beth  'Abé,  qui  vivait  sous  Henanjésus  I  patriarche 
(686-700). 

Nathnièl,  qu'Ebedjésus  catalogue  parmi  les  écrivains,  était 
évoque  de  Sirzor  et  vivait  à  la  lin  du  vi°  siècle.  Voici  ce  qu'en 

dit  Jésudnah  de  Bassora  dans  le  Livre  de  la  Chasteté  :  « 

(lacune)  Interprète,  martyr,  évoque  de  Sirzor  et  auteur  d'un 
commentaire  de  David  et  d'un  livre  contre  les  mages,  était  du 
pays  de  Sirzor;  il  se  rendit  à  l'école  de  Nisibe,  où  il  s'instruisit 
dans  les  sciences;  il  composa  un  livre  de  controverse  contre  les 
Mages  et  un  commentaire  sur  les  Psaumes  ;  il  devint  évêque 
de  Sirzor;  le  roi  Chosroès,  lui  ayant  fait  subir  toutes  sortes  de 
tourments,  le  crucifia  sur  un  bois;  les  fidèles  l'ensevelirent 
dans  son  église  cathédrale  (1).  » 

La  lacune  qui  se  trouve  dans  le  Livre  de  la  chasteté  est  com- 
blée par  la  chronique  de  Séert  et  par  celle  qu'on  lit  dans  le 
Synodicon  Orientale  (2)  :  Voici  ce  qu'elles  disent  :  «  Quand  le 
roi  Chosroès  assiégeait  Dara,  un  de  ses  généraux  détruisit  les 
églises  de  Sirzor.  Les  fidèles  avec  leur  évêque  Nathnièl,  ayant 
vu  cela,  s'encouragèrent  et  chassèrent  le  général;  le  roi, 
l'avant  appris,  fit  arrêter  Nathnièl,  et  après  l'avoir  emprisonné 
six  ans,  il  le  fit  crucifier.  » 

Ce  Nathnièl  est  le  même  qui  a  siégé  en  585  au  synode  de 
JésuyabI,  et,  en  605,  au  synode  de  Grégoire  I  (3). 

Les  ouvrages  de  Nathnièl  ne  nous  sont  pas  parvenus;  seule- 
ment la  préface  de  son  commentaire  sur  les  Psaumes  se  trouve 
dans  un  manuscrit  à  la  bibliothèque  du  couvent  de  Rabban 
Hormezd. 

XIV 

bar'edta 

Bubens  Buval  (4)  en  parlant  de  Bar  'Edta  (et  non  Bar  Idta 

(1)  Livre  de  la  chasteté,  édit.  de  Bedjan,  u°  67. 

(2)  Ce  dernier  document  a  été  publié  par  Guidi  :  Un  nuovo  testo  syriaco  sulla 
storia  degli  ultimi  Sassanidi. 

(3)  J.-B.  Chabot,  Synodicon  Orientale,  123,  479. 
(1)  Litlér.  syr.,  222, 


14  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

ainsi  qu'il  l'écrit)  dit  :  «  Il  était  contemporain  de  Sahdona;  il 
avait  écrit  une  biographie  de  ce  dernier,  qui  ne  s'est  pas  re- 
trouvée; Bar  Edta  doit  être  distingué  du  fondateur  du  couvent 
de  ce  nom,  dont  la  Vie  avait  été  écrite  par  Jean  le  moine;  il  est 
l'auteur  d'une  histoire  monastique,  qui  est  souvent  citée  par 
Thomas  de  Marga.  »  Et  en  note  il  ajoute  :  «  M.  Goussen  signale 
les  erreurs  d'Assémani  (1)  et  de  Wright,  qui  ont  confondu 
ces  deux  personnages.  » 

M.  Duval  et  M.  Goussen  ont  raison  en  ce  qui  concerne  l'exis- 
tence de  deux  personnages  du  nom  de  Bar  'Edta;  mais  rien  ne 
prouve  que  le  premier  ait  écrit  une  biographie  de  Sahdona  et 
que  le  dernier  soit  l'auteur  d'une  histoire  monastique.  Cette 
erreur  provient  de  ce  qu'ils  ont  mal  interprété  les  passages 
suivants  de  Thomas  de  Marga,  lib.  I,  cap.  23,  24,  où  il  est 
écrit  :  «  que  ce  que  dit  Rabban  Jésuzkha  sur  l'époque  de 
Jacques  de  Beth  'Abé  est  réel,  ainsi  qu'il  l'a  lu  dans  l'histoire 
)N,..I  de  Bar  'Edta,  et  que  Sahdona  était  du  village  de  Halmon, 
ainsi  que  le  dit  l'histoire  de  Bar  cEdta.  »  Or  il^  ^?  h^-»l  ne  signifie 
pas  une  histoire  composée  par  ce  moine,  mais  sa  biographie; 
et  de  fait  la  biographie  de  Bar  'Edta  parle  et  de  Jacques  de 
Beth  'Abé  et  de  Sahdona. 

La  biographie  de  Bar  'Edta  se  trouve  dans  un  manuscrit 
au  couvent  de  Rabban  Hormezd;  elle  a  été  écrite  en  vers  de 
sept  syllabes  par  un  certain  Abraham  Zabaïa  et  est  extraite  de  sa 
longue  biographie  écrite  par  Jean  le  moine  (3).  Rabban 
Bar  'Edta  était  du  village  de  Raspa  sur  i'Euphrate,  il  fit  ses 
études  à  Nisibe,  puis  il  se  rendit  au  pays  de  Ninive,  où  il 
fonda  un  couvent;  il  mourut  vers  612.  Sa  biographie  lui  at- 
tribue une  apologie  qu'il  aurait  composée  au  temps  de  Sabr- 
jésus  pour  l'offrir  au  roi  Chosroès. 

Quant  à  l'autre  Bar  'Edta,  nous  n'en  connaissons  rien  si  ce 
n'est  que  sous  Henanjésus  I  (686-700)  il  était  un  des  moines  du 
couvent  de  Rabban  Sliba,  qu'on  avait  accusés  de  l'hérésie  des 
Msalyanés  (4). 

(1)  B.  0.,  III,  i,  458. 

(2)  R.  Duval,  Littér.  syr.,  222. 

(3)  On  m'a  affirmé  que  cette  biographie  se  trouvait  aussi,  il  y  a  quelques 
années,  à  la  bibliothèque  du  même  couvent;  mais  je  l'ai  cherchée  en  vain  il  y  a 
trois  ans. 

(4)  Thomas   de  Marga,  lib.  I,  cap.   xxvm   sur  la  secte  de  Msalynés  (l-i*^*) 


LES    ÉCRIVAINS    SYRIENS    ORIENTAUX.  15 

XV 

BARIIADRESCHABBA    ARBAÏA 

Ebedjésus  de  Nisibe  (1)  attribue  à  Barhadbeschabba  Arbaïa 
les  ouvrages  suivants  :  le  Livre  des  trésors  en  trois  volumes; 
un  traité  de  controverse  avec  toutes  les  sectes  ;  un  livre  d'his- 
toire; un  traité  sur  Diodore  de  Tarse  et  ses  partisans  et  des 
commentaires  sur  les  Psaumes  et  sur  l'Évangile  selon  saint 
Marc. 

Assémani  (2)  n'a  pas  pu  fixer  l'époque  de  Barhadbeschabba; 
la  chronique  de  Séert  nous  apprend  qu'il  était  disciple  de 
Henana  d'Adiabène  (3)  et  qu'il  était  du  nombre  des  300  disciples 
qui  quittèrent  l'école  de  Nisibe  à  la  suite  des  luttes  qui  eurent 
lieu  entre  Henana  et  Grégoire,  métropolitain  de  Nisibe  (4),  qui 
avait  censuré  les  doctrines  du  célèbre  docteur;  Barhadbe- 
schabba a  été  ensuite  nommé  évêque  de  Halwan;  et  c'est  en 
cette  qualité  qu'il  assista  au  synode  du  patriarche  Grégoire  en 
605  (5)  ;  la  chronique  qui  va  depuis  la  mort  de  Hormezd,  fils 
de  Chosroès,  jusqu'à  la  fin  de  l'empire  des  Sassanides  (6),  dit 
que  pendant  la  vacance  forcée  du  siège  patriarcal  de  Séleucie 
(609-628),  Barhadbeschabba  de  Halwan  était  célèbre  comme 
écrivain. 

Nous  avons  de  Barhadbeschabba  un  traité  sur  la  fondation  des 
écoles,  conservé  dans  un  manuscrit  de  notre  bibliothèque  de 
Séert;  or  dans  ce  traité,  l'auteur  se  présente  à  nous  comme  le 
disciple  de  Henana  d'Adiabène.  Ce  traité  est  moitié  théologique, 
moitié  historique.  Cette  dernière  partie  est  surtout  précieuse; 
elle  nous  retrace  l'histoire  de  l'école  de  Nisibe,  et  je  l'édite  en 
ce  moment  dans  la  Patrologie  orientale  Graffin-Nau. 

eCr/troct)  ;  voir  S.  Épiphane,  Hxres.,  lxx  ;  Théodorctus,  Hxrelic.  fabul.,  IV,  2  ;  Théo- 
dore Bar  Koni,  Livre  des  seholies,  liber  II. 

(1)  Apud  Asscm.,  H.  0.,  III,  i,  169. 

(2)  Ibid. 

(3)  Voir  ci-dessus,  n°  IV. 

(1)  Voir  le  Livre  de  la  Chasteté,   n°56;  sur  le  départ  des  300  disciples  voir 
Ainri,  édit.  Gism.,  52. 

(5)  Voir  les  actes  de  ce  synode  dans  le  Synodicon  Orientale  publié  par  J.-B. 
Chabot,  p.  605. 

(6)  Voir  ci-dessus,  n°  XIII,  page  13,  note  2, 


16  REVUE    DE    L'ûRIENT    CHRÉTIEN. 


XVI 


MICHAEL    L  INTERPRETE 


Assémani  (1)  semble  identifier  cet  écrivain,  auquel  Ebed- 
jésus  attribue  des  questions  sur  les  Ecritures  en  trois  volumes, 
avec  Michaèl,  évêque  des  Huzites,  qui  est  cité  dans  le  Livre  de 
la  Tour  (dans  la  Vie  du  patriarche  Théodose),  et  qui  mourut 
vers  854  (2). 

Michaèl  l'interprète  était  disciple  de  Henana  d'Adiabène, 
et  condisciple  de  Barhadbeschabba  Arbaïa;  il  quitta  avec 
lui  l'école  de  Nisibe,  lors  de  la  dispute  qui  eut  lieu  entre  son 
maître  Henana  et  Grégoire  de  Nisibe  (3).  Michaèl  s'appelait 
encore  Badoka  (-1),  ainsi  que  l'indique  le  titre  de  ses  traités 
qui  sont  parvenus  jusqu'à  nous.  Les  Nestoriens  en  font  la  com- 
mémoraison  avec  S.  Ephrem  et  Narsaï  le  VIe  vendredi  de  l'E- 
piphanie. 

Son  commentaire  sur  les  Écritures  ne  nous  est  pas  parvenu  ; 
seulement  bien  des  passages  en  sont  conservés  dans  les  livres 
de  Jésudad  év.  de  Hedattha,  de  l'interprète  des  Turcs  (5),  de 
l'éclaircissement  des  mots  difficiles  qui  se  trouvent  dans  le  Penta- 
teuque  (6),  etc. 

Les  traités  de  Michaèl,  qui  nous  sont  parvenus,  sont  ceux-ci  : 
1°  Traité  sur  l'homme  considéré  comme  microcosme;  il  se 
trouve  dans  un  manuscrit  à  la  bibliothèque  du  couvent  de 
Rabban  Hormezd. 

2°  Traité  sur  l'âme  de  l'homme  considérée  comme  micro- 
cosme; j'ai  trouvé  ce  traité  dans  un  manuscrit  dans  une  mai- 
son syrienne  catholique  à  Mossoul. 

3°  Un  livre  de  définitions  qui  se  trouve  dans  un  manuscrit  à 
la  bibliothèque  du  couvent  de  Rabban  Hormezd. 


(1)  /;.  0.?  III,  i,  147. 

(S)  Éclit.  Gism.  1896,  p.  7-2. 

(3)  La  chronique  de  Séert. 

(4)  )jsofa  signitie  scrutin. 

(5)  Voir  ci-dessous,  n°  XXX. 

(6)  Voir  ci-dessus,  n°  VII,  n.  2. 


LES    ÉCRIVAINS    SYRIENS    ORIENTAUX.  17 

4°  Des  fragments  de  son  livre  de  controverse  contre  les  héré- 
tiques, qui  se  trouve  dans  un  manuscrit  à  notre  bibliothèque 
de  Séert. 

5°  Un  traité  sur  la  fête  de  la  Vierge  Marie,  qui  se  trouve  dans 
un  manuscrit  de  notre  bibliothèque  de  Séert,  intitulé  :  Livre 
des  traités  sur  les  fêtes  (1).  Le  titre  du  traité  est  celui-ci  : 
«  Cause  de  la  commémoraison  de  la  B.  Marie,  mère  du  Christ, 
par  un  des  frères  de  l'école  de  Nisibe.  »  Un  passage  de  ce  traité 
■est  écrit  dans  le  livre  d'Isaac  Schbednaïa  sur  l'économie 
divine  (2),  au  nom  de  Michaèl  Badoka,  qui  en  serait  donc  lui- 
même  l'auteur.  Le  traité  est  divisé  en  sept  chapitres,  ayant 
pour  sujet  la  généalogie,  la  vie  et  les  vertus  sublimes  de  Marie. 


XVII 


GABRIEL    KATRA1A 

Ebedjésus  de  Nisibe  (3),  dans  son  catalogue,  mentionne  deux 
personnages  du  nom  de  Gabriel,  dont  l'un  est  appelé  Gabriel 
Arya  Ml  ^^  et  l'autre  Gabriel  Katraïa  i-^  ^^^.  Assémani 
place  le  premier  au  temps  d'Isaac  de  Ninive,  qu'il  suppose  être 
un  des  écrivains  du  vi°  siècle,  et  l'autre  au  temps  de  Péthion 
patriarche  (731-740). 

Il  me  paraît  très  probable  que  Gabriel  Arya  et  Gabriel 
Katraïa  sont  un  seul  et  même  personnage.  Car  :  1°  Gabriel 
Arya  était  lui  aussi  du  pays  des  Katars,  étant  parent  d'Isaac 
de  Ninive  qui  était  originaire  du  même  pays;  2°  le  Livre  d'é- 
claircissement des  mots  difficiles  du  Pentateuque  (4)  attribue 
à  Gabriel  Katraïa  des  commentaires  sur  les  Écritures  ;  or, 
c'est  à  Gabriel  Arya  qu'Ebedjésus  de  Nisibe  attribue  des  com- 
mentaires sur  les  passages  des  Écritures;  3°  l'Interprète  des 


(1)  Ce  livre  contient  treize  traités  sur  Noël,  la  sainte  Vierge,  l'Epiphanie,  le 
Carême,  le  Jeudi  Saint,  le  Vendredi  Saint,  la  Pàque,  les  martyrs,  l'Ascension,  la 
Pentecôte,  les  rogations  et  le  1er  Vendredi  de  la  Pentecôte,  composés  par  Tho- 
mas d'Édesse,  Kyoré  d'Édesse,  Possi,  Issaï  l'interprète  et  Henana  d'Adiabène. 

(2)  Voir  ci-dessous,  n°  XXXIII. 

(3)  Quid  Assémani,  B.  0.,  III,  i,  153,  172. 

(4)  Voir  ci-dessus,  n°  VII,  n.  2. 

ORIENT    CHRÉTIEN.  2 


18  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Turcs  dans  son  livre  intitulé  :  Jardin  des  délices  (1),  identifie 
Gabriel  Katraïa  avec  Gabriel  Arya  :  «  Gabriel  docteur  du  pays 
des  Kàtars,  dit-il,  qui  est  surnommé  Arya.  » 

Gabriel  Katraïa  semble  être  contemporain  de  Babaï  le  Grand 
qui  mourut  en  628  (2)  ;  car,  suivant  Ebedjésus  (3),  ce  dernier 
composa  des  discours  sur  ce  Gabriel;  et  suivant  un  livre  d'Épi- 
tomé  des  canons  synodaux  qui  se  trouve  dans  un  manuscrit  de 
notre  bibliothèque  de  Séert,  les  patriarches  Henanjésus  (686- 
700)  et  Aba  bar  Brikh  Sebyaneh  (742-753)  seraient  disciples  de 
Gabriel  Katraïa,  maître  de  l'école  de  Mahozé  (Séleucie).  Dans 
ce  cas  Gabriel  serait  beaucoup  plus  jeune  que  Babaï  le  Grand 
et  serait  mort  beaucoup  après  lui  ;  ce  serait  vers  la  fin  de  sa  vie 
que  les  deux  patriarches  susdits  auraient  été  ses  disciples. 


XVIII 

BABAÏ    BAR    NSIBNAYÉ,    BABAÏ    LE   SCRIBE    ET    BABAÏ    GBELTAÏA 

Assémani  (4)  identifie  Babaï  bar  Nsibnayé  u^j-"  ;^»  ~^>  avec 
Babaï  Gbeltaïa  pnw=^~^>;  R.  Duval  (5)  identifie  Babaï  bar  Nsib- 
nayé avec  Babaï  le  Scribe  et  Babaï  Gbeltaïa. 

Ces  trois  personnages  sont  bien  distincts  les  uns  des  autres. 
Babaï  bar  Nsibnayé,  qui  est  aussi  appelé  Babaï  le  Petit,  pour  le 
distinguer  de  Babaï  le  Grand,  était  contemporain  de  ce  dernier, 
qui  mourut  en  628  (6).  C'était  l'un  des  Persans  que  le  roi  Sapor 
avait  fait  établir  à  Nisibe  (7)  ;  il  se  fit  disciple  d'Abraham  de 
Caschcar  qui  mourut  en  588  (8)  ;  plus  tard  il  alla  à  la  montagne 
d'Arbelle,  où  il  se  fit  emprisonner  dans  une  grotte  ;  ensuite  il 
retourna  à  la  montagne  d'Izla,  où  il  fonda  un  couvent  (9). 
Il  y  eut  beaucoup  de  discordes  entre  lui  et  entre  Babaï  le  Grand; 

(1)  Voir  ci-dessous,  n°  XXX. 

(2)  Sur  cette  date  voir  la  chronique  de  Séert. 

(3)  B.  0.,  III,  i,  94. 

(4)  B.  0.,  III,  i,  177. 

(5)  Littér.  Syr.,  233,  380. 

(6)  Sur  cette  date  voir  la  chronique  de  Séert. 

(7)  Livre  de  la  Chasteté,  n°  17. 

(8)  Sur  cette  date  voir  Ebedjésus  de  Nisibe  :  Bègle  des  jug.  ecclés. 

(9)  Livre  de  la  Chasteté,  n°  17. 


LES    ÉCRIVAINS    SYRIENS    ORIENTAUX.  19 

il  composa  des  livres  ascétiques  et  des  hymnes  sur  la  péni- 
tence (1).  Ebedjésus  aussi  lui  attribue  des  discours,  des  hymnes, 
des  histoires,  des  conseils  et  un  livre  d'éducation  (3).  Deux  de 
ses  belles  poésies  sur  la  pénitence  sont  conservées  dans  deux 
manuscrits  à  notre  bibliothèque  de  Séert  et  à  celle  du  couvent 
deRabban  Hormezd. 

Babaï  le  scribe  des  grottes  \-£*>l  \U^>  >*»*  était  de  Behkwad  et 
scribe  du  Marzuban  (gouverneur)  de  la  ville  de  Hirta.  Un  jour, 
étant  sorti  avec  son  maître  à  la  chasse,  il  rencontra  un  soli- 
taire qui  habitait  dans  une  grotte  ;  il  se  fit  son  disciple  et 
habita  dans  une  grotte  près  de  la  sienne  où  il  mourut  âgé  de 
130  ans;  son  corps  fut  ensuite  transporté  au  couvent  de  M'arré 
par  Rabban  Khoudawi,  qui  vivait  sous  Georges  Ier  (661-681). 
Babaï  vivait  au  vie  siècle,  et  fut  appelé  :  «  le  scribe  des  grottes  », 
parce  que  c'est  dans  une  grotte  que  Dieu  l'attira  à  la  vie  mo- 
nastique (3).  Ebedjésus  lui  attribue  un  livre  de  distinction  des 
commandements  (4);  Jésudnah  de  Bassora  des  livres  ascé- 
tiques (5)  et  la  chronique  de  Séert  un  livre  sur  la  conduite  des 
supérieurs. 

Quant  à  Babaï  Gbeltaïa,  il  vivait  sous  le  patriarche  Sliba- 
Zekha  (714-728),  ainsi  que  nous  l'apprend  Thomas  de  Marga; 
il  était  originaire  de  Gbelta  dans  le  diocèse  de  Tirhan;  il  se 
consacra  à  la  réforme  de  la  musique  dans  l'Église  Chaldéenne; 
il  fonda  60  écoles  dans  les  diocèses  d'Adiabène  et  de  Marga  ;  il 
rétablit  sa  résidence  à  Kefar-Ouzel;  puis  sur  la  fin  de  sa  vie,  il 
alla  terminer  ses  jours  dans  son  pays  natal.  Babaï  écrivit  beau- 
coup de  discours  (poésies),  d'instructions  et  de  lettres;  il  com- 
posaaussi  des  oraisons  funèbres;  vingt-deiïx  cantiques  suivant 
l'ordre  alphabétique,  que  les  enfants  chantaient  au  dimanche 
des  Rameaux;  des  bénédictions  à  réciter  sur  les  nouveaux 
épousés,  et  trente-quatre  hymnes  sur  la  pénitence  et  sur  Jac- 
ques le  fondateur  du  couvent  de  Beth  Abé  (6). 


(1)  La  chronique  qui  va  depuis  la  mort  de  Hormezd  jusqu'à  la  lia  de  l'empire 
des  Sassanides ;  la  chronique  de  Séert. 

(2)  Apud  Assem.,  B.  0.,  III,  i,  177, 181. 

(3)  La  chronique  de  Séert;  le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  75. 

(4)  Apud  Ass.,  B.  0.,  III,  i,  188. 

(5)  Livre  de  la  Chasteté,  n°  75. 

(6)  Voir  Thomas  de  Marga,  lib.  IV,  cap.  i,  n,  m. 


20  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 


XIX 


HNANJESUS    LE    MOINE 

Hnanjésus  est  cité  dans  la  chronique  de  Séert  comme  auteur 
de  plusieurs  ouvrages.  Il  était  originaire  de  la  ville  de  Hirta  et 
s'appelait  'Amri;  il  était  même  parent  de  Na'man,  fils  de 
Moundar;  il  se  consacra  à  Dieu  dans  le  couvent  d'Izla,  où  il  fut 
le  compagnon  du  martyr  Georges  et  l'accompagna  même  à  la 
cour  royale  en  612  (1).  Après  la  mort  de  Gabriel  de  Singa'r  (2), 
il  se  rendit  à  Darabad  en  Beth  Garmaï,  où  il  évangélisa  les 
païens  et  fonda  un  couvent,  qui  fut  appelé  couvent  de  cAmri. 
Hnanjésus  composa  des  ouvrages,  entre  autres  un  livre  de 
controverse  contre  Escha'ya  Tahlaïa  et  Meskéna  'Arbaïa  (3). 
Babaï  le  grand  aussi  en  parle  avec  beaucoup  d'éloges  dans  la 
Vie  du  martyr  Georges  (4). 

Les  ouvrages  de  Hnanjésus  ne  nous  sont  pas  parvenus.  Quel- 
ques morceaux  de  sa  controverse  contre  les  catholiques,  pro- 
bablement contre  Escha'ya  Tahlaïa  et  Meskéna  'Arbaïa  (5),  se 
trouvent  dans  un  manuscrit  à  notre  bibliothèque  de  Séert. 

(1)  Voir  aussi    le  Synodicon    Orientale  publié  par  J.-B.  Chabot,    025    et  les 

suiv. 

(2)  Celui-ci,  d'abord  monophysite,  devint  Nestorien.  Puis,  ayant  divorcé 
et  pris  une  seconde  femme,  il  fut  excommunié  par  le  patriarche  Sabrjésus  et  re- 
tourna au  parti  des  monophysites  qu'il  appuya  grandement  de  son  crédit.  Voir 
sur  lui  la  chron.  de  Séert  et  Guidi,  Un  nuovo  testa  syriaco,  etc. 

(3)  ^^  ioam.ioo  i^X-l  ^*jji|  étaient  les  disciples  de  Henana  d'Adiabène  :  ce  sont 
les  seuls  qui  suivirent  ses  doctrines  (la  chron.  de  Séert).  Les  écrits  d'Escha'ya 
furent  condamnés  par  Jésuyab  d'Adiabène  avec  ceux  de  Sahdona  ;  ce  patriar- 
che dans  une  de  ses  lettres  à  Sahdona,  entre  autres  choses,  lui  dit  encore  : 
«  Souvenez-vous  qu'avant  nous,  Escha'ya  Tahlaïa,  homme  sans  esprit  et  sans 
raison,  a  écrit  ces  choses  (touchant  le  dogme  de  l'incarnation)  de  la  même  ma- 
nière, dans  le  même  but  et  avec  les  mêmes  expressions  que  vous.  »  Sahdona 
avait  embrassé  le  catholicisme,  ainsi  qu'on  le  voit  clairement  dans  son  livre 
ascétique  publié  par  Bedjan  en  1902;  par  conséquent  ces  deux  disciples  de 
Henana  eux  aussi  comme  leur  maître  s'étaient  convertis  au  catholicisme;  d'ail- 
leurs la  chronique  de  Séert  dit  que  ce  furent  les  disciples  d'Escha'ya  Tahlaïa  et 
de  Meskéna  qui  corrompirent  Sahdona. 

(4)  Bedjan,  Histoire  de  Mar  Iabalaha,  etc.,  514-515. 

(5)  Cette  controverse  est  contre  seux  qui  admettent  une  personne  et  deux  na- 
tures en  Jésus-Christ. 


LES    ÉCRIVAINS    SYRIENS    ORIENTAUX.  21 

XX 

BARSAUMA    DE    CARKIIA 

Ebedjésus  (1)  attribue  à  Barsauma  évêque  de  Carkha  un  livre 
intitulé  :  Du  foie  (hepar),  de  nombreuses  actions  de  grâces,  des 
oraisons  funèbres  et  des  homélies. 

Assémani  (2)  le  place  au  temps  du  patriarche  Péthion 
(731-741),  et  dit  qu'il  était  évèque  de  Carkha  de  Beth-Selokh 
(Kerkuk);  mais  il  s'est  trompé.  Barsauma  était  évêque  de 
Carkha  de  Suse  et  contemporain  du  patriarche  Jesuyab  II 
(628-647).  Barhébraeus  dans  sa  Chronique  ecclésiastique  (pars 
II)  dit  :  «  Jésuyab  II,  quand  il  fut  envoyé  en  ambassade  au  roi 
Héraclius  (3),  s'étant  converti  au  catholicisme,  de  retour  chez 
les  siens,  ne  fut  pas  bien  reçu  par  eux;  Barsauma  évêque  de 
Suse  lui  adressa  même  une  lettre  pleine  de  reproches.  »  La 
chronique  de  Séert  en  parle  plus  longuement  et  ajoute  que  Bar- 
sauma écrivit  des  oraisons  funèbres  et  un  livre  intitulé  :  Du 
foie.  La  même  chronique  a  conservé  aussi  la  version  de  deux 
lettres  que  Barsauma  écrivit  à  Jésuyab. 

XXI 

MIKHA    G  RAM  K  Aï  A 

Ebedjésus  (4)  attribue  à  Mikha  docteur  cinq  traités  sur  les  ses- 
sions, un  panégyrique  de  Mar  Sabrjésus  de  Laschom,  un  com- 
mentaire sur  les  livres  des  Rois,  et  un  discours  -sur  un  certain 
Kantropos.  Assémani  (5)  l'identifie  avec  Mikha,  compagnon  de 
Narsaï,  qui,  suivant  Siméon  deBeth-Arscham,  après  son  expul- 
sion d'Édesse,  serait  devenu  évêque  de  Laschom  en  Beth  Gar- 
ni aï. 

(1)  Apud  Assémani,  B.  0.,  III,  i,  173. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Cette  ambassade  eut  lieu  en  G30  sous  Boran,  fille  de  Chosroè   II. 

(4)  Apud  Assémani,  B.  0.,  III,  i,  169-170. 

(5)  Ibidem. 


22  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Il  est  inadmissible  que  ce  Mikha,  qui,  selon  Ebedjésus,  a 
composé  le  panégyrique  de  Mar  Sabrjésus  de  Laschom,  qui  en 
604  fut  élu  patriarche,  soit  le  même  personnage  que  Mikha, 
contemporain  de  Narsaï,  qui  vivait  au  ve  siècle.  Il  est  donc 
très  probable  qu'il  est  le  même  personnage  que  Mikha  Gram- 
kaïa,  dont  'Amr  bar  Mattaï  dit  (1)  qu'il  se  rendit  célèbre  avec 
Daniel  bar  Mariam  sous  Jésuyab  III  (651-660).  Élie  de  Nisibe 
lui  aussi  dans  sa  chronique  cite  ce  Mikha  comme  auteur  d'une 
chronique  (2). 

Les  cinq  traités  que  composa  Mikha  sur  les  sessions,  étaient 
sans  doute  sur  les  sessions  des  écoles,  et  par  conséquent  histo- 
riques; Élie  de  Nisibe  l'aurait  donc  cité  comme  auteur  de  ces 
traités.  En  effet  c'est  à  tort  qu'Assémani  (3)  explique  pa.»*»  ic^ 
par  xa0(ff{xaTO!  du  Psautier.  Ainsi,  tous  ces  passages  d'Ebedjésus  : 
py.(x*>j  i&io.  o^o.  :i_i_cuLaio  >»ju>sso  :o^iis;  i^sxo  :^»»  c^aj^oofî-a/  veulent  dire  qu'ils 
composèrent  des  traités  sur  «  les  sessions  »  ou  «  la  fonda- 
tion »  des  écoles.  La  chronique  de  Séert,  en  énumérant  les  ou- 
vrages d'Abraham  de  Beth  Rabban  (  1)  et  d'Elisée  l'interprète  (5), 
traduit  les  ouvrages  intitulés  p;lû*»  iec^  par  ^JjJ]  *-^»  <-s^~> 
JjC-jJ!  ^j.  D'ailleurs  le  titre  du  traité  de  Barhadbeschabba  Ar- 
baïa  (6)  sur  la  session  des  écoles  est  encore  i^io^o»  itc^  (7). 


XXII 


SOUR1N    L  INTERPRETE 

Suivant  Joseph  Hazzaïa  (8),  Sourin  était  interprète  à  Nisibe 
au  viie  siècle  (9);  il  a  écrit  l'histoire  des  plus  célèbres  moines 

(1)  Édit.  Gism.,  p.  50. 

(2)  R.  Duvai;  213. 

(3)  B.  0.,  III,  i,  71,  148,  167. 

(4)  Voir  ci-dessus,  n°  IV. 

(5)  Voir  ci-dessus,  n°  III. 

(6)  Voir  ci-dessus,  ir  XV. 

(7)  Ce  titre  est  tantôt  écrit  i^Loio»  |is\i.  et  tantôt  (jJLaao.  |j&». 

(8)  Dans  son  livre  intitulé  :  Livre  de  réponses  et  de  questions,  cap.  n.  Ce 
livre  se  trouve  dans  un  manuscrit  à  notre  bibliothèque  de  Séert;  il  est  ascé- 
tique. 

(9)  Ne  serait-ce  pas  le  successeur  de  Henana  d'Adiabène  dans  la  direction  de 
l'école  de  Nisibe? 


LES    ÉCRIVAINS    SYRIENS  ORIENTAUX.  23 

du  couvent  de  Babaï  le  Petit;  il  était  contemporain  de  Rabban 
Gabriel,  supérieur  du  susdit  couvent,  et  de  Rabban  Narsaï,  su- 
périeur du  couvent  de  la  montagne  d'izla  (1). 

Il  est  très  probable  que  Sourin  l'interprète,  auquel  Ebedjé- 
sus  (2)  attribue  des  controverses  contre  les  hérétiques,  et 
qu'Assémani  (3)  identifie  avec  Sourin,  qui  fut  nommé  patriarche 
en  754,  est  le  même  personnage  que  Sourin  l'interprète  dont 
nous  venons  de  parler. 


XXIII 

JEAN  BAR  PENKAYÉ 

Jean  bar  Penkayé  ne  signifie  pas,  comme  le  dit  Assémani  (4), 
Jean  fils  des  Potiers,  mais  veut  dire  :  issu  de  parents  qui  étaient 
originaires  de  Penk  (village  sur  le  Tigre  au  nord-ouest  de 
Djéziré). 

Le  célèbre  savant  n'a  pu  fixer  l'époque  à  laquelle  vivait  cet 
écrivain;  son  livre  intitulé  :  Principe  des  mots  il*.**;  (5)  nous 
permet  de  fixer  son  époque,  puisqu'il  parle  des  événements 
de  686,  qui  eurent  lieu  à  son  époque  :  «  En  67  des  Arabes  (686), 
dit-il,  il  y  eut  une  terrible  peste,  suivie  d'une  grande  famine. 
Ces  fléaux,  ajoute-t-il,  eurent  lieu  à  notre  époque  (vboo&^).  » 

Une  notice  qui  se  trouve  à  la  fin  du  livre  de  Jean  de  Daliatha 
à  notre  bibliothèque  de  Séert,  dit  que  Jean  bar  Penkayé  se  fit 
moine  dans  le  couvent  de  Mar  Jean  de  Kamoul:  il  se  rendit 
ensuite  au  couvent  de  Mar  Bassima;  il  mourut  à  l'âge  de 
73  ans. 

Sur  les  ouvrages  de  Jean  bar  Penkayé  voir  Ebedjésus  de  Ni- 
sibe  apud  Assémani,  B.  0.,  III,  i,  189. 


(1)  Il  était  successeur  de  Babaï  le  Grand,  qui  mourut  en  628. 

(2)  Apud  Assémani,  B.  0.,  III,  i,  168. 

(3)  lhid. 

(4)  Ibid.,  189. 

(5)  Ce  livre  se  trouve  dans  deux  manuscrits  des  bibliothèques  du  couvent  de 
Rabban  Hormezd  et  du  patriarcat  Chaldéen  de  Mossoul;  il  est  divisé  en  deux 
sections;  la  première  section  contient  neuf  discours  et  la  dernière  six.  Il  ren- 
ferme des  scholies  sur  l'exégèse  biblique.  Les  trois  derniers  discours  sont  histo- 
riques. 


24  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

XXIV 

JEAN    NINWAÏA 

Jean  Ninwaïa  est  cité  par  l'Interprète  des  Turcs  dans  son  Livre 
du  Jardin  des  délices  (1),  par  Jésudad  de  Hedattha  dans  son 
commentaire  sur  l'épître  de  saint  Paul  aux  Hébreux,  et  clans 
un  autre  commentaire  sur  le  Nouveau  Testament,  qui  se  trouve 
dans  un  manuscrit  de  notre  bibliothèque  de  Séert  et  dont  Fau- 
teur ne  m'est  point  connu.  Tous  ces  livres  le  citent  une  seule 
fois  dans  le  commentaire  sur  l'épître  de  saint  Paul  aux  Hé- 
breux, où  ils  disent  :  «  Jean  Ninwaïa  dit  que  le  mot  j^o^ 
(pontife)  dérive  de  ilo;.v>->  (tristesse)  :  car  il  porte  la  tristesse  pour 
soi  et  pour  le  peuple.  » 

Ebedjésus  (2)  cite  Jean  de  Ninive  comme  auteur  d'un  livre 
de  controverse.  Assémani  (3)  identifie  ce  Jean  de  Ninive  avec 
Jean  fils  de  Bokhtischô',  qui  devint  métropolitain  de  Mossoul 
en  883. 

1°  Il  n'est  pas  probable  que  Jean  Ninwaïa  soit  Jean  fils  de 
Bokhtischô',  qui  est  postérieur  à  Jésudad,  évèque  de  Hedattha, 
qui  était  contemporain  du  patriarche  Théodose  (851-859).  Il 
me  semble  même  que  ce  Jean  Ninwaïa  vivait  avant  le  vme  siè- 
cle; car  l'auteur  anonyme  du  commentaire  du  Nouveau  Testa- 
ment, dont  nous  venons  de  parler,  et  qui  cite  Jean  Ninwaïa, 
me  paraît  être  antérieur  à  la  conquête  arabe. 

2°  Il  est  même  très  probable  que  Jean  de  Ninive  dont  parle 
Ebedjésus  est  la  même  personne  que  Jean  Ninwaïa,  qui  veut 
dire  ou  originaire  de  Ninive  ou  évêque  de  Ninive.  Nous  disons 
en  ce  dernier  sens  i.nmo*»;  v-o^^oo  y^,0)n  ^ov^oju,  quoique  le  pre- 
mier n'ait  pas  été  originaire  d'Arzoun  ni  le  dernier  de  Damas. 
D'ailleurs  soit  le  Livre  de  la  Tour  (4)  soit  Barhébraeus  (5),  lors- 
qu'ils parlent  de  Jean  bar  Bokhtischô',  ne  lui  attribuent  aucun 
ouvrage. 

(1)  Voir  ci-dessous,  n°  XXX. 

(2)  Apud  Assémani,  B.  0.,  III,  i,  213. 

(3)  Ibid. 

(1)  Édit.  Gism.  1890,  p.  104,  105. 
(5)  Chron.  ecclcs.,  II. 


LES    ÉCRIVAINS    SYRIENS    ORIENTAUX.  25 

XXV 

DADJÉSUS    KATRAÏA 

Ebedjésus  (1)  donne  le  surnom  de  Probe  (iî*-*)  à  Dadjésus 
Katraïa  et  lui  attribue  les  ouvrages  suivants  :  la  traduction  du 
livre  de  Paradis  des  Occidentaux;  le  commentaire  du  livre 
d'Abba  Isaïe  de  Scété;  un  livre  sur  la  vie  ascétique  ;  un  discours 
sur  la  sanctification  de  la  cellule;  des  oraisons  funèbres;  des 
lettres  et  des  questions  sur  le  silence  du  corps  et  de  l'esprit. 

Assémani  (2)  l'identifie  à  tort  avec  Dadjésus  supérieur  du 
couvent  de  la  montagne  d'Izla  qui,  en  588,  composa  des  canons 
pour  régir  son  couvent. 

Dadjésus,  supérieur  du  couvent  d'Izla,  était  originaire  du 
pays  des  Araméens;  il  succéda  à  Abraham  le  Grand  (3)  en 
588  (4),  et  mourut  en  604  (5);  tandis  que  Dadjésus  dont  parle 
Ebedjésus,  était  originaire  du  pays  des  Katars  et  vivait  à  la 
fin  du  vne  siècle,  ainsi  que  nous  l'indique  son  commentaire  sur 
le  livre  d'Isaïe  de  Scété.  Ce  commentaire  se  trouve  dans  deux 
manuscrits  aux  bibliothèques  de  Séert  et  du  couvent  de  Rabban 
Hormezd;  en  voici  le  titre  :  «  Éclaircissement  des  chapitres  du 
livre  de  l'abbé  Isaïe,  par  Mar  Dadjésus  Katraïa  du  couvent  de 
Rabkennaré.  »  Dans  le  chapitre  XIII  il  parle  de  Babaï  le  Grand, 
et  dit  qu'il  le  précède  d'un  siècle. 

XXVI 

POSSI 

Possi  a  un  traité  sur  le  carême,  qui  est  conservé  dans  un  ma- 
ri) Apud  Assém.,  B.  0.,  III,  i,  98. 

(2)  B.  0.,  III,  i,  98. 

(3)  Le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  38;. Thomas  de  Marga,  lib.  I,  cap.  v. 

(4)  Sur  cette  date,  qui  est  la  mort  d'Abraham  le  Grand,  voir  Ebedjésus  de 
Nisibe,  Bègles  des  jugements  ecclésiastiques. 

(5)  Sur  cette  date  voir  la  chronique  de  Séert,  où  il  est  dit  que  Babaï  le  Grand 
mourut  en  l'année  38e  du  roi  Chosroès,  après  avoir  dirigé  le  couveut  pendant 
•21  ans.  Son  prédécesseur  serait  donc  mort  en  604. 


26  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

nuscrit  à  la  bibliothèque  de  Séert  (1).  Je  n'ai  pu  rien  savoir  sur 
cet  écrivain.  Dans  le  synode  de  Mar  Aba  I,  sont  cités  deux  prê- 
tres nommés  Possi,  dont  l'un  était  prêtre  à  Beth  Yazidad  et 
l'autre  à  Beth  Miharbozid;  dans  le  synode  d'Acace  est  cité  Possi 
évêque  de  Sustar;  dans  celui  de  Babaï,  Possi  diacre  de  Beth 
Lapât;  dans  celui  de  Joseph,  Possi  évêque  de  Halwan;  et  dans 
celui  de  Grégoire,  sont  cités  Possi  évêque  de  Leidan,  et  Possi 
évêque  de  Hormezdardaschir  (2).  Le  susdit  écrivain  serait-il  un 
de  ces  Possi  ou  bien  un  autre? 


XXVII 

THÉODORE  BAR  KONI 

Théodore  composa  plusieurs  ouvrages,  dont  Ebedjésus  nous 
a  conservé  les  titres,  entre  autres,  le  livre  des  scholies  et  un 
livre  d'histoire  (3).  Assémani  dit  que  ce  Théodore  était  le  neveu 
du  patriarche  Joannis  qui  monta  sur  le  trône  patriarcal  en  893 
et  le  nomma  évêque  de  Laschom.  Assémani  s'est  trompé.  Théo- 
dore bar  Koni  appartient  au  vme  siècle  et  non  au  ixe.  J'ai  vu  cinq 
manuscrits  du  vo.\mmf;  i^,bo  dans  les  bibliothèques  de  Séert,  du 
couvent  de  Rabban  Hormezd  et  du  patriarcat  chaldéen  de  Mos- 
soul.  Or,  dans  tous  ces  manuscrits  on  trouve  la  phrase  suivante 
insérée  presque  à  la  fin  du  9e  livre  :  «  Avec  l'aide  deNotre-Seigneur 
est  achevé  ce  livre,  appelé  livre  des  scholies,  composé  par  Théo- 
dore, docteur  du  pays  de  Caschcar,  en  l'an  1103  d'Alexandre 
(792),  pour  ses  frères  moines  (4).  »  L'ouvrage  se  compose  de 
11  livres,  dont  les  neuf  premiers  ont  pour  sujet  des  scholies  sur 
toute  l'Écriture,  quelques  feuilles  du  neuvième  et  le  dixième 
traitent  de  la  controverse  contre  les  hérétiques,  et  le  onzième 
renferme  des  notices  sur  toutes  les  sectes  et  les  religions  anté- 
rieures et  postérieures  à  notre  ère.  Or  il  semble  que  l'auteur  a 
terminé  son  livre  des  scholies  en  l'an  1103  des  Grecs,  et  adonné 
plus  tard  une  suite  à  cet  ouvrage  ;  d'ailleurs,  strictement  parlant, 

(1)  Voir  ci-dessus,  n°  XVI,  n.  5. 

(2)  Le  Synodicon  Orientale  publié  par  Chabot,  331,  299,  306,  315,  366,  478. 

(3)  Apud  Assémani,  B.  0.,  III,  i,  198. 

(4)  [Voir  supra,  page  1,  note  1.  —  F.  N.vu.] 


LES    ÉCRIVAINS    SYRIENS    ORIENTAUX.  27 

le  livre  des  scholies  s'arrête  à  la  place  indiquée  et  le  reste  n'est 
qu'une  controverse  et  une  histoire  des  sectes. 


XXVIII 

'ebed-mschiha  iiirtaïa 

Ebedjésus  (1)  dit  de  cet  écrivain  qu'il  composa  un  livre  riche 
en  significations  |bu>  ^to,  i^c^  ^e.  Assémani  (2)  le  place  au  temps 
du  patriarche  Aba  I  (540-532);  mais  il  s'est  trompé;  car  cEbed- 
Mschiha  a  dû  certainement  vivre  après  le  patriarche  Ebedjésus  I 
(963-986)  et  après  Mousché  bar  Sayaré  (3)  (xe  siècle),  qui  sont 
cités  dans  son  livre.  Il  parle  du  patriarche  Ebedjésus  dans  sa 
lettre  sur  la  colère;  et  le  passage  qu'il  rapporte  sur  l'humilité 
de  Mousché  bar  Sayaré  est  tel  qu'il  est  écrit  dans  l'histoire  de 
Rabban  Youssef  Bousnaya. 

Le  livre  de  'Ebed-Mschiha  est  ascétique  ;  il  se  trouve  dans 
deux  manuscrits  aux  bibliothèques  de  Séert  et  du  couvent  de 
Rabban  Hormezd.  Le  titre  est  :  «  Livre  de  'Ebed-Mschiha  :  con- 
seils pour  les  moines  et  les  religieux.  »  Il  contient  environ 
50  traités  et  lettres  sur  les  vertus  et  les  vices.  Quelques-unes 
de  ses  lettres  sont  adressées  à  Domat  le  confesseur,  à  Etienne  et 
Siméon  prêtres,  à  Bacos,  Boczid,  Sarguis  et  Abraham  moines 
et  à  Xystarus. 

XXIX 

SABRJÉSUS    BAR    PAULOS 

Assémani  (4)  cite  Sabrjésus  bar  Paulos  comme  auteur  de 
quelques  hymnes  et  d'une  controverse  contre  un  juif;  mais  il 
s'est  trompé  en  le  plaçant  au  xe  siècle.  Car  ce  Sabrjésus  vivait 


(1)  Apud  Assémani,  B.  0.,  III,  i,  198. 

(2)  Ibid. 

(3)  Rabban  Mousché  était  contemporain  do  Rabban  Youssef  Bousnaya  (voir 
l'histoire  de  ce  dernier  traduite  dans  ROC,  lrc  série,  tome  II,  III,  IV,  V). 

(1)  B.  0.,  III,  I,  541. 


28  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

sous  le  patriarche  Jabalaha  II.  A  la  fin  d'un  livre  d'Évangile, 
partagé  en  leçons  pour  tous  les  dimanches  de  l'année,  et  qui  se 
trouve  à  la  bibliothèque  du  Patriarcat  Chaldéen  de  Mossoul,  et 
qui  fut  achevé  en  1500  des  Grecs,  609  des  Arabes  (1),  dans  le 
couvent  de  Mar  Michaèl,  compagnon  des  anges,  par  le  prêtre 
Icho  ,  au  temps  de  Mar  Jabalaha  patriarche  et  de  Mar  Joseph 
métrop.  d'Assyrie  et  de  Ninive,  on  trouve  la  note  suivante  : 
«  Ce  livre  a  été  écrit  par  les  soins  de  l'Interprète  Théodorien 
u»oio»ii,  du  prêtre  Phinéesien  i.mi.a  et  du  docteur  Diodorien 
puoojojo-»  Rabban  Sabrjésus,  surnommé  bar  Paulos...  sous  l'ad- 
ministration du  bon  prêtre,  du  probe  moine  et  de  l'habile  doc- 
teur Rabban  Yakkira  \^^  qui  est  connu  sous  le  nom  d'Aboul- 
'ezz  (2)...    » 


XXX 

l'interprète  des  turcs 

L'Interprète  des  Turcs  est  cité  par  Ebedjésus  (3)  comme  au- 
teur d'un  livre  intitulé  Jardin  des  délices.  Ce  livre  est  conservé 
dans  un  manuscrit  à  notre  bibliothèque  de  Séert  ;  malheu- 
reusement quelques  feuilles  du  premier  et  du  dernier  cahier 
manquent;  mais  une  copie  complète  se  trouve  à  la  bibliothèque 
du  couvent  de  Rabban  Hormezd.  Ce  gros  ouvrage  contient 
l'interprétation  de  toutes  les  leçons  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament,  pour  tous  les  dimanches,  les  fêtes  et  les  commémo- 
raisons  de  l'année,  et  les  jours  du  carême  selon  le  rite  chaldéen? 
Les  écrivains  mentionnés  dans  cet  ouvrage  sont  :  SS.  Ambroise, 
Grégoire,  Basile,  Jean  Chrysostome;  Théodoret,  Théodore  de 
Mopsueste,  Nestorius,  Mar  Ephrem,  Abraham  et  Jean  de  Beth 
Rabban,  Michael  l'interprète,  Henana  d'Adiabène,  Mar  Aba, 

(1)  Il  va  ici  un  anachronisme  évident;  l'an  609  des  Arabes  répond  à  l'année 
1212  de  notre  ère;  tandis  que  l'année  1500  des  Grecs  répond  à  l'année  1189.  La 
date  des  Arabes  serait  exacte  et  le  patriarche  mentionné  ici  serait  Jabalaha  II, 
qui  fut  nommé  patriarche  en  1191  et  mourut  en  1222;  quant  à  Joseph  métro- 
politain, il  serait  différent  de  celui  qui  succéda  à  Jabalaha  III  en  1318. 

(2)  C'est  le  même  qu'  «  Abulezzus  Chedri  presbyter  »  cité  par  Assémani  {B.  0.f 
III,  i,  010),  comme  auteur  de  deux  prières  pour  le  premier  dimanche  de  la  Dédi- 
cace de  l'Église. 

(3)  Apud  Assémani,  B.  0.,  III,  i,  188. 


LES    ÉCRIVAINS    SYRIENS    ORIENTAUX.  20 

Mar  Henanjésus,  Jésudacl  de  Hedattha,  Jésubarnoun,  Babaï  le 
persan,  Gabriel  Katraïa  surnommé  Arya,  Élie  de  Mervv,  Jean 
Ninwaïa,  Saherbokht  ou  Slibazkha,  Sabrjésus  bar  Paulos  etc. 

L'auteur  appartient  au  xme  siècle;  il  est  antérieur  à  Ebed- 
jésus  de  Nisibe  (y  1318),  qui  le  catalogue  parmi  les  écrivains  ;  il 
est  d'ailleurs  postérieur  à  Sabrjésus  bar  Paulos  (1),  qui  est 
cité  dans  le  susdit  ouvrage. 

L'Interprète  des  Turcs  était  persan  ou  devait  habiter  en  Perse. 
Dans  l'Interprétation  de  la  leçon  de  l'Évangile  pour  le  IIe  Di- 
manche de  l'Epiphanie  il  dit  :  «  Voici  que  Suse,  qui  est  tout 
près  de  nous,  s'appelle  aussi  Sousterine.   » 


XXX 

JÉSUYAB    BAR  MQADAM 

Assémani  (2)  cite  Jésuyab,  métropolitain  d'Arbelle  et  de  Mos- 
soul,  comme  auteur  de  cinq  hymnes  uv^o  sur  les  défunts,  et 
l'identifie  avec  un  autre  Jésuyab,  que  le  patriarche  Mari  (987- 
1001)  consacra  métropolitain  pour  les  deux  susdites  villes. 
Mais  il  s'est  trompé.  Jésuyab,  auteur  des  susdites  hymnes,  ap- 
partient au  xve  siècle. 

A  la  fin  de  son  livre  de  grammaire,  qui  se  trouve  dans  un  ma- 
nuscrit de  notre  bibliothèque  de  Séert,  on  lit  la  note  suivante, 
ajoutée  par  Sabrjésus  évêque  de  Hessen  Képa,  qui  l'avait  copié 
sur  l'autographe  de  l'auteur  lui-même  en  1908  des  Grecs  (1597)  : 
«  Fut  achevé  ce  livre  que  composa  Jésuyab,  surnommé  bar 
Mqadam,  métropolitain  d'Arbelle  en  1755  des  Grecs  (1444),  au 
temps  du  patriarche  Mar  Siméon.    » 

Cette  grammaire,  qui  est  écrite  en  vers  de  sept  syllabes,  est 
très  complète  ;  on  y  trouve  expliquées  les  particularités  des  deux 
dialectes  syriens,  l'oriental  et  l'occidental  ;  l'ouvrage  est  suivi 
d'un  long  traité  sur  les  mots  ambigus,  composé  par  le  même 
auteur. 

Jésuyab  a  aussi  environ  cinquante  modèles  de  lettres,  qui  se 

(1)  Voir  ci-dessus,  11°  XXIX. 
(2)2?.  0.,  III,  1,  5111. 


30  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

trouvent  dans  deux  manuscrits  à  notre  bibliothèque  de  Séert  et 
à  celle  de  l'église  de  'Ainkawa  dans  le  diocèse  de  Kerkuk  ;  plu- 
sieurs énigmes  et  environ  quarante  hymnes  sur  les  saints  et 
la  pénitence  qui  se  trouvent  en  des  manuscrits  différents  à 
notre  bibliothèque  de  Séert  et  à  celle  du  couvent  de  Rabban 
Hormezd. 


XXXII 

SLIBA    BAR    DAVID 

Assémani  (B.  0.,  III,  i,  463)  place  à  tort  cet  écrivain  sous 
Timothée  le  Grand  (780-823)  ;  le  Père  Kardahi  fixe  sa  mort  en 
900  (Liber  thesauri,  59). 

Le  prêtre  Sliba  était  fils  du  prêtre  David  du  village  de  Man- 
sourya  tout  près  de  la  ville  de  Djézireh  ;  il  vivait  au  xvie  siècle, 
ainsi  que  le  démontre  la  date  de  ses  poésies,  que  voici  : 

Un  poème  sur  les  calamités  qui  arrivèrent  de  son  temps  pen- 
dant les  années  1510-1513;  un  autre  sur  le  martyr  Khezmo, 
qui  fut  massacré  en  1522  ;  ces  deux  poèmes  se  trouvent  dans  un 
manuscrit  à  notre  bibliothèque  de  Séert.  Un  autre  poème  sur 
Schmoni  et  ses  enfants  se  trouve  dans  un  manuscrit  à  l'église 
d'Alkosche;  vers  le  milieu  du  poème,  à  la  marge  on  lit  cette 
note  :  «  L'auteur  a  composé  son  poème  depuis  le  commence- 
ment jusqu'ici  en  1824  des  Grecs  (1513),  et  depuis  ici  jusqu'à 
la  fin  en  1812  (1531),  n'ayant  pas  entre  les  mains  l'histoire 
de  Schmoni  écrite  par  Joseph.  » 

Outre  ces  poèmes,  Slibo  écrivait  aussi  un  poème  sur  les  doc- 
teurs grecs;  deux  autres  sur  la  pénitence,  et  des  hymnes 
pour  les  défunts.  Je  n'ai  pas  vu  son  hymne  sur  le  patriarche 
Henanjésus  dont  parle  Assémani.  Ne  serait-ce  pas  sur  un  évêque 
de  son  temps,  appelé  Henanjésus?  Deux  manuscrits  de  notre 
bibliothèque  de  Séert  écrits  en  1545  et  1566  à  Djézireh  et  dans 
le  couvent  de  Mar  Aha  (1)  contiennent  des  notes  finales  disant 
qu'alors  Henanjésus  était  métropolitain  héréditaire  du  siège 
patriarcal. 

(1)  Ce  couvent  est  situé  à  trois  heures  au  nord-ouest  de  Djézireh. 


LES    ÉCRIVAINS    SYRIENS    ORIENTAUX.  31 


XXXIII 

ISAAC    SCHBEDNAÏA 

Le  P.  Kardahi  (Liber  tliesauri,  128,  168)  distingue  entre 
Isaac  et  Asko  Schbednaïa;  il  fixe  la  mort  du  premier  en  1480; 
quanta  Asko,  il  dit  que  son  époque  est  incertaine. 

Isaac  et  Asko  sont  une  seule  et  même  personne,  originaire 
de  Schebedan  dans  le  diocèse  de  Zaklio.  Le  titre  de  son  poème 
sur  saint  Georges  est  dans  quelques  manuscrits  :  «  Poème  sur 
saint  Georges,  composé  par  Isaac  Schbednaïa  »  ;  tandis  que 
la  clausule  finale  est  celle-ci  :  «  fin  du  poème  sur  saint  Georges 
composé  par  Asko  Schbednaïa  ». 

Outre  son  poème  sur  saint  Georges,  Isaac  a  encore  deux  autres 
hymnes  sur  l'économie  divine  et  la  croix,  et  sur  les  Rogations  ; 
cette  dernière  hymne  a  été  composée  en  1731  des  Grecs  (1440). 

Isaac  a  aussi  un  long  poème  intitulé  b^*^  ^.  iiqj^^  ^  in*j<^ 
^oi.  px^o  Poème  sur  l'Économie  (divine)  depuis  le  commencement 
jusque  dans  les  siècles  des  siècles.  Ce  poème  en  vers  de  douze 
syllabes  est  un  acrostiche  divisé  en  trente  chants,  suivant  les 
22  lettres  de  l'alphabet  syriaque,  quelques-unes  de  ces  lettres 
ayant  de  deux  à  trois  chants.  La  rime  est  la  même  pour  tous 
les  vers  d'un  chant.  Il  traite  de  la  Trinité,  de  la  création,  du 
déluge,  des  patriarches,  des  prophètes,  de  l'Incarnation  et  de 
la  dernière  résurrection. 

Ce  poème  est  très  bizarre  (pour  ne  pas  dire  trop  bizarre)  ;  l'au- 
teur l'a  surchargé  de  mots  grecs  et  d'expressions  syriaques  ar- 
tificielles, sonnant  très  mal.  Toutefois  l'auteur  a  compensé  de 
quelque  manière  ses  graves  défauts,  en  mettant  après  chaque 
chant  de  nombreuses  gloses  relatives  à  l'exégèse  biblique.  Les 
écrivains  mentionnés  dans  ce  commentaire  sont  :  Le  Diates- 
saron,  saint  Ephrem,  Narsaï,  Théodore  de  Mopsueste,  Jean  bar 
Penkayé,  Mar  Aba  le  Grand,  Babaï  le  persan,  Joseph  Hazzaïa, 
Jésudad  de  Hedattha,  Mar  Timothée  II,  Emmanuel  prêtre, 
Michaël  Badoka,  Babaï  le  Petit,  Isaac  de  Ninive,  Daniel  bar 
Mariam,  Ebedjésus  de  Nisibe,  Jean  bar  Zoubi,  Sabrjésus  bar 
Paulos,  Sahdona,  Ahob   Katraïa,   Gabriel    Katraïa,   Thomas 


32  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

d'Édesse,  Théodore  bar  Koni,  Jean  disciple  de  Narsaï,  He- 
nanjésus  patriarche,  Sourin  l'Interprète  de  Nisibe,  Diodore, 
Évagrius,  Jésu  bar  Noun  patriarche,  Babaï  le  Grand,  Théodoret, 
Jean  Chrysostome,  Grégoire  le  Théologien,  etc. 

Cet  ouvrage  est  conservé  dans  plusieurs  manuscrits  des 
bibliothèques  de  Séert,  du  couvent  de  Rabban  Hormezd  et  du 
Patriarcat  Chaldéen  de  Mossoul. 


XXXIV 

'ataïa  bar  athéli 

Je  termine  cette  étude  par  'Ataïa,  fils  de  'Abdo,  fils  deSaunan 
de  la  famille  d' Athéli,  qui  a  été  assez  fécond,  pour  son  temps, 
par  les  poésies  qu'il  composa.  Il  était  prêtre  à  Djézireh  ;  la  date 
de  ses  poésies  est  indiquée  par  une  de  ses  hymnes  qui  a  été  com- 
posée en  1562.  Ses  poésies  sont  :  1°  Quatre  hymnes  sur  les 
Rogations,  sur  le  1er  dimanche  de  Noël,  le  1er  dimanche  de 
l'Epiphanie  et  sur  la  Pentecôte  ;  2°  six  poèmes  sur  tous  les  di- 
manches et  les  fêtes  de  l'année,  sur  saint  Eugène  et  tous  ses  dis- 
ciples, sur  la  vie  de  Notre-Seigneur,  sur  Schmoni  et  ses  enfants 
et  sur  Rabban  Hormezd  ;  3°  six  hymnes  uvy»  sur  les  morts  ; 
4°  une  proclamation  (espèce  de  litanies)  pour  le  IVe  mercredi 
du  carême  ;  5°  deux  courtes  homélies  à  réciter  à  la  fin  de  la  messe  ; 
6°  dix  chants  pour  les  fêtes  de  Noël,  de  l'Epiphanie,  de  la  Pen- 
tecôte, etc.. 

La  plupart  des  poésies  de  Mtaïa  se  trouvent  en  divers  manus- 
crits à  notre  bibliothèque  de  Séert;  quelques-unes  se  trouvent 
dans  des  manuscrits  des  bibliothèques  de  l'église  d'Alkosche 
et  du  Patriarcat  Chaldéen  de  Mossoul. 

Addaï  Scher, 

Archevêque  Chaldéen  de  Séert. 


TABLE  DES  AUTEURS 


Pages. 

I.  —  Les  écrivains  contemporains  du  patriarche  Papas 2 

II.  —  Cyrollona  ou  Cyoré 3 

III.  —  Elisée  l'interprète 4 

IV.  —  Les  maîtres  de  l'école  de  Nisibe 6 

V.  —  Ma'na,  évêque  de  Réwardaschir 7 

VI.  —  Jacques  de  Goundischabor 8 

VII.  —  Théophile  le  persan 8 

VIII.  —  Abraham  bar  Lipéh 9 

IX.  —  Aba  Caschcraïa 9 

X.  —  Ramischo'  l'interprète 10 

XI.  —  Issaï  l'interprète 10 

XII.  —  Ahoudemmeh Il 

XIII.  —  Nathnièl  de  Sirzor 12 

XIV.  —  Bar  "Edta .' 13 

XV.  —  Barhadbeschabba  "Arbaïa 15 

XVI.  —  Michaèl  l'interprète 10 

XVII.  —  Gabriel  Katraïa 17 

XVIII.  —  Babaï  bar  Nsibnayé,  Babaï  le  Scribe,  Babaï  Gbeltaïa 18 

XIX.  —  Hnanjésus  le  moine 20 

XX.  —  Barsauma  de  Carkha 21 

XXL  —  Mikha  Gramkaïa 21 

XXII.  —  Sourin  l'interprète 22 

XXIII.  —  Jean  bar  Penkayé 23 

XXIV.  —  Jean  Ninwaïa 24 

XXV.  —  Dadjésus  Katraïa 25 

XXVI.  —  Possi 25 

XXVII.  —  Théodore  bar  Koni 26 

XXVIII.  —  'Ebed-Mschiha  Hirtaïa 27 

XXIX.  —  Sabrjésus  bar  Paulos 27 

XXX.  —  L'Interprète  des  Turcs 28 

XXXI.  —  Jésuyab  bar  Mqadam 29 

XXXII.  —  Sliba  bar  David 30 

XXXIII.  —  Isaac  Schbednaïa 31 

XXXIV.  —  cAtaïa  bar  Athéli 32 


ORIENT    CHRETIEN. 


LA  SYRIE 

À  LA  VEILLE  DE  L'USURPATION  TULUNIDE 

[Avant  878  (1)] 


I.  Origine  des  divisions  politiques  et  religieuses 
de  la  Syrie  musulmane. 

Quand,  vers  le  13  octobre  1097,  après  avoir  achevé  sa  con- 
centration sur  le  territoire  de  Mar'as  (2),  l'armée  de  la  première 
croisade  fut  à  la  veille  de  pénétrer  enfin  dans  la  Syrie  musul- 
mane, les  chefs  qui  la  conduisaient  durent  avoir  un  moment 
d'appréhension.  Cette  formidable  coalition  de  l'Occident  chré- 
tien, où  tant  de  nations  (3)  étaient  représentées,  n'allait-elle  pas 
se  heurter  à  toutes  les  forces  réunies  de  l'Orient  islamisé? 


(1)  Pour  répondre  à  l'invitation  de  M.  l'abbé  Nau,  nous  nous  décidons  à  pu- 
blier ces  simples  notes.  Elles  étaient  destinées,  dans  leur  forme  primitive,  à  la 
rédaction  d'une  histoire  de  Syrie.  L'histoire  est  encore  sur  le  métier  et  n'a  reçu 
jusqu'à  ce  jour  qu'une  demi-publicité  (Cf.  Echos  d'Orient,  1904,  p.  280,  note  2). 
Quant  au  présent  travail,  ce  n'est  qu'une  ébauche.  Les  Orientalistes  de  profes- 
sion et  les  lecteurs  de  la  Revue  de  l'Orient  Chrétien  n'ont  pas  besoin  qu'on  les 
en  avertisse.  Nous  avons  seulement  visé  à  réunir  dans  un  tableau  d'ensemble 
et  à  critiquer  des  renseignements  épars  dans  les  sources  ou  dans  les  travaux- 
savants  déjà  publiés.  Un  premier  essai  dans  ce  genre  avait  été  tenté,  avant  1880, 
par  un  patient  érudit,  le  P.  Martin  S.  J.,  longtemps  missionnaire  en  Syrie 
(1859-1880).  Son  Histoire  du  Liban,  encore  manuscrite,  est  conservée  à  la  Biblio- 
thèque de  l'Université  catholique  de  Beyrouth.  Elle  nous  a  épargné  bien  des 
recherches.  Nous  avons  trouvé  aussi  de  précieux  secours  auprès  des  Professeurs 
de  la  Faculté  Orientale  de  Beyrouth. 

(2)  Cf.  R.  Rôhricht,  Gesch.  des  ersten  Kreuzzuges,  Innsbruck,  1901,  p.  105. 

(3)  Foucher  de  Chartres  qui  les  énumère  (éd.  Bongars,  Gesta  Dei  per  Francos, 
Hanovre,  1611,  p.  389)  ajoute  :  «  Sedqui  tôt  linguisdivisieramus,  tanquam  fratres 
sub  dilectione  Dei  et  proximi  unanimes  esse  videbamur  ». 


LA    SYRIE    A    LA   VEILLE    DE    L'USURPATION    TULUNIDE.  35 

En  réalité,  les  croisés  ne  devaient  trouver  devant  eux  qu'un 
pays  épuisé  par  plusieurs  siècles  d'anarchie.  —  Depuis  l'époque 
où  le  califat  de  Bagdad  avait  commencé  à  se  démembrer,  les 
dynastes  turcs  ou  arabes  s'y  étaient  succédé,  se  poussant  les 
uns  les  autres  sans  interruption,  cohabitant  parfois  côte  à  côte 
dans  cette  Syrie  accidentée,  coupée  de  vallées  et  de  montagnes, 
trop  étroite  pour  tant  d'ambitions  simultanées  et  de  races  di- 
verses, morcelée,  émiettée  en  États  minuscules,  en  fiefs  à  demi 
indépendants  ou  hostiles  (1). 

L'unité  religieuse  de  la  Syrie  était  presque  aussi  compromise, 
à  l'époque  des  croisades,  que  son  unité  politique.  Sans  parler 
des  nations  chrétiennes,  que  ne  reliait  entre  elles  aucun  lien 
social,  et  que  leurs  croyances,  un  long  passé  d'oppression  sé- 
paraient naturellement  de  la  ligue  islamique,  il  y  avait  eu  dans 
la  fraternité  musulmane  des  fractionnements  étranges  et  in- 
quiétants. Depuis  la  fin  du  ixe  siècle,  tour  à  tour,  les  sectes 
ismaéliennes  avaient  affleuré  en  terre  syrienne.  Elles  étaient 
nées  rapidement  les  unes  des  autres  par  voie  de  scissiparité  ;  une 
fois  épanouies,  elles  avaient  presque  perdu  l'empreinte  de  leur 
commune  origine.  Ismaéliens  d'ancienne  date  ou  Carmathes, 
Nosairis,  Fâtimites,  Druses,  Ismaéliens  d'origine  plus  récente 
ou  Assassins  (2)  formaient  des  cercles  fermés,  où  l'on  se  mau- 
dissait parfois  mutuellement,  où  l'on  exécrait  encore  plus  l'is- 


(1)  Voici  une  énumération  sommaire  des  révolutions  politiques  par  lesquelles 
passe  la  Syrie,  de  878  à  1097.  En  878,  comme  nous  le  dirons,  un  aventurier  turc 
Ahmed  b.  Tùlùn  la  réunit  à  son  émirat  d'Egypte  et  l'isole  du  califat.  Ses  suc- 
cesseurs garderont  cet  apanage  jusqu'en  905.  —  Après  une  courte  réaction  cab- 
bâside  (905-935),  un  autre  Turc  Muhainmed  b.  Togj  fonde  à  Damas  la  dynastie 
des  Ikhsîd  (935-969).  —  De  944  à  1003-4,  la  principauté  d'Alep  doit  quelques  an- 
nées de  splendeur  artistique  et  guerrière  à  la  famille  arabe,  «les  B.  Hamdàn.  — 
Puis  le  califat  fàtimite  s'étend  de  l'Afrique  sur  la  Syrie  où  il  a  eu  son  berceau 
obscur.  —  En  1023,  Alep  revient  de  nouveau  au  pouvoir  d'une  petite  dynastie 
arabe,  celle  des  B.  Mirdàs.  —  Enfin,  depuis  1070,  la  grande  invasion  des  Turcs 
Seljoucides  atteint  la  Syrie,  refoule  les  Fâtimites  vers  l'Egypte,  et  ne  leur  laisse 
que  la  côte  phénicienne  et  palestinienne.  —  D'ailleurs,  aussi  bien  dans  le  camp 
âtimite  que  dans  la  Syrie  seljoucide,  divisée  en  sultanie  de  Damas  (depuis  1075) 
et  en  sultanie  d'Alep  (depuis  1095),  des  fiefs  se  dessinent,  entre  lesquels  le  grou- 
pement, même  sous  cette  menace  prochaine  d'invasion  occidentale,  devient 
presque  impossible.  (Cf.  Kamàl  adDin,  //.  Or.  des  Croisades,  III,  606-7;  Defrémery, 
J.  A.,  1853 ',  p.  429;  H.  Derenbourg,  Un  émir  syrien,  1889,  p.  5  etc.). 

(2)  Toutes  ces  sectes,  fort  peu  coraniques,  ont  entre  elles  des  différences  sur 
lesquelles  nous  aurons  peut-être  à  revenir.  *° 


36  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

lamisme  orthodoxe,  le  sonnisme  (1)  officiel  que  les  Seljoucicles 
avaient  essayé  en  Syrie  de  relever  par  la  force  (2). 
Ces  divisions  politiques  et  religieuses  qui  facilitèrent  l'œu- 


(1)  On  sait  qu'après  la  bataille  de  Siffîn  (657),  où  deux  familles  qoraïchites,  les 
Omayyades  et  les  Haehimites,  deux  hommes,  Mu'awiya  et  'Alî,  deux  principes, 
le  principe  électif  et  le  principe  légitimiste  s'étaient  trouvés  en  présence,  la 
communauté  musulmane  fut  scindée  en  trois  mondes  irréconciliables  :  d'un 
côté,  les  partisans  de  Mu'awiya, les  sunnites,  qui,  après  s'être  battus  pour  le  sys- 
tème de  l'élection  dans  la  tribu  qoraïchite,  acceptèrent  pourtant  —  incapables 
de  discuter  le  fait  accompli  —  que  le  vainqueur  de  Siffin  fît  sortir  de  sa  fa- 
mille la  dynastie  des  Omayyades,  et  reconnurent  ces  princes,  dont  l'orthodoxie 
était  pourtant  suspecte,  pour  les  représentants  attitrés  et  les  défenseurs  de  la 
sonna,  de  la  règle  de  croire  :  —  de  l'autre,  les  'alides,  les  vaincus,  les  mécon- 
tents, ceux  qu'on  devait  appeler  plus  tard  les  chi'a  ou  chiites,  les  schismatiques 
de  l'Islam,  sans  doute  parce  qu'ils  étaient  trop  fidèles  à  son  fondateur  et  ne 
voulaient  reconnaître  pour  leur  Imàm  ou  leur  chef  qu'un  descendant  de  sa  race; 
—  enfin  les  k/iàrijites  ou  les  séparatistes,  qui,  même  avant  la  fin  de  la  lutte, 
avaient  fait  scission  et  voulaient  choisir  librement  leur  maître.  De  politique,  le 
dissentiment,  d'après  une  loi  constante  de  l'histoire  orientale,  ne  devait  pas 
tarder  à  devenir  religieux.  C'est  sur  le  tronc  chiite  que  seront  greffées  les  sectes 
Ismaéliennes  de  Syrie.  Cf.  D.  B.  Macdonald,  Muslim  Theoloyy ,  London,  1903, 
p.  1-34;  B°°  Carra  de  Vaux,  le  Mahomélisme,  Paris,  1807,  p.  111-1-10:  Chantepie 
de  la  Saussaye  (Th.  Houtsma),  Manuel  d'histoire  des  Religions  (trad.  H.  Hubert), 
1904,  p.  286-287,  etc. 

(2)  Ces  missionnaires  armés  n'avaient  dû  réussir  bien  souvent  qu'à  faire  des 
hypocrites,  préparant  en  secret  leur  revanche.  Ibn  al  Atîr  raconte  à  ravir  une 
anecdote  très  instructive  qui  eut  pour  théâtre  la  ville  d'Alep,  au  début  de  l'in- 
vasion seljoucide  (463  II  ou  1070  de  l'ère  chrétienne).  Elle  jette  un  jour  inattendu 
sur  la  sincérité  de  ces  conversions  imposées  par  la  force.  A  cette  époque,  le  mir- 
dàside  Mahmûd,  qui  reconnaissait  pour  la  Syrie  du  Nord  la  suzeraineté  des  Fà- 
timites,  faisait  faire,  dans  toutes  les  mosquées  de  la  capitale,  la  prière  publique 
selon  le  rite  'alide.  Soudain  on  annonce  l'approche  du  seljoucide  Alp-Arslàn.  A 
tout  prix,  il  faut  fléchir  le  terrible  défenseur  de  l'orthodoxie.  Le  petit  roitelel 
réunit  à  la  hâte  ses  conseillers  et  leur  dit  :  «  Tandis  que  nous  vivons  dans  la 
crainte,  la  dynastie  des  seljoucides  devient  de  jour  en  jour  plus  forte.  Nos 
croyances  'alides  leur  sont  odieuses...  Mon  avis  est  que  nous  fassions  la  Khulbah 
sunnite  (la  prière  selon  le  rite  orthodoxe),  avant  que,  sans  profit  d'aucune  sorte 
pour  nous,  nous  y  soyons  contraints  par  la  force.  »  L'avis  était  prudent,  on  se 
hâte  de  le  suivre.  Cheikhs  et  muezzins  chiites  revêtent  sans  scrupule  la  livrée 
noire  des  'àbbasides.  On  nomme  à  la  prière  le  calife  de  Bagdad  Qà'im  et  le  sultan 
seljoucide  Alp-Arslàn.  On  roule  avec  entrain,  dans  les  mosquées,  les  nattes  com- 
promettantes, les  nattes  sur  lesquelles  on  avait  fait  les  prostrations  au  nom  de 
'AU  A.  Tàleb  ;  on  en  apporte  de  plus  orthodoxes.  Qà'im  sut  la  nouvelle  et  fit 
savoir  sa  satisfaction  à  ces  néophytes  empressés.  Alp-Arslàn  fut  d'humeur  plus 
difficile.  Il  exigea  que  le  mirdàside  vînt  prier  sur  sa  natte.  Mahmûd  eut  un  ins- 
tant de  révolte.  Il  refusa,  puis  se  ravisa.  Cachant  sa  honte  dans  les  ténèbres  de 
la  nuit,  il  se  rendit  à  la  dérobée  au  camp  du  seljoucide  et  se  présenta  devant 
lui  dans  une  humble  attitude.  Alp-Arslàn  eut  le  bon  esprit  de  ne  pas  lui  en  de- 
mander davantage. 


LA    SYRIE    A    LA    VEILLE    DE    L'USURPATION    TULUNIDE.  37 

vre  conquérante  des  premiers  croisés,  jusqu'au  jour  où  les 
Ayyou bites  provoquèrent,  dans  cette  même  Syrie  si  travaillée 
par  le  chiisme,  «  la  renaissance  de  la  sonna  »  (1),  il  ne  serait 
pas  sans  intérêt,  croyons-nous,  d'en  éclaircir  les  origines  his- 
toriques. Comment  sont  nées  au  sein  du  califat  et  de  l'isla- 
misme, comment  ont  grandi  ces  féodalités,  ces  hétérodoxies 
rivales,  entre  lesquelles  les  armées  chrétiennes  allaient  pou- 
voir se  glisser  —  sans  trop  de  difficulté  —  jusqu'au  terme  de 
leur  héroïque  pèlerinage"? 

Pour  ne  pas  sortir  du  cadre  ordinaire  de  la  Revue  et  ne  pas 
imposer  à  nos  lecteurs  une  trop  longue  série  d'articles  sur  le 
même  sujet,  nous  ne  répondrons  ici  qu'à  la  première  de  ces 
questions.  Nous  dirons  comment  les  germes  des  discordes  fu- 
tures ont  été  semés.  D'ailleurs,  dans  les  belles  études  que 
M.  G.  Schlumberger  a  consacrées  aux  empereurs  byzantins  du 
x°  siècle  (2),  on  trouvera  réunis  de  très  riches  matériaux  sur 
l'histoire  ultérieure  des  dynasties  syriennes.  Il  suffirait  presque 
de  les  exploiter  pour  donner  une  idée  complète  des  alterna- 
tives par  lesquelles  passe  ce  malheureux  pays  jusqu'à  la  veille 
des  Croisades.  Le  savant  byzantiniste  n'avait  pas  à  raconter 
le  premier  épisode  de  cette  évolution.  Nous  essayerons  de  le 
faire. 

Deux  faits  importants  dominent  la  courte  période  (878-905) 
dont  nous  nous  proposons  d'esquisser  l'histoire  :  un  schisme 
politique  sépare  alors  pour  la  première  fois  la  Syrie  du  califat, 
un  schisme  religieux-  est  provoqué,  par  l'apparition  des  Car- 
mathes,  dans  la  population  des  campagnes,  autrefois  convertie 
du  paganisme  à  la  religion  chrétienne,  mais  dont  une  partie 
au  moins,  plus  de  deux  siècles  après  l'Hégire,  devait  avoir  passé 
à  l'islamisme  (3).  Un  Turc,   Ahmed  b.   Tùlûn  consomme  le 

(1)  Van  Berchem,  Corp.  Insc.  Arab.,  I,  p.  46,  10G. 

(2)  Cf.  G.  Schlumberger,  Un  empereur  byzantin,  Xicéphore  Phocaê,  Ï890,  p. 
151  et  sq.;  L'épopée  byzantine  à  la  fin  du  Xe  siècle  :  I,  Jean  Tzuniskes,  p.  219 
sq.  ;  —  II,  Basile  II,  ch.  2,  8,  11,  etc. 

(3)  C'est  du  moins  l'hypothèse  à  laquelle  nous  nous  rangeons  comme  plus  pro- 
bable. Il  nous  a  toujours  semblé  que  les  fellahs  syriens,  dont  un  grand  nombre 
appartenaient  aux  hétérodoxies  chrétiennes,  c'est-à-dire  à  des  sectes  où  les  poc- 
trines,  les  superstitions,  les  coutumes  nationales  et  païennes  avaient  été  moins 
combattues,  dont  beaucoup  aussi  n'avaient  qu'une  orthodoxie  languissante,  ont 
dû  en  adoptant,  dans  une  progression  assez  lente  mais  continue,  la  religion  de 
leurs  vainqueurs,  introduire   dans  le  cadre  llottant  de  la   doctrine  coranique 


38  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

premier.  Un  Persan  'Abdallah  b.  Maïmûn,  mort  en  874-5, 
c'est-à-dire  quelques  années  avant  que  les  Tûlùnides  aient  oc- 
cupé la  Syrie,  prépare  le  second.  Ahmed  ouvre  audaeieusement 
la  voie  aux  aventuriers  qui  voudront  imiter  sa  fortune  et  vivre, 
comme  lui,  en  parasites  du  califat.  'Abdallah  met  en  circulation 
des  idées  philosophiques  et  religieuses  qui  entraîneront,  après 
la  sienne,  d'innombrables  défections  doctrinales  au  sein  de 
l'islam . 

Sans  prétendre  à  la  richesse  d'informations  qui  donnent  tant 
de  valeur  aux  travaux  publiés  par  M.  G.  Schlumberger,  nous 
nous  attacherons  à  décrire,  le  plus  exactement  qu'il  nous  sera 
possible,  la  révolution  profonde  qui  s'opéra  alors  dans  les  des- 
tinées de  la  Syrie. 

Mais,  avant  d'aborder  le  sujet  principal  de  cette  étude,  il  ne 
sera  pas  inutile,  pour  éclairer  le  sens  et  la  portée  des  événe- 
ments, de  consacrer  la  fin  de  cet  article  à  une  brève  indication 
des  causes  lointaines  qui  les  ont  préparés.  Nous  jetterons  un 
rapide  coup  d'œil  en  arrière  sur  le  passé  de  la  Syrie,  depuis 
son  union  au  califat.  Cet  essai  de  synthèse  nous  aidera  à  mieux 
voir  pourquoi  son  loyalisme  à  l'égard  de  ses  vainqueurs  est 
allé  de  jour  en  jour  s'affaiblissant,  jusqu'à  l'époque  où  Ah- 
med b  Tùlùn  et  'Abdallah  b.  Maimoûn  consommèrent  la  dé- 
fection. 


II.  Variations   d'attitude  en  Syrie  (1)  a  l'égard  du  califat 

(661-878). 

Arrachée  par  une  rapide  conquête  (634-638)  à  la  mauvaise 
administration  des  Byzantins  (2)  et  à  la  tyrannie  religieuse  que 

leurs  propres  rêveries  et  contribuer,  pour  une  bonne  part,  à  la  création  des  hé- 
térodoxies inusiilmanes.il  y  a  au  moins  des  indices  historiques  en  faveur  de  cette 
théorie.  Nous  admettons  aussi  des  infiltrations  manichéennes  dans  ces  sectes. 

(1)  Dans  cette  étude  et  dans  celles  qui  suivront,  nous  entendons  sous  le  terme 
un  peu  flottant  de  Syrie  les  contrées  limitées —  au  Aorcl  par  l'Amanus  et  le  Sa- 
rùj,  —  à  Y  Est  par  l'Euphrate,  —  au  Sud  par  une  ligne  théorique,  qui  passerait 
au  sud  de  Bosra  et  de  l'Arabie  syrienne  pour  toucher  ensuite  Bànias,  le  Carmel 
et  aboutir  enfin  à  la  Méditerranée  vers    la  moderne  Caiffa.  Nous    ne  parlons 

des  événements  qui  se  sont  déroulés  en  dehors  de  ces  frontières  à  peu  près  na- 
turelles que  par  voie  d'allusion,  ou  parce  que  l'intelligence  du  récit  le  réclame. 

(2)  Pour  être  juste,  il  faut  dire  pourtant  qu'Héraclius  travaillait  depuis  quel- 


LA    SYRIE    A    LA   VEILLE    DE    L'USURPATION    TULUNIDE.  39 

faisaient  peser  les  basiléis  sur  les  nations  chrétiennes  réfrac- 
taires  à  leur  manière  de  comprendre  la  foi  (1),  —  devenue,  de- 
puis 661,  le  centre  du  califat  omayyade  et  de  l'expansion  musul- 
mane, —  la  Syrie  s'était  facilement  accoutumée  à  ses  nouveaux 
maîtres.  Assez  vite,  elle  s'était  trouvée  en  communauté  de  lan- 
gue, de  mœurs  et  de  tendances  avec  ces  Arabes  du  désert  (2). 
L'hellénisme,  quoi  qu'on  ait  dit,  et  surtout  le  byzantinisme,  cet 
hellénisme  raffiné  et  maladif,  n'avait  jamais  pénétré  jusqu'au 
cœur  de  la  nation  (3).  Le  fond  de  la  population  syrienne  était 
plutôt  araméen,  et  l'était  resté  sous  un  vernis  de  civilisation 
occidentale.  Le  remous  des  invasions  asiatiques  ou  des  grandes 
expéditions  militaires  avait  en  outre  déposé,  à  ce  confluent  de 
tant  de  races  diverses,  des  représentants  de  toutes  les  civilisa- 
tions orientales  (4).  Une  déplaisait  pas  à  l'Orient  de  se  retrou- 
ver lui-même  et  de  secouer  enfin  le  joug  des  Barbares  de  la 
Grèce  ou  de  Byzance  (5). 

Maintenant  qu'ils  étaient  partis,  ces  monarques  étran- 
gers (6),  les  Syriens  ne  se  souciaient  guère  de  les  voir  reve- 
nir. Les    chrétiens  eux-mêmes  (7),  sauf  peut-être  les  melki- 


ques  années  à  relever  les  'ruines  faites  en  Syrie  par  l'invasion  perse.  Mais, 
quand  les  Arabes  surprirent  son  imprévoyance,  il  n'avait  pas  eu  le  temps  de 
mener  à  bonne  fin  cette  restauration. 

(1)  Cf.  A.  S.  Butler,  The  Arab  conquesl  of  Egypt,  Oxford,  1002,  p.  156-159;  J. 
de  Goeje,  Mémoire  sur  ta  Conquête  de  la  Syrie,  Leyde,  1900,  p.  123  sq. 

(2)  Guy  le  Strange,  Palestine  under  Moslems,  London,  1890,  préface. 

(3)  Th.  Noldeke,  Z.  D.  M.  G.,  1885,  p.  333  sq.       . 

(4)  G.  Adam  Smith,  The  historical  geography  of  the  Holy  Land,  London,  1897, 
p.  3  sq. 

(5)  Waddington,  C.  R.  A.,  1865.  D'après  lui  «  les  causes  (qui  expliquent  en  par- 
tie la  facilité  de  la  conquête  musulmane)...  ce  sont  la  communauté  de  race  et 
de  genre  de  vie  entre  les  anciens  habitants  et  les  nouveaux  venus,  l'étroite  af- 
finité entre  les  dialectes  qu'ils  parlaient,  enfin  les  nombreuses  émigrations  ve- 
nues du  Yémen  ». 

(6)  L'exode  de  la  population  vraiment  byzantine  dut  suivre  de  près  l'invasion 
musulmane.  On  signale,  vers  cette  époque,  des  colonies  d'émigrés,  chassés  de 
Syrie  par  'approche  des  Arabes  et  qui  viennent  s'établir  dans  l'Afrique  byzan- 
tine (cf.  Ch.  Diehl,  L'Afrique  byzantine,  Paris,  1896, p.  405),  en  Gaule  (cf.  Grégoire 
de  Tours   Migne,  P.  L.,  t.  LXXI,  col.  558). 

(7)  Barhebraeus  (Abùl'Faraj).  Chron.  Ecc,  I,  col.  271-4,  témoigne  que  plus  d'un 
jacobite,  en  voyant  arriver  les  Arabes,  se  félicita  «  d'avoir  échappé  à  la  sévérité 
des  Romains  et  à  l'amertume  de  leur  haine  ».  Un  évêque  nestorien,  vers  635,  ex- 
prime les  mêmes  sentiment  (cf.  A.  J.  Butler,  op.  cit.,  p.  158,  n.  1).  Les  traditions 
nationales  des  Maronites,  à  la  vérité  assez  tardives  et  assez  confuses,  semblent 
du  moins  supposer,  à  l'origine,  dans  cette  nation  chrétienne,  un  état  d'hostilité 


40  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

tes  (1),  les  juifs  surtout  qui  avaient  à  venger  de  récents  massa- 
cres (2),  la  plupart  des  tribus  arabes  du  désert  Syrien  (3)  avaient 
salué  avec  enthousiasme,  ou  tout  au  moins  sans  amertume,  le 
nouveau  régime.  Ce  sont  probablement  des  chrétiens  renégats 
qui  ont  formé  les  Arabes  à  Fart  de  la  navigation  et  se  sont  élancés 
avec  eux  à  l'assaut  de  Byzance  (4).  A  tout  le  moins,  la  popula- 
tion syrienne  resta  neutre  dans  la  lutte  ardente  qui  s'engage 
dès  lors  entre  les  anciens  possesseurs  de  la  Syrie  jaloux  de  re- 
couvrer la  province  perdue  et  les  musulmans  avides  d'étendre 
leurs  conquêtes  en  pays  grec.  Le  dernier  vestige  de  l'occupa- 
tion byzantine  fut  effacé  sans  secousse  du  sol  syrien,  le  jour 
où,  sous  le  califat  d'Abd  el  Malek,  le  basileus  Justinien  II  con- 
sentit à  retirer  du  Liban,  où  son  prédécesseur  Constantin  IV  les 
avait  introduits,  ses  auxiliaires  Mardaïtes  (5). 

D'ailleurs,  sous  les  califes  de  Mêdine  et  les  premiers 
Omayyades,  le  sort  des  peuples  conquis  fut  assez  supportable. 
Les  impôts  n'étaient  pas  exagérés,  et  de  l'aveu  même  des  au- 
teurs byzantins,  l'opération  du  cadastre  fut  conduite  selon  les 
règles  de  la  justice  (6).  On  laissait  à  chaque  fraction  chrétienne 
tout  ce  qu'elle  possédait  au  moment  de  la  conquête  (7)  et  les  mu- 
sulmans consentaient  même  à  partager  avec  eux  les  édifices  du 

assez  prononcé  contre  les  Byzantins,  c'est-à-dire  peut-être  contre  les  Mardaïtes, 
leurs  auxiliaires,  en  garnison  dans  le  Liban.  Cf.  Anquetil-Duperron,  Recherches 
sur  les  Migrations  des Mardes  (Mém.  del'Ac  des  Inscr.,  ancienne  série,  1793,  t.  15, 
p.  93  et  sq.).  —  Enfin  J.  de  Goeje,  op.  cit.,  p.  123  et  sq.,  rapporte  que,  dans  certaines 
villes  de  Syrie,  les  chrétiens. dissidents  étaient  sortis  au-devant  des  Musulmans 
au  son  des  tambourins,  comme  pour  une  fête. 

(1)  Même  dans  les  rangs  melkites,  il  dut  y  avoir  des  défections  qui  n'entraî- 
naient pas  nécessairement  l'apostasie.  Cf.  II.  Lammens  S.  J.,  Un  poète  royal  à 
in  cour  des  Omiades.  R.  0.  C  1904,  p.  54,  n.  2. 

(2)  Cf.  Butler,  op.  cit.,  p.  159-161. 

(3)  Il  semble  que  la  religion  nouvelle  dut  faire  facilement  des  adeptes  dans  cet 
élément  de  la  population  syrienne  plus  accessible  à  la  contagion  apportée  par  les 
tribus  de  leur  pays  d'origine.  Le  parti  qaisite  ou  des  Arabes  du  Nord  de  la  Syrie 
comptait  assez  de  musulmans.  —  Les  Tagiibites  restèrent  pourtant  jacobites  (cf. 
H.  Lammens,  op.  cit.,  p.  32  et  sq.).  —  Dans  le  Ilauran,  les  Gassan  chrétiens  pré- 
férèrent s'expatrier.  Ils  vinrent  fonder  une  colonie  en  Géorgie  (Wetztein,  Z.  D. 
P.  T.,  XXI,  36  sq.). 

(4)  Cf.  A.  von  Kremer,  Cullurgesch.  des  Orients  unter  denChalifen,  Wien,  1875 
7,  I,  p.  248. 

(5)  «  C'était,  dit  Théophane  (an.  6178-79),  mutiler  la  puissance  byzantine... 
renverser  un  mur  d'airain.  » 

(6)  Cf.  Théoph.,  an.  6131. 

(7)  Cf.  Barhebraeus,  op.  cil.,  p.  274. 


LA    SYRIE    A    LA   VEILLE    DE    L'USURPATION    TULUNIDE.  41 

culte.  Une  clause  pourtant  pouvait  donner  de  sérieuses  alarmes. 
Elle  portait  que,  dans  les  contrées  envahies,  les  habitants  qui  se 
convertiraient  à  la  religion  de  leurs  maîtres  seraient  exemptés 
comme  les  autres  musulmans  de  l'impôt  de  capitation  ou  jiziaL 
C'était  mettre  à  prix  d'or  les  apostasies  (1).  Il  est  vrai  que  les 
califes  omayyades,  à  court  d'argent,  essayaient  de  retirer  ces 
privilèges  aux  mawdli  (2)  et  réprimèrent  durement  les  ré- 
voltes que  ces  mesures  restrictives  provoquèrent  dans  leurs 
rangs  (3).  Mais  il  est  à  présumer  que  les  exigences  et  les  sévéri- 
tés de  ces  durs  oppresseurs  de  peuple  n'étaient  pas  tant  pour 
leurs  «  clients  »  araméens  que  pour  les  chrétiens  islamisés  de 
l'Iraq  ou  de  la  Perse.  Aussi  l'attachement  de  cette  partie  de  la 
population  syrienne  devait-il  être  sincère  pour  cette  dynastie 
dont  les  succès  prodigieux  à  l'extérieur,  le  faste  et  la  magni- 
ficence jetaient  un  éclat  inusité  sur  leur  pays. 

Quant  aux  Dimmis  (1),  chrétiens  ou  juifs,  qui  avaient  ac- 
cepté la  domination  des  Arabes  sans  embrasser  leur  foi,  et  qui 

—  du  moins  pendant  les  premières  années  du  califat  omayyade 

—  formaient  encore  l'élément  le  plus  considérable  de  cette  po- 
pulation (5),   ils  continuèrent  assez  longtemps  à  être  traités 
avec  faveur  par  les  princes  musulmans.  Il  n'eût  pas  été  poli- 
Ci)  Cf.  Butler,  op.  cil.,  p.  401-464 

(i)  Le  mawl'i  {^y&  pi-  O1!?^')  est  le  client  de  l'Islam  converti  à  la  religion 
de  son  vainqueur. 

(3)  Cf.  G.  van  Vloten,  Recherches  sur  la  domination  arabe,  le  chiitisme  et  les 
croyances  messianiques  sous  le  califat  des  Omayyades,  Amsterdam,  1894, 
p.  38  sq. 

(  lj  Les  Dimmis  (ç'^')  sont  ceux  qui,  —  chrétiens,  juifs  ou  samaritains,  — 
«  ayant  fait  leur  soumission  régulière  aux  conquérants  musulmans,  en  ont  ob- 
tenu, moyennant  certaines  conditions,  dont  la  principale  est  le  payement  de  la 
capitation,  le  libre  exercice  de  leur  culte  et  le  maintien  de  leurs  coutumes  ».  Cf. 
Clermont-Ganneau,  Rec.  d'Arch.  Or.,  II,  316.  —Th.  P.  Hughes,  .4  diciionary  of  Is- 
lam, London,  1885,  710. 

(5)  Th.  Noldeke.  Z.  D.  M.  G.,  1901,  p.  685. 

(6)  Les  Maronites  jouissaient  de  la  même  faveur,  à  en  juger  par  le  succès  de  la 
dispute  doctrinale  qu'ils  eurent  avec  les  Jacobites  par-devant  Mu'àwiya,  alors 
simple  gouverneur  de  Damas  (658-659).  Les  Jacobites,  vaincus  dans  ce  tournoi 
théologique,  furent  condamnés  par  l'arbitre  musulman  à  payer  20.000  dinars.  Cf. 
F.  Nau,  Opuscules  maronites,  p.  6-7.  Quant  aux  nestoriens,  s'ils  profitèrent  du 
nouveau  règne  pour  se  répandre  en  Syrie,  ils  furent  cependant,  comme  d'ail- 
leurs tout  ce  qui  avait  des  accointances  avec  la  Perse  hostile,  plus  suspects  que 
les  Jacobites  aux  califes  de  Damas.  Cf.  J.  Labourt,  De  Timotheo  I,  Paris,  1904, 
p.  38  et  ::  !. 


42  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN 

tique  de  les  irriter.  Les  jacobites  étaient  fort  bien  en  cour.  On 
gagnait  beaucoup  à  user  de  tolérance,  même  envers  les  mel- 
kites  ;  c'était  les  déshabituer  «  de  regarder  vers  Byzance  »  (1). 
Il  est  vrai  que,  vers  la  fin  duvne  siècle,  il  y  eut  un  revirement 
dans  la  politique  des  califes.  La  chronique  dite  de  Denys  de 
Tellmahré  fait  remonter  l'origine  de  tous  les  maux  répandus 
sur  les  chrétiens  au  célèbre  édit  fiscal  de  ta'dil,  publié  en  692 
par  'Abd-el-Malek  (2).  —  Mais  la  tolérance  fut  de  nouveau  à 
l'ordre  du  jour,  dès  que  le  péril  fut  moins  du  côté  de  Byzance 
que  du  côté  de  la  Perse.  Les  mouvements  'alides  exploités 
contre  eux  par  les  'Abbâsides  préoccupaient  trop  les  Omayyades 
pour  qu'ils  eussent  l'imprudence  de  froisser  les  Syriens  par  des 
mesures  de  rigueur.  Dans  les  dernières  années  du  califat  de 
Damas,  les  melkites  eux-mêmes  semblent  avoir  joui  d'une 
grande  liberté.  Ils  purent  entamer  des  controverses  religieuses 
avec  les  plus  éclairés  des  musulmans.  A  ce  contact,  l'ancienne 
théologie  fataliste  du  Coran  sembla  soudain  s'élargir.  Elle  devint 
assez  hospitalière  pour  admettre  un  compromis  avec  la  théorie 
murji'ite  de  la  volonté  salvifique  universelle  en  Dieu  et  la  théo- 
rie qadarite  du  libre  arbitre  (3).  Quelques  années  plus  tard, 


(1)  Cf.  II.  Lammens  S.  J.,  Le  chantre  des  Omiades  (Extrait  du  Journ.  As.), 
p.  110  sq. 

(2)  Cf.  H.  Lammens,  ibid.,  p.  127.  Ta'dîl  (JjAjù)  signifie  égalisation.  On  cou- 
vrait de  ce  mot  des  mesures  vexatoires  par  lesquelles  on  prétendait  ramener 
les  chrétiens  à  leur  vraie  condition.  Il  est  possible  que  les  premiers  succès  des 
Grecs  et  la  nouvelle  attitude  prise  par  Justinien  II  aient  indisposé  le  calife  à 
l'égard  des  chrétiens.  Peut-être  aussi,  à  mesure  que  le  nombre  des  conversions 
à  l'Islam  augmentait  en  Syrie  (cf.  De  Goeje,  p.  147),  sentait-on  le  besoin  de  rele- 
ver ces  musulmans  de  fraîche  date  aux  yeux  de  leurs  compatriotes  restés  fidèles 
à  leur  passé.  Vers  702  commence  pour  le  siège  melkite  d'Antioche  une  vacance 
de  quarante  ans.  Walid,  comme  du  reste  cAbd-el-Malek,  travaille  à  déchristiani- 
ser l'administration.  Il  ne  tient  pas  compte  des  garanties  données  aux  chrétiens 
de  Syrie  lors  des  premières  capitulations,  et  il  fait  détruire,  à  Damas,  l'église 
chrétienne  de  Saint-Jean,  pour  élever  une  mosquée  sur  ses  ruines.  'Omar  II  est 
probablement  l'auteur  des  odieuses  mesures  qu'on  a  ensuite  attribuées  au  pre- 
mier calife  de  ce  nom  (cf.  De  Goeje,  op.  cil.,  p.  147-9).  Enfin  Yazid  II  exerce 
contre  les  chrétiens  de  Syrie  les  rigueurs  d'un  iconoclaste. 

(3)  On  sait  le  rôle  important  que  joua  alors  saint  Jean  Damascène.  Il  prit  part 
probablement  à  ces  controverses,  cf.  Mdgne,  P.  G.,  t.  XCIV,  1586-1598.  Il  serait 
intéressant  de  dégager  la  part  d'influence  qu'il  a  eue  sur  le  développement  de 
la  pensée  musulmane.  Cette  part,  A.  Mûller  la  croit  assez  large,  Der  Islam  im 
Morgenund  Abendland,  Berlin,  1885-1887,  I,  406.  —Cf.  Th.  Nôldeke,  Orientalische 
Skhzen,  Der  Islam,  Berlin,  1892;  P.  0.  Chantepie  de  la  Saussaye  (Th.  Iloutsma), 


LA    SYRIE    A    LA    VEILLE    DE    L'USURPATION    TULUNIDE.  43 

peu  avant  ou  peu  après  la  chute  des  Omayyades,  le  spectacle 
du  monachisme  chrétien,  qui  avait  toujours  séduit  l'imagination 
arabe  (1),  provoquait  peut-être  dans  la  Syrie  inférieure  la  pre- 
mière apparition  des  monastères  de  soufis,  ces  moines  musul- 
mans (2). 

D'ailleurs,  par  une  habileté  de  politique  ou  par  une  inspi- 
ration de  tolérance  qui  les  servit,  les  nouveaux  maîtres  de  la 
Syrie  avaient  laissé  à  chaque  confession  chrétienne  ses  biens, 
sa  vie  propre,  ses  chefs  religieux,  ses  représentants  accrédités 
auprès  du  trône  des  califes.  Par  le  fait  même,  les  Dimmis  chré- 
tiens, sans  entrer  dans  l'unité  islamique,  cessaient  d'être  un 
danger  pour  elle.  Entre  ces  «  nations  »,  séparées  d'intérêts 
comme  de  croyances,  l'union  des  volontés  devenait  presque 
impossible.  Comment  se  seraient-elles  dégagées  du  réseau 
administratif  où  on  emprisonnait  leurs  velléités  d'opposi- 
tion, pour  tenter  un  effort  commun  contre  les  ennemis  de  leur 
foi  (3)? 

En  résumé,  les  Omayyades  avaient  su  se  concilier  à  peu  près 
toutes  les  classes  de  la  population  syrienne,  ou  du  moins  neu- 
traliser les  résistances  qui  auraient  pu  se  produire  parmi  les 
réfractaires  à  l'Islam.  Cependant,  si  les  colons  musulmans  des 
pays  araméens  et  leurs  clients  islamisés  étaient  ralliés  de  cœur 
au  nouveau  régime,  un  certain  nombre  de  Dimmis,  chrétiens 
ou  juifs,  se  souvenaient  des  jours  de  persécution  inaugurés 
par  l'édit  du  ta  d'il  et  craignaient  des  retours  de  fanatisme.  Les 
jacobites  pouvaient  oublier  dans  la  faveur  des  califes  ces  heures 
sombres.  Les  rares  nestoriens  de  Syrie,  qui  partageaient  les 
espérances  des  Perses  opprimés,  devaient,  comme  eux,  re- 
garder avec  faveur  l'astre  des  'Abbàsides  qui  montait  lente- 
ment derrière  l'Euphrate  (4).  Les  melkites,  de  leur  côté,  con- 


Lehrbuchder  R.  G-,  Freiburg  im  Brisgau,  1897,  I,  p.  367  (trad.  H.  Hubert,  p.  288); 
P.  B.  Macdonald,  Muslim  Theulogy,  p.  131;  H.  Lammens,  ROC,  1904,  p.  52. 

(1)  Cf.  H.  Lammens,  ROC,  1904,  p. 34  et  sq. 

(•2)  Cf.  Carra  de  Vaux,  Gazali,  Paris,  1902,  p.  179  sq.;  Th.  Houtsma  (trad.fr.), 
op.  cit.,  p.  297;  A.  Millier,  op.  cit.,  p.  407.  D'autres  motifs  contribuaient  à  pous- 
ser les  musulmans  vers  l'ascétisme  mystique. 

(3)  Le  R.  P.  S.  Vailhé,  Dictionnaire  de  Théologie  catholique,  article  Anlioche, 
col.  1407,  et  le  R.  P.  J.  Pargoire,  l'Église  byzantine,  1905,  p.  144  sq.,  donnent 
d'intéressants  aperçus  sur  ces  mêmes  questions. 

(4)  Cf.  Poésie  de  Al  Ja'di. 


44  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

servaient  en  grand  nombre  des  sympathies  pour  les  Byzantins 
avec  lesquels  ils  avaient  des  rapports  doctrinaux.  C'étaient  des 
germes  de  désaffection.  Mais  ils  étaient  encore  rares  et  clair- 
semés. 

Quand,  sur  les  rives  du  grand  Zâb,  la  fortune  des  Omayyades 
eut  sombré  (25  janv.  750),  la  fidélité  des  Syriens  de  toute  reli- 
gion fut  mise  à  plus  dure  épreuve.  Dans  la  lutte  contre  la 
dynastie  qui  venait  de  s'éteindre,  les  califes  'Abbâsides  qui  leur 
succédaient  dans  l'émirat  suprême  des  croyants  s'étaient  ap- 
puyés sur  la  Perse  'alide,  sur  les  éléments  iraniens  ou  iranisés 
du  vaste  empire  musulman,  plutôt  que  sur  les  éléments  arabes 
et  sonnites.  Ils  s'étaient  très  vite  retournés,  il  est  vrai,  contre 
les  'alides  dont  ils  avaient  trompé  l'espoir,  mais  ils  continuaient 
à  favoriser  les  contrées  orientales  du  califat.  Un  de  leurs  pre- 
miers actes  avait  été  de  transporter  au  delà  de  l'Euphrate  le 
siège  de  leur  puissance.  Laissant  Damas  humiliée  pleurer  ses 
gloires  passées  sur  les  tombes  profanées  des  Omayyades,  Al 
Mansûr  (Almanzor)  avait,  en  762,  fondé  sur  la  rive  orientale 
du  Tigre  la  ronde  Bagdad,  la  capitale  perse,  qui  allait  très  vite 
éclipser,  par  l'éclat  de  la  civilisation  composite  dont  elle  était 
le  foyer,  l'ancienne  capitale  arabe  et  syrienne.  Après  avoir  été 
le  pivot  de  l'Empire,  la  Syrie  n'était  plus  qu'une  province  se- 
condaire, assez  suspecte,  de  l'immense  domaine  des  'Abbâsides. 

Quelle  attitude  allait-elle  prendre  vis-à-vis  du  pouvoir  cen- 
tral? La  réponse  ne  peut  être  donnée  certaine  pour  chaque 
groupe  de  la  population  et  pour  chaque  période  secondaire  du 
vme  siècle  finissant  et  du  ixe  siècle.  Cependant,  à  travers  la  ra- 
reté et  la  confusion  des  documents  (1),  des  lignes  générales  se 
dessinent.  Nous  allons  tenter  de  les  retrouver. 

La  question  se  pose  tout  d'abord  pour  la  population  musul- 
mane de  la  Syrie.  Il  est  manifeste  que  l'avènement  des  lAbbâ- 
sides  ouvre  pour  elle  une  ère  de  dissensions  intestines  et  de 
révoltes  contre  le  califat.  Loin  de  la  surveillance  de  leurs  maî- 
tres, les  tribus  arabes  de  Syrie,  toujours  partagées  en  deux 
camps,  se  déchirent  mutuellement.  Arabes  du  Nord  et  Arabes 

(1)  Cf.  J.  Labourt  {De  Timolheo  I,  p.  ix),  qui  renonce,  devant  la  pénurie  des 
documents,  à  tracer  un  tableau,  complet  de  la  situation  des  chrétiens  sous  les  ca- 
lifes. Nous  voulons  seulement  orienter  le  lecteur. 


LA   SYRIE    A    LA   VEILLE    DE    L'USURPATION   TULUNIDE.  15 

du  Sud,  Qaisites  et  Yéménites,  sont  aux  prises  dans  les  plaines 
de  la  Damascène.  Ces  dissensions  ne  déplaisent  pas  aux  'Abbà- 
sides  parce  qu'elles  brisent  l'opposition  syrienne.  Elles  les 
inquiètent  pourtant,  parce  qu'elles  cachent  parfois  une  tentative 
de  réaction  omayyade.  Les  califes  déchus,  en  effet,  ont  conservé 
des  partisans  dévoués  en  Syrie,  et  des  ambitieux  en  profitent 
pour  susciter  périodiquement  des  insurrections  dans  la  plaine 
de  Damas  ou  en  Palestine.  Mutawakkel  (847-861),  il  est  vrai, 
faillit  réconcilier  la  Syrie  avec  la  dynastie  des  'Abbàsides.  Il 
songea  à  transférer  sa  résidence  dans  l'ancienne  capitale  des 
Omayyades,  à  Damas,  où  il  se  croyait  plus  en  sûreté  que  dans 
le  'Iraq  travaillé  par  les  'Alides  (1).  On  put  croire  un  instant  à 
la  résurrection  de  l'antique  cité  (2).  Mais  le  fantasque  souve- 
rain trouva  peu  à  son  goût  l'air  et  l'eau  de  Damas.  Il  revint 
se  fixer  à  Sàmarrà.  C'était  renoncer  à  s'appuyer  sur  les 
Arabes  de  Syrie  et  se  remettre  sous  la  tutelle  de  la  soldatesque 
turque.  La  province,  une  seconde  fois  méprisée,  trompée  dans 
son  espoir  de  renaissance,  fut  de  nouveau  secouée  par  des 
révoltes,  dont  le  foyer  semble  avoir  été,  à  cette  époque,  la  ville 
syrienne  de  Homs. 

On  aurait  pu  croire  que  la  Syrie  musulmane,  tout  en  se  dé- 
tachant du  califat  'abbâside,  restait  pourtant  zélée  pour  les  inté- 
rêts généraux  de  l'Islam.  De  fait,  jusqu'au  califat  de  Mutawakkel, 
elle  fut  contre  les  retours  des  Byzantins  le  boulevard  de  la  Con- 
fédération musulmane.  Placée,  par  sa  situation  géographique, 
aux  avant-postes  de  l'empire  islamique,  l'ancienne  province 
byzantine  avait  longtemps  mené  avec  acharnement  contre  les 
Grecs  la  guerre  incessante  des  frontières.  Chaque  année  des  vo- 
lontaires, venus,  il  est  vrai,  de  tous  les  points  du  califat,  —  les 
mutatauwa,  —  partaient  pour  la  région  des  'Awâsem,  desplaces 
fortes  situées  entre  Antioche  et  Manbij  ;  ou  bien  ils  se  dispersaient 
en  groupes  d'éclaireurs,  sur  une  ligne  de  défense  encore  plus 
avancée,  qu'on  appelait  les  Tugùr  (3).  Là  ils  disputaient  chaude- 

(1)  G.  Weil,  Gesch.  der  Chalifen,  Mannheim,  1846-51,  II,  364. 

(2)  Poésie  d'Al  Muhallabi. 

(3)  Les  deux  cercles  militaires  des  'Awàsem  (~o!j*j!)  et  des  Tugûr(.jii3!) 

avaient  été  créés  par  Hârûn,  en  786  (cf.  A.  von  Kremer,  C.  G.,  I,  318.  sq;  Guy  le 
Strange,  op.  cit.,  p.  25-26,  36-38.  Les  Tugùr,  divisés  en  deux  groupes  par  J. 
Lukkain,  étaient,  d'un  coté,  les  forteresses  syriennes  de  Tarse,  Adana,  Masîsa,  etc. 
de  l'autre,  les  forteresses  dites  mésopotannennes  :  Malatiya,  Mar'as,  etc. 


46  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

ment  aux  Byzantins,  aussi  acharnés  qu'eux  à  cette  guerre  sainte 
d'extermination,  chaque  sillon  du  sol.  Parfois  ils  s'abattaient  en 
tourbillon  sur  le  territoire  ennemi,  puis  revenaient  gorgés  de 
butin,  laissant  un  désert  derrière  eux  (1).  D'autres  volontaires 
veillaient  sur  les  frontières  maritimes.  Dans  les  ports  de  Phé- 
nicie  (2),  de  Syrie  et  de  Cilicie,  tout  le  long  de  la  côte  semée  de 
postes  d'observation  (3),  dans  les  havres  battus  par  la  mer  et  sur 
les  premiers  contreforts  du  Liban  (4),  partout,  on  faisait  bonne 
garde. 

Or,  et  ceci  était  un  signe  palpable  du  changement  qui  s'opé- 
rait dans  les  âmes,  cet  élan  pour  la  guerre  sainte  qui  avait 
valu  aux  musulmans,  jusqu'à  l'époque  de  Mutawakkel,  de 
très  beaux  succès,  se  trouvait  brisé. 

Dès  871,  l'empereur  byzantin  Basile  Ier,  le  fondateur  de  la  dy- 
nastie macédonienne,  reprend  énergiquement  l'offensive.  En 
876-877,  à  la  veille  de  l'usurpation  d'Ibn-Tùlûn,  ses  troupes 
ravagent,  sans  rencontrer  de  sérieuse  résistance,  la  Cilicie  et 
Syrie  supérieure  de  Tarse  à  Mar'as. 

C'est  que  ce  désenchantement  politique,  qui  éloignait  insen- 
siblement la  Syrie  musulmane  du  califat,  avait  entraîné,  par 
voie  de  conséquence,  un  fléchissement  dans  le  zèle  religieux  et 
dans  l'orthodoxie  doctrinale.  Par  le  fait  même  qu'ils  avaient  été 
acceptés  par  la  majorité  des  croyants,  les  'Abbâsides,  ces  schis- 
matiques  d'hier,  étaient,  à  leur  tour,  devenus  les  défenseurs 
attitrés  du  sonnisme.  Et  la  Syrie,   par  un  revirement  qui  no 


(1)  A.  von  Kremer,  op.  cil.,  I,  203.  Cf.  G.  Schlumbergër,  Nicéphore  Phocas, 
p.  193  et  passim,  pour  une  époque  où,  sous  l'impulsion  imprimée  par  le  Hamda- 
nide  Saif-ad-Daula,  la  Syrie  du  Nord  était  de  nouveau  soulevée  par  la  passion  et 
la  guerre  sainte. 

(2)  Par  exemple  à  Tyr  qu'une  chaîne  de  fer  défendait  contre  l'approche  des  vais- 
seaux ennemis  (cf.  Muqaddasi),  à  Tripoli  d'où  les  corsaires  s'élançaient  pour  la 
chasse  aux  chrétiens. 

(3)  Les  géographes  arabes  parlent  longuement  de  ces  postes  qu'ils  appellent 
ribât.  Dès  qu'un  navire  grec  paraissait  à  l'horizon,  sur  toutes  ces  tours  de  garde 
s'allumaient  successivement  des  feux  dans  la  nuit,  ou  bien  des  cornes  au  son 
perçant   retentissaient,  portant  rapidement  la  nouvelle  jusqu'au   poste  central. 

(4)  Dans  beaucoup  de  villes  côtières,  dès  les  premiers  jours  de  la  conquête,  des 
colonies  perses  avaient  été  transplantées  (cf.  Yàcqùbî,  Z.D.P.  V,  rt,  87;  ROC.  IV, 
1902,  477).  Sortis  de  ces  garnisons  perses  (P.  L.  Cheikho  S.  J.,  Tarîkh  Beiroùt, 
]i.  -,'7-28  n.J  ou  Arabes  émigrés  loin  de  leurs  déserts  (Dr  von  Oppenheim,  Von 
Miltelmeer  zum  Persischen  Golf,  1899),  les  Tanûkh  avaient  été  établis  par  les 
Wbbàsides  dans  l'émirat  libanais  du  Garb. 


LA    SYRIE    A    LA   VEILLE    DE    i/USURPATION    TULUNIDE.  47 

peut  étonner  ceux  qui  ont  étudié  de  près  l'Islamisme,  la 
Syrie,  si  longtemps  hostile  aux  'Alides,  si  fervente  hier  pour 
l'orthodoxie,  se  prenait  presque,  par  réaction,  par  haine  jalouse 
contre  des  maîtres  qui  la  dédaignaient,  à  nourrir  des  senti- 
ments à  demi  chiites. 

Les  'Abbàsides  se  sont-ils  attiré  du  moins  la  sympathie  des 
chrétiens  encore  nombreux  dans  cette  province  tourmentée? 
—  Les  Nestoriens,  ralliés  par  tradition  et  par  tendance  à  tout 
gouvernement  favorable  aux  Perses,  ont  moins  à  souffrir  que 
sous  les  Omayyades(l).  Ils  fournissent  aux  'Abbàsides  des  mé- 
decins influents,  des  traducteurs  et  des  secrétaires.  C'est  pro- 
bablement sous  le  patriarcat  de  Timothée  (m.  823)  que  l'évêché 
nestorien  de  Damas  est  élevé  à  la  dignité  de  métropole  (2).  — 
Les  Jacobites  furent  plus  durement  traités.  Les  chroniques  de 
Denys  de  Tellmahré  et  de  Barhebraeus  en  font  foi.  Cependant, 
comme  ils  donnaient  aussi  au  service  des  califes  des  médecins 
célèbres  et  des  savants,  comme  ils  étaient  peu  suspects  de  faire 
des  vœux  pour  les  Byzantins,  ils  furent,  sans  aucun  doute, 
moins  harcelés  que  les  melkites  (3).  Pour  ces  derniers,  la  tolé- 
rance fut  l'exception.  On  peut  distinguer  assez  facilement  trois 
périodes  dans  leur  triste  histoire.  A  l'origine,  sous  les  premiers 
califes  'abbàsides  jusqu'à  l'avènement  de  Mâ'mùn  (813),  l'exas- 
pération des  luttes  religieuses  qui  se  livraient  aux  frontières 
leur  fut  fatale.  Théophane  trace  en  traits  fort  noirs  le  tableau 
de  la  persécution  exercée  contre  ses  coreligionnaires  par  les 
califes  Mansûr  (754-775)  et  Mahdy  (775-785)  (4).  Une  lettre 
adressée  par  les  àpy^ptiq  de  l'Orient  au  patriarche  de  Constan- 

(1)  J.  Labourt,  De  Timotheo  I,  Paris,  1904,  p.  33-37,  note  que  le  calife  Hàrùn, 
prêt  à  entrer  en  campagne  contre  les  Grecs,  recommandait  aux  prières  du  pa- 
triarche nestorien  le  succès  de  son  expédition.  Cependant  le  même  auteur,  Le 
christianisme  dans  l'empire  Perse,  Paris,  1904,  p.  349,  signale  dans  l'histoire  des 
Nestoriens  au  ix°  siècle  «  quelques  persécutions  de  courte  durée  sous  les  califes 
llàrùn  ar  Rasîd  et  Mutawakkel  ».  Cf.  du  même  auteur,  R  H L  R,  1905,  p.  390  sq. 

(2)  Cf.  Assemani,  B.  0.,  III-,  p.  431.  Voiries  restrictions  apportées  par  M.  La- 
bourt, De  Timotheo  I, p.  39,  et  surtout  RHLR,  1905,  p,  397,  note  1. 

(3)  Nous  ne  disons  rien  des  Maronites.  Duwaihi ,  et  après  lui  le  récent  histo- 
rien maronite  de  la  Syrie,  M8''  Debs  (cf.  Hist  de  la  Syrie,  texte  arabe,  t.  V, 
p.  26),  déplore  pour  cette  période  l'absence  do  documents.  «  Il  y  a  eu,  dit  Du- 
waihi pour  expliquer  ce  silence,  si  peu  d'écrivains  et  tant  de  vicissitudes  où  a 
péri  ce  qu'il  y  avait  de  livres,  tant  d'émigrations...  >> 

(4)  Théophane,  an.  6218  et  sq.  Le  R.  P.  Pargoire,  op.  cit.,  p.  277  sq.,  énumère 
les  principaux  actes  de  cette  persécution. 


48  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

tinople  Tamise  peint  au  vif  leurs  épreuves,  leurs  terreurs  con- 
tinuelles (1).  On  ne  voit  pas  que  les  rapports  liés  dès  797  entre 
Hârûn-ar-Rasîd  et  Charlemagné  (2)  aient  amélioré  d'une  façon 
sensible  ou  durable  la  condition  des  persécutés.  Théophane  as- 
sure que  Hàrûn  lui-même  «  fit  souffrir  beaucoup  de  maux  aux 
chrétiens  (3)  » . 

L'accalmie  fut  plus  sérieuse  sous  les  califes  Mu'tazilites  (4). 
Toutes  leurs  rigueurs  étaient  pour  les  musulmans  orthodoxes, 
pour  les  adorateurs  du  Coran  (5).  D'ailleurs  Ma'mûn  (813-833), 
pour  tirer  de  son  «  engourdissement  et  de  son  long  sommeil  »  (6) 
l'esprit  des  Arabes,  n'avait  pas  craint  de  faire  appela  des  édu- 
cateurs chrétiens.  C'est  à  des  chrétiens  également  qu'il  confiait 
le  soin  de  révéler  à  ces  intelligences  incultes,  par  des  traduc- 
tions faites  souvent  sur  un  intermédiaire  syriaque,  les  trésors 
philosophiques  de  la  Grèce  (7).  Seul,  parmi  les  califes  Mu'tazi- 
lites,  Wâteq  (842-847)  fut  également  dur  pour  les  chrétiens  et 
pour  les  musulmans  qui  ne  partageaient  pas  leurs  idées  (8). 

Enfin  une  troisième  phase  s'ouvre  pour  les  chrétiens  avec 
l'avènement  de  Mutawakkel  (847-881).  Le  calife,  en  revenant  à 
l'orthodoxie  des  premiers 'abbàsides,  revint  à  leurs  traditions 
d'intolérance.  Par  ses  ordonnances  de  849  et  de  851  il  renché- 


(1)  Migne,  P.  G.,  t.  XCVIII,  col.  1168  sq. 

(2)  M.  A.  Gasquet,  l'Empire  byzantin  et  la  monarchie  franque,  Paris,  1888, 
p.  291-294,  renvoie  aux  principales  sources. 

(3)  Cf.  dans  le  même  sens  un  extrait  du  Kitâb  al  Kharâj,  cité  par  J.  de  Goeje, 
p.  142-3.  Les  premiers  califes  furent  aussi  impitoyables  pour  une  secte  très  eu- 
rieuse  et  imparfaitement  connue,  celle  des  Zanâdiqa,  à  demi  manichéens,  à 
demi  mazdéens,  qui  habitaient  au  nord  de  la  Syrie  (cf.  Weil,  op.  cit.,  II.  105). 
Ce  nom,  abhorré  des  vrais  croyants,  fut  appliqué  plus  tard  à  tous  les  incroyants 
(cf.  A.  Millier,  op.  cit.,  I,  496).  C'était  une  secte  entièrement  secrète  (cf.  Macdo- 
nald,  op.  cit.,  p.  134).  Us  «  ne  reconnaissaient  aux  religions  révélées  qu'une 
valeur  relative  et  proclamaient  les  droits  d'une  morale  indépendante  ».  (Cf. 
Chantepie  de  la  Saussaye,  Th.  Houtsma,  op.  cit.,  291.) 

(4)  On  appelle  ainsi  certains  califes  'abbàsides,  qui,  adoptant  la  manière  de 
voir  moins  étroite  de  certains  philosophes  ainsi  surnommés,  persécutèrent  avec 
beaucoup  de  sévérité  les  orthodoxes  outranciers  qui  professaient  le  dogme  de  la 
divinité  du  Livre. 

(5)  Cf.  G.  Weil,  op.  cit.,  II,  p.  260-263;  Clermont-Ganneau,  RAO,  II,  334. 

(6)  Barhebraeus,  Târikh  muklasar  adduical,  Beyrouth.  1890,  p.  235. 

(7)  Cf.  R.  Duval,  La  littérature  syriaque,  Paris,  1899,  p.  15;  J.  de  Boer-,  Gesch. 
der  Philos,  im  Islam,  Stuttgart,  1901,  etc. 

(8)  Les  Jacobites  ne  furent  pas  épargnés.  Cf.  la  fin  de  la  Chron.  de  Tellmahré, 
citée  par  Barhebraeus. 


LA    SYRIE    A  LA   VEILLE    DE    L'USURPATION    TULUNIDE.  49 

rit  sur  leurs  exigences  tyranniques.  Les  dimmis  chrétiens,  en 
majorité,  devaient  donc,  vers  la  fin  du  ix'  siècle,  soupirer  eux 
aussi,  et  plus  encore  que  les  musulmans,  après  un  changement 
de  régime  politique. 

En  somme,  si  l'on  éclaire  les  uns  par  les  autres  tous  ces 
indices  fournis  par  l'histoire  de  Syrie  pendant  les  trois  premiers 
siècles  de  l'Hégire,  on  peut  dire  que,  vers  878,  cette  contrée  si 
longtemps  fidèle  au  califat,  est  mûre  pour  la  défection.  Chré- 
tiens et  musulmans  ne  portent  qu'à  regret  le  joug  odieux  des 
Wbbâsides.  Et  le  spectacle  de  ce  vaste  empire  qui  se  désa- 
grège autour  d'eux,  sous  l'influence  de  causes  analogues  à 
celles  qui  jettent  dans  leur  pays  ces  germes  de  révolte,  les  in- 
vite à  le  secouer. 

Une  première  fois,  entre  866  et  869,  à  une  date  que  nous 
aurons  à  fixer  ultérieurement,  il  y  eut  comme  une  répétition 
de  la  scène  qui  allait  se  jouer,  plus  en  grand,  en  878.  Un  émir 
que  les  historiens  arabes  désignent  quelquefois  sous  le  nom 
d'Ibn  Cheikh  eut  l'audace  de  se  déclarer  indépendant  en  Syrie. 
Avant  de  raconter  cette  révolte,  qui  décida  la  première  inter- 
vention de  Ahmed  b.  Tùlùn  dans  les  affaires  syriennes,  il  con- 
vient de  présenter  ce  dernier  aux  lecteurs. 

Cantorbéry. 

Fr.  Bouvier. 


OlilENT   CHRETIEN. 


LES  MONNAIES  MONGOLES 

DE  LA  COLLECTION  DECOURDEMANCHE 

Les  trente-huit  (1)  monnaies  mongoles  qui  sont  décrites  dans 
le  présent  article  ont  été  données  au  Cabinet  des  médailles  par 
M.  Decourdemanche. 

Elles  appartiennent  pour  la  majeure  partie  aux  séries  moné- 
taires qui  furent  émises  dans  l'Iran,  dans  l'Irak  Arabi  et  le  pays 
de  Roum  par  les  princes  de  l'oulous  de  Toulouï-Khan  dont  le  fils, 
Houlagou,  fut  envoyé  faire  la  conquête  définitive  de  ces  vastes 
contrées  par  l'empereur  Mongké-Kaan  ;  le  reste  appartient  aux 
séries  monétaires  des  princes  de  l'oulous  de  Djoutchi-Khan  qui 
ont  régné  sur  la  Russie.  Ces  pièces  comblent  d'une  façon  fort 
heureuse  les  lacunes  de  la  série  mongole  du  Cabinet  de  France, 
où  l'on  ne  trouvait,  avant  le  don  que  M.  Decourdemanche  a 
bien  voulu  faire  de  cette  partie  de  sa  collection  de  monnaies, 
aucune  pièce  frappée  au  nom  du  sultan  Oltchaïtou.  Parmi  les 
pièces  les  plus  importantes  de  la  collection  Decourdemanche, 
je  signalerai  un  dirhem  d'Ahmed  Takoudar  avec  légende  mon- 
gole (n°3),  un  dirhem  d'Arghoun  avec  légende  mongole  et  l'ins- 
cription :  «  Au  nom  du  Père  et  du  Fils  et  de  l'Esprit  de  Sainteté  » 
(n°  4),  deux  dirhems  de  Mahmoud  Ghazan  avec  légendes  trilin- 
gues, n"s  7  et  10,  ce  dernier  presque  à  fleur  de  coin,  les  piécettes 
de  cuivre  15-18,  la  pièce  n°  19,  les  deux  dirhems  bilingues 
d'Oltchaïtou  Khorbanda,  n°s  20  et  21,  un  dinar  d'Abou  Saïd 
Behadour-Khan,  n°  22. 

Ces  monnaies  se  divisent  en  deux  séries  :  celles  sur  lesquel- 
les le  prince  régnant  en  Perse  se  reconnaît  comme  le  vassal 
du  Khaghan,  JiU.  ou  Kâân  Ju  que  les  Chinois  ont  rendu  par 
le  titre  d'empereur,  Hoang-ti,  qui  régnait  à  Karakoroum  et  à 
Khanbaligh  comme  suzerain  des  quatre  oulous.  Plusieurs  des 

(1)  Le  don  de  M.  Decourdemanche  comprend  en  réalité  39  pièces,  mais  il  y  en 
a  une  en  cuivre  portant  une  légende  très  effacée  que  je  ne  sais  comment  classer 
et  que  je  ne  comprends  pas  dans  cet  article. 


LES    MONNAIES    MONGOLES.  51 

monnaies  du  premier  de  ces  groupes  portent  gravée  au  revers 
l'inscription  :  «  Au  nom  du  Père  et  du  Fils  et  de  l'Esprit  Saint  » 
accompagnée  d'une  croix;  cette  formule  ne  disparaît  définiti- 
vement de  la  numismatique  des  Mongols  de  Perse  que  lorsque 
Ghazan  se  fut,  sur  les  conseils  de  l'émir  Naurouz,  converti  à  la 
foi  musulmane. 

Si  l'on  en  croit  l'auteur  des  Fleurs  de  V histoire  de  la  terre 
d'Orient,  Haïthoum,  les  premiers  princes  mongols  qui  ont 
régné  en  Perse  et  même  les  Khaghans  de  Khanbaligh  auraient 
professé  la  religion  chrétienne.  Ce  serait  en  1253,  au  grand  kou- 
riltaï  que  tint  l'empereur  Mongké-Kaan  et  au  cours  duquel 
furent  résolues  les  expéditions  contre  le  khalife  de  Bagdad  et 
contre  la  dynastie  chinoise  des  Soung,  que  le  souverain  de  tous 
les  clans  mongols  se  serait  fait  baptiser,  sur  les  instances  du 
roi  d'Arménie.  Haïthoum  fait  dire  à  Mongké-Kaan  :  «  A  vous, 
roy  d'Arménie,  disons,  nous  qui  sommes  empereour,  nous  nous 
ferons  baptisier  premièrement,  et  croirons  la  foy  de  Crist;  et 
ferons  baptizier  tous  ceulz  de  nostre  ostel  (1)  et  tendrons  tous 
celle  foy  que  tiennent  huy  les  Crestiens.  Aus  autres  conseille- 
rons que  ilz  facient  ce  meismes,  mais  force  ne  leur  feron  nous 
mie,  car  la  foy  ne  veult  avoir  force  nulle  (2).  » 

«  Quant  Mango  can,  clit-il  plus  loin,  out  acomplies  toutes  les 
peticions  du  roy  de  Arménie,  tantost  se  fist  baptizer  par  un 
evesque  qui  estoit  chancellier  du  roy  d'Arménie.  Et  fit  baptizier 
ceulx  de  son  ostel,  et  furent  baptisés  plusieurs  hommes  et 
femmes.  Après  ordena  la  gent  d'armes  qui  dévoient  suivre  Hal- 
cou,  son  frère  (3).  » 

Ce  récit  d'Haïthoum  est  fort  exagéré  et  on  ne  peut  admettre 
que  le  grand  Khaghan  des  Mongols  n'ait  été  qu'une  sorte  de 
vassal  moral  du  petit  roi  d'Arménie.  C'est  dans  le  kouriltaï 
ou  diète  générale  tenue  aux  sources  de  la  rivière  Onan,  en 
janvier  1253,  que  Mongké-Kaan  donna  à  son  frère  Houlagou  le 
commandement  de  l'armée  qui  devait  aller  faire  la  conquête 

(1)  Par  ostel,  Haïthoum  entend  évidemment  ce  que  les  Mongols  nomment  our- 
dou, c'est-à-dire  la  famille  tout  entière  et  les  serviteurs;  il  s'ensuit  que  Hou- 
lagou, le  chef  de  l'expédition  de  Perse,  et  Khoubilaï  qui  marcha  contre  les  Souug 
auraient  été  baptisés  en  même  temps  que  Mongké-Kaan. 

(2)  Man.  français  12  201,  fol.  26  verso;  cf.  Oniont,  La  (leur  des  Histoires  de  la 
terre  d'Orient,  Notices  et  Extraits,  t.  XXXVIII,  p.  28">. 

(3)  Ibid.,  folio  27  recto. 


52  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

de  l'Iran;  c'est  donc  à  cette  époque  que  Mongké  et  son  frère 
Houlagou  auraient  reçu  le  sacrement  du  baptême;  or,  cette  as- 
sertion de  Haïthoum  n'est  guère  confirmée  par  le  récit  très 
véridique  que  fit  le  cordelier  Guillaume  de  Rtibrtick  de  son  sé- 
jour à  la  cour  du  Khaghan  des  Mongols.  Riibriïck  fut  reçu  en 
audience  par  Mongké  le  4  janvier  1254  et  il  quitta  sa  cour  au 
mois  de  juin  1254:  il  eut  donc  le  temps  de  se  rendre  compte  des 
mœurs  religieuses  de  ses  hôtes  et  il  est  facile  de  s'apercevoir 
par  les  termes  de  sa  narration  que  le  christianisme  des  Mongols 
était  chose  fort  vague.  Mongké  et  sa  famille,  comme  plus  tard 
Khoubilaï,  assistaient  indifféremment  aux  cérémonies  religieu- 
ses des  prêtres  Nestoriens,  des  Mahométans  et  des  Bouddhistes, 
et  ils  ne  connaissaient  de  la  religion  du  Christ  que  quelques 
pratiques  tout  extérieures.  En  réalité,  la  seule  prêtrise  que 
reconnussent  Mongké  et  les  personnes  de  sa  famille  était  celle 
des  kames,  les  Je  de  Rashid  ed-Din,  qui  étaient  beaucoup 
plus  des  sorciers  que  des  hommes  investis  d'un  mandat  sa- 
cerdotal. Ce  fait  est  prouvé  par  un  passage  de  Y  Histoire  des 
Mongols  de  Rashid  :  Quand  Mongké  fut  élu  Khaghan  des 
Mongols,  l'impératrice  Oughoul  Ghaïmish  protesta  contre  l'illé- 
galité qui  faisait  passer  le  trône  de  la  lignée  d'Ougédeï  dans  la 
descendance  de  Toulouï-Khan,  et  elle  envoya  aux  princes  qui 
avaient  élu  Mongké  le  message  suivant  :  «  Vous  les  princes, 
vous  aviez  juré,  et  vous  vous  étiez  engagés  solennellement  par 
écrit,  que  la  dignité  impériale  resterait  à  jamais  dans  la  posté- 
rité d'Ougédeï-Kaan  et  que  vous  n'entreprendriez  jamais  rien 

(D  ^  Jf*^  Là  ^  jlx^i  }l  l  ^Jâl  J^3  jJ^ 


J!i     cUfJ  ,  $^,J    ,3      jalàil)   i*L*+a>  & sXi]   jota  ICW*  «  JjÎ   tïJ> 


^jJ  Jj^  ^  %  S^s-i  oh33  dUli  /!  ^  ^'  r  d^ 

.J.^3    _^3Î   j;j.-o    «>jà     ,jjï«à-   V.    2^-à^'J     .j^àJ'   UJ^  * 

(L  c  ^ 

Manuscrit  supp.  persan  200,  folio  234  verso;  texte  Corrigé. 


LES    MONNAIES    MONGOLES.  53 

contre  ses  descendants.  Et  voilà  qu'aujourd'hui,  vous  n'avez 
pas  tenu  votre  parole!  »  Quand  on  eut  transmis  ce  message, 
Mongké-Kaan  entra  dans*  une  violente  colère  et  il  écrivit  un 
rescrit  ainsi  conçu  :  «  Si  les  épouses  de  Djoutchi  Kassar,  d'Ou- 
tchuguén  et  de  Bilkoutaï  Noyan,  frères  de  Tchinkkiz-Khan, 
qui  sont  venues  pour  assister  au  kouriltaï  où  assista  Oughoul- 
Gaïmish,  si  les  kames,  Kadak,  Tchinkaï  et  Bêla,  qui  ont  été 
les  grands  dignitaires  de  la  cour  de  (mon  prédécesseur) 
Kouyouk-Khan,  donnent  à  qui  que  ce  soit  le  titre  d'empereur  ou 
d'impératrice,  ou  s'ils  relèvent  à  la  puissance  suprême  et  que 
par  leur  parole,  cet  individu  soit  empereur  ou  impératrice,  ils 
verront  ce  qu'ils  verront.  » 

C'est  également  ce  qui  ressort  d'un  passage  dans  lequel  Guil- 
laume de  Rùbriick  dit  :  «  Divini  ergo ,  sunt  sacerdotes  eo- 

rum  et  quicquid  ipsi  precipiunt  fieri  absque  dilatione  com- 
pletur  (1).  » 

En  tout  cas,  si  le  récit  d'Haïthoum  était  exact,  Rûbrïick  n'eût 
pas  écrit  (2)  :  «  Tune  ipse  tacuit  et  sedit  longo  intervallo  cogi- 
tans  et  interpres  dixit  michi  ne  amplius  loquerer...  Tune  exivi 
a  facie  ejus,  postea  non  reversus.  Si  habuissem  potestatem  fa- 
ciendi  signa  sicut  Moyses,  forte  humiliasset  se.  » 

Quoi  qu'il  en  soit  et  malgré  les  réserves  qui  s'imposent,  il 
est  certain  que  les  princes  mongols  étaient  beaucoup  mieux  dis- 
posés pour  les  Chrétiens  que  pour  les  musulmans,  qu'ils  n'ai- 
maient pas  malgré  les  services  que  ces  derniers  leur  rendaient 
dans  l'administration  des  contrées  occidentales  de  leur  empire. 

Il  n'existe  point  de  monnaies  de  l'époque  d'Houlagou  portant 
des  légendes  chrétiennes;  seule,  une  pièce  conservée  au  British 
Muséum  porte  un  fragment  d'inscription  syriaque  (3).  Ce  prince 
cependant  était  très  enclin  à  protéger  les  Chrétiens  et  l'une  de 
ses  épouses,  au  dire  de  Djouveïni,  de  Bar-Hébreus  et  de  Rashid 
ed-Din,  professait  la  foi  du  Christ. 

Abaga-Khan,  son  fils,  qui  lui  succéda,  paraît  avoir  été  très  in- 
différent en  matière  de  religion,  et  plutôt  porté  vers  les  croyances 
nationales  de  ses  pères  que  vers  le  Christianisme  ou  l'Islamisme. 

«  Abaga  can,  dit  Haïthoum,  fut  moult  preux  et  sa  seignourie 

(1)  Éd.  di'  la  Société  de  Géographie,  p.  362. 

(:.')  Ibiil.;  ipse  désigne  Mongké-Kaan. 

(3)  Lanc  Poole,  Catalogue  of  Oriental  Coins  in  the  British  Muséum,  t.  VI,  p.  9. 


54  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

gouverna  sagement  et  moult  fut  eureus  en  toutes  choses;  fors 
que  tant  que  il  ne  voult  devenir  crestien  si  comme  avoit  esté 
son  père  Halcou.  Ains  fut  ydolatres  ».  (1) 

En  tous  cas,  Abaga  se  conduisit  toujours  comme  le  vassal  du 
grand  Khan  de  Khanbaligh,  et  c'est  sous  son  règne  que  Ton 
voit  apparaître  la  formule  Khaghanoti  nereber  :  «  Au  nom  du 
Khaghan  »,  dans  le  monnayage  des  Mongols  de  l'Iran. 

Son  successeur,  Takoudar,  qui  prit  le  titre  de  Sultan  Ahmed, 
fut  franchement  musulman  :  «  Après  la  mort  de  Abaga  can, 
continue  Haïthoum,  s'assembleront  les  barons  et  ordenerent  un 
frère  de  Abaga  can  qui  avoit  nom  Tangadar.  Cest  Tangodar  es- 
toit  le  plus  grand  des  joues  que  les  autres  frères  n'estoient. 
Quant  il  fu  enfant,  il  fu  appelés  Nicole;  mais  après  ce  qu'il  fu 
fait  seigneur,  il  tint  la  compaignie  des  Sarrazins  et  se  fist  ap- 
peller  Mahommet  can.  Il  meist  tout  son  entendement  à  faire 
convertir  les  Tartars.  Cestui  Mahommet,  fils  au  deable,  fist 
abatre  toutes  les  églises  des  Crestiens,  et  commanda  que  ils  ne 
deussent  célébrer  la  foi  de  Crist,  ne  (le)  nommer.  Et  chaça  tous 
les  prestres  et  religieux  des  Crestiens.  Et  la  loy  de  Mahommet 

faisoit  preeschier  par  toute  sa  terre Quand  Cobila  can  en- 

tendi  ce,  il  manda  commandement  à  Mahommet  que  il  deust 
cesser  des  œuvres  ou  il  yroit  contre  luy  ;  de  ce  fut  moult  trou- 
blés Mahommet  (2).  »  Ce  passage  de  Haïthoum  est  confirmé  par 
la  monnaie  n°  3  où  Ton  voit  Takoudar  Ahmed  se  reconnaître 
comme  le  vassal  de  Khoubilaï,  tout  en  faisant  graver  au  revers 
de  ses  dirhems  la  profession  de  foi  musulmane. 

«  En  l'an  Nostre  Seigneur  mil  deux  cens  quatre  vingt  cinq, 
dit  Haïthoum,  après  ce  que  fut  mort  Mahommet,  can  des 
chiens,  Argon  fut  fait  seigneur  des  Tartars  et  le  grand  em- 
pereour  le  conferma  en  sa  seigneurie,  et  voult  que  il  fut  appelez 
can.  Et  pour  ce  Argon  fut  plus  honnoures  que  ces  antecesseurs. 
Cestui  Argon  fut  moult  bel  et  plaisant  de  visage  et  estoit  fort 
homme  de  corps,  et  gouverna  sagement  sa  gent  et  sa  seignou- 
rie;  moult  aima  et  honnoura  les  Crestiens,  et  les  églises  des 
Crestiens  que  Mahommet  avoit  fait  abatre,  Argon  les  fit  redre- 
cier (3).  » 

(1)  Man.  français  12201,  foJ    31  recto;  cf.  Omont,  ibid.,p.  291. 

(2)  Man.  12201,  fol.  34  ver      et  ssq. 

(3)  76/(7.,  fol.  36  recto. 


LES    MONNAIES    MONGOLES.  Oi> 

C'est  en  effet  sous  le  règne  d'Arghoun  que  Ton  voit  apparaî- 
tre des  pièces  portant  au  droit  la  formule  du  vasselage  mongol  : 
«  Au  nom  du  khaghan  »,  et  la  profession  de  foi  chrétienne  :_ 
«  Au  nom  du  Père  et  du  Fils  et  de  l'Esprit  Saint  »;  voir  la 
monnaie  n°  4. 

Gaïkhatou  qui  lui  succéda  fut  franchement  bouddhiste,  et 
reçut  des  Lamas  le  titre  tibétain  de  Arintchen  Dordjé  qui  se 
trouve  en  mongol  sous  la  forme  yjjiAa^iN*-  ivn^  que  les  Persans 
ont  transcrit  j$=?-jy  c/'^j'  (*)'  sur  une  monnaie  de  Gaïkha- 
tou frappée  à  Irbil  en  693  de  l'hégire  et  conservée  au  Musée 
Impérial  de  Constantinople  (2),  on  ne  trouve  pas  la  légende 
mongole,  mais  bien  sa  traduction  en  arabe,  soit  J»Ji  ^V^  (3)> 
d'où  il  suit  que  arintchen  signifie  «  très  grand,  auguste  ». 
Cette  traduction  est  fort  exacte,  car  arintchen  dordjé  est  la 

transcription  du  tibétain  ^'asj'  î"'£*  Rin-tchen  rdo-rcljê  «  très 

précieux  diamant  »  ;  les  Mongols  ont  ajouté  un  a  au  commen- 
cement de  ce  mot,  parce  qu'ils  ne  peuvent  prononcer  un  mot 
qui  commence  par  un  r. 

Gaïkhatou  a  été  très  sévèrement  traité  par  Haïthoum,  vrai- 
semblablement à  cause  de  la  protection  qu'il  accorda  aux  La- 
mas : 

«  En  l'an  Nostre  Seigneur  mil  deux  cens  quatre  vins  et  IX, 
après  la  mort  d'Argon  can,  son  frère  Kay  Gaitou  tint  la  sei- 
gnourie  (1).  Cestui  Kaïgaitou  ne  tenoit  pas  bonne  foy,  ne  aus  ar- 
mes rien  ne  valoit,  tout  s'estoit  donné  à  péchié  et  à  luxure.  Aussy 

comme  une  orde  beste  menoit  la  vie Donc  a  la  fin  sagent 

meismes  le  noyèrent.  Après  la  mort  de  Kaïgaitou  fut  fait  sei- 
gnour  un  sien  cousin  qui  avoit  nom  Baydo.  Cestui  estoit  bon 
Crestien  et  avoit  fait  aux  Crestiens  grâces  et  bien  aises,  mais  il 

trespassa  de  cette  vie Cestui,  comme  bon  Crestien  fist  refaire 

les  églises  des  Crestiens,  et  commanda  que  nul  n'osast  pres- 


(1)  Lane  Poole,  Catalogue,  p.  32. 

Constantinople,  1318  (de  l'hég.),  p.  38. 
(3)  Il  faudrait  *k**sJ)      c^-j^'  '■>  la  transcription  ^_^\^  est  plus  exacte  que 

celle  de     ç^JJ*' 
(1)  Man.  français  12201,  fol.  36  verso. 


56  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

chier  la  loy  de  Mahommet  en  sa  terre.  De  ce  furent  moult  trou- 
bles les  Sarrazins  qui  rnoult  estoient  en  celui  temps  moutepliés. 
Donc  les  Sarrazins  et  les  Tàrtars  mandèrent  celeement  mes- 
sages à  Casan  qui  fut  filz  de  Argon  et  ly  promistrent  que  ilz  le 
feroient  seigneur  sur  eulz  et  que  lui  donroient  la  seignourie 
de  Baydo,  se  il  vouloit  renoncier  à  la  foy  crestienne.  Casan 
qui  petite  cure  avoit  de  la  foy  des  Crestiens  et  qui  moult  estoit 
conveteux  d'avoir  seigneurie  ottroya  de  faire  ceu  que  ceulx  re- 
queroient.  » 

Deux  monnaies  de  Baïdou  conservées  au  British  Muséum  (1) 
portent  encore  la  légende  mongole  qui  figure  sur  Jes  pièces 
d'Abaga,  d'Ahmed'  d'Arghoun  et  de  Gaïkhatou  :  «  Au  nom  du 
Khaghan  »  avec,  au  revers,  la  formule  :  «  Il  n'y  a  pas  d'autre 
divinité  qu'Allah  et  Mohammed  est  l'Envoyé  d'Allah  »,  qu'on 
s'étonne  de  lire  sur  les  monnaies  d'un  prince  aussi  bon  chré- 
tien que  le  prétend  l'auteur  des  Fleurs  de  V histoire  de  la  terre 
<P  Orient. 

«  Après  la  mort  de  Ba}'do,  Casan  tint  la  seignorie.  Au  coin- 
mancement  de  sa  seignourie,  il  se  monstroit  moult  fier  vers  les 
Crestiens,  et  ce  fesoit  pour  faire  au  plaisir  de  ceulz  qui  l'avoient 
mis  en  la  seignourie  dessus  devisee.  Mais  depuis  que  il  m 
ferme  en  sa  seignourie,  il  commança  moult  a  amer  les  Cres- 
tiens et  honnourer,  et  hayoit  les  Sarrazins,  et  asses  de  choses 
fist  au  proufist  de  la  Crestienté.  Car  premier  il  destruisoit  tous 
ceulz  qui  ly  conseilloient  à  faire  mal  aux  Crestiens.  Après  ce 
commanda  Casan  que  toute  sa  gent  fussent  appareilles  dedans 
un  an  de  quanque  mestier  leur  fust,  car  il  vouloit  entrer  en  la 
terre  d'Egypte  et  destruire  le  souldan  (2).  » 

Ces  quelques  lignesdeHaïthoum  résument  assez  bien  le  règne 
de  Ghazan,  au  moins  pour  l'apparence  extérieure  des  faits  :  ce  fut 
sur  les  conseils  de  l'émir  musulman  Naurouz  que  Ghazan,  qui 
avait  été  élevé  dans  la  foi  bouddhiste,  embrassa  l'Islamisme 
dans  le  seul  et  unique  but  .de  s'emparer  de  la  souveraineté  de 
la  terre  d'Iran  (694  de  l'hég.);  deux  années  plus  tard,  Naurouz 
tombait  dans  une  disgrâce  complète  et  payait  de  sa  vie  l'as- 
cendant qu'il  avait   voulu  prendre  sur  son  jeune  souverain. 


(1)  Lanc  Poole,  Catalogue,  p.  ;::!. 

(2)  Man.   français  12  201,  folio  37  recto. 


LES    MONNAIES    MONGOLES.  57 

Quoi  qu'en  dise  Haïthoum,  Ghazan  persécuta  les  Chrétiens 
dans  toute  l'étendue  de  son  empire  au  même  titre  que  les 
Bouddhistes  et  les  Juifs,  et  il  n'y  eut  guère  qu'au  cours  de  sa 
campagne  de  Syrie  (1)  qu'il  maltraita  les  Musulmans  et  que, 
par  contre,  il  accorda  aux  Chrétiens  de  Damas  ou  d'Alep  un 
traitement  de  faveur  qui  contrastait  singulièrement  avec  la 
façon  dont  il  traitait  ceux  de  ses  sujets  qui  professaient  la  re- 
ligion chrétienne. 

La  conversion  officielle  à  l'Islamisme  du  prince  mongol  qui 
régnait  en  Perse  devait  relâcher  les  liens  de  vassalité  qui  l'unis- 
saient au  Khaghan,  qui,  lui.  s'était  franchement  tourné  vers  le 
Bouddhisme  et  qui  avait  adopté  tous  les  usages  des  Chinois. 
Aussi,  ne  voit-on  plus  sur  les  monnaies  mongoles  de  Ghazan 
la  formule  khaghanou  nereber  «  au  nom  du  Khaghan  »,  qui 
est  remplacée  par  celle  beaucoup  plus  vague  de  Tégri-yin 
koutchoundour,  «  par  la  puissance  du  Ciel  »,  le  Tégri  étant  la 
divinité  impersonnelle  des  Turks  orientaux  et  des  peuples  al- 
taïques,  le  Ciel  bleu  opposé  à  la  Terre  noire,  le  Tien  des 
Chinois  (l). 

En  même  temps,  on  voit  Ghazan  prendre  le  titre  de  J-s,  c'est-à- 
dire  de  .lia,  soit  le  Khaghan  (monnaie  n°  14),  ce  qu'aucun  de 
ses  prédécesseurs  n'aurait  osé  faire,  le  Khaghan  étant  pour  eux 
l'empereur  chinois  de  Khanbaligh,  fils  du  Ciel  et  maître  de 
l'immensité  du  monde. 

Abaga  (663-680  de  l'hégire  —  1265-1281  J.-C). 

1°  Argent,  poids  2  grammes,  7. 

Droit  .Ils  Le  Kâân  (Khoubilaï) 

J^U!         juste. 
Revers  \  *J!  ^         Il  n'y  a  pas  de  Divinité 

^  .x»j  JJ!  ^     sauf  Allah,  l'Unique,  il  n'y  a  pas 
d  ^î&.jï-       d'associé  à  Lui. 

(1)  On  trouve  encore,  tout  au  commencement  du  règne  de  Ghazan,  quelques 
pièces  portant  ^a\3  à))  ^ji\  ~«j3  (V^'j  w/^l  +~>  :  «  Au  nom  du 
Père  et  du  Fils  et  de  l'Esprit  de  Sainteté.  Dieu  est  unique  »  avec  la  croix;  l'une 

d'elles  est  conservée  au   Musée   de   Constantinople    {J^y^'â  vJ^-^aw, 

p.  45),  mais  ce  sont  évidemment  des  pièces  frappées  dans  les  provinces  reculées 


58  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Sans  date  ni  lieu  de  frappe. 

L'inscription  du  droit  est  gravée  au  centre  d'un  hexagone 
étoile  dont  les  côtés  sont  composés  de  trois  lignes  parallèles, 
celle  du  milieu  étant  formée  par  des  points. 

Grammaticalement,  il  faudrait  J^UJI  ^llïît;  au  revers,  la 
dernière  ligne  est  écrite  *•>  1^. 

2°  Argent;  poids  2  grammes,  8. 

Pièce  identique  à  la  précédente,  sauf  qu'au  revers  on  lit 
entre  les  deux  premières  ligues  ^!  ^jpL^.  T  sic. 

Ahmed  Takoudar  (680  683  de  l'hég.  —  1281-1284  J.-C). 

3°  Argent;  pièce  bien  frappée,  mais  percée  de  deux  trous 
qui  ont  fait  disparaître  le  commencement  de  la  seconde  et  de 
la  troisième  ligne  du  droit;  poids  2  grammes,  2. 

Droit  &lj^±*  ( 

V^-la-l^    j  Au  nom  du  Khaghan  0  ) 

j^x.£u.j1j_lx^   '  Monnayage  d'Akhmat. 

>  mj  lijl^  Aklimat  est  la  transcription  du  nom  arabe  ~-*=J  Ah- 
mad;  cf.  la  transcription  russe  Akmct'l. 

Revers.  La  profession  de  foi  musulmane  enfermée  dans  un 
carré  et  imitant  ainsi  le  sceau  des  empereurs  chinois  et  des 
souverains  mongols. 

Arghoun  (683-690  de  l'hég.  —  1284-1291  J.-C). 

4°  Argent,  pièce  endommagée;  poids  2  grammes,  3. 
Droit  O"  '  '  '  *.      Au  nom  du  Khaghan 


de  l'empire  avant  que  les  décrets  de  persécution  contre  les  Chrétiens  et  les 
Bouddhistes  n'y  soient  parvenus. 

(1)  M.  Drouin,  qui  s'est  occupé  de  ces  monnaies  dans  le  Journal  Asiatique  de 
1806,  atraduit  la  légende  Khaghanou  nereber  Abagha-yin  deledkeguluksen,  p.  515  : 
«  Frappé  au  nom  du  Khaghan  Abaga  ».  Cette  traduction  est  inadmissible,  aussi 
bien  au  point  de  vue  de  la  grammaire  mongole  qu'à  celui  de  l'organisa- 
tion de  l'empire  des  Mongols;  tout  d'abord,  pour  qu'elle  fût  grammaticalement 
possible,  il  faudrait  A bagha  Khaghanou  nereber  deledkeguluksen;  ensuite  il  n'y  a 
qu'un  Khaghan,  celui  de  Khanbaligh,  dont  tous  les  autres  princes  mongols  sont 
les  vassaux;  jamais  ni  Houlagou,  ni  Abaga,  ni  Ahmed,  ni  Gaïkhatou,  ni  Baïdou 
n'auraient  osé  prendre  le  titre  de  Khaghan. 


LES    MONNAIES    MONGOLES.  59 

3  .m  i^  iy  d'Arghoun 

jix^jj^j^iâ,        monnayage. 

Revers  [Frappé  à] 

jljf  Tébriz. 

Iw>]^'  p*H  Au  nom  du  Père 

f^]j>jj  j^r^'j  et  du  Fils  et  de  l'Esprit 

n      ^Jidï  de  Sainteté.  (Année) 2 (685  hég.)  (1). 

I 

Tébriz  est  écrit  yy  d'une  façon  très"  négligée. 

5"  Cuivre,  pièce  fortement  endommagée;  poids  3  gram- 
mes, 4. 

Droit.  La  même  légende  mongole  que  la  monnaie  n°  4,  sans 
la  croix;  au-dessous  de  deledkeguluksen,  les  restes  du  nom 
d'Arghoun  ^p^  en  caractères  arabes. 

Revers  ^  A  Allah 

vjXAJî      (appartient)  la  souveraineté. 
En  exergue,  une  légende  dont  il  ne  reste  que  des  débris. 
6°  Cuivre,  pièce  fortement  endommagée;  poids  4  grammes,  1. 
Autre  exemplaire  de  la  même  pièce. 

E.  Blochet. 
[À  suivre.) 


(1)  11  existe  au  Musée  de  Constantinople  une  pièce  d'Arghoun  portant  au  revers 

cette  même  légende  et,  avant  la  croix,  ^.awlj  <w]   (   ^cyus  «Jl^-jX-**», 

p.  33). 


LE  RITE  COPTE  DE  LA  PRISE  D'HABIT 

ET  DE  LA  PROFESSION  MONACALE 


[Note  de  l'éditeur.  Dans  la  brochure,  traduite  sur  des  ma- 
nuscrits coptes,  qu'il  a  publiée  en  1888  (1),  M.  B.  Evetts  —  l'é- 
diteur de  l'histoire  des  patriarches  d'Alexandrie  (2)  —  a  écrit  : 
«  Le  traducteur  a  préparé  des  versions  des  autres  rites  coptes 
et  les  publiera  immédiatement  si  le  public  accueille  avec  fa- 
veur le  présent  petit  volume  (3).  »  Le  libraire  n'ayant  pas  donné 
de  suite  à  la  publication,  nous  avons  demandé  à  M.  Evetts  s'il 
ne  lui  restait  pas  quelque  texte  pouvant  compléter  les  publi- 
cations faites  par  M.  l'abbé  Ermoni  dans  la  première  série  de 
la  Revue  de  l'Orient  chrétien.  Il  nous  a  adressé  aussitôt  le 
présent  sujet. 

Les  caractères  coptes  (corps  16,  majuscules  et  minuscules, 
et  corps  9)  ont  été  dessinés,  gravés  et  fondus  tout  exprès.  (4) 
pour  la  Patrologie  orientale  et  sont  employés  pour  la  première 
fois.  Mgr  Graffin  sous  la  direction  de  M.  Revillout,  a  pris  pour 
modèle  les  plus  beaux  manuscrits  coptes  et  en  particulier  un 
bel  évangéliaire  (l'un  des  trois  qui  subsistent  seuls  encore)  uti- 
lisé par  M.  Horner  pour  sa  publication  du  Nouveau  Testament 
copte  et  conservé  à  l'Institut  catholique  de  Paris.  —  F.  N.J 

INTRODUCTION 

Les  rites  coptes  de  la  prise  d'habit  et  de  la  profession  mo- 
nacale sont  intéressants  surtout  parce  qu'ils  expriment  très 
nettement  la  doctrine  de  l'absolution  des  péchés  mortels  par 

(1)  The  Rites  of  Ihe  Coplic  Church.  The  order  of  Bàptism  and  the  order  of 
Matrimony...  translated  from  Coptic  mss.  bey  B.  T.  A.  Evetts,  London,  David 
Nutt,  270-71,  Strand,  1888.  62  pages,  1  sh. 

(2)  Deux  fascicules  parus,  voir  au  verso  de  la  couverture. 

(3)  Cf.  Prefatory  note,  p.  5. 

(4)  A  la  Fonderie  générale  Ch.  Baudeoire  et  C'",  Paris. 


LE    RITE    COPTE    DE    LA    PRISE    D'HABIT.  61 

TÉglise  au  prix  de  la  pénitence  accomplie  pendant  la  vie  mo- 
nastique dont  l'habit  est  le  symbole  extérieur.  Il  est  vrai  que 
cette  doctrine  nous  est  présentée  ici  sous  son  aspect  le  plus 
sévère,  imaginé  et  maintenu  par  un  parti  de  la  chrétienté  pri- 
mitive, à  savoir  que  les  fautes  graves  ne  pourraient  être  remises 
aux  chrétiens  qu'une  seule  fois  après  le  baptême.  «  Ce  n'est 
qu'une  seule  fois  que  les  serviteurs  de  Dieu  peuvent  faire  péni- 
tence (1).  »  Quelle  différence  cependant  entre  cette  opinion  et 
celles  des  durs  sectaires,  montanistes  ou  novatiens!  Ceux-ci  re- 
connaissaient, il  est  vrai,  que  l'Église  avait  le  pouvoir  de  lier  et 
de  délier,  mais  ils  enseignaient  que  cette  autorité  ne  devait  jamais 
s'exercer  de  crainte  d'encourager  les  pécheurs,  et  que  tout  Chré- 
tien qui  tombe  après  le  baptême  est  damné  sans  aucune  espé- 
rance! Ceux  au  contraire  qui  maintenaient  la  doctrine  exprimée 
dans  le  rite  copte,  ont  vu  dans  le  sacrement  de  la  pénitence  un 
second  baptême,  quoique,  comme  l'ont  dit  les  pères  cités  par 
le  Concile  de  Trente,  «  un  baptême  laborieux  (2)  »  par  lequel  on 
recouvre  avec  beaucoup  de  peine  l'état  d'innocence  perdu. 
Selon  une  prière  copte,  les  péchés  commis  dans  l'ignorance 
étaient  seuls  ainsi  pardonnes  à  la  prise  d'habit.  On  croyait  sans 
doute  que  seuls  ceux  qui  avaient  perdu  la  lumière  donnée  par 
le  baptême,  et  qui  dès  lors  ne  voyaient  ni  la  vraie  nature  ni 
les  vrais  résultats  du  péché  mortel,  pouvaient  consentir  à  le 
commettre.  C'est  surtout  l'admonition  ou  catèchésis  adressée 
au  nouveau  moine,  à  la  fin  du  rite,  qui  expose  définitivement 
ce  caractère  sacramentel  du  vœu  monastique  et  toute  sa  signi- 
fication. Les  prières  font  allusion  aux  pratiques  pénitentielles 
qui  caractérisent  la  vie  ascétique  :  le  travail,  le  jeûne,  la  soli- 
tude, l'obéissance,  la  méditation,  la  soumission  aux  supérieurs. 
Du  reste,  les  Coptes  ne  regardaient  pas  les  moines  en  général 
comme  de  grands  pécheurs  convertis.  Bien  que  certains  mal- 
faiteurs, comme  l'avait  été  saint  Moïse,  aient  pu  expier  leurs 
vols  et  leurs  assassinats  dans  un  monastère,  la  plupart  de  ces 
bons,  religieux  avaient  trouvé  leur  vocation  dès  leur  enfance. 
Leur  pénitence  volontaire  était  faite  surtout  pour  le  profit  de 
ceux  qui  restaient  dans  le  monde,  et  non  pour  leurs  propres 


(1)  Servis  Dei  pœnitentia  una  est.  Hermas,  Paslor,  lib.  II,  mand.  iv,  1. 

(2)  Voir  Morin,  De  Disciplina  in  adm.  Sacr.  Pœntientiee,  etc.,  1085,  p.  140. 


62  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

iniquités.  L'histoire  des  patriarches  coptes  nous  renseigne 
longuement  sur  les  moines  du  monastère  de  saint  Macaire, 
sur  leur  puissante  intercession,  sur  les  bons  exemples  qu'ils 
donnaient  à  tout  le  pays  et  des  conversions  qu'ils  opéraient. 
Elle  nous  indique  par  le  menu  ce  qu'était  un  monastère  égyp- 
tien. 

Ce  caractère  pénitentiel  deJa  vie  monastique  a  été  évidem- 
ment reconnu  dans  toute  l'Église.  Voilà  pourquoi  il  a  été  retenu 
dans  les  Églises  séparées.  «  L'état  monastique  est,  »  dit  un  cé- 
lèbre auteur  dominicain,  «  un  état  de  pénitence  perpétuelle 
et  volontaire,  et  certaines  pratiques  pénitentielles  autrefois 
usitées  partout  ne  se  trouvent  aujourd'hui  que  dans  les  mai- 
sons religieuses  (1).  »  La  même  chose  a  été  reconnue  par  un 
évoque  grec,  Siméon  de  Thessalonique,  qui,  après  avoir  re- 
marqué le  caractère  pénitentiel  de  l'habit  monastique,  ajoute 
que  les  moines  disent  leurs  offices  dans  la  narthex  de  l'église, 
à  l'endroit  où,  d'après  l'ancienne  loi,  les  pénitents  devaient, 
pendant  la  messe,  se  tenir  éloignés  des  autres  fidèles  (2).  A 
cette  même  discipline  primitive  appartient  la  prostration  de-* 
vant  l'autel,  dont  l'usage  existe  aussi  dans  quelques  ordres  la- 
tins. Elle  rappelle  la  classe  des  pénitents  appelés  «  proster- 
nés (3)  »,  car  ils  étaient  obligés  de  se  tenir  prosternés  durant 
toute  cette  partie  de  la  liturgie  à  laquelle  il  leur  était  permis 
■d'assister.  Aussi  les  Grecs  et  les  Coptes  se  servent-ils  du  mot 
grec  metanoea,  ou  'pénitence',  pour  désigner  une  prostra- 
tion (4).  Un  des  bons  résultats  de  l'étude  des  formules  litur- 
giques des  différents  pays  c'est  que  l'on  trouve  partout  l'Église  se 
servant  des  mêmes  symboles  et  parlant  le  même  langage  dont 
chaque  mot  peut  avoir  une  signification  profonde.  Car  ces  rites 
anciens  appartiennent  presque  tous  aux  siècles  heureux  qui 
précédèrent  les  séparations  et  les  schismes;  les  Coptes,  en  par- 
ticulier, ont  très  peu  ajouté  au  cérémonial  primitif.  Parmi  les 

(1)  Goar,  Euchologion,  p.  518. 
(•2)  lbid. 

(3)  Substrati,  0Tro7n7rtovTE;. 

(4)  On  dit  en  arabe  durai)  metânuwah  ou  icada  meldnuwah  'faire  une  prostra- 
tion'. On  employait  le  mot  metanoea  aussi  en  latin  au  moyen  âge  dans  le 
même  sens.  Morin,  op.  vil.,  p.  4.  La  pénitence  donnée  en  confession  est  appelée 
par  les  Grecs  <■!  les  Coptes  xowwv,  kânûn,  bien  qu'elle  consistât  souvent  en  des 
metanoea  s  avec  des  prières. 


LE    RITE    COPTE    DE    LA   PRISE    D'HABIT.  63 

Latins,  chaque  ordre  a  sa  forme  propre  de  prise  d'habit  et  de 
profession.  Mais  l'Église  grecque-orthodoxe,  comme  les  Coptes, 
n'a  qu'un  seul  ordre  de  moines,  et  ses  rites  ont  une  ressem- 
blance frappante  avec  ceux  de  la  vieille  communauté  égyp- 
tienne destinés  à  la  même  fin.  On  y  trouve  la  même  épître,  où 
il  est  parlé  de  l'armure  divine,  dont  l'habit  monastique  est  un 
symbole.  Il  protège  celui  qui  le  porte  contre  les  assauts  des 
êtres  malins.  Bien  que  l'évangile  choisi  ait  rapport  à  la  ri- 
gueur de  la  vie  ascétique  et  non  pas  au  caractère  baptismal 
des  vœux,  les  prières  ont. à  peu  près  la  même  signification 
que  celles  des  Coptes,  et  les  phrases  mêmes  y  sont  quelquefois 
identiques.  Aussi  coupe-t-on  les  cheveux  au  moine  et  lui 
donne-t-on  une  croix.  L'admonition  grecque,  plus  étendue  que 
celle  des  Coptes,  bien  qu'elle  ne  contienne  pas  la  vision  de 
saint  Antoine,  porte  à  peu  près  comme  celle  que  nous  publions 
ici  :  «  Voici  la  vocation  nouvelle!  Voici  un  don  mystérieux! 
C'est  un  second  baptême  que  tu  reçois  aujourd'hui,  mon  frère, 
par  les  dons  surabondants  de  Dieu,  qui  aime  le  genre  humain.- 
Tu  t'es  purifié  de  tes  péchés  et  tu  t'es  fait  un  fils  de  la  lumière, 
pendant  que  le  Christ  lui-même,  notre  Dieu,  se  réjouit  avec 
ses  saints  anges  sur  ta  pénitence.  » 

Mais  cette  ressemblance  ou  identité  des  doctrines  et  des  rites 
des  Grecs-orthodoxes  avec  ceux  des  Coptes  a  été  souvent  re- 
marquée, entre  autres  par  un  savant  prélat  russe  il  y  a  cin- 
quante ans.  «  Pendant  deux  voyages  en  Egypte,  dit-il  (1),  j'ai 
visité  les  églises  coptes,  dans  les  villes  et  dans  la  campagne, 
leurs  monastères  et  les  maisons  de  leurs  évêques;  j'ai  observé 
leur  culte,  j'ai  causé  avec  leurs  moines,  leurs  évêques  et  leur 
patriarche,  et  j'ai  trouvé  que  ces  chrétiens  possèdent  une  théo- 
logie, des  canons  ecclésiastiques,  des  rites,  des  institutions,  et 
une  hiérarchie,  qui  ressemblent  assez  aux  doctrines,  aux  or- 
donnances, au  cérémonial  et  aux  règlements  de  l'Église  ortho- 
doxe, à  l'exception  de  quelques  particularités.  Je  me  figure 
l'Église  copte  comme  une  branche  d'olivier  à  moitié  séparée 
du  tronc  et  inclinée  vers  la  terre,  mais  de  manière  que  son 

(1)  Matth.,  x,  37. 

(2)  Btpoyienie,  Eorociyraeiiie,  LIiiHono.io;Kenie  n  TIpaBiua  ijepKOBHaro  u-iaro-iiiiiifl 
EnuKTCKiix-b  XpiicTiaHï,  (Koiitobt>).  Par  A.  Porlirief  Ouspenski.  Saint-Pétersbourg-. 
1856:  Préface. 


Q4  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

écorce  est  encore  unie  à  celle  du  vieil  arbre  et  en  reçoit  tou- 
jours la  sève.  Dieu  seul  sait  quand  cette  branche  adhérera  de 
nouveau  complètement  à  l'arbre  vivifiant.  »  Il  ajoute  ailleurs 
que  dans  les  cérémonies  d'ordination  du  lecteur,  du  diacre  et 
du  prêtre  coptes  (1),  on  croit  entendre  la  voix  de  l'Église  ortho- 
doxe. Quant  à  l'hérésie  monophysite  des  Coptes,  il  en  nie  l'exis- 
tence (2).  Dans  le  même  livre,  pour  justifier  ses  paroles,  il  pu- 
blie, en  russe,  une  grande  partie  des  rites  coptes,  des  canons, 
et  quelques  sommaires  de  la  doctrine  chrétienne  rédigés  par 
des  Coptes. 

Il  semble  que  les  Coptes  n'ont  pas  de  rite  prescrit  pour  la 
prise  d'habit  du  novice,  du  moins  l'ordinal  ici  transcrit  n'en 
donne  pas.  Le  postulant  est  sans  doute  reçu  solennellement 
dans  Tordre,  avant  de  passer  les  trois  ans  d'instruction  dont 
parle  la  première  rubrique,  années  durant  lesquelles  il  étu- 
die la  règle,  probablement  la  vieille  règle  de  saint  Pachôme, 
et  médite  sur  la  signification  de  la  vie  qui  sera  la  sienne  (3). 
Les  rites  que  nous  publions  ci-dessous  semblent  correspondre 
aux  deux  rites  grecs  employés  respectivement  pour  ceux  qui 
vont  entrer  dans  le  second  rang  de  l'ordre  monacal,  celui  «  du 
petit  habit  »,  et  pour  ceux  qui  aspirent  au  troisième  et  plus  haut 
rang,  celui  «  du  grand  habit  angélique  (4)  ».  Le  moine  grec 
du  petit  habit  ajoute,  lors  de  sa  profession,  un  manteau  ou  pal- 
lium(5)  à  sa  tunique  (6);  il  reçoit  aussi  la  ceinture  et  le  bon- 
net (7)  du  novice.  Celui  qui  prend  le  grand  habit  ajoute  au 
manteau  un  capuchon  (8)  et  un  scapulaire  (9).  C'est  ce  scapu- 
laire  qui  a  gardé  chez  les  Coptes  le  nom  grec  de  ayf^.y.  ou  habit 
par  excellence.  D'après  une  légende,  la  façon  de  le  porter  fut 
révélée  à  saint  Antoine  par  un  ange,  aussi  on  l'appelle  l'habit 
angélique  et  on  le  considère  comme  un  symbole  particulier 


(1)  Publiés  dans  cette  revue  par  M.  V.  Ermoni.  1898,  etc. 

(2)  Ouvrage  cité,  pp.  25,  30,  11. 

(3)  Le  novice  est  appelé  en  arabe  el-mutarahhib,  «  celui  qui  est  en  train  de 
se  faire  moine  »•  En  grec  il  se  nomme  àpy.âp'o;- 

(4)  En  grec,  (xixp6ax,»l!JLOt  et  ^yoLl6Gyr,\i.oi. 

(5)  [Aav6ua;  ou  Ijjkxtiov. 

(6)  pâaoç. 

(7)  y.a[nXauxiov. 

(8)  youxoûXtov. 

(9)  àvaëoXsû;  ou  ivà).aêo;. 


LE    RITE    COPTE    DE    LA    PRISE    D'HABIT.  65 

de  la  «  vie  angélique  (1)  »  que  le  moine  doit  mener.  Chez  les 
Coptes  il  est  en  cuir,  se  porte  naturellement  sur  les  épaules,  et 
a  des  bandes  pendantes  pour  ceindre  la  taille,  de  sorte  qu'El- 
Makrizi,  au  xvc  siècle,  dit,  de  manière  un  peu  vague,  que 
le  iyft\m  (2)  est  une  courroie  en  cuir  marquée  de  croix  dont 
les  moines  se  ceignent;  il  le  confond  peut-être  avec  la  vraie 
ceinture  (3)  qui  est  aussi  en  cuir.  On  voit  donc  que  l'habit  du 
moine  copte  est. presque  identique  avec  celui  des  grecs,  mal- 
gré quelques  petites  différences.  Un  a  rejeté,  semble-t-il.  le  ca- 
puchon des  anciens  religieux  de  Saint-Pachôme;  et  même,  au 
moyen  âge,  on  ne  portait  plus  sur  la  tête  que  le  bonnet  noir 
et  pointu  en  laine  qui  était  regardé  comme  le  symbole  d'une 
sainteté  particulière,  puisque  c'était  le  casque  du  salut  (4). 
Aussi  traduit-on  en  arabe  les  mots  grecs  et  coptes  qui  signi- 
fient «  capuchon  »  par  un  mot  qui  veut  dire  «  bonnet  ».  Au- 
jourd'hui les  moines  égyptiens  ne  portent  que  des  tuniques 
noires  et  un  turban  de  même  couleur  sur  une  calotte,  comme 
les  prêtres  séculiers. 

Quant  à  la  date  d'origine  de  ces  rites,  on  ne  peut  dire  rien 
de  précis.  Mais  elle  doit  être  antérieure  à  celle  du  schisme  de 
Chalcédoine,  car,  selon  le  témoignage  de  l'évèque  russe  cité 
plus  haut  :  «  Plusieurs  de  leurs  prières  sont  mot  à  mot  iden- 
tiques avec  les  nôtres,  ce  qui  veut  dire  qu'elles  existaient  déjà 
avant  l'année  451  ».  On  sait  que  l'Egypte  est  le  berceau  de  la 
vie  monastique,  et  que  saint  Antoine,  le  père  des  moines,  et 
saint  Pachôme,  le  père  des  cénobites,  ont  vécu  dans  ses 
déserts  ou  aux  bords  de  son  grand  fleuve,  il  paraît  donc 
fort  probable  que  ces  formules  monastiques  des  Coptes  ont 
pris  naissance  dans  l'entourage  de  ces  saints  vers  le  iv°  ou  le 
v°  siècle. 

Le  texte  ci-joint  est  extrait  d'un  très  beau  manuscrit  copte- 
arabe  de  la  Bibliothèque  bodléienne  d'Oxford  (Bodl.  111).  Il 

(1)  Goar,  Euchol.,  p.  472. 

(2)  En  arabe  askîm. 

(3)  Çûvv],  en  arabe  zûnîyah. 

(4)  Son  nom  arabe  est  kalansuwah,  mot  employé  pour  traduire  le  terme  copte 
xXa^T  et  même  xou).Xa  (xovuoûXiovJ. 

OIUENT  CUKÉTIliN.  r> 


06  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

contient  tout  l'ordinal,  et  porte  la  date  du  mois  de  Paoni  ou 
Ba'ûnah  de  l'an  1055  des  Martyrs,  et  de  l'an  739  de  l'Hégire, 
ce  qui  équivaut  à  mai-juin  de  l'an  1339  de  notre  ère.  Je  ne 
sais  pourquoi  l'admonition  n'est  écrite  qu'en  arabe;  c'est  peut- 
être  parce  que  la  plupart  des  moines  étaient  laïques,  et  ne  com- 
prenaient pas  le  copte.  Au  xive  siècle,  on  ne  le  parlait  plus  dans 
la  Basse-Egypte,  mais  seulement  dans  deux  ou  trois  villages 
de  la  Haute-Egypte.  On  ne  donne  clans  cet  ordinal  ni  les  ques- 
tions qui  doivent  sans  doute  être  adressées  au  novice,  comme 
dans  le  rite  grec,  par  l'abbé  ou  l'évèque,  ni  le  formulaire  du 
vœu  fait  lors  de  la  profession.  Toutefois,  dans  les  prières,  on 
remarque  des  allusions  à  ce  vœu. 

B.  Evetts. 


«)ApE  <£>h  E^oiruuy  èepwiortA^oc  Ep  r  npouini  E^jdjciW 
ÈrtîKun  mE  ^xiEnixottA^oc  oxog  ETEpn^Hpo<f?m  ximo^  V^eîi 
nî2S.oijjL  «te  nmÀpA2>.icoc  fnE  îiEmo-^  nciATpo^opoc  oyoj> 
Enrdmuin  rtA«-j  E^UEn^^oco^oc  iajjihï  îtie  ^ME^xionA^oc 
A<-ju)AndmnpOKonH  jyATjyEn^iu^  oto^  «no-v^A^HE^  jyAY- 
jyno<-j    èrtKAj>i    Epè    te<-ja<J>e   noi   ètïeîe^t    Epè    nE^o   ^iuoti 

ÈnKAJ>ï     OTO^     mEK<$>u»pu)     rmE^£>iWc     £>Wicj     mEK2S.u»     uni- 

jyEn^xAon  «tekta^o   nmc^omov^  îha   uuw)  Anocio^oc  npoc 
e^ecîotc  k^  r. 

vïdc  îitu  V)tri  tyauaqî  înt  it^j^out  crrog 
gsviA  mt^triu^tu^oui  îtogt  t^A'itvi^Ymcrr 

mt    Tïtig^onr    îtgfw    ]r)tîi    naîwJjjhotm. 
E^&t  ^7as  6\  nua-itn  utmIdujik  ivip^  me 

envier  1n>en  mtgocnr  ^guuonr.  GApt^tvitp 


68    '  ,  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

u^euis&ojj.     nj^vn^     t<^ytu     rmtcottNt^ 

TTÏYÏV1A   flflfcttïWC  (2)  tV)<Jum   t^7"Y. 

uïa  t&o*>  situ  vm  tiAnrgua^iC  t&o*»  t2£tri 


EiTArrE7\îon  kaha  îuuAnrtHn  k?\  r 


Mt     otoîi    onr^uaus     *^t    tïe     t&o*>V)tN 

2£t      t^AKi      t&0*>grïttt      ^7"Y      îl^ttJj^C^tu 


(1)  Ms.    EpETEmuu&p 

(2)  Ms.     EfEnENSHC 


LE    RITE    COPTE    DE    LA    PRISE    D'HABIT.  69 

uuoîi  jyxou  r^f  fnt  g*>t  t^>  îi<m  uvimî 
t^tK^t      uiu^onr     ^t^ntu     ^p^     j^^tïî 

2££      Amm     AXJmtt     ^2£uji     ULUOC     ÎIAK     2£t 

vnonrutc  oirpuAut  NKfc  cotv  xxtîitviCA. 
^?tcJSt?t)t^k?s0,    ^H     OTOÎ1     ^)2£OU     UUO^j 

ù^puAQ  cott  &  onrog  vnonru^ctjj.  â^tp_ 
ovula  ît2£t  me  nt^Atjj  n^cj  ^t  Auvm 
Auvm  'Y^tu  ûuoe   viak   2£t   Anr^yituuitc 

ùucm  jy^ou  xxuo^  ïs  tï^cnrvi  è^ut^onr^o 

guu^     yït     rnonrutc     -m-moir     ÙKt     cots. 

û^p^wY  Ronron  vii&tîi  t^enrutet  ùuocjj 
uoe    o'rog   nt^A^    n^tj   2£t  ttuac    erron 

m2£A<-f    ÎIA^JJ    2£t    VUfrOK    Vît    vïcaV}    ùvmc*> 


70  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

crrog  riAt  KfcUï  t^tuonr  aîi.  Auivm  Amm 
"Y^uj  ùuioc  nak  2£t  ^?vî  titîicuaonrn 
xmo^j  ^triCA2S:t  xmo^  cnrog  ^?h  titrmAnr 

XJtt^fc  It^tNCM  XXULOC  Aîl.  \C2£t  At2£t 
ÎIATÏKAQÏ         N<JU1tîl        Ûm'ïfcNNAg'Y        ^^C 

Atu)Aîi2££     riAi^pt     nubien      ^t^tvmAÇ^Y. 

OnrOg  ÙYÏfc  Q7\\   "}t  NA^  tTT^uas  èl^7t    fc&W*» 

înonrdtc  tï^jm  ^  û^p^umt  gtvwA  onrovi  vn&tvi 

TU*-jj9Hpï  xiuAnrA^  înttpHicj  gmA  onron 
WïCitn  t-e-nAQ'Y  tfo^j  îrïonruruuiAKO- 
A*>?sA  vrKrrdt  vtcnruAttV)  ûtntg.  Nt^A  A^ 

r^f  AN  Cnr<JUpYt  ÛTÏfc^ujHft  tTTÎKOCUlOC 
J>ÏNA    VnttyYgATÏ     tTTïKOCUOC     A*>*>A    gîNA 

fnt  tmkocuoc    îiogtu    t&o^gncn^.     *Pyï 

t**NAg^    £?0^  CtNA^gAYV  t^>O^J  AN   ^?Yi    2^t 

t^t     n^jnaç^    fc?0^     ^™    gtt*^vï     Anronptu 

tT^gATÏ  tpO^  2£t  ÙTC£<^NAg^  t^7^>An 
XJLTTmONOrtNWC  N^W^i  N"lt  ^7^.  ^?At  *Kt 
TTt  TK^ATT  2£t  TNOnfHJLUNt  A<^t  fcTMKOCUOC 
(TrOJ>    NïfXJUjjtï    AnOUtN^fc    Ytï^AKï    UA^?\ON 


LE    RITE    COPTE    DE    LA    PRISE    LÙlAIilT.  71 

guaonr  vit.  Onrovi  r^f  ntEifcvi  tit^t 
xmA^i  j>a  TTionrujimi  gmA  îrionpuntuicogt 

ît^Ufc^JUlVn       jy^^        gA       TNOTUAmt       ômA 

WLErtEUCA   NAÎ    w}AxdEn2S.Oltj    XATUCOtt    nA    A2£Ul    inAJ    ET^H 

NCtOTUJlVlQ    t&0*>    Att    tttU.    VIH    t^gHTT    VltUL 

^nonrc  ri  ru  pu* ut  ^pv?  eic^otn  vmmoKutK 
ÙTTAvricnpujujvH.    ^onr^yi    t£ïG*>lr)tvi   tuk- 

vuu  <^?Ai  t-e-rmonT  qa^ok  onrog  tit^gvnc 
t^yvo^wisA  ûrmA^Ktf  rnt  ^ut^uoviAXoc 
onrog  connujivi  nt^j'K^ouoc  crrog 
A?*C£A?^tc^t  w^  îtonrnrncrïAKH  tc^MK 
t&o?\.  onrog  tct^yuuvu  viç^vh  lotît  ^tç-jTT^o- 
gtf>tctc    t&o?^>A    ntonono^    rnt    ^«^rctc 

gïîlA     fc&O^gt^tN    TTt2£;m^u*    ÛTtt^?UJt     îtit 


72  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Tt£KNAQ£ï  E^t^ïgO^'X:  t^^>t^^7UJii  tf^o^ï^tN 

orm    îica^kîkgvi   ntu  yïskocuoc  ùw^Anoc 

NtKOnPAgCAgVU  KA1A  TïtULTTJ^A  ÙTtKfrUJigtXJl 

tnAT^^gut^      rtjr>pHi      vt?)vn<^     rtit^t^- 

*Y^tUAptA    OTOg    Vnt^^yumt    VtK^Hf>OttOUGC 

vij^h^ï     yvtridc     onoog     Yvtunonr^      onrog 


LE    IUTE    COPTE    DE    LA    PRISE    D'HABIT.  73 

6\    no^c^A7\\c    don    nm^joi    mE    ie<-jà<$>e    £)£«     mTnoc 
lAmcnÀTpoc  iha  2S.O»  mAi  et^h  e25.en  ^k?\a<^ 

e?oci  )otîi  tï;xc  *mc  ^tvidc  ^7aî  t^t. 

B.    EVETTS. 

(A  suivre.) 


HISTOIRE  POLITIQUE  ET  RELIGIEUSE 

DE  L'ARMÉNIE 


LES    FRERES-UNIS    DE    SAINT    GREGOIRE    L  ILLUMINATEUR 

|  1.  Barthélémy  le  Petit  et  Jean  de  Kerna  s'emploient 
au  rétablissement  de  l'union  religieuse;  fondation  des 
Frères-unis  de  saint  Grégoire;  leur  affiliation  à  l'ordre  des 
Dominicains;  leur  but;  leur  diffusion.  —  Même  dans  les 
provinces  du  nord-est  de  la  Grande-Arménie,  le  parti  de  l'union 
comptait  au  xive  siècle  des  partisans  :  c'est  dans  la  Siounie, 
par  exemple,  et  non  loin  de  Dathève,  forteresse  des  dissidents, 
que  va  être  fondé  un  ordre  religieux,  dont  l'objet  principal 
sera  de  les  ramener  au  centre  de  la  catholicité. 

Un  zélé  missionnaire  de  l'ordre  de  saint  Dominique,  Barthé- 
lémy de  Bologne,  surnommé  le  Petit,  mérite  d'être  considéré 
comme  le  premier  fondateur  des  Frères-uniteurs.  Le  pape 
Jean  XXII  l'avait  promu  à  l'évêché  de  Maragha,  ville  située 
vers  le  sud-est  du  lac  d'Ourmiah.  Toute  la  Perse  occidentale 
était  bientôt  devenue  le  champ  de  l'apostolat  de  Barthélémy. 
Mais  l'infatigable  missionnaire  se  préoccupait  surtout  de  ra- 
mener à  l'Église  catholique  les  nombreux  Arméniens  dissidents, 
disséminés  dans  ces  régions.  Il  savait  que,  seule,  l'ignorance 
retenait  la  plupart  d'entre  eux  dans  leur  isolement;  il  avait 
constaté  que,  loin  d'être  hostiles  à  l'Église  romaine,  plusieurs 
manifestaient  des  dispositions  plutôt  bienveillantes;  mais  ils 
étaient  retenus  par  quelques  malentendus,  qui  n'avaient  jamais 
entièrement  disparu  depuis  Papgen il). 

(1)  Avant  Papgen,  l'Église  arménienne  était  catholique.  Les  catholicos  de  la 
famille  syrienne  cLAghbianos,  auxquels  le  roi  arménien  Kosrov  Godag  (317-326?) 
avait  donné  Manazgherd  et  qui  sont- souvent  appelés  de  la  maison  de  Manasgkerd, 
avaient,  il  est  vrai,  encouragé  les  tendances  schismatiques  des  rois  Alsace  II  et 
Bab  et  favorisé  probablement  l'entrée  des  Messaliens  en  Arménie.  Mais  vers 
447,  au  synode  de  Schahapivan,  les  Messaliens  furent  très  durement  traités  par 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    L'ARMÉNIE.  75 

Dans  l'espoir  d'attirer  et  d'associer  à  son  œuvre  apostolique 
quelques-unes  de  ces  âmes  élevées,  à  la  recherche  de  l'unité, 


les  disciples  d'Isaak  et  de  Mesrob  (cf.  S.  Weber,  op.  cil.,  p.  424).  Après  Mélidé 
et  Moïse  de  Manazgherd,  vinrent  Kioud  et  une  série  de  Catholicos,  grecs  de  sen- 
timents et  d'éducation  (Laz.  de  Pharbe,  c.  53-54,  tr.  Langlois),  Malgré  les  frois- 
sements qui  diminuaient  leur  sympathie  pour  les  Grecs,  ils  ne  songèrent  pas  à 
une  rupture  religieuse  .Malheureusement,  ils  connaissaient  très  mal  les  actes  du 
concile  de  Chalcédoine,  auquel  assistaient  seulement  un  petit  nombre  d'évèques 
de  la  Grande-Arménie.  L'opinion  se  répandit  que  les  Pères  avaient  enseigné  le 
nestorianisme  ;  l'expression  de  deux  natures  parut  synonyme  de  deux  personnes; 
En  482,  l'IIéuoticon  ou  formule  d'union  de  Zenon  qui,  en  passant  sous  silence 
le  concile  de  Chalcédoine  et  l'expression  d'une  double  nature  dans  le  Christ,  les 
désavouait  implicitement ,  confirma  les  Arméniens  dans  leur  fausse  opinion 
sur  la  teneur  du  concile.  Ces  circonstances  n'avaient  pas  changé  quand  fut 
réuni  le  synode  présidé  par  Papgen. 

Or,  la  publication  récente  du  livre  des  Épîtres  *)»/'/'•£  PlPn3  =  K*r9 
thegtotz,  Tillis,  l'.tOl  ),  tout  en  facilitant  la  rectification  de  quelques  dates,  vient 
de  montrer  à  nouveau  que  la  séparation,  à  ses  origines,  fut  due  surtout  à  des 
malentendus. 

D'après  les  documents  inexacts  ou  incomplets  auxquels  on  se  référait  jus- 
qu'ici, on  avait  cru  que  ce  synode  s'était  réuni  en  491-492.  en  présence  de  Gabriel 
et  de  Chouphaghicho  catholicos,  l'un  de  l'Ibérie,  l'autre  de  l'Aghouanie,  et  qu'il 
avait  pour  principal  objet  la  condamnation  du  concile  de  Chalcédoine  (Jean 
catholicos,  Jérusalem,  1867,  c.  16,  Ouchtanès,  II,  c.  47,  Lettre  au  catholicos  ibé- 
rien  Kyrion  et  pp.  176-177  du  Livre  des  Épilres:  Moïse  Gaghangadouatsi,  i,  47; 
Tchamtchian,  II.  225  et  tous  les  auteurs  modernes  à  sa  suite). 

Mais,  d'après  les  deux  lettres  de  Papgen,  que  Ter-Minassiantz  (p.  32)  regarde 
comme  authentiques,  les  informations  antérieures  sont  les  unes  rectifiées,  les" au- 
tres complétées.  D'abord,  ce  synode  aurait  eu  lieu  la  dix-huitième  année  du  règne 
de  Kavàdh  (488-531)  en  505-506,  probablement  après  le  traité  de  paix  conclu  dans 
l'automne  de  506  entre  Kavàdh  et  l'empereur  Anastase,  favorable  aux  monophy- 
sites  (voir  la  Lettre  synodale  de  Papgen  ou  Lettre  des  Arméniens  aux  orthodoxes 
en  Perse,  publiée  par  Mekerttschian,  Ararat,  1898,  pp.  383-380;  dans  le  Livre  des 
Épilres,  p.  41-47;  appendice  I  dans  Ter-Minassiantz,  p.  152-157).  Cependant  la 
date  de  506-506  elle-même  est-elle  sûre?  Kavàdh,  fils  de  Pêrôz,  succéda  en  488  à 
son  oncle  Balàsch,  qu'on  avait  aveuglé  et  rendu  incapable  de  régner  d'après  les 
Perses.  Mais  Kavàdh,  pour  affaiblir  la  noblesse  et  le  clergé,  ayant  soutenu  le 
novateur  Mazdak,  qui  admettait  la  communauté  des  biens  et  des  femmes,  il  fut 
enfermé  au  château  de  l'Oubli  et  remplacé  par  son  frère  Dchàmàsp  vers  496. 
Kavàdh  s'échappa;  il  s'enfuit  chez  les  Huns  blancs  ou  Hephthalites  (peuple  du 
Kouschan),  qui  avaient  aidé  son  père  à  monter  sur  le  trône  et  dont  il  avait  été 
lui-même  l'otage  pendant  deux  ans;  puis  sur  le  refus  de  Pèrôz  de  payer  la 
somme  convenue,  ils  avaient  de  nouveau  fait  la  guerre,  dans  laquelle  Pèrôz  avait 
péri;  ils  avaient  enlevé  sa  fille  pour  le  harem  de  leur  chef  et  avaient  dévasté  la 
Perse.  Enfin  Zarmihr  de  l'illustre  famille  des  Karen  (rival  de  Schapour  de  la  fa- 
mille Mihran),  qui  avait  guerroyé  en  Arménie,  était  parvenu  à  rétablir  l'ordre 
et  à  mettre  sur  le  trône  le  frère  de  Pèrôz,  Balàsch.  Le  roi  des  Hephthalites  donna 
pour  épouse  à  Kavàdh  la  princesse  qu'il  avait  eue  de  la  fille  de  Pêrôz;  et  avec 
le  concours  de  ces  alliés,  Kavàdh  recouvra  le  trône  en  498  ou  499.  Or,  pour  fixer 


76  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRETIEN. 

et  qui  ne  peuvent  connaître  l'Église  catholique  sans  vouloir 
s'y  réunir,  Barthélémy  de  Bologne  fit  construire  pour  lui  et  ses 

la  dix-huitième  année  de  Kavàdh,  faut-il  tenir  compte  de  cet  interrègne  de  deux 
ou  trois  ans? 

II.  Une  seconde  lettre  de  Papgen  postérieure  au  synode  (L.  des  Ép.,  48-51) 
est  probablement  de  l'an  50G-507.  Or,  comme  d'après  les  anciens  historiens, 
Papgen  aurait  régné  cinq  ans  (trois  ans  d'après  Açoghig),  il  fut  probablement 
catholicosde  l'an  502-503  à  l'an  507-508.  —  III.  D'après  la  lettre  synodale,  le  synode 
était  composé  de  22  évèques  de  l'Arménie  perse.  Parmi  les  princes  présents, 
on  signale  Ward  Mamigonîan  et  Sahag  Gamsaragan;  le  synode  eut  lieu  non 
à  Vagharschabad,  mais  à  Tovin;  c'est  là,  dit  Papgen,  «  dans  la  résidence  de 
notre  pays  arménien  »,  que  sont  venus  vers  nous  quelques  hommes  de  vos 
contrées,  notamment  de  Tesbon  (Ktésiphon)  et  de  Garmekan  (Beth-Garmé,  cf. 
Marquart,  Eranschar,  p.  21).  Parmi  les  envoyés  se  trouvait  le  prêtre  Siméon 
de  Berdosma  ou  Bedrosma,  que  Ter  Minassiantz  (p.  35)  identifie  avec  le  mo- 
nophysite  Siméon  de  Beth  Arscham  (dans  le  voisinage  de  Séleucie  et  de  Cté- 
siphon),  personnage  fameux  par  ses  luttes  contre  les  nestoriens  persans  (cf. 
Land.  Anecdota  syriaca,  II,  78,  80);  au  témoignage  de  Barhebraeus  (Chron. 
Eccl.,  II,  85),  il  vint  en  effet  chez  les  Arméniens  et  en  reçut  une  lettre  dogma- 
tique qui  pourrait  bien  être  la  lettre  synodale  de  Papgen.  Siméon  lui-même 
raconte  que.  vers  ce  temps,  trente-deux  évèques  arméniens  avaient  accepté 
l'Hénoticon  de  Zenon  (Epistola  Simeonis  Beth-Arsamensis  de  Barsauma,  episcopo 
Nisibeno,  Assemani,  Bibl.  Or.,  I,  355).  Les  soi-disant  orthodoxes  délégués  à  Tovin 
se  plaignirent  des  troubles  religieux  suscités  depuis  la  vingt-septième  année  du 
règne  de  Pêrôz  par  les  Nestoriens  Acace,  Barsauma  et  Johanan  (probablement 
l'évêque  de  Karka  de  Beith  Slok,  qui  avait  été  chassé  d'Édesse.  Sur  eux  voir 
Braun,  Das  Buch  der  Synhados,  Stuttgart  et  Vienne,  l'.OO,  pp.  59-83);  ils  présen- 
tèrent un  rescrit  de  Kavàdh  leur  donnant  le  droit  de  rechercher  la  vraie  foi, 
d'après  la  règle  et  la  science  du  pays  des  Romains  (Grecs),  des  Ibériens  et  des 
Albaniens,  afin  qu'elle  fût  affermie  en  chacun  d'eux. 

Ils  déclarèrent  professer  la  foi  des  Conciles  de  Nicée  et  de  Constantinople  con- 
firmée parla  sainte  et  universelle  Église  catholique;  l'objet  de  leur  mission  était 
■de  prier  les  Arméniens  de  leur  venir  en  aide  et  de  les  tirer  d'inquiétude;  car  les 
Nestoriens  affirmaient  que  les  Arméniens  et  les  Grecs  avaient  embrassé  Ja  foi 
nestorienne. 

Nous.  Arméniens,  répond  Papgen.  nous  gardons  la  foi  de  Nicée  et  de  Cons- 
tantinople qui  nous  est  commune  avec  les  Romains  (les  Grecs),  les  Ibériens  et 
les  Albaniens,  nous  condamnons  ceux  qui  nous  appellent  Nestoriens.  Comme, 
poursuit-il,  l'ont  dit  vos  envoyés,  le  catholicos  de  l'Asorestan  (Syrie),  Babe  (Babai, 
497-503)  et  d'autres  évèques  nestoriens  <•  admettent  deux  fils  de  Dieu  »,  «  l'un  qui 
estDieu  »...  ••  et  l'autre  simplement  homme  comme  nous,  sauf  que  par  les  mérites, 
et  par  la  grâce,  il  est  devenu  le  temple  de  ■-  Dieu  le  Verbe  »;  et  ces  nestoriens 
pensent  qu'il  est  fort  à  propos  de  diviser  et  de  dire  ouvertement  :  Dieu  parfait 
et  homme  parfait  ». 

IV.  Par  cette  déclaration  qui  résume  le  côté  dogmatique  de  la  lettre  syno- 
dale de  Papgen,  on  voit  que  les  membres  du  synode  de  Tvin  ne  se  sont 
point  réunis  pour  condamner  le  concile  de  Chalcédoine,  encore  moins  pour  se 
séparer  de  la  majorité  des  Grecs;  et  celle-ci.  malgré  les  édits  de  Zenon  et 
d'Anastase,  restait  unie  à  l'Église  catholique. 

On  peut  supposer  que  le  synode  s'est  réuni  pour  régler  quelques  affaires  in- 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    L'ARMÉNIE.  77 

compagnons  deux  monastères,  l'un  pour  l'hiver,  l'autre  pour 
l'été,  et  situés  le  premier  au  pied  et  le  second  au  sommet  d'une 
même  montagne.  La  résidence  d'hiver  consistait  en  cellules 
taillées  dans  le  roc;  et,  si  l'on  en  croit  Galano,  quelques-unes 
de  ces  cellules  subsistaient  encore  au  xvne  siècle. 

Bientôt  la  réputation  de  science  et  de  sainteté  de  Barthélémy 
rayonna  au  loin  :  elle  attira  sur  lui  les  regards  de  quelques 
âmes  éprises  d'un  idéal  de  vie  plus  parfait  que  celui  qu'on 
leur  avait  enseigné,  ou  simplement  désireuses  de  retrouver  le 


térieures;  mais  en  l'ait,  quand  il  aborde  les  relations  de  l'Église  arménienne 
avec  les  autres  communautés  chrétiennes,  son  but  principal,  pour  ne  pas  dire 
unique,  est  de  renier  toute  solidarité  avec  les  nestoriens,  surtout  avec  leurs 
chefs  Acace,  Barsauma  et  Babai.  (SurBabai  et  son  synode,  voir  Braun,  p.  83-92). 
Leurs  craintes  sont  fondées.  Selon  Barhebraeus,  Barsauma  était  jadis  arrivé' 
jusqu'à  Beth-Nuhadra,  aux  frontières  de  l'Arménie,  dont  l'avaient  éloigné  les 
menaces  des  satrapes  arméniens  (Grég.  Barhebr.,  Chron.  Eocl.  éd.  Abbeloos  et 
Lamy,  sert.  II,  col.  71-,  Asscmani,  III,  39o;.  Si  l'on  en  croit  Thomas  Ardzrouni 
(II,  2),  il  aurait  même  pénétré  dans  l'Arménie  du  Sud  jusqu'à  Mok  et  surpris  un 
instant  la  bonne  foi  de  l'historien  Elisée,  avant  d'être  chassé  par  le  prince  des 
Ardzrouniens,  Merschapouh.  D'ailleurs,  les  Nestoriens  se  réclamant  des  Ar- 
méniens, il  fallait  dissiper  cette  équivoque.  Là,  semble-t-il,  s'est  arrêtée  l'œuvre 
du  synode;  si  l'IIénoticon  de  Zenon  a  été  accepté,  c'est  parce  qu'on  le  jugeait 
incompatible  avec  le  Nestorianisme.  Nous  croyons  même  qu'en  parlant  de 
l'Église  des  Romains  avec  laquelle  ils  veulent  rester  unis,  les  Arméniens  en- 
tendent sans  doute  l'Église  de  Byzance,  mais  n'excluent  pas  celle  de  Rome. 
Au  reste,  par  quel  autre  terme  auraient-ils  pu  désigner  cette  dernière  ? 

Il  est  vrai  que  la  seconde  lettre  de  Papgen,  lettre  non  synodale,  et  écrite  seu- 
lement au  nom  de  Papgen,  de  Merschapouh,  évèque  de  Daron,  et  de  quelques 
princes  arméniens  {Livre  des  Épîtres,  48-51),  le  catholicos  ne  se  contente  pas 
de  condamner  les  Nestoriens,  d'adopter  l'IIénoticon  de  Zenon;  il  rejette  de  plus 
le  concile  de  Chalcédoine  :  mais  ici  Papgen  déclare  encore  que  les  Arméniens 
«  adhèrent  à  la  même  foi  que  les  Romains  (Grecs),  les  Ibériens,  les  Albaniens  ». 
Son  opposition  peut  bien  viser  surtout  certains  empiétements  de  juridiction  de 
la  part  du  patriarche  de  Byzance,  empiétements  approuvés  par  le  vingt-huitième 
canon  de  Chalcédoine  malgré  les  protestations  du  pape.  Enfin,  pour  bien  me- 
surer la  portée  des  paroles  de  Papgen,  il  faut  se  rappeler  que  les  Arméniens, 
par  suite  d'une  confusion  regrettable  entre  les  termes  de  nature  et  de  personne 
(qui  persiste  encore  aujourd'hui  chez  des  savants  comme  'Harnack  et  des  théo- 
logiens grégoriens  comme  Ter-Mikélian),  s'imaginaient  tout  bonnement  défendre 
le  dogme  d'une  seule  personne  en  Notre-Seigneur,  et  proscrire  simplement  le 
nestorianisme,  en  rejetant  le  terme  explicite  de  deux  natures  en  Jésus-Christ. 
Cette  confusion  explique  pourquoi  les  Arméniens  ont  commencé,  après  cette 
époque,  à  confondre  les  chalcédoniens  avec  les  nestoriens,  à  les  regarder  comme 
les  adorateurs  d'un  homme,  mardavan,  àv9pwTco).ârpri;  ;  comme  si  les  partisans  des 
deux  natures  admettaient  dans  le  Christ  près  de  la  personne  divine  une  personne 
humaine,  qui  est  morte  pour  nous  (Ter-Mikélian,  p.  48).  Cet  auteur  fait  remonter 
au  synode  de  Papgen  l'addition  au  Trisagion  «  qui  as  été  crucifié  pour  nous  ». 


78  REVUE    DE    L/ORIENT    CHRÉTIEN. 

secret  de  cette  unité,  dont  le  Christ  avait  évidemment  doté  son 
Église,  en  groupant  ses  apôtres  et  ses  disciples  autour  d'un 
seul  chef  visible.  A  la  tête  de  ces  hommes,  en  quête  du  centre 
où  doivent  se  rencontrer  tous  les  fidèles,  se  distinguait  le 
docteur  Jean,  surnommé  de  Kerna  ou  de  Kerni,  parce  que  le 
monastère  dont  il  était  supérieur  se  trouvait  près  de  cette  lo- 
calité, dans  le  district  d'Erentchag  (aujourd'hui  Alenja)  non 
loin  de  Nakhitchévan.  Ému  de  ce  qu'il  entendait  dire  du  célèbre 
missionnaire,  et  encouragé  par  son  ancien  et  illustre  maître 
'Isaïe,  qui,  dans  sa  florissante  école,  établie  près  d'Erivan,  avait 
conféré  le  livre  et  le  bâton  de  vartabed  à  trois  cent  soixante-dix 
étudiants,  le  docteur  Jean  se  mit  en  route,  et,  après  quatre 
jours  de  marche,  il  atteignit  le  monastère  du  Père  Barthélémy 
(1328).  Dès  les  premiers  entretiens,  il  fut  éclairé,  convaincu 
et  décidé  à  reconnaître  le  pontife  romain  comme  le  chef  réel 
de  l'Église  universelle.  Il  prolongea  néanmoins  son  séjour 
pendant  un  an  et  demi  ;  et  il  mit  à  profit  ce  temps  pour  en- 
seigner l'arménien  à  Barthélémy  ainsi  qu'à  ses  compagnons, 
pour  apprendre  lui-même  le  latin  et  pour  résumer  en  arménien, 
dans  une  série  d'instructions  et  de  cas  de  conscience,  les  entre- 
tiens de  son  guide. 

En  1330,  Jean  fit  parvenir  à  plusieurs  de  ses  anciens  con- 
disciples, dispersés  dans  l'Arménie  orientale,  une  lettre  pres- 
sante composée  par  le  Père  Barthélémy,  et  dont  il  avait  seu- 
lement remanié  le  style  :  c'était  une  invitation  à  une  conférence, 
en  vue  d'aviser  aux  moyens  de  rétablir  l'union  religieuse.  Une 
quinzaine  de  vartabeds,  dont  douze  seulement  nous  sont  con- 
nus par  une  lettre  de  Jean  de  Kerni,  répondirent  à  cet  ap- 
pel (1).  Ils  s'abouchèrent  à  Kerni  avec  le  Père  Barthélémy  et, 
pendant  un  mois  que  durèrent  les  conférences,  tous  furent 
entretenus  aux  frais  du  gouverneur  de  la  région,  le  prince 
Georges,  oncle  du  vartabed  Jean.  D'un  accord  unanime,  les  Ar- 
méniens présents  rejetèrent  les  divergences  dogmatiques  qui 

(1)  Si  l'on  s'en  tient  à  l'expression  même  de  Jean  de  Kerni,  les  vartabeds 
qu'il  ne  nomme  pas  auraient  été  plus  nombreux,  ki-iuj^p  ptuqnLiI^p.  npmj 
,uUntuiîi.p_  ,f/,/,,nf  Wu  '[t  i/fifii/h  ///,'///-</  :  et  beaucoup  d'autres  dont  les 
noms  sont  écrits  dans  le  livre  de  vie.  —  Tous,  d'un  consentement  una- 
nime, professèrent  la  foi  orthodoxe  :  ujif//hf,  .phiuh  iT[imq^niii^  v»""'""  /<'- 
li  mil  n  ri  iuLiitiih  ijfi'ii  nni  iiiiiuilnuri.  i,ajLtuui  ;   Galanus,  I,  521. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    L'ARMÉNIE.  79 

les  séparaient  de  l'Église  romaine  et  se  soumirent  à  l'autorité 
du  pape  (1). 

Pour  consolider  et  étendre  cette  œuvre  de  restauration,  si 
heureusement  commencée,  il  fallait  à  Jean  de  Kerni  des  auxi- 
liaires pieux,  instruits,  pénétrés  de  ses  convictions  et  animés  de 
son  zèle  à  les  répandre.  Où  les  trouver?  Les  religieux  Basiliens, 
introduits  en  Arménie  par  Nersès  le  Gracieux,  étaient  en  pleine 
décadence,  si  l'on  en  croit  le  docteur  Jean.  A  l'entendre,  ils 
vivaient  sans  règles,  sans  constitutions,  sans  vœu  de  pauvreté 
ni  d'obéissance,  s'adonnant  au  commerce  et  à  l'usure,  et  se 
conduisant  d'après  leur  caprice.  Après  s'être  arrêté,  un  instant, 
à  l'idée  de  les  réformer,  Jean  de  Kerni  jugea  préférable  de 
foncier  une  milice  nouvelle.  Il  lui  donna  un  nom  qui  caracté- 
risait bien  son  but  :  il  l'appela  l'ordre  des  Unis  ou  Uniteurs 
de  saint  Grégoire  l'Illuminateur  (Gark  imn  Gotschetsial  mia- 
panagats).  Cette  congrégation,  tout  en  suivant  les  règles  de 
saint  Augustin,  adopta  les  constitutions  des  Dominicains  et 
en  prit  l'habit,  sauf  le  scapulaire  et  le  capuce  qui  furent  noirs 
(1330).  Jean  XXII  s'empressa  d'approuver  un  ordre  dont  les 
membres  s'engageaient  par  vœu  à  obéir  au  chef  visible  «le 
l'Église,  le  successeur  de  Pierre.  D'ailleurs,  l'esprit  qui  animait 
les  Uniteurs  était  l'esprit  même  de  l'ordre  des  Dominicains, 
cet  ordre  si  méritant,  qu'un  pape  signalait  comme  «  constellé 
de  grands  hommes  ».  Les  Frères-Unis  choisirent  pour  leur 
premier  provincial  le  Dominicain  latin  Jean,  l'un  des  compa- 
gnons de  Barthélémy.  A  partir  de  1350,  ils  furent  incorporés 
ou  affiliés  à  l'ordre  des  Dominicains  et  obéirent  au  même  gé- 
néral, à  peu  près  comme  le  tiers  ordre  des  Dominicains  fondé 
au  xixe  siècle  par  Lacordaire  (1). 

(1)    qÇiiiiiq^iuiiq.nLp-fiL^i    [il iiiiiiiiuij/i  iiij     lniim'li    ^/j  iu[,l,,,j      nni^m'hui  i  uiui- 
ltm[i'li    n£     iljtiujU    i[iuuii    [u  pbiubij.     tujf    km     liLnuijbnn'li     i/m'lui nL  /»/,,    Il 

i/iui mitiuij  •.  (Et  tous  ces  personnages,  dont  plusieurs  devaient  plus  tard  être 
promus  à  l'épiseopat)  promirent  obéissance  au  pontife  romain,  non  seulement 
pour  eux-mêmes,  mais  pour  leurs  monastères  et  leurs  provinces.  Lettre  de  Jean 
de  Kerni  (Galanus,  I,  517-518).  Galano  a  transcrit  cette  lettre,  qui  se  trouvait 
en  tète  d'un  manuscrit  arménien  (du  couvent  dominicain  de  Nakhitchévan) 
contenant  les  règles  de  saint  Augustin  et  les  constitutions  des  Frères-Prê- 
cheurs. 

(1)  ^  ers  la  fin  du  xive  siècle,  sous  Boniface  IX,  le  procureur  des  Frères-Unis, 
le  Frère  Lucas,  étant  venu  à  Rome,  demanda  et  obtint  que,  dans  les  maisons  de 


80.  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Barthélémy  ne  vit  que  les  premières  lueurs  répandues  par 
le  flambeau,  que  son  zèle  avait  aidé  à  allumer  dans  l'Arménie 
orientale.  Il  mourut  en  1333,  laissant  un  si  grand  renom  de 
sainteté, que,  pendant  plus  de  quatre  siècles,  on  vit  affluer  à  soft 
tombeau  de  nombreux  pèlerins  chrétiens  et  parfois  môme  des 
mahométans.  Avant  d'aller  recevoir  la  récompense'  de  ses  tra- 
vaux et  de  ses  mérites,  il  avait  collaboré  avec  les  premiers 
Frères-Unis,  Jean  de  Kerni,  Jacques  de  Kerni,  etc.,  à  la  tra- 
duction arménienne  de  plusieurs  ouvrages  religieux  latins. 

Ramener  par  la  parole  et  la  plume  les  Arméniens  vers  le 
centre  de  l'Église  catholique,  telle  fut  l'une  des  tâches  princi- 
pales que  poursuivirent  les  Uniteurs  de  Grégoire  l'Illumina- 
teur.  Ils  se  signalèrent  par  de  nombreuses  traductions  et  par 
quelques  savants  écrits,  entre  lesquels  il  faut  distinguer  le  traité 
de  Jean  de  Kerni  sur  la  primauté  du  pape.  —  A  neuf  siècles 
de  distance,  ils  continuèrent  la  glorieuse  chaîne  des  disciples 
du  grand  Mesrob,  qui,  après  avoir,  avec  le  secours  de  l'ermite 
calligraphe  Rufin,  composé  l'alphabet  arménien  sur  le  modèle 
du  grec,  avait  traduit  le  livre  des  Proverbes  dans  le  meilleur 
dialecte,  celui  de  Goghten,  district  de  l'Ararad,  et  avait  donné 
la  plus  vive  impulsion  à  la  littérature  sacrée  et  profane  en 
Arménie,  en  Albanie  et  en  Géorgie.  Trente  ans  après  sa  fonda- 
tion, l'ordre  des  Uniteurs  ou  Frères-Unis  comptait  dans  la  seule 
Arménie  cinquante  monastères,  où  vivaient  sept  cents  reli- 
gieux (1).  A  l'est  et  au  nord,  les  Frères-Unis  franchirent  aussi 

l'ordre,  l'usage  de  la  viande  lût  permis  trois  jours  de  la  semaine,  à  cause  do  la 
difficulté  de  se  procurer  du  poisson.  Il  l'ut  aussi  décidé  qu'un  visiteur  parcour- 
rait les  maisons  de  l'Ordre  tous  les  deux  ans  (Galanus,  op.  vit.,  I.  5-21).  —  Nous 
avons  signalé  ailleurs  les  travaux  des  Franciscains  et  des  Dominicains  en  Cilicie. 
Car  exemple  après  la  mort  d'Oschin,  Jean  XXII  avait  envoyé  à  la  cour  de  la 
reine  Jeanne  des  religieux  Mineurs  et  Dominicains  chargés  d'une  mission  spé- 
ciale, 4  juillet  1322.  Cl.  Archives  de  l'Orient  L.,  t.  I,  p.  2GG;  Vadding,  VI,  407. 

(1)  Statistique  tirée  des  Archives  des  Dominicains  de  Rome;  voir  Balgy, 
p.  ??.  —  Sommaire  historique  des  missions  de  l'ordre  de  Saint-Dominique  en 
/'Arménie-Majeure  :  Fontana,  Theatrum  dominicanum.  —  Léon  Alishan,  Les 
Frères-Uniteurs  dans  le  canton  d'Erendschag,  dans  l'ouvrage  du  même  auteur 
sur  le  Siçagan  (district  de  la  Siounie  entre  le  lac  Goktscha  et  le  Bas-Araxe),  en 
arménien,  Venise,  1893.  —  Pour  la  chrétienté  antérieure  de  Kaffa,  voir  les  lettres 
de  Jean  XXII  à  l'archevêque  de  Kaffa  (28  mars  1318);  elles  ont  trait  à  la  dispense 
pour  le  mariage  en  cas  de  consanguinité  et  à  l'usage  repoussé  par  les  dissi- 
dents grégoriens  de  mêler  un  peu  d'eau  au  vin  du  sacrifice,  avant  la  consé- 
cration. (Raynaldi,  n.  81.) 


HISTOIRE   POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    L'ARMÉNIE.  81 

les  frontières  de  l'Arménie  et  fondèrent  des  maisons  en  Perse, 
en  Géorgie  et  jusque  dans  la  Chersonèse  Taurique  (Crimée 
actuelle).  Dans  la  capitale  de  cette  dernière  contrée,  à  Théo- 
dosie  ou  Kaffa,  où  était  déjà  établie  une  chrétienté  arménienne, 
ils  créèrent  une  maison  d'éducation  qui  fut.  longtemps  floris- 
sante. 

§2.  Écarts  de  zèle  chez  quelques  Frères-Unis  ;  les  dix-neuf 
erreurs  relevées  par  le  vartabed  Jean  :  confusion  entre  les 
points  dogmatiques  et  disciplinaires.  Sept  sièges  épiscopaux 
occupés  par  les  Frères-Unis.  Origine  du  séminaire  arménien 
de  Rome.  —  Les  plus  distingués  parmi  les  Frères-Unis  de 
Saint-Dominique  n'allièrent  pas  à  un  zèle  et  à  une  science  in- 
contestables une  égale  prudence.  Emportés  par  leur  ardeur  pour 
la  restauration  de  l'unité  religieuse,  dont  ils  voyaient  justement 
le  centre  dans  le  siège  romain,  il  rappelèrent  parfois  avec  trop 
de  vivacité  aux  dissidents  arméniens  leurs  erreurs.  Quelques- 
uns  exagérèrent  même  le  nombre  et  l'importance  de  ces  erreurs  ; 
ils  attribuèrent  à  la  grande  majorité  des  Arméniens  des  héré- 
sies qui  dominaient  seulement  dans  les  provinces  orientales  et 
dont  la  Cilicie,  par  exemple,  était  à  peu  près  exempte.  De  plus, 
en  dressant  le  catalogue  des  divergences  dont  ils  poursuivaient 
l'abolition,  ils  mirent  bien  des  différences  accessoires,  acciden- 
telles, au  même  rang  que  les  différences  essentielles.  On  peut 
en  juger  par  la  listedes  dix-neuf  accusations  que  dressait  maî- 
tre Jean  de  Kerna  contre  les  Arméniens  en  général,  et  dont  la 
condamnation  du  dyophysisme  et  du  concile  de  Chalcédoine, 
prononcée  jadis  au  synode  de  Tovin,  formait  le  point  capital  (1). 


(1)  La  scission  déjà  préparée  depuis  le  Ior  synode  de  Tovin  (505-50G?)  sous 
Papgen,  semble  être  devenue  officielle  au  II0  synode  de  Tovin.  sous  Nersès  II. 
Le  Livre  des  ÉpUres  (%fip.p  Pq_Pny)  contient  quelques  documents  qui,  s'ils 
.sont  authentiques,  permettent  de  corriger  quelques  inexactitudes  des  historiens 
arméniens  postérieurs.  Plusieurs,  comme  Vartan  (cap.  30),  placent  le  synode 
sous  Moïse;  Etienne  Orbélian  (Histoire  de  la  Maison  de  Sissakan,  c.  21  et  68) 
n'est  pas  plus  exact.  Seuls,  un  écrit  aitribué  à  Jean  Otznétsi  sur  les  synodes 
arméniens  (L.  des  ÉpUres,  220-233)  et  l'Histoire  d'Àçoghig  (II,  2)  cadrent  bien 
avec  les  documents  du  Glrk  teghtolz  (p.  52-69),  qu'on  dit  contemporains  de 
Nersès  IL  Ces  documents  comprennent  une  lettre  des  Syriens  monophysites  à 
Nersès  II,  deux  lettres  de  Nersès  à  L'évêque  syrien  Aptischo,  qu'il  a  consacré, 
enfin  deux  fragments  de  lettre  signalés  comme  provenant  d'Aptischo.  La  lettre 
des  orthodoxes  syriens  (p.  52-51;  appendice  II,  dans  Minassiantz)  aux  Arméniens 
est  écrite  au  nom  d'un  certain  nombre  d'abbés  de  couvents  et  d'autres  clercs 

ORIENT  CHRÉTIEN.  6 


82  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

Voici,  en  substance,  les  griefs  de  Jean  de  Kerna  : 

I.  Les  Arméniens  admettent  dans  le  Christ  une  seule  nature 

habitant  le  nord  de  la  Syrie,  selon  Th.  Nôldeke  de  Strasbourg  (Minassiantz, 
p.  158),  ou  la  région  de  Sassoun,  selon  quelques  historiens  arméniens  posté- 
rieurs. Persécutés  par  les  hérétiques,  disent-ils,  ils  envoient  au  catholicos  armé- 
nien plusieurs  délégués,  moines,  prêtres  et  diacres,  chargés  d'implorer  son 
assistance  ;  à  les  entendre,  ils  ont  la  même  foi  que  les  Arméniens,  et  condam- 
nent les  mêmes  hérétiques,  Nestorius,  Théodore  (de  Mopsueste),  Dioclore  (de 
Tarse),  Barsauma  (deNisibe),  Théodore  de  Cyr,  le  synode  deChalcédoine,  le  tome 
de  Léon,  Apollinaire  (de  Laodicée),  Eutychès  et  Sévère  (d'Antioche),  Paul  de 
Samosate,  Mani  (Manès?),  Marcion,  Arius...  Ils  prient  le  catholicos  d'ordonner 
évèque,  pour  être  mis  à  la  tête  de  la  communauté  syrienne  orthodoxe,  celui  que 
les  délégués  lui  présenteront,  «  l'humble  prêtre  Aptischo  du  couvent  de  Sa- 
repa  »;  ils  demandent  enfin  qu'on  reinette  aux  envoyés  une  lettre  attestant  que 
la  foi  de  ces  derniers  est  bien  celle  des  Arméniens. 

Eu  vue  d'obtenir  l'appui  de  Nersès,  de  Nerschapouh  évêque  de  Daron  et  des 
Mainigonians,  et  celui  des  quelques  évêques  ou  princes  arméniens  qui  entou- 
raient le  catholicos,  les  Syriens  leur  avaient  prodigué  les  titres  les  plus  flat- 
teurs, tels  que  ceux  de  «  Pères  spirituels,  lumière  du  monde,  colonnes  de  la 
foi  ».  Leur  attente  ne  fut  point  déçue,  au  moins  de  la  part  de  Nersès  et  de 
Nerschapouh  ;  car  la  réponse  à  l'écrit  des  Syriens  est  rédigée  au  nom  seul  du 
catholicos  et  de  l'évêque  des  Mamigonians  {L.  des  Ép.,  55-58).  Dans  leur  profes- 
sion de  foi  sur  le  mystère  de  l'Incarnation,  les  Syriens  avaient  dit  :  «  que  le 
Christ  a  été  crucifié,  est  mort  pour  nous,  comme  il  le  voulait,  réellement  et 
non  point  d'une  manière  fictive,  et  qu'il  n'y  avait  point  en  lui  de  corruptibilité, 
carie  corps  qu'il  nous  avait  pris  était  incorruptible  et  glorieux,  en  raison  de  son 
union  avec  lui  ».  Si  on  prend  ces  derniers  termes  dans  toute  leur  rigueur,  ils 
comprennent  aussi  l'impassibilité,  et  de  ce  chef  les  Syriens  semblaient  reproduire 
l'aphthartodocétisme,  d'ailleurs  assez  mitigé,  de  Julien  d'IIalicarnasse.  Tout  en 
.se  rapprochant  encore  un  peu  plus  de  la  doctrine  catholique,  Nersès  et  Ner- 
schapouh déclarent  cependant  que  la  doctrine  de  leurs  correspondants  est 
exacte,  et  qu'ils  sont  d'accord  avec  eux.  Ils  croient,  disent-ils,  que  le  Christ  est 
m;  de  la  sainte  Vierge  Marie,  qu'il  a  été  allaité,  qu'il  a  grandi,  souffert  sur  la 
croix,  qu'il  est  mort,  est  ressuscité  après  trois  jours,  rumine  il  voulait  confor- 
mément à  su  Divinité...  Nous  prions  et  adorons  la  Divinité  avec  la  corporéité, 
et  la  corporéité  (marmnavourouthioun)  avec  la  divinité;  et  par  la  triple  invo- 
cation, Saint,  Saint,  Saint,  nous  confessons  son  crucifiement  ». 

D'ailleurs,  nous  condamnons,  poursuivent-ils,  toutes  les  doctrines  que  vous 
condamnez,  y  compris  «  le  tome  de  Léon  »,  «  l'illégitime  concile  de  Chalcédoine 
avec  ses  canons  déshonorants  et  imposés  par  la  force,  déjà  condamnés  à  Nicée, 
à  Constantinople  et  à  Éphèse  »  (sic!)...  Nous  sommes  avec  vous  en  communion 
de  sentiments  et  de  volonté...  Aussi,  en  union  avec  tous  les  évêques  de  notre 
région,  les  prêtres,  les  moines,  d'après  la  volonté  des  barons  et  de  tout  le  peu] île, 
nous  avons  ordonné  évèque  et  nous  vous  envoyons  Aptischo,  choisi  par  vous. 

De  retour  dans  sa  province,  Aptischo  écrivit  à  Nersès  (L.  des  Ép.,  59-61)  que 
l'ordination  reçue  des  Arméniens  en  avait  imposé  à  ses  adversaires.  Craignant 
que  les  Arméniens  ne  les  dénoncent  au  roi  qui  veut  que  chacun  pratique  en 
paix  sa  religion,  les  hérétiques,  dit-il,  n'ont  plus  osé  troubler  la  communauté 
orthodoxe. 

Parmi  les  adversaires  visés  par  Aptischo,  se  trouvent  «  les  hérétiques  qui 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    L'ARMÉNIE.  83 

(mi  pnouthioun).  II.  et  III.  Ils  nient  que  les  justes  voient  Dieu 
face  à  face  et  que  les  pécheurs  soient  condamnés  aux  peines 

adhèrent  à  l'infâme  doctrine  de  Sévère  »;  ils  affirment,  dit-il,  «  que  le  corps  du 
Christ  est  corruptible  et  que,  sur  la  croix,  par  sa  passion,  il  a  été  réellement 
soumis  à  la  corruptibilité  ne  prenant  point  garde,  en  parlant  ainsi,  à  la  parole 
de  saint  Pierre:  ■<  Son  corps- n'a  point  éprouvé  de  corruption  ».  Aptischo  prévient 
Nersès  que  des  représentants  de  celte  secte  veulent  aller  trouver  le  catholicos  et 
les  évèques  arméniens,  afin  d'en  obtenir  des  lettres  attestant  que  les  sévériens 
sont  orthodoxes  et  en  communion  avec  les  Arméniens.  Il  prie  son  correspon- 
dant de  recevoir  les  Sévériens  de  telle  sorte  qu'ils  se  soumettent  à  lui  Apti- 
scho. Enfin,  il  promet  d'aller  prochainement  se  jeter  aux  pieds  des  seigneurs  et 
des  évèques  arméniens. 

Quand  Aptischo  revint  auprès  du  catholicos,  ce  fut  pour  assister  au  deuxième 
synode  de  Tovin  (Tvin),  qui  marqua,  disent  la  plupart  des  historiens,  la  rupture 
officielle  de  l'Église  arménienne  avec  l'Église  universelle.  Avant  d'examiner  le 
caractère  de  cette  scission,  il  faut  en  préciser  la  date.  Les  décisions  de  ce  synode 
reproduites  dans  le  Livre  des  Épîtres  (p.  72)  attestent  qu'il  eut  lieu  la  vingt- 
quatrième  année  (il  est  dit  une  fois  la  vingt-cinquième  année)  du  règne  de 
Chosroès  Ier  le  Grand  (531-579),  c'est-à-dire  vers  l'an  554.  Quant  au  règne  de 
Nersès  II,  si  on  se  rappelle  qu'il  dura  de  neuf  à  dix  ans.  et  que  son  successeur 
Jean  I",  après  être  resté  quinze  ou  seize  ans  catholicos,  mourut  en  573  à  Cons- 
tantinople  où  il  s'était  réfugié  avec  beaucoup  d'autres  personnes  pour  échap- 
per aux  persécutions  de  Chosroès,  on  arrive  pour  le  patriarcat  de  Nersès  à 
'548-558. 

Mais  ce  qui  est  plus  sûr,  c'est  que  les  décisions  du  synode  qu'il  présida  (p.  72-75) 
condamnent  seulement  les  Nestoriens  et  ne  font  aucune  mention,  du  moins  ex- 
presse, des  Chalcédoniens.  Néanmoins,  peu  d'années  après  la  mort  de  Nersès.  le 
catholicos  Jean  Ier  écrit  à  l'évêque  Vertanès  de  Siounie  et  au  prince  Mihrardaschir 
que  les  Chalcédoniens  ont  été  condamnés  dans  un  synode  (L.  des  Ép.,  78). 
Jean,  évêque  de  Jérusalem  à  partir  de  571,  dans  une  lettre  à  Abas,  catholicos  des 
Albaniens  (publiée  à  Etschmiadzin,  1896),  rappelle  deux  fois  l'anathème  porté 
contre  «  le  saint  concile  de  Chalcédoine  ».  Photius  fera  également  remonter  la  sé- 
paration des  Arméniens  à  un  synode  tenu  à  Tvin,  sous  Nersès,  106  ans  après  le 
concile  de  Chalcédoine,  Migne,  Cil,  704,  aune  date  qui  fut  le  point  de  départ  d'une 
nouvelle  chronologie  arménienne.  Pour  concilier  ces  assertions  avec  le  silence 
du  synode  au  sujet  du  concile  de  Chalcédoine,  on  est  porté  à  admettre  qu'il  y 
eut  dans  ce  synode  un  parti  qui  prononça  cette  condamnation;  mais, soit  oppo- 
sition de  la  part  d'autres  membres  du  synode,  soit  crainte  de  provoquer  en 
Arménie,  en  Géorgie  et  en  Albanie  des  protestations  contre  un  synode  d'ailleurs 
très  restreint,  les  adversaires  de  Chalcédoine  ne  purent  faire  passer  leur  ana- 
thème  dans  les  actes  mêmes  du  synode.  Peut-être  aussi  les  auteurs  qui  suivirent 
attribuèrent-ils  aux  Pères  arméniens  du  synode  de  Tovin  la  sentence  privée  que 
nous  avons  déjà  vue  formulée  dans  la  lettre  de  Nersès  et  de  Nerschapouh, 
adressée  aux  Syriens  et  antérieure  au  synode  de  Tovin.  On  pourrait  également 
supposer,  non  sans  vraisemblance,  que  la  majeure  partie  de  la  petite  assemblée 
de  Tovin  a  bien  pu  condamner  les  Chalcédoniens  sans  les  nommer,  par  la 
raison  que  la,  plupart  des  monophysites  les  confondaient  absolument  avec  les 
nestoriens.  Néanmoins,  le  silence  des  actes  de  Tovin  au  sujet  du  concile  de 
Chalcédoine  nous  empêche  d'admettre  que  la  condamnation  en  ait  été  unanime  : 
il  serait  étrange,  en  effet,  que  le  concile  de  Chalcédoine  et  ses  canons  soient 


84  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

de  l'enfer  avant  le  jugement  dernier.  IV.  Ils  contestent  qu'il 
y  ait  un  lieu  distinct  pour  le  purgatoire  et  pour  l'enfer.  V.  Ils 
rejettent  la  primauté  du  pape.  VI.  Ils  anathématisent  le  pape 
Léon  et  le  concile  de  Chalcédoine(l).  VII.  Ils  ne  célèbrent  pas 
les  fêtes  dominicales,  notamment  la  Nativité  de  Notre-Seigneur, 
d'après  l'usage  de  l'Église  romaine.  VIII.  Ils  ne  se  conforment 
pas  aux  coutumes  de  la  même  Église  pour  les  jeûnes.  IX.  Ils 
n'administrent  pas  la  confirmation  et  l'extrème-onction  et  se 
méprennent  sur  l'essence  des  autres  sacrements.  X.  Ils  ne 
versent  point  d'eau  dans  le  calice.  XI.  Ils  donnent  la  communion 
sous  les  deux  espèces.  XII.  Ils  se  servent  de  calices  en  bois  ou 
en  terre  cuite  (K'etsêghen).  XIII.  Hors  du  cas  de  nécessité  (ar- 
daqoj  hargauor) ,  les  confesseurs  absolvent  les  pénitents  sans 
se  soucier  d'aucune  réserve.  XIV.  Les  deux  patriarches  armé- 
niens s'attribuent  la  juridiction  sur  toute  l'Arménie.  XV.  L'hé- 
ritage des  évoques  est  transmis,  et,  au  besoin,  par  la  violence, 
à  leurs  consanguins.  XVI.  Les  Arméniens  vendent  et  achètent  les 
sacrements.  XVII.  Chez  eux,  le  divorce  entre  époux  est  faculta- 
tif, moyennant  le  versement  d'une  somme  d'argent.  XVIII.  On 
ne  prépare  pas  d'huile  spéciale  (hadoug  tsêth)  pour  la  confir- 
mation (troschmn)  et  l'extrème-onction.  XIX.  On  donne  la 
communion  aux  enfants  n'ayant  pas  atteint  l'âge  de  raison  (1). 
Enfin,  l'ardent  polémiste  ajoutait  qu'à  vouloir  énumérer  toutes 
les  erreurs  des  Arméniens,  il  serait  presque  infini. 

On  ne  saurait  trop  regretter  de  voir  condamner  ainsi,  avec 
des  erreurs  dogmatiques,  certaines  coutumes  arméniennes  des 
plus  respectables.  11  est  fâcheux  que  les  Frères-Unis  n'aient  pas 
suffisamment  compris  que  l'unité  religieuse,  l'accord  dans  les 
dogmes  et  la  subordination  hiérarchique,  n'excluent  pas  la 
variété  dans  la  liturgie  et  la  discipline.  Mais,  si  les  jugements 
de  quelques  Frères-Unis  sur  leurs  compatriotes   furent   trop 

mentionnés  avec  tant  de  soin  dans  les  lettres  de  Nersès,  d'Aptischo  et  des 
Syriens,  et  qu'il  n'en  soit  point  fait  mention  dans  les  actes  plus  solennels  d'un 
synode  qui  aurait  porté  une  condamnation  expresse  et  générale! 

Que  la  condamnation  ait  été  l'œuvre  d'un  parti  ou  celle  de  la  majorité  de  l'as- 
semblée, il  paraît  certain  que  la  part  d'Aptischo,  le  Sassounien  (Vartan,  c.44),  y  tut 
considérable.  Jean  de  Jérusalem  et  Photius  le  regardent  aussi  comme  le  premier 
auteur  du  schisme. 

(1)  Epistola  magislri  Juannis  Chemacensis  armeni  ad  Fralrts  armenus  unitos 
(Galanus,  I.  515-516). 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    L 'ARMÉNIE.  85 

absolus  et  leur  méthode  d'apostolat  trop  intransigeante,  on  a 
tort  de  regarder  ces  religieux  non  soit  comme  des  gens  de  parti 
pris,  soit  surtout  comme  des  sectaires  (1).  S'ils  se  trompèrent, 
ce  fut,  si  l'on  peut  ainsi  dire,  par  excès  de  zèle  et  de  bonne  foi  : 
désirant  avant  tout  sauver  et  relever  leur  patrie,  ils  ne  virent 
de  moyen  de  salut  que  dans  une  étroite  union  des  Arméniens 
avec  les  Latins;  puis,  à  force  de  se  heurter  contre  le  parti  pris 
de  certains  dissidents  irréconciliables,  tels  que  Vartan  de  la 
Montagne-Noire  et  Mekhitar  de  Sghevra,  ils  se  persuadèrent 
que,  pour  extirper  l'erreur,  il  fallait  modifier  tous  les  usages 
nationaux  où  ils  s'imaginaient  en  voir  quelque  germe.  Leurs 
efforts  ainsi  dirigés  ne  devaient  avoir  qu'un  succès  incomplet, 
passager;  ils  succombèrent  sous  la  grandeur  de  leur  tâche, 
entravés  et  paralysés  par  d'implacables  persécutions.  Quelques- 
uns  d'entre  eux,  voyant  leurs  tentatives  de  réforme  générale 
rejetées  par  le  chef  religieux  de  l'Arménie,  vont  s'exaspérer  au 
point  de  multiplier  outre  mesure  leurs  griefs.  Ce  sont  des  excès 
inséparables  des  polémiques,  qui  s'enveniment  en  se  prolon- 
geant. Il  serait,  d'ailleurs,  inique  de  rendre  l'ordre  entier  res- 
ponsable des  exagérations  commises  par  quelques-uns  de  ses 
membres.  Avant  de  décrire  cette  tourmente,  d'où  sortit  avec 
honneur  l'Église  officielle  d'Arménie,  achevons  d'esquisser  en 
quelques  mots  l'histoire  générale  des  Frères-Unis. 

Pendant  un  temps  difficile  à  préciser,  ils  occupèrent  sept 
sièges  épiscopaux.  Au  moins,  la  tradition  à  cet  égard  paraît- 
elle  constante,  bien  que  les  documents  écrits  ne  mentionnent 
que  les  cinq  suivants  :  1°  celui  de  Maragha,  dont  le  premier  ti- 
tulaire fut  Barthélémy  le  Petit,  le  principal  fondateur  des  Do- 
minicains arméniens;  2°  l'évêché  de  Tiflis,  auquel  fut  d'abord 
élevé  Jean  de  Kerni;  3°  celui  de  Kaffa;  4°  celui  de  Sultanieh, 

(1)  P.  Tchamichian   trad.   Avdall,  IL  p.  294.  A  l'opposé  du  P.   Tchamichian  ■ 

quelques  auteurs  catholiques  comme  Galano,  semblent  ne  point  s'apercevoir 
des  exagérations  que  nous  venons  de  relever  chez  certains  Frères-Uniteurs. 
Mais  tout  en  convenant  que  la  critique  de  Galanus  est  souvent  en  défaut,  et 
qu'au  point  de  vue  historique  il  n'est  pas  toujours  exact,  nous  devons  ajouter 
que  cet  auteur  se  montre  dans  ses  discussions  bon  théologien.  A  ce  point  de  vue, 
son  ouvrage  reste  des  plus  estimables.  Le  très  distingué  docteur  Gelzer  de  Iéna 
est  donc  trop  sévère,  quand  il  déclare  que  l'œuvre  du  célèbre  théatin  est  super- 
ficielle et  inacceptable.  11  va  sans  dire  que  Ter-Mikélian  et  d'autres  auteurs  de 
la  même  école  enchérissent  sur  les  critiques  de  Gelzer.  Voir  Der  Kritisch  Wert 
rômischer  Litteratur  (Zeitschr.  /'.  U'iss.  th.,  1894,  p.  598,  art.  de  Ter-Mikélian). 


80  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

grande  cité,  qui  réunit  quelque  temps  dans  ses  murs  vingt-cinq 
églises  chrétiennes,  mais  qui  déjà,  au  commencement  du 
xvne  siècle,  venait  de  voir  transformer  en  mosquée  sa  dernière 
église;  5°  l'évêché  de  Nakchivan  (1).  Les  quatre  premières  de 
ces  chrétientés  furent  tour  à  tour  dévastées  et  détruites  par  la 
lamine,  la  peste,  les  persécutions  des  infidèles  et  des  dissidents. 
Réduits  à  un  petit  nombre,  les  Frères-Unis  se  replièrent  sur 
la  province  de  Nakchivan  (Nakhitchévan).  Au  début  du  xvne  siè- 
cle, ils  y  possédaient  encore  douze  maisons.  L'évêque  de  Nak- 
chivan continuait  d'être  choisi  parmi  eux.  En  vertu  d'un  pri- 
vilège accordé  par  le  pape,  il  était  d'abord  désigné  par  huit 
supérieurs  de  l'Ordre  et  autant  de  seigneurs  de  la  province  ; 
puis,  il  allait  à  Rome  pour  y  être  confirmé  dans  sa  dignité  et 
consacré.  Mais  à  cette  époque,  la  chrétienté  catholique  de  Nak- 
chivan n'était  plus  florissante  comme  autrefois;  elle  dépérissait, 
minée  par  les  fléaux  qui  avaient  ruiné  les  autres  églises  des 
Frères-Unis.  Les  papes  et  les  supérieurs  des  Dominicains  s'ef- 
forcèrent de  conserver  un  ordre  qui  leur  était  étroitement  uni, 
et  de  sauver  l'église  de  Nakchivan  dont  il  était  le  soutien. 
Secondé  par  le  Frère  arménien  Augustin  de  Passen,  plus 
tard  archevêque  de  Nakchivan,  le  Frère  Paul  Marie  de  Bologne 
releva  pour  un  temps  cette  chrétienté  (1614-1620),  grâce  aux 
instructions  qu'il  multiplia  sur  tous  les  points  de  la  province, 
au  collège  qu'il  érigea,  et  grâce  aussi  aux  abondantes  aumônes 
qu'il  était  allé  recueillir  parmi  les  Portugais  des  Tndes  orien- 
tales. Nommé  ensuite  archevêque  de  Nakchivan,  il  avait  fait 
une  quête  fructueuse  dans  les  Indes  occidentales  et  se  disposait 
à  venir  prendre  possession  de  son  siège,  quand  il  mourut  en 
Espagne  :  l'argent  amassé  par  le  zélé  missionnaire  devait  être 
consacré  par  la  congrégation  de  la  Propagande  à  fonder  à  Rome 
un  collège  pour  les  Arméniens. 

§  3.  Dispositions   du  roi  Léon   V  et  du  catholicos  Jac- 
<jn<'S  II  pour  les  Frères-Unis;   V isolement  politique  de  la 


(1)  Nous  savons,  d'autre  part,  que  Nersès  Balientz  de  l'ordre  des  Uniteurs  et 
l'un  des  rédacteurs  du  libellus  envoyé  à  Benoît  XII,  mourut  sur  le  siège  de  Ma- 
nazgherd  et  que  le  pape  Urbain  V  lui  donna  pour  successeur  (26  avril  1363) 
Dominique,  ('gaiement  des  Frères-Unis.  Nous  supposons  aussi,  sans  en  avoir  la 
preuve,  que  Siiaéon  Beg,  évêquc  de  Garin,  appartenait  à  l'ordre  des  Frères-Unis. 
11  fut,  après  Nersès,  le  principal  rédacteur  du  Libellus. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    L'ARMÉNIE.  87 

Cilicie  et  l'insuffisance  des  secours  qu'elle  peut  espérer  con- 
tribuent à  refroidir  le  zèle  de  Jacques  pour  l'union;  il  est 

déposé.  —  Le  roi  Léon  V  était  favorable  à  l'ordre  des  Frères- 
Unis,  organisé  sous  son  règne.  Il  voulait  rapprocher,  dans  la 
mesure  du  possible,  les  Arméniens  des  Latins,  dont  le  secours 
lui  était  indispensable.  Il  semble  que  le  catholicos  Jacques  II 
de  Tarse  (1327-1341)  témoigna  d'abord  la  même  bienveillance 
pour  les  plus  ardents  champions  de  l'union  avec  l'Église  ro- 
maine. Fils  d'une  sœur  de  Grégoire  VII,  il  avait  hérité  des 
convictions  et  des  sympathies  religieuses  de  son  oncle.  Cepen- 
dant, après  avoir  loué  leur  zèle,  il  se  refroidit  sensiblement  à 
l'égard  des  Frères-Unis  et  parut  se  désintéresser  de  l'unité 
religieuse.  —  Si  nous  cherchons  les  causes  de  son  revirement, 
nous  les  retrouverons,  du  moins  en  partie,  dans  la  déplorable 
situation  politique  où  se  débattait  alors  sa  patrie.  Le  voisinage 
et  la  crainte  des  Égyptiens  contribuaient  à  éloigner  certains  Ar- 
méniens des  Latins,  un  peu  moins  cependant  que  le  voisinage 
des  Perses  n'avait  éloigné  les  anciens  Arméniens  des  Grecs  (1). 

(1)  Presque  toujours,  et  sans  en  avoir  bien  conscience,  les  Arméniens  qui  se 
séparèrent  de  l'Église  universelle  furent  engagés  dans  le  schisme,  moins  encore 
par  des  malentendus  religieux  que  par  suite  d'influences  d'ordre  politique.  On 
comprendrait  mal.  par  exemple,  les  plus  anciennes  scissions,  si  on  ne  rappelait 
les  défiances  en  partie  justifiées  des  Arméniens  pour  leurs  voisins  occidentaux. 
Du  cinquième  au  treizième  siècle  surtout,  ils  se  délièrent  en  général  beaucoup 
plus  des  Grecs  que  des  Perses  et  des  Arabes  :  Quand  Yezdedgerd,  désireux  de 
fondre  les  Arméniens,  les  Géorgiens  et  les  Albaniens  avec  les  Perses,  essaya  de 
réaliser  son  projet,  en  forçant  d'abord  les  Arméniens  à  embrasser  le  Mazdéisme, 
ceux-ci  lui  présentèrent  un  écrit  synodal  contenant  la  déclaration  suivante  : 
«  Si  vous  nous  laissez  libres  de  pratiquer  notre  religion,  nous  ne  reconnaîtrons 
point  sur  la  terre  d'autre  maître  que  vous,  comme  au  ciel  nous  n'adorons  qu'un 
Dieu,  le  Christ...  Mais,  de  notre  foi,  rien  ne  pourra  nous  détacher,  ni  les  anges, 
ni  les  hommes,  ni  le  glaive,  ni  le  feu  »  (Elisée,  éd.  de  1828,  p.  67.  Voir  p.  102  et 
195,  197,  trad.  Langlois;  Lazare,  ch.  13).  Aux  yeux  d'Elisée  qui  a  si  bien  décrit 
l'héroïsme  des  Vartaniens,  Marcien  et  ses  conseillers  Anatole,  Florentius  étaient 
non  seulement  <•  des  lâches  »,  mais  «  des  impies  »;ear  ils  avaient  abandonné  les 
Arméniens  combattant  pour  la  foi  chrétienne  contre  les  Perses  (trad.  Langlois, 
207).  —  Voici,  maintenant,  les  paroles  que  Lazare  de  Pharbe  met  dans  la  bouche 
de  Yahan  qui  conquiert  à  ses  compatriotes  la  liberté  religieuse  :  «  Je  connais  la 
puissance  et  le  courage  des  Perses,  et  vous  avez  constaté  par  votre  expérience 
la  faiblesse  et  la  fourberie  des  Grecs...  Comment,  après  avoir  juré  fidélité  à 
nos  pères,  ils  les  trahirent  »  (ch.  64  et  78);  dès  que  les  Perses  ont  accordé  la  li- 
berté religieuse  aux  Arméniens,  ils  recouvrent  leurs  sympathies  (ibid.).  Bref, 
Syriens  et  Arméniens  étaient  disposés  à  regarder  les  Perses  comme  des  pro- 
tecteurs et  les  Grecs,  tels  que  l'empereur  Maurice,  comme  des  bourreaux  (Jean 
d'Éphèse  le  Syrien,  I,  4,  5,  10;  VI,  20;  Sebèos,  III,  vi,  Ter-Mikélian,  p.  15). 


88  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

Jacques  II  était  persuadé  que  l'alliance  avec  les  Latins  al- 
tirerait  de  nouveau  sur  l'Arménie  les  armées  des  sultans  d'É- 

Los  Arméniens  savaient  bien  que  plusieurs  rois  de  Perse  avaient  cruellement 
persécuté  les  chrétiens.  Mais  ils  redoutaient  moins  ces  persécutions  intermit- 
tentes que  la  perspective  d'un  graduelle  et  complète  absorption  par  les  Grecs. 
De  plus,  les  rois  de  Perse  prétendaient  volontiers  que  leurs  rigueurs  avaient 
été  provoquées  par  quelque  grave  imprudence  de  la  part  des  chrétiens  ou 
encore  qu'ils  proscrivaient  seulement  une  organisation  ecclésiastique  ayant  son 
chef  hors  de  leur  royaume.  Le  fait  est  que  Sapor  II  lui-même  ne  persécuta 
point  d'abord  les  chrétiens.  Eusèbe  (Vie  de  Constantin,  IV,  8-13)  cite  une  lettre 
de  Constantin  dans  laquelle  il  félicite  le  roi  de  sa  bienveillance  pour  les  chré- 
tiens et  se  réjouit  des  progrès  de  la  foi  chrétienne  en  Perse.  Le  refus  de  Cons- 
tantin de  restituer  les  cinq  provinces,  cédées  autrefois  par  la  Perse  à  Galère, 
fut  la  première  cause  qui  alluma  la  fureur  de  Sapor  contre  les  Grecs  d'abord, 
et  par  suite  contre  les  chrétiens. 

A  peine  Constantin  était-il  mort  (22  mai  337)  que  Sapor  attaquait  Nisibe  pen- 
dant soixante-trois  jours  et  ne  se  retirait  qu'à  l'approche  de  Constance. 
De  plus,  il  fallait  à  Sapor  beaucoup  d'argent;  et  il  prescrivit  par  exemple  aux 
collecteurs  du  pays  de  Beth  Aramaye  (au  sud  de  l'Adiabène)  d'imposer  double 
tribut  et  double  capitation  à  Simon  Barsabba;  et  sur  le  refus  de  celui-ci,  vint 
l'ordre  de  payer  des  sommes  excessives  et  d'apostasier...  C'étaient  les  débuts  de 
la  terrible  persécution  qui  allait  durer  jusqu'à  la  mort  de  Sapor  (339-379).  Son 
successeur  Artaschirll  (380-384)  s'était  également  signalé  comme  un  persécuteur 
pendant  qu'il  était  satrape  de  l'Adiabène  (au  sud  du  lac  d'Ourmiah). 

Mais  les  rois  qui  suivirent,  traitèrent  les  chrétiens  et,  en  particulier,  les 
Arméniens  avec  beaucoup  moins  de  rigueur.  Sapor  III  (384-389)  plaça  même  sur 
le  trône  d'Arménie,  vassal  du  sien,  le  prince  arsacide  indigène  Khosrov  (386- 
391  ou  392);  puis  Warahram  III,  roi  de  l'erse  (389-399  ou  400),  mit  à  la  place  de 
Khosrov  le  frère  de  ce  dernier,  Wramschapouh  (394-410,  date  plus  probable  que 
celle  de  392-413  que  nous  avons  donnée  ailleurs).  Ce  n'est  qu'après  avoir  laissé 
régner  encore  un  an  Khosrov  (Khosroès)  que  Yezdedgerd  I"  (399  ou  400-421)  lui 
donna  pour  successeur  sur  le  trCve  d'Arménie  un  prince  Sassanide,  son  propre 
fils  Schapouh  (Schapour,  416-120).  Dans  les  premières  années  de  son  règne 
Yezdedgerd  Ier  n'était  point  l'ennemi  des  chrétiens.  Mais  vers  l'an  419,  le  piètre 
Haschou  ayant  détruit  un  pyrée  avoisinant  une  église  à  Hormizdardaschir,  ville 
du  Houzistan,  ce  prêtre  et  son  évêque  Abda  durent  comparaître  devant  le  roi. 
Haschou  se  glorifia  de  son  acte;  Abda  sommé  de  reconstruire  le  pyrée  s'y  re- 
fusa et  fut  condamné  à  mort.  Dès  lors  Yezdedgerd  I"  persécuta  les  chrétiens 
jusqu'à  sa  mort  arrivée  dans  l'automne  de  400  ou  401.  L'un  des  prétendants  à 
sa  succession,  Schapour,  roi  d'Arménie,  qu'Adom,  prince  de  Mock,  appelait  par 
dérision  l'homme-femme,  périt  peu  après  de  la  main  des  grands  à  Seleucie  (Ta- 
bari,  91,  n.  4,  éd.  Nôldeke,  1879). 

In  autre  fils  de  Yezdedgerd  I"r,  Bahram  (Varahran  Y),  surnommé  Gor  (âne 
sauvage),  qui  s'empara  du  trùne  de  Perse,  persécuta  violemment  les  chrétiens, 
afin  de  se  concilier  la  faveur  des  mages,  surtout  de  l'un  de  leurs  chefs  Mirh- 
schapour  (Passion  de  Jacques  le  notaire,  Bedjan,  t.  IV,  p.  189-201,  250-253; 
Hoffmann,  Auszùge  aus  syr.  Akt.  pers.  M.,  p.  34-42;  Tabari,  p.  98,  n.  1). 

Les  mages,  en  effet,  ou  prêtres  du  feu,  formaient  la  plus  influente  et  la  plus 
stable  des  castes,  surtout  sous  les  Sassanides,  originaires  de  la  Perse.  Le  mo- 
bedan  ou  chef  des  mages  était  l'un  des  grands  dignitaires  de  l'État,  sa  juridic- 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    L'ARMÉNIE.  89 

gypte.  A  ne  juger  des  intérêts  de  la  Cilicie  qu'à  un  point  de 
vue  étroit,  exclusivement  humain,  les  appréhensions  du  catho- 
licos  étaient  fondées  :  les  secours  que  les  Latins  envoyaient  aux 
Arméniens  étaient  insuffisants  pour  triompher  d'ennemis  im- 
placables, ayant  déjà  pris  solidement  pied  en  Cilicie.  D'autre 
part,  nul  appui  sérieux  à  espérer  du  côté  de  l'Orient.  L'amitié 
des  Mongols  était  devenue  trop  précaire  et  d'un  jour  à  l'autre 
tournait  à  l'hostilité.  Ils  avaient  à  jamais  passé  les  temps  où, 
forts  de  l'alliance  avec  Kazan,  les  Arméniens  recevaient  de  ses 
mains  des  prisonniers  égyptiens  et  allaient  les  vendre  dans  les 
îles  (octobre  1301);  le  khan  Abou-Saïd,  dont  la  protection  avait 

tion  s'étendait  à  tout  le  pays;  la  juridiction  du  inobed  (supérieur)  était  analogue 
à  celle  de  l'évêque  et  se  limitait  à  une  province.  Au-dessous  des  mobeds,  le 
clergé  inférieur  occupait  tous  les  petits  bourgs  et  les  hameaux.  Souvent  les 
mobeds  furent  même  chargés  d'un  pouvoir  exécutif  et,  comme  en  témoignent 
les  actes  des  martyrs,  figurèrent  parmi  les  persécuteurs. 

En  421-422,  Théodose  II,  auquel  Bahram  V  réclamait  des  fugitifs,  déclara  la 
guerre  à  la  Perse;  Mihr  Nerseh  fut  défait;  et  un  an  après  (422)  un  traité  était 
conclu  pour  cent  ans  (?);  les  Grecs  promettaient  de  contribuer  de  leur  argent 
au  maintien  d'une  garnison  aux  portes  de  Dariel  contre  les  tribus  du  Nord;  le 
traité  garantissait  aux  Chrétiens  de  Perse  et  aux  Mazdéens  de  l'empire  grec  la 
liberté  religieuse  ;  ce  qui  n'empêcha  pas  Bahram  de  verser  encore  le  sang  des 
chrétiens.  Cf.  J.  Labourt,  Le  Christian,  dans  l'emp.  Perse,  p.  125. 

En  cette  même  année  422,  soit  pour  apaiser  l'irritation  des  Arméniens,  soit 
pour  répondre  à  la  sollicitation  de  quelques  seigneurs  arméniens  et  du  catho- 
licos  Sahag,  qu'il  avait  fait  venir  à  Tizbon,  Bahram  leur  accorda  pour  roi  le 
fils  de  Bahram  Schapour,  Ardeschir  IV.  —  Ce  roi  Arsacide  qui,  d'après  leurs 
traditions,  passait  pour  être  de  leur  race,  les  Arméniens  le  rejetèrent  bientôt, 
et  demandèrent  à  leur  suzerain  des  gouverneurs  perses. 

Il  est  vrai  que  ce  dernier  mode  d'assujétissement  n'était  point  accepté  d'un 
accord  constant  soit  par  le  peuple,  soit  par  les  cadets  de  famille  (Sebouh),  soit 
surtout  par  les  chefs  de  grandes  familles,  que  Fauste  estimait  à  900  (IV,  2).  Très 
vaillants,  d'ordinaire,  il  leur  semblait  glorieux,  comme  à  Manuel,  de  mourir  sur 
un  champ  de  bataille  (Fauste,  V,  44).  Mais  de  l'union,  de  la  discipline,  de  l'obéis- 
sance constante  et  unanime  à  un  chef,  qui  seules  pouvaient  les  empêcher  d'être 
broyés  entre  leurs  puissants  voisins,  ils  s'en  soucièrent  peu.  Les  profondes  sé- 
parations de  leurs  provinces  et  de  leurs  districts  rendirent  souvent  les  Arméniens 
comme  étrangers  les  uns  aux  autres  et  prêts  à  marcher  sous  leur  chef  immé- 
diat, contre  le  prince  du  district  voisin,  contre  le  souverain  de  Byzance,  contre 
celui  de  Perse  ou  même  de  l'Arménie.  Aucune  fusion,  ou  même  aucune  com- 
plète unité  de  race;  car  au  sud  les  Arméniens  étaient  mêlés  aux  Syriens;  au 
nord,  ils  étaient  mêlés  aux  Khaldis,  aux  Kurdes,  aux  Ibériens,  aux  Scythes. 
Même  au  x"  siècle,  dans  les  régions  de  Sassoun,  d'Aghtznik,  du  Douroupéran, 
beaucoup  d'habitants  n'étaient  arméniens  ni  par  la  race,  ni  même  par  la  langue. 
Ainsi,  pour  n'avoir  pas  été  unie  au  dedans  et  n'avoir  point  cherché  au  dehors 
un  appui  dans  l'union  avec  le  reste  de  la  chrétienté,  la  malheureuse  Arménie 
devait  se  voir  démembrée  par  les  Grecs,  les  Perses  et  leurs  successeurs. 


90  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

été  intermittente,  venait  de  mourir  (1335)  ;  son  successeur  Arpa, 
que  le  continuateur  de  Samuel  d'Ani  range  à  tort  parmi  les 
Chrétiens,  mais  qui  cependant  leur  était  favorable,  avait  été 
tué  par  Ali-padicha  Nouïn,  après  avoir  régné  six  mois  ;  aussitôt 
le  meurtrier,  maître  du  pouvoir  sous  l'autorité  nominale  de 
Mousa,  avait  commandé  de  détruire  les  églises  chrétiennes;  et 
cet  ordre,  déjà  en  voie  d'exécution  depuis  Mossoul  jusqu'à  Sa- 
lamasd  et  Kelath,  n'était  révoqué  que  sur  les  pressantes  repré- 
sentations de  Zacharie,  catholicos  d'Aghthamar. 

Au  reste,  eussent-ils  voulu  maintenir  leur  alliance  avec  les 
Arméniens,  les  derniers  descendants  d'Houlagou  n'auraient 
pu  leur  fournir  qu'un  appui  branlant  :  ils  passaient  comme  des 
ombres  sur  le  trône  de  Perse,  et  ils  étaient  à  la  veille  d'être 
supplantés  par  le  scheikh  Hassan  Bouzourg,  surnommé  le  Grand, 
le  fondateur  de  la  dynastie  des  Jelayrs  (1336-1411).  Concurrem- 
ment avec  ce  dernier,  Mouzaffar  et  quelques  autres  anciens 
généraux  d'Abou-Saïd  se  disposaient  à  prendre  une  part  de  la 
curée,  qu'ils  transmettront  à  leurs  descendants  jusqu'au  jour 
où  Tamerlan,  balayant  tous  ces  princes,  incapables  de  s'unir, 
reconstituera  le  colossal  empire  de  Djenghiz-khan. 

Mais,  avant  ce  moment,  encore  éloigné  d'un  demi-siècle,  les 
sultans  d'Egypte  n'avaient  rien  à  redouter  du  côté  de  la  Perse. 
Plus  près  d'eux,  même  impuissance  et  même  chaos,  au  sein 
duquel  un  œil  perspicace  aurait  pourtant  démêlé  l'organisme 
d'une  forte  puissance  en  voie  de  formation  :  Orchan,  le  fils  du 
fondateur  de  la  dynastie  othomane,  essayait  ses  forces  grandis- 
santes contre  le  basileus  Andronic  III.  Quant  à  Yakhschi 
(1317-1348),  l'arrière-petit-fils  de  Karaman,  et  prince  alors  le 
plus  puissant  de  l'Asie  Mineure,  au  lieu  de  prêter  main-forte 
aux  Arméniens  contre  leurs  agresseurs,  il  ne  songeait  qu'à 
s'emparer  des  principautés  environnant  Iconium,  centre  de 
son  royaume. 

Ce  coup  d'œil  sur  l'isolement  de  la  Cilicie  en  Orient  nous  aide 
à  comprendre  les  raisons  du  conflit  qui  s'éleva  entre  le  roi  et 
le  catholicos  Jacques  II  de  Tarse  (1327-1341).  Le  sultan  Nacer 
Mohammed  avait  forcé  Léon  V  à  jurer  sur  les  saints  Évangiles 
que,  désormais,  il  n'enverrait  plus  aucune  lettre  ni  aucun 
ambassadeur  aux  princes  latins  et  au  pontife  romain  (1337). 
Léon,  cependant,  se  résignait  très  difficilement  à  ne  plus  cor- 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    L'ARMÉNIE.  91 

respondre  secrètement  avec  la  France,  l'Angleterre  et  le  Saint- 
Siège  romain;  le  pape  Benoît  XII  acheva  de  lever  ses  scrupules, 
en  lui  déclarant  que  son  serment  était  nul,  comme  «  étant  in- 
jurieux à  Dieu  et  extorqué  par  la  violence  (1)  ».  Mais  le  catho- 
licos,  encouragé  par  une  partie  du  peuple,  du  clergé  et  de  la 
noblesse,  fit  au  roi  de  vives  représentations  et  l'accusa  de  perdre 
la  nation  par  ses  imprudences.  Léon  V,  raconte  Hayton,  ré- 
pondit à  ces  remontrances  en  faisant  déposer  Jacques  II  (1340). 
Un  peu  plus  tard,  Mekhitar  de  Kerna  fut  élu  catholicos  (1341- 
1355). 

F.    TOURNEBIZE. 

(A  suivre.) 

(1)  Rayiï.,  aixn.  1337,  n.  24;  an.  1,  p.  1,  Êp.  com.  CD,  1er  mai  1338.  —  Nous  ne 
sommes  pas  de  l'avis  du  marquis  de  Serpos  (Compendio  storico...,  3  vol.  in-8, 
1.  IV,  p.  110);  cet  auteur  prétend  que  Léon  V  aurait  déposé  le  catholicos  à  cause 
de  la  sympathie  trop  marquée  de  celui-ci  pour  les  Frères-Unis. 


MÉLANGES 


L'ORIGINE  ESPAGNOLE  DU  FILIOQUE 

Un  des  reproches  les  plus  graves  que  l'Église  grecque  ortho- 
doxe fait  encore  aujourd'hui  à  l'Église  romaine  est  le  dogme  de 
la  procession  du  Saint-Esprit  ex  utroque  et  l'insertion  du  mot 
Filioque  après  procedentem  ex  Pâtre  dans  le  symbole  de  Nicée- 
Constantinople.  Naguère  (1895),  le  patriarche  Anthime,  dans  sa 
lettre  synodale  en  réponse  à  l'encyclique  Prœclara  (20  juin 
1891)  de  Léon  XIII,  opposait  sur  ce  point  la  foi  de  l'Église  des 
sept  conciles  œcuméniques  à  la  croyance  de  l'Église  papique.. 
Mgl'  Duchesne,  membre  de  l'Institut,  répondit  à  la  synodique  du 
patriarche  de  Constantinople  (1).  Sa  Béatitude  avait  dû  recon- 
naître que  l'Église  romaine  n'avait  pas  introduit  elle-même  cette 
addition.  En  effet,  l'insertion  du  Filioque  au  symbole  s'est  pro- 
duite en  Espagne  vers  le  vie  siècle;  elle  a  été  acceptée  dans  les 
Gaules  et  chantée  à  la  messe  sous  Charlemagne.  Cependant 
Rome  s'abstenait.  La  procession  du  Saint-Esprit  ex  Filio  n'est 
pas  affirmée  (2)  dans  la  profession  de  foi  du  pape  Pelage  Ier 
(555-3G1).  Quoiqu'elle  soit  expressément  enseignée  (3)  par  saint 


(1)  Églises  séparées,  Paris,  1896,  p.  73-87. 

(2)  Pat.  Lat.,  t.  LX1X,  col.  409;  Hahn,  Bibliothek  der  Symbole,  3"  édit.,  Breslau,. 
1894,  p.  33 1;  Monumenta  Germanise,  Epist.  Merovingici  el  Karolini  sévi,  Berlin,. 
1892,  t.  III,  p.  78. 

(3)  Moralia  in  Job,  1.  I,  n.  30,  Pat.  Lat.,  t.  LXXV,  col.  511  ;  1.  V,  n.  05,  col.  715; 
HomiL,  XXVI,  in  EvangeL,  n.  2,  Pal.  Lat.,  t.   LXXVI,  col.  1198.  Cf.  Pat.  (/il. 
t.LXXVII,  col.  145. 


MÉLANGES.  93 

Grégoire  le  Grand  (590-601),  la  formule  en  est  omise  à  dessein 
dans  la  profession  de  foi  émise  par  le  pape  Agathon  en  680  (1). 
Lors  du  conflit  suscité  à  Jérusalem  entre  les  moines  indigènes  et 
les  religieux  francs  au  sujet  du  Filioque,  le  pape  Léon  III  (795- 
816)  envoya  aux  moines,  en  809,  la  formule  authentique  de 
l'Église  romaine,  qui  ne  contenait  pas  encore  le  Filioque,  puis- 
qu'elle était  vraisemblablement  conforme  à  celle  que  contient 
le  sacramentaire  gélasien  (2)  ;  quelques  mois  plus  tard,  il  déclara 
aux  missi  dominici  de  Charlemagne  qu'il  regrettait  l'insertion 
du  Filioque  au  symbole,  et  il  conseilla  d'abandonner  peu  à  peu 
la  coutume  de  chanter  le  symbole  à  la  messe.  Le  texte  qu'il  fit 
afficher,  en  grec  et  en  latin,  à  la  confession  de  Saint-Pierre  à 
Rome,  conservait  la  teneur  commune  à  Rome  et  à  l'Église  grec- 
que (3).  L'usage  de  chanter  le  symbole  à  la  messe  ne  s'introduisit 
à  Rome  qu'au  xie  siècle.  L'insertion  du  Filioque,  d'abord  tolérée 
en  Espagne  et  en  Gaule,  finit  ainsi  par  être  acceptée  à  Rome. 

Cependant,  la  doctrine  de  la  procession  du  Saint-Esprit  ex 
Utroque  était  explicitement  enseignée  par  les  Pères  latins  du 
ive  siècle,  et  notamment  par  saint  Augustin  (4).  Quant  à  la  plus 
-ancienne  formule  expresse  de  la  procession  ex  Pâtre  et  Filio, 
on  la  retrouvait  jusqu'ici  dans  une  profession  de  foi  rédigée  par 
un  synode  espagnol  du  ve  siècle.  Les  collections  des  conciles  de 
l'Espagne  l'attribuaient  au  Ier  concile  de  Tolède,  tenu  en  100  (5). 
Mais  depuis  longtemps  on  a  constaté  que  cette  attribution  sou- 
levait de  graves  difficultés.  L'introduction  du  document  déclare 
•que  cette  règle  de  foi  a  été  faite  par  les  évoques  de  quatre  pro- 
vinces ecclésiastiques  de  l'Espagne  et  envoyée  par  eux  avec  un 
ordre  du  pape  saint  Léon  à  Balconius,  évêque  de  Galice.  Or 
saint  Léon  ne  monta  sur  la  chaire  de  saint  Pierre  qu'en  1 10.  Les 
évoques  espagnols,  réunis  en  concile  en  400,  n'ont  donc  pu  en- 

(1)  Pat.  Lat.,  t.  LXXXVII,  col.  1165. 

(2)Muratori,  Liturgia  romana  vêlas,  t.  I,  p.  540;  reproduit  par  Migne,  Pat.  Lat 
t.  LXXIV,  col.  1089-1090. 

(3)  Msr  Duchesne,  Le  Liber  pontificalis,  Paris,  1892,  t.  II,  p.  46,  note  110.  Cf. 
Hergenrôther,  Theologischc  Quartalschrift,  L858,  p.  606,  611.  Voir  cependant  Pat. 
Lat.,  t.  Cil,  col.  1031. 

(1)  Franzelin,  Tractatus  de  Deo  lria<>  secundum  personàs,  th.  XXXV,  3eédit., 
Jiome,  1881,  p.  493-509  ;  A.  Harnack,  Dogmengeschiôhte,  &  édit.,  Leipzig,  1888, 
i.  II,  p.  294  sq. 

(5)  Mansi,  Concil.,  t.  III,  col.  1003.  Elle  a  été  autrefois  attribuée  à  saint  Augus- 
tin. Voir  ,Sïtm.,1ccxx.\iu,  Pal.  Lai.,  t.  XXXIX,  col.  2175-2176. 


94  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

voyer  à  leur  collègue  Balconius  un  écrit  de  ce  pape.  Baronius 
a  conjecturé  que  cette  règle  de  foi  avait  été  libellée  seulement 
au  concile  de  Tolède  de  117.  Quesnell  Ta  démontré.  Pagi  et 
Mansi  l'ont  reconnu.  Dom  Ceillier  (1)  la  lui  attribue  expressé- 
ment. Les  frères  Ballerini  ont  supposé  qu'en  400  elle  ne  conte- 
nait pas  leFilioque,  qui  ne  fut  ajouté  qu'en  147  en  raison  de  la 
lettre  XV  de  saint  Léon  à  Turibius,  évoque  d'Astorga,  dans  la- 
quelle la  procession  ex  utroque  était  formellement  affirmée  (2). 
Quesnell  avait  fait  déjà  fait  cette  hypothèse.  Hefele  (3)  a  catégo- 
riquement rapporté  cette  règle  de  foi  au  IIe  concile  de  Tolède 
(447).  Mais  dom  Gams  (4)  ne  trouvait  dans  l'histoire  aucune 
trace  de  ce  concile  qu'il  rayait  définitivement  de  la  liste  des 
synodes  espagnols.  Rosier  (5)  a  maintenu  la  date  de  400.  Comme 
il  constatait  qu'auparavant  le  poète  Prudence  avait  affirmé  dans 
ses  vers  la  procession  ex  utroque,  il  en  concluait  que  cette  doc- 
trine était  courante  en  Espagne  à  cette  époque,  et  que,  par  suite, 
les  évêques  réunis  en  400  avaient  bien  pu  la  formuler  dans 
leur  profession  de  foi.  Mais  Prudence  (6)  n'emploie  pas  explici- 
tement le  terme  procedens.  Aussi  Merkle  (7)  a-t-il  énergique- 
ment  maintenu  l'attribution  de  la  confession  de  foi  au  synode 
de  447.  Dom  Moiïn  (8)  a  abouti  à  des  résultats  bien  différents. 
Selon  lui,  cette  profession  de  foi  n'est  ni  du  synode  de  400  ni 
de  celui  de  147.  Loin  d'être  une  règle  de  foi  officielle,  elle  n'est 
que  l'œuvre  privée  de  Pastor,  évêque  de  Galice  en  433.  Aussi 


(1)  Histoire  gér^êrale  des  auteurs  sacrés  et  ecclésiastiques,  Paris,  1747,  t.  XIV, 
p,  625. 

(2)  Pat.  Lai.,  t.  LIV,  col.  681.  Mfe'r  Macaire,  évêque  de  Vinnitza  et  recteur  de 
l'Académie  ecclésiastique  de  Saint-Pétersbourg,  Théologie  dogmatique  orthodoxe, 
trad.  franc.,  Paris,  1860,  a  prétendu  que  le  Filioque  avait  été  interpolé  postérieu- 
rement dans  la  règle  de  foi  du  concile  de  Tolède  de  447.  Cf.  Franzelin,  Examen 
doctrinx  Macarii  Bulgakow...  de  processione  Spirilus  sancli,  Rome,  1876,  p.  81. 

(3)  Conciliengeschichte,  2e  édit.,  Fribourg-en-Brisgau,  1875,  t.  II,  p.  78,  306-307. 
Cf.  Denzinger,  Enchiridion,  n.  113;  Franzelin,  Tractalus  de  Deo  trino,  3°  édit.. 
Home,  1881,  p.  511. 

'   (4)  Kirchengeschiehte  Spaniens,  Ratisbonne,  1864,  t.  II  a,  p.  475  sq. 

(5)  Der  katholische  Dichter  Aurelius  Prudcntius  Clemens,  Fribourg-en-Brisgau, 
1886,  p.  366  sq. 

(6)  Cathimeron,  iv,  14, 15;  vi,  4-8,  Pat.  Lat.,  t.  LIX,  col.  812,  831-832. 

(7)  Das  Filioque  au  f  de  m  Tolelanum  447,  dans  Theologische  Quarlalschrift,  Tu- 
bingue,  1893,  p.  408-429. 

(8)  Pastor  et  Syagrius,  deux  écrivains  perdus  du  V  siècle,  dans  la  Pievue  béné- 
dictine, 1893,  t.  X,  p.  385-390. 


MÉLANGES.  95 

l'existence  du  concile  plénier  de  Tolède  en  447  peut-elle  être 
légitimement  contestée. 

M.  Karl  Kiinstle,  professeur  de  théologie  à  l'Université  de 
Fribourg-eii-Brisgau,  reprenant  et  confirmant  tous  les  doutes 
anciens,  vient  de  démontrer  que  ce  synode  n'a  pas  eu  lieu  (1). 
Un  évêque  contemporain,  Hydatius  Lemicus  (427-468),  dans  sa 
Chronique  (2),  ne  parle  pas  de  ce  concile.  Merkle  a  cherché,  il 
est  vrai,  à  expliquer  cette  lacune  par  le  silence  que  le  chroni- 
queur garde  sur  d'autres  conciles  de  l'époque.  Son  silence 
s'explique  par  son  but,  qui  n'était  pas  d'écrire  une  histoire 
ecclésiastique  universelle  et  complète.  Mais  écrivant  l'histoire 
ecclésiastique  de  l'Espagne,  il  ne  pouvait  se  taire  sur  un  concile 
qui  aurait  eu  lieu  à  Tolède  en  447  contre  les  priscillianistes.  Il 
signale  pour  cette  année  un  concile  de  Rome,  dont  les  décrets 
ont  été  portés  en  Espagne  par  Pervincus,  diacre  d'Astorga. 
D'ailleurs,  la  lettre  XV  de  saint  Léon  à  Turibius  d'Astorga,  qui 
ordonne  la  tenue  d'un  concile,  n'est  pas  authentique.  Elle  a  été 
fabriquée  par  un  clerc  espagnol  après  le  concile  de  Braga  de 
503,  dans  lequel  l'évêque  Lucrétius,  120  ans  après  l'événe- 
ment, affirmait  l'existence  d'une  règle  de  foi  antipriscillianiste, 
rédigée  à  Tolède  et  envoyée  à  Balconius,  évoque  de  Braga.  Cette 
affirmation  sans  valeur  aurait  incité  aussi  le  compilateur  des 
conciles  d'Espagne  à  attribuer  au  synode  de  400  la  profession  de 
foi,  rédigée  par  l'évêque  Pastor.  Tous  les  arguments  de 
M.  Kiinstle  contre  l'existence  du  concile  de  417  ne  sont  pas  sans 
réplique  et  sa  critique  donnait  le  vertige  au  P.  d'Alès,  qui  lui 
a  opposé  de  sérieuses  objections  (3).  Il  reste  prouvé  toutefois 
que  la  régula  fidei,  qui  était  attribuée  à  ce  concile  et  qui  conte- 
nait, croyait-on  jusqu'ici,  la  première  attestation  du  Filioque, 
est  l'œuvre  privée  de  Pastor,  évêque  de  Galice.  La  célèbre  for- 
mule :  a  Pâtre  Filioque  procedem  serait  donc  néanmoins  de 
provenance  espagnole. 

Mais  M.  Kiinstle,  dont  la  critique  n'est  pas  exclusivement 
négative,  a  montré  que  le  Libellus  in  modum  symboli  de 
Pastor  n'était  pas  le  témoignage  le  plus  ancien  de  cette  for- 
mule. Il  a  trouvé  la  procession  du  Saint-Esprit  a  Pâtre  et  Filio 

(1)  Anlipriscilliana,  Fribourg-en-Brisgau,  1905,  p.  30-35. 

(i)  Monumenta  Germanise.  Auctores  antiquissimi,  Berlin,  18!»  1,  t.  XI,  p.  24. 

(3)  Éludes,  5  février  1906,  p.  407. 


96  REVUE    DE    i/ORIENT    CHRÉTIEN. 

attestée  par  une  série  de  documents  espagnols  et  antipriscillia- 
nistes,  dont  quelques-uns  sont  antérieurs  à  la  règle  de  foi  de 
l'évêque  de  Galice.  Nous  les  signalerons  dans  Tordre  chronolo- 
gique de  leur  publication. 

Un  des  plus  anciens  est  la  Fides  Damasi  (1).  On  y  lit  : 
Credimus...  Spiritum  sanction,  non  genitum  neque  ingeni- 
tum,  non  creatum  neque  faction,  sed  de  Pâtre  et  Filio  pro 
cedentem,  Patri  et  Filio  coœternum  et  coaequalem  et  coopera- 
torem.  Ce  document  n'a  pas  encore  été  étudié  à  fond.  En  le 
comparant  avec  les  autres  documents  espagnols  du  v°  siècle. 
M.  Kùnstle  montre  très  clairement  sa  portée  antipriscillianiste; 
il  leur  ressemble  pour  les  idées  et  pour  les  expressions.  Comme 
eux,  il  est  d'origine  espagnole.  Le  titre  n'est  pas  faux  cepen- 
dant; il  rattache  exactement  cette  profession  de  foi  au  pape 
saint  Damase.  Non  pas  sans  doute  que  ce  pontife  en  soit  l'au- 
teur ;  mais  il  est  légitime  de  penser  que  le  synode  de  Saragossc 
de  380  avait  envoyé  à  Rome  cette  formule,  qui  condamnait  les 
erreurs  de  Priscillien.  Le  pape  l'approuva  et  y  ajouta  la  conclu- 
sion :  Usée  lege,  hsec  rétine,  huic  fidei  animant  tuant  subjuga. 
A  Christo  domino  et  vitam  consequeris  et  prœmium.  Elle 
remonte  ainsi  à  l'intervalle  de  380  à  384. 

Si  on  compare  la  Fides  Damasi  avec  les  formules  damasien- 
nes  ou  les  Fides  Romanorum  I  et  II,  avec  la  Fides  Phsebadii, 
avec  le  Libeïlus  fidei  ad  Theophil/nn,  qu'on  trouve  dans  le 
pseudo-Vigile,  De  Trinitate,  IX,  documents  qui  sont  presque 
textuellement  identiques,  on  constate  qu'elle  leur  a  servi  de 
source  à  tous.  Elle  est  originale  et  a  un  cachet  particulier.  Les 
autres  documents  en  dépendent  et  cherchent  à  reproduire  le 
même  ordre  d'idées  dans  une  forme  bien  plus  populaire  et  à 
conformer  la  Fides  Damasi  au  symbole  des  apôtres  et  à  celui  de 
Nicée.  Bum  etKattenbusch  pensent  que  l'évêque  d'Agenest  réel- 
lement l'auteur  de  la  Fides,  qui  porte  son  nom.  En  392,  Phé- 
bade  existait  encore,  mais  était  vieux  et  décrépit.  Si,  à  la  fin 
de  sa  vie,  cet  ardent  adversaire  de  l'arianisme  avait  rédigé  une 
profession  de  foi,  elle  aurait  été  antiarienne.  Or  la  Fides  Phœ- 

(1)  Elle  a  été  éditée  pour  la  première  fois  par  Burn,  An  Introduction  to  the 
Creeds,  Londres,  1898,  p.  215,  puis  par  M.  Kiinstle  lui-même,  Eïne  Bibliothek  de 
Symbole,  Mayence,  1900,  p.  10,  et  Antipriscilliana,  p.  47-49.  Le  codex  Augiensis 
XVIII  l'intitule  :  Fides  beali  Hieronymi  presbyleiù. 


MÉLANGES.  97 

badii  est  ahtîpriscillienne.  L'auteur  en  est  donc  plutôt  un  anti- 
priscillien.  Quoique  apparentés  à  la  Fides  Damasi,  ces  derniers 
documents  n'ont  pas  reproduit  les  mots  relatifs  à  la  procession 
du  Saint-Esprit  ex  utroque,  bien  qu'ils  en  expriment  la  doc- 
trine. Il  en  est  de  même  encore  de  la  profession  de  foi  du 
moine  espagnol  Bachiarius,  du  commencement  du  ve  siècle,  et  de 
celle  qui  est  attribuée  à  Pelade  et  qui  dépend  de  la  précédente. 
Bien  que  favorables  à  la  procession  ex  utroque,  elles  ne  con- 
tiennent pas  le  Filioque.  La  consubstantialité  du  Saint-Esprit 
avec  le  Père  et  le  Fils  est  encore  affirmée  dans  une  règle  de 
fui,  attribuée  à  saint  Lucifer  (1);  sonauteurest  inconnu,  mais 
il  est  un  adversaire  des  priscillianistes.  Elle  a  été  utilisée  par 
Faustin  (2). 

En  suivant  l'ordre  chronologique  établi  par  M.  Kiinstle,  il  faut 
placer  ici  le  symbole  Quicumque,  attribué  à  saint  Athanase  et 
connu  sous  le  nom  à'Athaiiasicuuim.  C'est  un  des  résultats  les 
plus  curieux  de  l'ouvrage  du  professeur  de  Fribourg-en-Brisgau 
que  la  fixation  du  caractère  et  de  la  date  de  ce  symbole.  Le  Qui- 
cumque n'a  pu  être  rédigé  du  vne  au  ixG  siècle,  car  il  ne  sup- 
porte pas  la  comparaison  avec  les  symboles  de  cette  époque.  Ses 
commentaires  sont  postérieurs  au  vie  siècle;  quelques-uns  pro- 
viennent d'un  milieu  espagnol  ou  ne  contiennent  aucune  trace 
de  théologie  carolingienne;  trois  peuvent  bien  être  l'œuvre  de 
théologiens  du  vme  siècle,  mais  ce  sont  des  remaniements  de 
travaux  antérieurs.  Tous  semblent  être  de  l'école  de  saint  Isi- 
dore de  Séville,  car  ils  sont  remplis  d'explications  étymologi- 
ques. Ils  supposent  l'emploi  liturgique  du  Quicumque,  emploi 
qui  a  commencé  au  vu'  siècle.  La  plupart  sont  espagnols,  et  tous 
apparentés  à  des  espagnols.  D'autre  part,  le  prétendu  symbole 
de  saint  Athanase  ressemble  aux  documents  antipriscillianis- 
tes;  il  est  lui-même  une  Expositio  fidei  antipriscillianiste,  et 
notamment  il  insiste  sur  la  distinction  des  personnes  de  la  sainte 
Trinité  par  opposition  à  l'unionisme.  Or  il  enseigne  explicite- 
ment la  procession  du  Saint-Esprit  a  Pâtre  et  Filio.  Enfin  il  se 
place  nécessairement  entre  la  Fides  Damasi,  qu'il  a  connue  et 
qui  est  de  la  fin  du  ive  siècle,  et  la  profession  de  foi  attribuée 


(1)  Pal.  Lat.,t.Xlll,  col.  1049. 

(2)  Fides  Theodosio  knperatori  oblata,  ibid.,  col.  79-80,  et  col.  1U5U. 

ORIENT    CHRÉTIEN, 


98  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

au  IVe  concile  de  Tolède  (633),  mais  qui  est  du  va  siècle  et  qui 
emprunte  textuellement  des  phrases  au  Quicumque. 

Cette  dernière  profession  de  foi  (1)  ne  peut  pas  être  consi- 
dérée comme  l'œuvre  originale  du  IV0  concile  de  Tolède,  tenu 
en  633;  le  priscillianisme  qu'elle  combat  n'existait  plus  officiel- 
lement depuis  563.  Ce  concile  a  reproduit  une  formule  antérieure 
que  M.  Kûnstle  date  de  l'an  400.  Elle  dépend,  en  effet,  de  la 
Fides  Damasi  dans  sa  teneur  primitive,  et  non  pas  dans  la 
forme  retouchée,  dont  s'est  servi  l'auteur  de  la  Fides  Phœbadii. 
Sa  brièveté  la  rattache,  d'ailleurs,  aux  plus  anciens  symboles 
espagnols.  Elle  a  fait  des  emprunts  textuels  à  Y  Athanasianum, 
et  elle  professe  explicitement  la  procession  du  Saint-Esprit  ex 
Pâtre  et  F  Mo. 

Le  Toletanum  VI  (638)  est  aussi  emprunté  à  une  source  an- 
térieure. Les  raisons  de  l'affirmer  sont  les  mêmes  que  pour  le 
synode  de  633;  mais  il  n'est  pas  possible  de  fixer  la  date  de 
cette  source.  Originairement,  ce  n'était  pas  une  pièce  officielle  ; 
comme  le  Quicumque,  c'était  un  Sermo  fidei  d'un  théologien 
espagnol  inconnu  du  ve  siècle.  L'auteur  a  connu  encore  la  Fides 
Damasi,  et  il  professe  la  procession  ex  utroque. 

Une  partie  de  son  texte  a  passé  dans  le  Toletanum  XI 
(675)  (2).  Quiricius,  métropolitain  de  Tolède,  ou  l'auteur  de 
l'introduction,  l'a  remarqué.  Mais  un  concile  de  la  fin  du 
vne  siècle  ne  peut  être,  pour  la  Trinité  et  la  christologie,  aussi 
anti-priscillianiste  que  l'est  cette  profession  de  foi.  A  cette 
époque  de  décadence,  on  n'était  plus  capable  de  rédiger  une 
si  belle  formule.  La  profession  de  foi  n'est  donc  pas  de  ce  con- 
cile qui  du  reste,  d'après  ses  actes,  n'a  pris  que  des  décisions 
disciplinaires  sans  importance.  C'est  plutôt  une  Expositio 
fidei  d'un  théologien  espagnol  du  ve  siècle  qui  a  été  adoptée 
par  le  concile  de  675  et  qui  est  ainsi  devenue  officielle. 
Elle  expose  longuement  la  procession  du  Saint-Esprit  ex 
utroque. 

D'autres  professions  de  foi,  antipriscillianistes  et  espagnoles, 
du  ve  siècle,  expriment  formellement  la  croyance  à  la  procession 
du  Saint-Esprit.  Nous  nous  contenterons  de  les  signaler.  La 


(1)  Halm,  Bibliolhek,p.  235. 

(2)  Mansi,  t.  XI.  col.  132;  Ilalm,  p.  212;  Denzinger,  document  XXVI,  n.  222  sq. 


MÉLANGES.  99 

formule  éditée  par  Jacobi  (1)  et  reportée  par  lui  à  la  seconde 
moitié  du  vi°  siècle  et  peut-être  au  ixe  siècle,  n'est  certainement 
pas  du  ixe  siècle;  elle  appartient  plutôt  à  la  théologie  espa- 
gnole et  antipriscillianiste  du  ve  siècle.  \J  Expositio  fidei  ca- 
tholicœ,  qu'on  date  du  ve  ou  du  vie  siècle  (2),  est,  elle  aussi,  an- 
tipriscillianiste et  espagnole.  Dom  Morin  a  signalé  les  ressem- 
blances d'expressions  qu'elle  présente  avec  le  Liber  fidei  de 
sancta  Trinitate  (4)  du  juif  converti  Isaac  et  a  rapporté  que 
dom  Amelli  attribue  cette  Expositio  fidei  au  juif  lui-même. 
Mais  M.  Kûnstle  considère  ce  Liber  comme  un  écrit  antipris- 
cillien  concordant  avec  les  Regulse  definitionum  de  Syagrius, 
évêque  espagnol,  dont  il  va  être  question.  Bien  que  l'accord 
entre  le  Liber  et  YExpositio  fidei  soit  plus  considérable  que 
ne  le  disait  dom  Morin,  Isaac  n'est  pas  l'auteur  de  Y  Expositio. 
Elle  cite,  en  effet,  le  verset  des  trois  témoins  célestes  qu'Isaac 
ne  connaît  pas.  Quant  à  leur  ressemblance,  elle  s'expliquerait 
par  ce  fait  qu'Isaac,  retourné  à  la  synagogue,  fut  banni  en  Espa- 
gne, sa  patrie  vraisemblablement,  et  qu'il  avait  composé  son  Liber 
en  Espagne  avant  de  partir  pour  Rome.  Or  il  exprime  très  net- 
tement comme  YExpositio,  la  procession  du  Saint-Esprit  ex 
Pâtre  et  Filio.  La  profession  de  foi  du  pseudo-Gennade  (5),  qui 
est  rédigée  d'après  les  Dogmata  ecclesiastica  de  Gennade,  est 
apparentée  aux  formules  espagnoles;  elle  reproduit  les  mêmes 
idées  que  les  anciens  symboles  de  l'Espagne  et  son  auteur  est 
un  théologien  de  l'Espagne  ou  du  sud  de  la  Gaule  qui  vivait  dans 
la  seconde  moitié  du  ve  siècle.  Il  dit  que  le  Saint-Esprit  procède 
ex  Pâtre  et  Filio  œqualiter.  L'adoptianisme  qu'il  vise  est  celui 
des  Bonosiens  de  la  fin  du  ive  siècle.  La  profession  de  foi,  ré- 
digée parles  évoques  africains  sous  la  domination  des  Vandales 
en  484  (6),  rentre  dans  le  même  ordre  d'idées.  Elle  a  des  rap- 

(1)  Zeitschrift  fur  Kirchengeschichte,  t.  VI,  p. 282  sq.;  Hahn,  Bibliothek,  p.  349; 
Kattenbusch,  Dos  apostolische  Symbol,  Leipzig,  1897,  t.  II,  p.  182-183. 

(2)  Caspari,  Kirchenhislorische  Anecdota,  Christiania,  1890,  1. 1,  p.  304-308;  Hahn, 
p.  331. 

(3)  >L'Ambrosiastef  el  le  juif  converti  Isaac  contemporain  du. pape  Damase,  dans 
la  Revue  d'histoire  el  de  littérature  religieuses,  1899,  t.  IV,  p.  100-101. 

(4)  Pat.  Gr.,  t.  XXXIII,  col.  1541-1546. 

i.'i)  ('aspari,  op.  cit.,  1. 1,  p.  301-304;. lungmann,  Qusesliones  Gennadianae,  Leipzig, 
1880,  p.  23-25;  Hahn,  p.  353-355;  Burn,  The  Athanasian  Çreed,  Cambridge,  1896, 
p.  64-65;  Kattenbusch,  op.  cit.,  t.  II,  p.  430. 

(6)  Mansi,  Concil.,t.  VII,  col.  1143 sq.;  Hahn,  p.  218;  Franzelin,  op.  cit.,  p.  510-511. 


100  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

ports  avec  le  Quicumque  et  les  symboles  de  Tolède,  bien  qu'elle 
soit  écrite  dans  le  latin  d'Afrique.  Son  auteur  est  peut-être  Vi- 
gile de  Tapse  qui  avait  été  exilé  en  Espagne  et  qui  avait  connu 
la  théologie  espagnole.  Elle  croit  à  la  procession  du  Saint- 
Esprit  ex  Paire  et  Filio.  La  profession  de  foi  de  saint  Grégoire 
le  Grand  (1),  qui  n'est  pas  authentique,  est,  elle  aussi,  un  do- 
cument antipriscillianiste  et  espagnol.  Il  n'est  pas  étonnant, 
dès  lors  qu'elle  enseigne  la  procession  du  Saint-Esprit  de  Paire 
et  Filio.  Si  on  admet  les  conclusions  de  M.  Kiinstle,  il  faudrait 
placer  ici  YEpistola  XV  de  saint  Léon  (2),  qui  serait  l'œuvre 
d'un  théologien  espagnol  de  la  fin  du  vr  siècle. 

Un  dernier  témoignage  espagnol  du  V  siècle,  au  moins  indi- 
rect, en  faveur  de  la  procession  du  Saint-Esprit,  nous  est 
fourni  par  les  Regulse  défini tionum  de  Syagrius,  éditées  pour  la 
première  fois  en  leur  entier.  Dom  Morin  (3)  avait  démontré  que 
cet  évêque  espagnol,  dont  parle  Gennade  (1),  était  l'auteur  de 
ces  Regulse,  dont  le  cardinal  Mai  avait  publié  un  fragment  (5). 
M.  Kiinstle,  de  son  côté,  a  prouvé  que  cet  écrit  a  un  caractère 
antipriscillianiste  très  marqué  et  qu'il  convient  bien  à  un 
auteur  espagnol  du  milieu  du  vp  siècle.  Syagrius  expose  lon- 
guement la  distinction  des  personnes  divines  et  leur  consub- 
stantialité.  Il  n'a  pas.  il  est  vrai,  la  formule  :  a  Paire  et  Filio 
procedens,  et  il  ne  parle  explicitement  que  de  la  procession  ex 
Pâtre;  mais  il  expose  équivalemment  la  doctrine  de  la  pro- 
cession e.r  utfoque. 

Notons  enfin  que  les  Sententiœ  defloratae  de  diverses  causis, 
que  Schmitz  a  publiées  d'après  un  manuscrit  du  ixe  siècle  (6), 
distinguent  le  Saint-Esprit  du  Père  et  du  Fils  en  ces  termes  : 
Spiritus  sanctus  née  nalus  née  factus,  sedex  Pâtre  Filioque 
procedens  est.  Elles  sont  du  vu'  ou  vme  siècle.  Le  manuscrit  qui 

(1)  /'-//.  Lui.,  t.  LXXVII,  col.  1327. 

(2j  Pat.  Lui.,  t.  LIV,  col.  681.  Voir  ibid.,  col.  1323  si).,  les  notes  do  Quesnell. 
complétées  par  les  frères  Ballerini,  ett.  LV,  col.  1036 sq.,  celles  du  P.  Cacciari.Cf. 
Denzinger,  document  XIV,  n.  98.  Cependant  M.  Kiinstle  reconnaît  que  saint  Léon 
professe  la  procession  du  Saint-Esprit  ex  utroque  dans  ses  deux  sermons  sur  la 
Pentecôte,  Put.  L'ai.,  t.  LIV,  col.  100-411. 

(3)  Pastor  et  Syagrius,  deux  écrivains  perdus  du  P  siècle,  dans  la  Revue  bèné- 
dicline,  1893,  t.  X.  p.  390-394. 

(4)  De  viris  illustribus,  c.  i.xv.  Pat.  Lut.,  t.  LVIII.  col.  1098. 
(">i  Scriplorum  veterum  nova  colleclio,  t.  III,  p.  249-251, 

(<3)  Miscéllanea  Tironiana,  Leipzig,  1896,  p.  :!'». 


MÉLANGES.  101 

y 

les  contient  vient  d'un  couvent  franc  du  sud  de  la  Gaule.  L'au- 
teur s'est  servi  de  saint  Isidore  de  Séville;  sa  doctrine  est  ap- 
parentée au  Toletanum  A7et  aux  autres  symboles  espagnols.  Il 
est  lui-même  ou  de  l'Espagne  ou  du  sud  de  la  Gaule,  et  il  re- 
produit des  formules  antérieures  ayant  eu  cours  dans  le  milieu 
où  il  vivait. 

Tous  ces  documents  espagnols,  qui  affirment  expressément  la 
procession  du  Saint-Esprit  ex  Pâtre  et  Filio,  confirment  cer- 
tainement la  provenance  espagnole  de  cette  formule  célèbre  (1). 
Si  les  conclusions  de  M.  Kiinstle  sont  fondées,  elles  en  reportent 
même  l'origine  du  milieu  du  v°  siècle  à  la  fin  du  iv°.  Cet  inté- 
ressant résultat  méritait  d'être  signalé. 

E.  Mangenot. 


II 


NOTE  SUR  DE  NOUVEAUX  FRAGMENTS 
DU  PASTEUR  DTIERMAS 

Depuis  la  publication  dans  le  dernier  numéro  de  la  Revue  de 
l'Orient  chrétien  de  deux  feuillets  coptes  du  PASTEUR  d'Her- 
mas,  nous  avons  eu  la  bonne  fortune  de  trouver  dans  les  collec- 
tions de  la  Bibliothèque  nationale  cinq  autres  fragments  du 
même  manuscrit. 

De  la  version  sahidique  de  cette  œuvre,  nous  connaissons 
donc  aujourd'hui  : 

1)  Mand.  xn,  3,  M,  4.  Tiê-iT*.  (56-57),  partie  supérieure 
d'un  feuillet,  cotée  129  dans  le  volume  130"'.  Sur  ce  fragment 
on  lit  :  171.  Exhortation  à  des  moines.  Le  catalogue  ma- 
nuscrit porte  :  fol.  ISO.  fragment  de  16  lignes,  paginé  mg-mï,- 
17+13+13+17  lignes.  Chaque  colonne  contenait  31  lignes. 

■±)Sim.  ii,  7-iii,  :i.  gM-ië  (68-69),  publié  dans  la  Revue  de  l'O- 
rient chrétien;  coté  120  dans  le  volume  130  '.  Sur  le  feuillet  on 
lit  :  121.  Paraboles.  Le  catalogue  le  décrit  :  fol.  121.  Para- 

(  1)  Voir  encore  la  profession  de  foi  du  XVI"  concile  do  Tolède  (603),  Denzinger, 
n.  242. 


102  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

boles,  1  feuillet  déchiré,  paginé  gH-ge.   Paraboles  Ie  et  5e. 
3)Sim.  iv  8-v,  2,  i.^b-[ot]  (72-73)  publié  dans  la  Revue  de 
l'Orient  chrétien;  n°  9997  du  Musée  du  Louvre. 

4)  Sun.  vi,  2,  1"7.  uH-ue  (98-99),  coté  33  dans  le  volume 
132'.  Sur  le  feuillet  on  lit  :  79  :  Vision.  Le  catalogue  indique  : 
fol.  33  vision.  S  feuillets  déchirés.  314-28+28+31  lignes. 
Chaque  page  est  à  peu  près  complète. 

5)  Sim.  vin,  10,  3-ll,  :'.  pïô-pK  (119-120)  partie  supérieure 
d'un  feuillet  cotée  34  dans  le  volume  132  '.  Sur  le  feuillet  :  901  : 
Récit  d'un  moine  en  vision.  19  r  18+18+19  lignes. 

6  et  7)  Sim.  ix,  5,  '-6,  x.  Deux  fragments  d'un  feuillet  dont 
la  partie  supérieure  manque.  La  partie  moyenne  est  cotée  45 
dans  le  volume  132'.  Le  catalogue  le  présente  comme  :  Frag- 
ment d'un  récit  de  moine.  Sur  le  fragment,  au  crayon  :  Récit 
de  moine.  La  partie  inférieure  est  cotée  130  dans  le  volume  130s. 
Sur  le  fragment  on  lit  :  Sermon  de  Schn[o\\<\\\.  Le  catalogue 
porte  seulement  :  fol.  131,  fragment  de  42  lignes.  24  (15  +  11) 
+22(12+11)  +22  (13+11) +M  (16+12)  lignes. 

Les  nouveaux  fragments  feront  l'objet  d'une  prochaine  pu- 
blication. 


Février  190<>. 


L.  Delaporte. 


III 

LETTRE  DU  R.  P.  CONSTANTIN  BACHA 

SUR  UN  NOUVEAU  MANUSCRIT  CARCIIOUNI   DE  LA  CHRONIQUE 
DE  MICHEL  LE  SYRIEN  ET  SUR  THÉODORE  ABOU-KURRA. 

I.  —  La  chronique  de  Michel  qui  était  représentée  jusqu'ici 
par  un  ras.  syriaque,  découvert  à  Édesse  par  Mgr  Rahmani, 
par  un  ras.  arabe  conservé  à  Mossoul  et  transcrit  par 
Mgr  Rahmani  (1)   et   enfin   par  un  ras.   carchouni    acheté  à 

(1)  Cf.  ROC,  1905,  p.  436. 


.MÉLANGES.  103 

Zafaran  par  M.  Budge  et  conservé  au  British  Muséum,  est  encore 
représentée  par  un  autre  ms.  earchouni  conservé  à  Jérusalem 
et  dont  le  Père  Constantin  Bâcha,  le  docte  éditeur  de  tant  d  ou- 
vrages arabes  (1).  nous  fait  connaître  l'existence  par  la  lettre 
suivante  : 

«  ...  Quant  à  la  chronique  de  Michel  h-  Syrien,  il  s'en  trouve 
à  révèché  des  syriens  jacobites  à  Jérusalem  une  version  arabe 
carchouni  (e'est-à-dire  arabe  en  caractères  syriaques)  en  ma- 
nuscrit... Ce  manuscrit  de  la  chronique  de  Michel  est  fort 
ancien  et  porte  à  la  fin  la  liste  des  évêques  jacobit<<  publiée 
dans  YOrient  chrétien  (2).  Il  y  a  six  ans  que  j'ai  vu  ce  gros 
manuscrit  qui  renferme  toute  la  chronique  ». 

Il  est  étrange,  si  ce  manuscrit  est  ancien,  qu'il  ne  soit  pas 
venu  à  la  connaissance  de  l'un  des  nombreux  savants  qui  sé- 
journent à  Jérusalem.  Nous  espérons  que  l'un  d'eux  aura 
occasion  de  l'examiner  et  de  le  décrire.  Il  serait  intéressant 
de  savoir  s'il  ne  porte  ni  note  ni  colophon  sur  son  lieu  et  sa 
date  d'origine. 

II.  —  Le  Père  Constantin  Bâcha  nous  apprend  aussi  qu'il  a 
demandé  une  transcription  du  chapitre  vin  de  ce  manuscrit 
pour  y  étudier  le  texte  qui  concerne  «  Theocloricus  Pygla  ». 
Cet  évêque  de  Haran  serait  identique  selon  lui  avec  Théodore 
Abou-Kurra.  Si  cette  identification  était  admise,  les  deux  co- 
lonnes consacrées  par  Michel  à  Théodoricus  (3)  seraient  de 
beaucoup  ce  que  nous  possédons  de  plus  complet  sur  le  rôle 
religieux  et  sur  la  vie  de  Théodore  Abou-Kurra. 

Théodoricus  et  Théodore  ont  été  tous  deux  évoques  de  Haran, 
ont  vécu  vers  la  même  époque,  car  Théodoricus,  d'après  Mi- 
chel, fut  déposé  de  l'épiscopat  par  Theodoretus  qui  était 
patriarche  d'Antioche  de  795  à  812,  enfin  tous  deux  étaient 
Maximinites.  De  plus,  tous  deux  ont  été  en  Arménie  et  ont 
discuté  contre  les  jacobites  devant  le  patrice  Asod  ou  Asôha. 
Michel  le  raconte  de  Théodoricus,  et  Abou-Raïta,  écrivain 
jacobite,  le  raconte  de  Théodore  Abou-Kurra.  Ce  dernier  point 

(l)  ROC.  p.  442.   " 

{2)  Tomes  IV.  V.  VI. 

(3)  Chronique  de  Michel,  éd.  J.-B.  Chabot,  t.  III.  p.  29  et  32-34. 


104  "  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

a  été  dérouvert  encore  par  le  P.  Constantin  Bâcha  dans  les 
œuvres  inédites  d'Abou-Raïta;  il  Ta  développé  dans  l'introduc- 
tion à  Un  traité  des  œuvres  arabes  de  Théodore  Abou-Kurra, 
évêque  de  Haran  (1),  pages  6  à  7.  Il  semble  donc  bien  que  ces 
deux  évoques  de  Haran,  contemporains,  de  même  Église,  por- 
tant un  nom  analogue  (Théodoricus  ou  Théodore),  qui  ont  été 
tous  deux  en  Arménie  et  ont  discuté  devant  le  même  patrice, 
peuvent  ne  faire  qu'un  seul  personnage.  Ajoutons  que  Théodo- 
ricus d'après  Michel  possédait  très  bien  l'arabe,  ce  qui  est  vrai 
aussi  de  Théodore. 

Reste  à  expliquer,  s'ils  sont  identiques,  pourquoi  Michel 
remplace  Abou-Kurra  par  Pygla.  Voici  l'explication  du  Père 
Constantin  Bâcha  : 

Kurra,  qui  signifie  joie  et  bonheur  (2),  signifie  aussi  cresson. 
Aussi  les  adversaires  de  Théodore  Abou-Kurra  ont  voulu  par 
ironie  et  mépris  faire  oublier  le  premier  sens  et  appuyer 
davantage  sur  le  second.  Ils  l'ont  donc  appelé  Théodore  Alfa- 
gai  (3)  ou  Théodore  le  radis. 

Ajoutons  que  cette  modification  du  nom  de  l'un  de  leurs 
ennemis  n'est  pas  étonnante  chez  les  jacobites,  car,  à  la  même 
page  (4),  Michel  le  Syrien  écrit  d'un  autre  :  «  mais  la  troupe 
des  partisans  iVAbiram  (5),  c'est-à-dire  d- Abraham...  » 

F.  Nau. 


(1)  Paris,  Leroux.  1  l'r.  50. 

(2)  l>"où  Abou-Kurra  =  cause  de  joie  ou  de  bonheur.  Cf.  Un  traité,  etc.,  p.  4, 
note  I. 

(3)  J-^,a  dans  les  ms.  de  Jérusalem  et  de  Londres  et  ^as  ou  Pygla  dans 
le  syriaque.  Ce  mot  signifie  j-a,<lis,  rave,  navet,  chou,  poirier,  car  il  traduit 
fcbavo;  et  irAo;.  Cf.   l'avne  Sinitli  et  liai'  Bablul. 

I.  I'.  32. 
(5    •  ï.  Nombres,  ch.  xvi. 


BIBLIOGRAPHIE 


K.  Kùnsti.e.  —  Antipriscilliana.  Dogmengeschichtliche  Untersu- 
chungen  und  Texte  aus  dem  Streite  gegen  Priscillians  Irrlehre, 
8",  xu-248  pages;  Fribourg-en-Brisgau,  Herder,  1905.  —  5  marks. 

L'histoire  du  priscillianisme,  hérésie  qui  a  vu  le  jour  en  Espagne  à  la  fin 
du  ive  siècle  et  qui  a  vécu  trois  siècles  dans  ce  pays  et  dans  le  midi  de  la 
Gaule,  est  demeurée  jusqu'ici  fort  obscure.  Etudiée  à  l'aide  de  nouveaux 
documents,  elle  sort  de  plus  en  plus  des  ténèbres,  et  des  écrits,  comme  celui 
que  nous  annonçons,  projettent  sur  elle,  sinon  la  pleine  lumière  encore, 
du  moins  un  jour  nouveau  sur  la  nature  des  erreurs  que  les  priscillianistes 
professaient.  Jusqu'au  xvme  siècle,  on  tenait  généralement  le  priscillia- 
nisme comme  un  mélange  de  gnosticisme  et  de  manichéisme,  dont  les  élé- 
ments manichéens  avaient  été  importés  en  Espagne  par  Marc  de  Memphis. 
Les  Centuriateurs  de  Magdebourg  pensaient  là-dessus  comme  Baronius. 
En  1740,  Gottfried  Arnold  présenta  Priscillien  comme  la  victime  innocente 
d'un  clergé  corrompu,  qui  profita  habilement  de  quelques  fautes  pour  le 
faire  condamner  à  mort  par  le  tyran  Maxime.  Cette  thèse  n'obtint  pas  de 
succès.  En  1861,  J.  Bernay  conclut  de  l'enquête  faite  par  le  préfet  du  pré- 
toire, Evodius,  que  Priscillien  avait  été  jugé  et  condamné  pour  cause  de 
maléfice.  Dom  Gams  se  rallia  à  cette  conclusion  dans  son  Histoire  ecclé- 
siastique de  l'Espagne  (1864).  Les  écrits  de  l'hérésiarque  étaient  perdus. 
En  1886,  G.  Schepss  découvrit,  dans  un  manuscrit  du  v  ou  vie  siècle  à  la 
bibliothèque  de  l'Université  de  Wurzbourg,  onze  traités  de  Priscillien,  qu'il 
édita  en  1889.  La  lecture  de  ces  ouvrages  lui  révéla  que  Priscillien  parlait 
comme  les  catholiques  orthodoxes,  qu'il  blâmait  les  hérétiques  et  notam- 
ment les  manichéens;  loin  donc  d'avoir  été  adepte  de  ceux-ci,  il  apparais- 
sait plutôt  comme  une  victime  du  fanatisme.  En  1891,  Paret  aboutissait  au 
même  résultat.  A  ses  yeux,  les  Canones  in  epistulas  Pauli  apostoli  et  les 
traités  IV-X1  de  Priscillien  étaient  manifestement  des  écrits  antimanichéens. 
Le  «  pieux  »  Priscillien  avait  été  victime  de  la  justice  et  il  fallait  le  réha- 
biliter. Un  examen  plus  attentif  de  ces  ouvrages  conduisit  à  des  conclu- 
sions différentes.  Aimé  Puech,  dans  le  Journal  des  savants  (1891),  sans  te- 
nir Priscillien  pour  un  manichéen  proprement  dit,  ne  croyait  pas  à  son  or- 
thodoxie. Hilgenfeld,  qui  connaît  si  bien  les  anciennes  hérésies,  montra, 


106  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

en  1892,  que  Priscillien  avait  enseigné  un  manichéisme  non  falsifié,  dans 
tous  les  domaines  de  l'enseignement  dogmatique  et  de  la  vie  pratique. 
Après  un  nouvel  essai  de  réhabilitation  de  Priscillien  par  l'évèque  vieux-ca- 
tholique Herzog,  en  1894,  Dierich,  en  1897,  critiqua  le  récit  de  Sulpice 
Sévère,  qui,  trompé  par  la  fausse  tradition  d'Hydatius,  rapporte  que 
Priscillien  fut  excommunié  en  380 au  concile  de  Saragosse.  Priscillien  dé- 
clare qu'il  n'a  été  ni  accusé,  ni  condamné  à  ce  synode,  et  il  dit  vrai,  au 
jugement  de  ce  critique,  car  les  canons  de  ce  concile  ne  nomment  per- 
sonne, n'excommunient  personne,  ne  parlent  ni  d'hérésie,  ni  de  gnosti- 
cisme,  ni  de  manichéisme,  mais  seulement  de  superstitio.  On  croirait  que 
Dierich,  tant  il  est  affirmatif,  a  retrouvé  les  actes  perdus  de  ce  synode, 
dont  il  ne  reste  que  huit  canons  disciplinaires  conservés  dans  les  collec- 
tions des  conciles  du  Ve  et  du  VIe  siècle.  En  1902,  Edling  veut  tenir  un 
juste  milieu.  Selon  lui,  Sulpice  Sévère,  bien  qu'influencé  par  Hydatius, 
rapporte  les  faits  tels  quïls  se  sont  passés,  et  l'erreur  de  Priscillien  est  le 
panthéisme  et  le  patripassianisme.  En  1905,  Lezius  fait  de  Priscillien,  non 
pas  un  patripassien,  mais  un  christopassien  ;  son  christothéisme  l'a  conduit 
au  panthéisme;  il  a  été  condamné  pour  ses  maléfices  et  ses  turpitudes;  il 
admettait  aussi  la  préexistence  des  âmes. 

Survient  Kùnstle,  professeur  de  théologie  à  l'Université  de  Fribourg-en- 
Brisgau  ;  il  étudie  les  contemporains  de  Priscillien,  les  synodes  espagnols 
antipriscillianistes,  les  symboles  et  professions  de  foi  ;  il  découvre  et  édite 
des  textes  nouveaux  d'antipriscilliana,  et  dans  toute  cette  étude  il  prouve, 
sans  contestation  possible,  que  Priscillien  a  été  bel  et  bien  hérétique.  Tous 
les  documents,  anciens  et  nouveaux,  contemporains  et  postérieurs,  con- 
vergent dans  le  même  sens.  Il  en  résulte  que  le  priscillianisme  n'est  pas 
le  manichéisme  pur  et  simple.  C'est  une  mixture  peu  cohérente  d'erreurs, 
puisées  à  diverses  sources  :  le  gnosticisme.  le  manichéisme,  le  sabellia- 
nisme,  l'apollinarisme,  le  fatalisme  astrologique  ont  fourni  des  doctrines 
fondues  dans  une  sorte  de  panchristisme.  Le  Christ  était  le  seul  Dieu,  qui 
était  Père,  Fils  et  Saint-Esprit.  Priscillien  avait  dissimulé  ces  erreurs  sous 
des  protestations  répétées  de  foi  et  sous  des  formules  d'apparences  ortho- 
doxes. Les  Canones  avaient  été  expurgés  par  Peregrinus  ou  Bachiarius  et 
étaient  devenus  antimanichéens.  Ils  ne  peuvent  donc  servir  à  disculper 
leur  auteur. 

Mais  la  publication  de  M.  Kùnstle  n'aboutit  pas  seulement  à  démontrer 
l'hérésie  de  Priscillien  ;  elle  aboutit  à  d'autres  résultats  encore.  Elle  forme 
une  étude  nouvelle  sur  les  conciles  espagnols,  sur  les  symboles  et  profes- 
sions de  foi  des  ive,  ve  et  vie  siècles,  et  elle  rattache  à  l'Espagne  et  à  l'an- 
tipriscillianisme  toute  une  série  de  documents,  anciens  et  nouveaux.  Au  sy- 
node de  Saragosse  (830)  il  ne  laisse  plus  que  huit  canons  disciplinaires 
authentiques,  et  au  premier  concile  de  Tolède  (400)  que  les  //rofessiones 
rouira  sectam  Priscilliani.  Le  synode  d'Astorga  (445),  mentionné  par  Hy- 
datius Lemicus,  n'a  été  que  diocésain.  Quant  au  concile  de  Tolède  (447), 
il  n'a  pas  eu  lieu.  La  Régula  fulei,  que  Hefele  lui  attribue,  est  l'œuvre 
privée  de  Pastor,  évêque  de  Galice.  Le  préambule,  qui  parle  du  concile, 
et  la  lettre  de  saint  Léon  à  Turibius,  évêque  d'Astorga,  seraient  dus  à  un 


BIBLIOGRAPHIE.  107 

faussaire  du  VIe  siècle,  qui  aurait  puisé  les  indications  nécessaires  dans  les 
actes  du  concile  de  Braga  (563).  Les  explications  données  par  M.  Kiinstle 
ne  satisferont  probablement  pas  tous  les  critiques.  Tout  restera  de  l'étude 
sur  les  Regulx  fulci  espagnoles.  Disons  seulement  que  M.  Kiinstle  reporte 
au  Ve  siècle  la  plupart  de  ces  symboles,  attribués  jusqu'ici  au  \T  etauvir3, 
par  exemple  la  Fides  Damasi,  le  Toletanvm  IV (633),  le  Toletanum  Z/(675). 
Tous  sont  antipriscillianistes  aussi  bien  que  les  Régulas  definitionum  sancti 
Hierohymi  contra  haereticos,  qui  sont  du  milieu  du  ve  siècle  et  l'œuvre  de 
Syagrius  (éditée  pour  la  première  fois  en  entier),  aussi  bien  que  YAthana- 
sium  ou  symbole  Quicumque,  qui  est  une  Exjiositio  fîdei  espagnole,  anti- 
priscillianiste,  composée  par  un  clerc  espagnol  à  la  fin  du  ive  ou  dans  la 
première  moitié  du  Ve  siècle.  Ajoutons  enfin  que,  dans  une  autre  brochure, 
intitulée  :  Das  Comma  Johanneum,  le  même  professeur  a  essayé  de  mon- 
trer que  le  célèbre  verset  des  trois  témoins  célestes,  I  Joa.,  v,  7,  cité  pour 
la  première  fois  avec  le  verset  8  dans  le  Liber  apolôgeticus  de  Priscillien, 
édit.  Schepss,  Vienne,  1889,  sous  cette  forme  :  Tria  sunt  quœ  testimonium 
dicunt  in  terra,  aqua,  caro  etsangùis,  et  haec  tria  unum,  et  tria  svtnt  quœ  te- 
stimonium dicunt  ineselo,  Pater,  Verbum  et  Spirilus,  et  hsec  ivi<i  unum  sunt 
in  Christo  Jesu,  était  l'œuvre  de  Priscillien  lui-même  et  avait  été  fabriqué 
en  vue  de  prouver  l'unionisme  des  trois  personnes  divines  dans  le  Christ 
Jésus.  Ce  verset,  débarrassé  peu  à  peu  de  sa  forme  hétérodoxe,  se  serait 
transmis  dans  les  Bibles  espagnoles  catholiques  pour  pénétrer  enfin  dans 
la  Vulgate  latine.  Quoi  qu'il  en  soit  de  toutes  ces  conclusions,  il  était  bon 
de  les  signaler  à  nos  lecteurs. 

E.  Mangenot. 


VaCANT-MangenûT.  —  Dictionnaire  de  théologie  catholique  conte- 
nant l'exposé  des  doctrines  de  la  théologie  catholique,  leurs 
preuves  et  leur  histoire.  —  2  in-4°,  Aaron-Cisterciens,  1899-1905, 
Paris,  Letouzey  et  Ané.  —  5  fr.  le  fascicule,  pour  les  souscripteurs.  (La 
souscription  n'est  pas  close.) 

Ce  vaste  Dictionnaire  a  été  vaillamment  entrepris  en  1889  par  l'abbé  Va- 
cant, professeur  de  théologie  dogmatique  au  grand  séminaire  de  Nancy. 
Après  la  mort  prématurée  du  directeur,  en  1901,  l'œuvre  a  été  confiée  à 
M.  Mangenot,  professeur  d'Écriture  sainte,  d'abord  au  même  séminaire, 
puis  à  l'Institut  catholique  de  Paris.  On  n'y  trouve  pas  seulement  l'exposé 
des  doctrines  de  la  théologie  catholique,  mais  aussi  leurs  preuves,  scrip- 
turaires,  traditionnelles  et  rationnelles,  et  leur  histoire,  ainsi  que  celle  des 
systèmes  théologiques,  des  hérésies  et  des  erreurs  de  toute  sorte,  qui  ont 
vu  le  jour  au  cours  des  siècles.  Les  écoles  théologiques  y  sont  étudiées,  et 
de  nombreuses  notices  biographiques  et  bibliographiques  sont  consacrées 
aux  théologiens,  latins,  grecs,  arméniens,  syriens,  et  même  russes.  Le 
plan  et  l'exécution  de  ce  Dictionnaire  diffèrent  notablement  du  Diction- 
naire de  Bergier  et  du  Kirchenlexikon.  Sans  avoir  l'ampleur  encyclopé- 
dique de  ce  dernier,  puisqu'il  se  restreint  à  la  théologie,  entendue,  il  est 


108  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

vrai,  au  sens  large  du  mot,  le  Dictionnaire  français  a  le  caractère  scienti- 
fique du  Dictionnaire  allemand,  et  il  est,  en  outre,  de  l'aveu  de  tous,  plus 
complet,  plus  approfondi  et  mieux  documenté  sur  les  matières  traitées. 
Les  articles,  distribués  selon  l'ordre  alphabétique,  sont  rédigés  par  des  re- 
présentants de  toutes  les  écoles  catholiques,  prêtres  séculiers,  religieux  de 
divers  ordres  ou  congrégations,  laïques  instruits,  et,  autant  que  possible, 
par  des  spécialistes  d'une  compétence  reconnue.  Plusieurs  des  collabora- 
teurs ordinaires  de  la  Revue  de  l'Orient  chrétien  y  ont  donné  des  travaux 
importants.  Les  dix-sept  fascicules  déjà  parus,  qui  forment  deux  volumes 
fort  compacts,  ont  reçu  du  public  un  très  bon  accueil,  et  font  certaine- 
ment honneur  à  la  science  théologique  française. 

Beaucoup  des  sujets  traités  dans  le  Dictionnaire  répondent  spécialement 
au  but  que  poursuit  la  Bévue  de  l'Orient  chrétien:  elle  en  a  déjà  signalé 
plusieurs.  Sans  parler  des  articles  concernant  l'antiquité  chrétienne,  ar- 
ticles qui  doivent  intéresser  toutes  les  Eglises,  sans  parler  des  notices  sur 
les  théologiens  grecs  et  orientaux,  des  études,  comme  celles  qui  ont  été 
consacrées  à  YEglise  et  à  VEcole  chrétienne  d'Alexandrie,  à  l'Arménie 
(histoire  religieuse,  conciles,  littérature  théologique ,  croyance  et  disci- 
pline), à  la  Bulgarie,  aux  Églises  de  Carlowitz  et  de  Chypre;  les  monogra- 
phies sur  les  Pères,  et  notamment  saint  Athana.se,  saint  Augustin  et  saint 
Basile;  l'histoire  de  l'Arianisme,  les  doctrines  condamnéespar  le  concile  de 
Chalcédoine,  etc.,  méritent  l'attention  des  théologiens  grecs  et  orientaux. 
Certains  usages  particuliers  à  l'Orient  sont  aussi  traités.  Enfin  les  doctrines 
ou  pratiques  des  arméniens,  des  coptes,  des  syriens,  etc.,  sont  mises  on 
parallèle  avec  les  doctrines  et  les  pratiques  latines,  par  exemple,  sur  l'abso- 
lution des  jjéchés,  l'abstinence,  l'adultère,  l'affinité,  le  baptême,  les  azymes. 
Notons  encore  l'Abjuration  pour  entrer  dans  l'Église  orthodoxe,  grecque  et 
russe;  la  Canonisation  chez  les  Busses.  Ces  articles  apportent  aux  Occiden- 
taux une  connaissance  plus  complète  et  plus  précise  des  doctrines  et 
des  usages  des  Orientaux.  Les  autres  portent  en  Orient  une  exposition  dé- 
veloppée de  la  théologie  catholique.  Le  Dictionnaire  sert  donc  à  rapprocher 
les  Églises  et  concourt  pour  sa  part  à  préparer  leur  union  dans  la  con- 
naissance et  l'amour  de  l'unique  Seigneur  et  Sauveur,  Jésus-Christ. 

A.  (I. 


Rev.  G.  HuRNER.  —  The  service  for  the  consécration  of  a  Church  and 
an  Altar  according  to  the  coptic  rite.  Edited  with  translations,  from 
a  coptic  and  arabic  manuscript  of  A.  D.  1307,  for  the  Bishop  of  Salis- 
bury;  London,  Harrison  and  Sons,  1902,  8°,  xiv,  94  et  504  pages. 

M.  Horner  nous  a  donné  ici  une  bonne  édition  du  Rite  copte  de  la  con- 
sécration d'une  nouvelle  église  (ou,  d'après  le  titre  copte,  de  i  la  nouvelle 
église  »),  d'après  un  ancien  manuscrit  copte-arabe  présenté  à  l'évêque  de 
Salisbury  par  le  patriarche  actuel  des  coptes,  Cyrille  V.  Ce  n'est  pas  la 
première  fois  que  ce  formulaire  intéressant  a  été  imprimé  en  Europe, 


BIBLIOGRAPHIE.  109 

puisque  Raphaël  Et-Toukhî  (Tukius),  le  savant  évéque  d'Arsinoé,  chef  des 
Uniates  coptes,  qui  avait  reçu  son  éducation  à  Rome,  l'y  a  publié  en  1761, 
avec  les  autres  rites  de  son  Église.  Mais  les  exemplaires  de  l'édition  d'Et- 
Toukhi  sont  devenus  rares,  et  il  y  a  intérêt  à  relever  les  variantes  dans  les 
différents  manuscrits;  on  craignait  aussi  que  l'évêque  uniate  n'eût  omis 
tout  ce  qui  a  rapport  à  la  doctrine  monophysite,  comme  il  y  a  ajouté  des 
prières  pour  le  Pape,  puisque  ses  livres  étaient  destinés  à  l'usage  de  sa 
propre  communauté  ;  d'ailleurs  l'éditeur  anglais  a  mis  en  tête  du  volume 
une  introduction  savante  suivie  de  nombreuses  notes  textuelles  qui  rendent 
son  édition  fort  personnelle.  Du  moins  il  a  pu  faire  remarquer  que  la 
seule  trace  de  la  controverse  monophysite  dans  son  texte  se  trouve  dans 
une  hymne,  et  il  est  possible  que  l'édition  d'Et-Toukhî  représente  une  ré- 
daction plus  ancienne,  sans  qu'il  ait  introduit  ici  «  une  correction  romaine  » 
(cf.  p.  VI). 

Le  rite  de  la  consécration  d'une  église  copte,  quoique  plus  long,  est 
beaucoup  plus  simple  que  celui  du  rit  latin  :  l'évêque  asperge  avec  de 
l'eau  bénite  les  différentes  parties  de  l'édifice  et  les  signe  avec  le  saint- 
chrême.  Au  commencement  on  allume  sept  lampes  au  lieu  de  douze, 
«  comme  symboles  des  sept  esprits  qui  se  tiennent  devant  le  Trône,  plutôt 
que  des  portes  de  la  nouvelle  Jérusalem  »  (cf.  p.  xiv)  ;  et  on  remplit  d'eau 
sept  cruches  nouvelles  dans  lesquelles  on  met  sept  espèces  d'herbes  odori- 
férantes. Cette  eau  de  consécration  est  bénie  avec  accompagnement  de 
longues  leçons  de  l'Ancien  Testament  qui  forment  la  moitié  de  tout  l'office, 
et  de  prières  qui  se  terminent  par  l'oraison  dominicale;  au  lieu  de  gou- 
pillon l'évêque  se  sert  d'une  touffe  des  feuilles  d'une  espèce  de  betterave. 
Il  n'y  a  ici  ni  procession  solennelle  à  l'église,  ni  cérémonie  à  la  porte  avec 
quelques  versets  du  psaume  xxm,  ni  alphabets  grec  et  latin  écrits  dans 
les  cendres  sur  le  pavé  —  ce  rite  intéressant  est,  d'après  M«r  Duchesne  (1)  : 
«  la  prise  de  possession  du  terrain  consacré,  et  sa  délimitation  par  l'im- 
pression d'un  large  signum  Chrisli  (X  et  A  Q)  »,  à  la  manière  des  anciens 
arpenteurs  romains,  qui  avaient  la  coutume  de  «  tracer  deux  lignes  trans- 
versales sur  les  terrains  qu'ils  voulaient  mesurer  ».  —  Ce  qui  est  plus 
remarquable,  c'est  qu'il  n'y  a  pas  de  rite  de  déposition  des  reliques  dans 
les  autels,  bien  que,  comme  dit  M.  Horner,  toute  église  copte,  comme  les 
églises  latines  et  grecques,  possède  des  reliques,  conservées  aujourd'hui 
sous  le  tableau  du  saint  patron,  mais  qui  étaient  autrefois  mises  dans  un 
creux  pratiqué  dans  la  face  orientale  de  l'autel,  creux  que  l'on  voit  partout 
dans  les  anciens  édifices  ;  d'ailleurs  l'une  des  hymnes  mentionne  des  re- 
liques des  martyrs  comme  présentes  dans  le  bâtiment  sacré.  Abou  Salih 
écrit  que  cette  forme  de  la  consécration  d'une  église  fut  prescrite  par 
l'apôtre  saint  Pierre,  qui  l'aurait  reçue  de  Notre-Seigneur  lui-même;  cette 
légende  peut  du  moins  indiquer  que  le  rite  provient  d'une  antiquité  fort 
reculée,  mais  M.  Horner  suppose  qu'il  est  «  postérieur  au  ive  siècle  et  même 
au  Ve  »  (p.  vi).  L'évêque  de  Salisbury  propose  de  dater  ce  formulaire  du 
règne  d'Anastase  (491-518).  parce  que  durant  cette  période,  l'église  jaco- 

(1)  Orig.  >h<  culte  ehrét.,  1898,  p.  402. 


110  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

bite  n'étant  pas  persécutée  eut  le  loisir  de  produire  une  telle  composition. 
Ceci  ne  concerne  toutefois  que  le  rite  complet,  et  il  semble  possible  que 
son  noyau  ou  certaines  de  ses  parties  puisse  être  plus  ancien  (p.  xri).  On 
sait  qu'à  Rome,  même  au  milieu  du  vie  siècle,  sous  le  pape  Vigilius,  on 
n'avait  aucun  rite  pour  la  dédicace  d'une  église,  et  que  l'on  croyait  faire 
assez  en  y  célébrant  une  première  messe  solennelle  (1).  On  ne  peut  donc 
tenir  ce  rite  comme  une  partie  essentielle  du  cérémonial  chrétien;  c'est 
en  somme  une  application  aux  bâtiments  sacrés  des  rites  du  baptême  et 
de  la  confirmatian  (2)  avec  le  saint-chrême,  pour  symboliser  la  purifica- 
tion et  aussi  la  présence  de  la  grâce  du  Saint-Esprit  parmi  l'assemblée  des 
fidèles;  à  ce  point  de  vue  il  y  a  assez  de  conformité  entre  le  formulaire 
copte  et  celui  des  autres  églises. 

Le  plan  extérieur  de  ce  rite,  comme  celui  de  tous  les  rites  coptes,  est 
celui  de  la  liturgie  ou  messe  ou  synaxis  (p.  x),  mot  grec  usité  dans  l'an- 
cienne langue  copte,  bien  que  ce  soit  une  messe  sans  consécration  des 
saintes  espèces,  suivie  d'ailleurs  immédiatement  de  la  vraie  messe  du  jour. 

Ces  vieilles  prières  d'une  charmante  simplicité  indiquent  que  ces  chré- 
tiens primitifs  ont  eu  une  grande  vénération  pour  leurs  édifices  sacrés,  et 
ont  cru  qu'en  entrant  dans  l'église  ils  s'approchaient  vraiment  du  gouver- 
neur du  monde  et  de  ses  anges  ;  ils  y  allaient  pour  se  purifier  de  leurs 
péchés  et  s'instruire  des  mystères,  surtout  lorsqu'ils  prenaient  part  à  l'au- 
guste sacrifice.  Il  semble  que  le  formulaire  ait  été  destiné  à  l'origine, 
comme  peut-être  aussi  les  liturgies  coptes,  à  une  église  de  monastère,  et 
que  le  «  pasteur  »  pour  qui  l'on  prie  (3)  en  serait  l'abbé.  C'est  ce  que  sug- 
gère aussi  une  légende  rapportée  par  Abou  Sâlih  :  Il  raconte  que  la  pre- 
mière forme  de  dédicace  d'une  église  a  été  composée  au  monastère  d'El- 
Muharrak  dans  la  Haute-Egypte.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  coptes  primitifs, 
ces  descendants  des  plus  puissants  architectes  du  monde,  ont  cru,  en 
bâtissant  une  nouvelle  église,  faire  une  bonne  œuvre  qui  apportait  le  salut 
aux  hommes.  C'est  l'impression  que  nous  laisse  la  lecture  du  Rite  de  la 
consécration. 

B.  Evetts. 


René  Basset.  —  Les  Apocryphes  éthiopiens  traduits  en  français  : 

I.  Le  livre  de  Barueh  et  la  légende  de  Jérémie,  8°,  40  pages,  Paris,  1893. 

III.  L'ascension  d'Isaïe,  8°,  56  pages,  Paris,  1894. 

IV.  Les  légendes  de  S.  Tertag  cl  de  S.  Sousnyos,  8°,  42  pages,  Paris,  1894. 

V.  Les  prières  de  la  Vierge  à  Bartos  et  au  Golgolha,  8°,  72  pages,  Paris, 
1895. 

VI.  Les  prières  de  S.  Cyprien  et  de  Théophile,  8°,  52  pages,  Paris,  1896, 
2  IV. 

VIII.  Les  règles  attribuées   à  suint  Pakhome,  8°,  50  pages,  Paris,  1896, 
2  fr. 

(1)  Duchesne,  loc.  cit..  p.  389. 

(2)  Horner,  p.  xiv. 

(3)  Pp.  6  et  361. 


BIBLIOGRAPHIE.  111 

IX.  Apocalypse  d'Esdras,  8°,  140  pages,  Paris,  1899,  4  fr. 

X.  La  sagesse  de  Sibylle,  8°,  88  pages,  Paris,  1900.  —  Bibliothèque  de  lu 
Haute  Science,  10,  rue  Saint-Lazare. 

Nous  avons  reçu  les  précédents  fascicules  de  la  collection  publiée  par 
M.  René  Basset,  directeur  de  l'École  des  lettres  d'Alger,  et  sommes  heu- 
reux de  les  faire  connaître  aux  lecteurs  de  V Orient  chrétien  pour  réparer 
enfin  une  omission  regrettable. 

1.  Contient  la  traduction  de  deux  écrits  éthiopiens  traduits  eux-mêmes 
du  grec.  M.  R.  B.  donne  dans  son  introduction  l'histoire  des  textes,  ver- 
sions et  éditions,  il  ajoute  en  appendice  la  traduction  d'un  fragment  des 
Philosophoumena  qui  a  pour  titre  le  livre  de  Baruch  mais  diffère  par 
ailleurs  des  écrits  éthiopiens. 

III.  Est  une  juxtaposition  d'un  écrit  juif  et  d'un  écrit  chrétien;  fut 
célèbre  dès  les  premiers  siècles  ;  ne  subsiste  intégralement  qu'en  éthiopien 
et  en  slavon.  M.  R.  B.  fait  l'histoire  de  ce  texte  et  le  traduit  ensuite  sur 
la  meilleure  édition  (celle  de  Dillmann)  avec  division  en  chapitres  et  en 
versets. 

IV.  A  trait  à  des  personnages  historiques  (Tertag  est  Tiridate  le  Grand, 
Sousnyos  semble  avoir  été  martyr  sous  Dioclétien)  mais  n'a  rien  conservé 
d'historique.  Tiridate  vainc  le  roi  des  Goths,  envoie  cinquante  héros  au 
secours  des  Romains  qui  finissent  par  les  faire'massacrer  à  l'exception  de 
leur  chef  Sarkis.  Pour  venger  ce  forfait,  Tiridate  ravage  le  pays  des 
Romains  et  y  commet  tant  de  massacres  qu'il  finit  par  en  avoir  quelques 
remords  et  par  établir  un  jeûne  général  sur  toute  l'Arménie  comme 
mesure  expiatoire,  sans  parler  de  la  fondation  de  quarante  églises. 

La  légende  de  S.  Sousnyos  commence  par  une  prière  pour  écarter  les 
maladies  des  jeunes  enfants,  car  ce  saint  nous  est  présenté  —  il  se  ren- 
contre en  cela  avec  S.  Nicolas  —  comme  le  vengeur  d'enfants  mis  injus- 
tement à  mort.  M.  R.  B.,  on  le  verra  plusieurs  fois  encore,  prend  le  mot 
apocryphes  dans  un  sens  très  large. 

V.  Ces  deux  prières  prononcées  par  la  Sainte  Vierge  dans  la  ville  de 
Bartos  et  au  Golgotha  doivent  servir  de  talisman  contre  toutes  sortes  de 
maux,  et  renferment  des  invocations  magiques  avec  l'accompagnement  usité 
de  noms  étranges  et  même  d'une  formule  latine.  La  première  est  encadrée 
dans  un  apocryphe  relatif  à  S.  Mathias.  C'est  au  moment  où  l'apôtre  va 
être  mis  à  mort  par  les  anthropophages  que  la  Sainte  Vierge  prononce  sa 
prière,  et  aussitôt  tous  les  instruments  en  fer  de  la  ville  sont  liquéfiés. 
Ce  miracle  est  catalogué  parfois  sous  le  titre  de  «  miracle  de  la  Vierge  à 
Béryte  ».  M.  René  Basset  ajoute  en  appendice  la  traduction  de  la  légende 
arabe  qui  est  plus  développée  que  la  légende  éthiopienne. 

VI.  But  analogue  au  précédent  .  La  prière  de  S.  Cyprien  écarte  Satan, 
le  mauvais  œil,  le  regard  funeste,  elle  délivre  les  prisonniers  et  chasse 
les  mauvais  rêves  ;  celle  de  Théophile  chasse  la  fièvre  des  terres  basses, 
la  fièvre  des  terres  hautes,  la  colique,  la  dysenterie,  etc.  Cyprien  est  le 
mage  d'Antioche  déjà  rencontré  dans  le  synaxaire  arabe  jacobite;  sa  prière 
a  sans  doute  été  traduite  du  grec  en  arabe  puis  imitée  en  éthiopien.  La 


112  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

prière  de  Théophile  a  chance,  par  contre,  d'être  d'origine  éthiopienne. 
M.  R.  B.  donne  en  appendice  la  traduction  de  la  version  arabe  de  la  prière 
de  Cyprien. 

VIII.  Les  moines  égyptiens  ont  eu  une  fort  mauvaise  presse  pendant 
les  premières  années  qui  ont  suivi  les  publications  de  M.  Amélineau; 
il  est  cependant  certain  que  l'état  monacal  librement  embrassé  et  libre- 
ment poursuivi  était  une  revanche  de  l'esprit  sur  la  matière  et  un  noble 
effort  vers  l'idéal  et  la  perfection.  S'il  y  eut  quelques  exceptions,  elles 
étaient  citées  et  mises  en  relief  pour  l'instruction  des  autres  et  il  n'est 
pas  permis  de  les  transformer  en  règle  générale  ;  ces  quelques  exceptions 
tiennent  à  la  nature  humaine  et  se  retrouvent  partout;  c'est  ainsi  que 
de  temps  à  autre,  parmi  l'élite  intellectuelle  qui  résulte  de  plusieurs 
éliminations  et  qui  s'enorgueillit  du  titre  d'élèves  de  l'École  polytechnique, 
on  rencontre  un  vulgaire  voleur.  Le  monachisme  ne  prête  le  flanc  à  la 
critique  qu'au  moment  où  il  devient  une  institution  d'État  avec  vœux 
perpétuels  et  noviciats  pour  solliciter  les  vocations.  Même  alors  cependant, 
il  ne  faudrait  pas  exagérer  sa  nocivité  :  les  moines  ne  furent  pas  la 
cause  qui  livra  l'Egypte  aux  Arabes,  car  la  Perse  ne  comptait  pas  de 
moines  et  n'en  fut  pas  moins  la  proie  des  Mahométans,  tandis  que  la 
Pologne  et  la  France  qui  comptaient  de  nombreux  moines  surent  leur 
résister  et  les  vaincre.  Du  moins  les  règles  auxquelles  ils  avaient  l'ab- 
négation et  l'héroïsme  de  se  soumettre  en  général,  nous  donnent  haute 
idée  de  leur  valeur  morale.  —  Deux  de  ces  règles  publiées  par  M.  R.  B. 
proviennent  de  l'histoire  Lausiaque  ou  du  moins  d'un  texte  grec,  la 
troisième  semble  jusqu'ici  être  particulière  à  l'Ethiopie. 

IX.  L'Apocalypse  d'Esdras  qui  figure  en  appendice  à  la  suite  de  la 
Vulgate  sous  le  titre  du  Quatrième  livre  d'Esdras,  est  conservée  dans  des 
versions  arabes,  arméniennes,  éthiopiennes,  latines.  M.  R.  B.  après  une 
introduction  très  complète  sur  l'histoire  de  l'Apocalypse,  ses  versions  et  son 
contenu,  donne  la  traduction  de  la  version  éthiopienne  et  ajoute  en  appen- 
dice celle  des  chap.  i,  n,  xv,  xvi  du  latin  qui  n'existent  pas  en  éthiopien. 

X.  Cent  philosophes  voient  la  même  nuit  neuf  soleils  (ou  sept  soleils) 
d'aspect  différent.  Ils  consultent  la  sibylle  pour  avoir  l'explication  de  ce 
songe,  d'où  un  petit  écrit  apocalyptique  conservé  en  arabe  et  en  éthio- 
pien. M.  R.  B.  traduit  la  version  éthiopienne,  deux  versions  arabes,  le 
récit  relatif  à  la  sibylle  de  Tibur  et  un  passage  parallèle  d'Ibn  al  Ouardi. 

Nous  avons  tenu  à  signaler  brièvement  ces  travaux  de  M.  R.  B.  afin 
que  nos  lecteurs,  s'ils  en  ont  besoin,  connaissent  du  moins  leur  existence. 
Ajoutons  que  le  fascicule  II  est  intitulé  :  Mazhafa  Tamar  (le  livre  de 
l'épître),  Paris,  1893;  et  le  fasc.  VII  :  Les  enseignements  de  Jésus-Christ 
et  prières  magiques,  Paris,  1806.  F.  Nau. 


Le  Directeur-Gérant 

F.    CllAKMETANT. 


TYPOGRAPHIE   F1UMIN-DIDOT    ET   Cie.   —   MESNIL   (EURE). 


JPatrologia  orientalis 

Suite  (voir  page  4  de  la  couverture  . 

Tome  IV.  —  Fasc.  1.  —  Les  Homélies  de  Sévère  d'Antioche,  texte  syriaque 
inédit,  traduction  française  par  R.  Duval  et  M. -A.  Kugener,  avec  le  concours 
deE.-W.  Brooks.  Fasc'.  1,  par  Rubens  Duval. 

Fasc.  2.   —   Recueil  de  monographies.  —  II.  Histoire  de  S.  Pacôme, 

texte  grec  inédit  des  ms.  de  Paris  881  et  suppl.  480,  avec  une  traduction  fran- 
çaise de  la  version  syriaque  et  une  nouvelle  classification  des  sources  grecques. 
III.  Histoire  d'Olympias,  texte  grec  inédit,  traduction  française  par  J.  Bous- 
quet, vice-recteur  etprofesseur  de  grec  à  l'Institut  catholique  de  Paris,  et  F.  Nau. 

Fasc.  3.  —  La  Cause  de  la  fondation  des  écoles,  par  Mar  Hadbeschabba 
Arbaia,  évèque  de  Halwan,  publié,  traduit  et  annoté  par  UST  AddaïScher,  arche- 
vêque chaldéen  de  Séert. 

Fasc.  4.  —  Histoire  des  patriarches  d'Alexandrie  (suite),  par  B.  Evetts. 

Fasc.  5.  —  The  hymns  of  Severus  of  Antioch  and  others  in  the  syriac 
version  of  Paul  of  Edessa  as  revised  by  James  of  Edessa  ;  texte  syria- 
que, traduction  anglaise  par  E.-W.  Brooks. 


DE  NOMBREUX  OUVRAGES  SONT  EN  PREPARATION.  Mentionnons  : 

Les  différentes  rédactions  de  YEpitomc  :  I.  La  Chronique  du  manuscrit  grec 
de  Paris  n°  1712,  texte  grec,  traduction  française  par  J.  Bousquet  et  D.  Ser- 
ruys,  avec  le  concours  de  MM.  Bûudreaux,  Ebersalt  et  Franel. 

L'Oraison  funèbre  de  Basile  le  Macédonien,  texte  grec,  traduction  française 
par  D.  Serruys. 

Les  Apocryphes  Coptes  (fascicule  2),  par  E.  Revillout. 

Vies  de  Sévère,  introduction,  commentaire,  index  et  tables,  par  M. -A.  Kugener. 

Chronique  de  Mahboub  ('Aydbtcoç)  le  Grec,  fils  de  Constantin,  évêque  de 
Menbidj  (xe  siècle»,  texte  arabe,  traduction  française  par  A. -A.  Vasiliev,  pro- 
fesseur à  l'Université  de  Dorpat  (ïOpbeBt). 

Texte  grec  et  versions  d'ouvrages  apocryphes  attribués  aux  apôtres,  etc.,  etc. 

Coptic  Texts  relating  to  Ecclesiastical  history  (mostly  unpublished),  edited 
with  English  translation,  by  W.  E.  Crum. 

Les  versions  arabes  des  Apocryphes  Apostoliques  :  —  I.LeTestamentum 
D.  N.  J.  C.  Texte  arabe  inédit,  traduction  française  par  S.  B.  M«r  Rahmani,  L. 
Desnoyers  et  P.  Dib.  —  II.  Les  Canons  des  Apôtres,  texte  arabe  en  majeure 
partie  inédit,  traduction  française  par  MM.  J.  Périer  et  J.-B.  Périer.  —  La  Di- 
dascalie,  texte  arabe  inédit,  traduction  française  par  P.  Chébli. 

Les  versions  éthiopiennes  des  Apocryphes  du  Nouveau  Testament  : 
—  I.  Le  Testamen'um  D.  N.  J.  C,  texte  éthiopien  inédit,  traduction  fran- 
çaise par  M.  l'abbé  Guerrier.  —  II.  Apocryphes  attribués  à  St  Clément, 
texte  éthiopien  inédit,  traduction  française  par  M.  l'abbé  Grébaut.  —  III.  Le 
Fekârê  Iyasus  et  la  vision  d'Abbâ  Sinoda,  texte  éthiopien  inédit,  traduc- 
tion italienne  par  M.  C.  Conti-Rossini. 

L'Histoire  des  conciles  de  Sévère  ibn-al-Moqaffac,  texte  arabe  inédit,  traduc- 
tion française  par  M.  L.  Leroy. 

Mélanges  de  Théologie  jacobite  :  Les  Lettres  encycliques  et  les  Profes- 
sions de  foi  des  évêques  jacobites,  texte  syriaque,  traduction  française  par 
F.  Nau. 

(Demander  tous  renseignements  et  adresser  les  souscriptions   à  la   librairie 
FIRMIN-DIDOT,  56,  rue  Jacob,  Raris.) 


R.  GRAFFIN.  —  F.  NAU 

PROFESSEURS    A    L'iNSTITUT    CATHOLIQUE    DE    PARIS 

JPatrologia  orientalis 

Tome  1.  —  Fasc.  1.  —  Le  livre  des  mystères  du  ciel  et  de  la  terre,  texte 
éthiopien,  traduction  française  par  J.  Perruchon  et  I.  Guidi.  Prix:  6  fr.  50  ; 
franco,  7  fr.  (pour  les  souscripteurs  :  4  fr.;  franco,  4  fr.  50). 

—  Fasc.   2.  —  History  of  the  Patriarchs  of  the  Coptic  Church  of  Alexan- 
'    dria.  texte  arabe,  traduction  anglaise  par  B.  Evetts,  I.  Prix:  7  fr.  ;  franco, 

7  fr.  50  (pour  les  souscripteurs  :  4  fr.  35  ;  franco,  4  fr.  85). 

—  Fasc.  3.  —  Le  Synaxaire  arabe  jacobite,  texte  arabe  inédit,  traduction 
française  par  René  Basset  (Tout  et  Babeh).  Prix  :  10  fr.;  franco,  10  fr.  65  (pour 
les  souscripteurs  :  6  fr.  30;  franco,  6  fr.  95). 

—  Fasc.    4.  —  History  of  the  Patriarchs,   etc.  (suite,  de  300  à  661).  Prix  : 

8  fr.  35;  franco,  8  fr.  95  (pour  les  souscripteurs  :  5fr.  25;  franco,  5  fr.  85). 

Tome  II.  —  Fasc.  1.  —  "Vie  de  Sévère  par  Zacharie  le  Scholastique,  texte 
syriaque,  traduction  française  par  M. -A.  Kugener.  Prix  :  7  fr.  ;  franco,  7  fr.  50 
(pour  les  souscripteurs  :  4fr.  30;  franco,  4  fr.  80). 

—  Fasc.  2.  —  Les  apocryphes  coptes.  I.  Les  Évangiles  des  douze  apôtres 
et  de  saint  Barthélémy,  texte  copte,  traduction  française  par  E.  Revillout. 
Prix  :  5  fr.  ;  franco,  5  fr.  40  (pour  les  souscripteurs  :  3  fr.  15  ;  franco,  3  fr.  55). 

—  Fasc.  3.  —  Vie  de  Sévère  par  Jean,  supérieur  du  monastère  de 
Beith  Aphthonia,  suivie  d'un  recueil  de  fragments  historiques  syriaques, 
grecs,  latins  et  arabes  relatifs  à  Sévère,  par  M. -A.  Kugener.  Prix  :  11  fr.  90; 
franco,  12  fr.  65  (pour  les  souscripteurs  :  7  fr.  50;  franco,  8  fr.  25). 

—  Fasc.  4.  —  Les  Versions  grecques  des  Actes  des  martyrs  Persans 
sous  Sapor  II,  par  H.  Delehaye,  Bollandiste.  Prix  :  9  fr.  50;  franco,  10  fr.  20 
(pour  les  souscripteurs  :  6  fr.  ;  franco,  6  fr.  70). 

Tome  III.  —  Fasc.  1.  —  Recueil  de  monographies.  —  I.  Les  histoires  d'A- 

houdemmeh  et  de  Marouta,  primats  jacobites  de  Tagrit  et  de  l'Orient  (vie- 
vne  siècle),  suivies  du  traité  d'Ahoudemmeh  sur  l'homme,  texte  syriaque  inédit, 
traduction  française  par  F.  Nau.  Prix  :  7  fr.  15  ;  franco,  7  fr.  65  (pour  les  sous- 
cripteurs :  4  fr.'50:  franco,  5  francs). 

VON f  PARAITRE: 

Tome  I.  —  Fasc.  5.  —  Le  Synaxaire  éthiopien,  par  René  Basset,  Conti-Ros- 
sim.  I.  Guidi  et  L.  Hackspill.  I.  Le  mois  de  Sané,  texte  éthiopien,  traduction 
française  par  I.  Guidi. 

Tome  II.  —  Fasc.  5.  —  Le  Livre  de  Job.  texte  éthiopien  inédit,  traduction  fran- 
çaise par  E.  Pereira. 

Tome  III.  —  Fasc.  2.  —  Réfutation  de  Sa'îd  Ibn  Batriq  (Eutychius),  par 
Sévère  Ibn-al-Moqaffa',  évêque  d'Aschmounaïn,  texte  arabe,  traduction 
française  par  P.  Chébli,  prêtre  maronite.  Prix  :  7  fr.  40;  franco,  7  fr.  95  (pour 
les  souscripteurs  :  4  fr.  65;  franco,  5  fr.  20). 

Fasc.  3.  —  Papyrus  grecs  relatifs  à  l'antiquité  chrétienne,  publiés  et 
traduits  en  français  par  le  Dr  C.  Wessely,  conservateur  de  la  Bibliothèque 
impériale  de  Vienne. 

Fasc.  4.  —  Le  Synaxaire  arabe  jacobite  {suite),  par  René  Basset. 

Fasc.  5.  —  The  Life  of  Severus,  patriarch  of  Antioch,  by  Athanasius, 

texte  éthiopien  inédit,  traduction  anglaise  par  E.-J.  Goodsped. 

(Voir  la  suite  à  la  page  3  de  la  couverture.) 


REVUE 


DE 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


DEUXIÈME  SÉRIE,  Tome  I  (XI)   —   1906.  —  N°  2 


SOMMAIRE 


Pages. 

[,       —  E.    Blochet.    —    Les  monnaies   mongoles   de  la   collection 

Decourdemanche  (fin) 113 

II.  —  B.  Evetts.  —  Le  rite  copte  de  la  prise  d'habit  et  de  la  pro- 

fession monacale  (fin) 130 

III.  —  L.  Leroy.  —  Les  synagogues  des  juifs  (Moïse  et  Élie  d'après 

les  traditions  arabes),  texte  arabe  de  Makrizi  et  traduction 
française 149 

IV.  —  F.  Tournebize.  —  Les  cent  dix-sept  accusations  présentées 

à  Benoît  XII  contre  les  Arméniens 163 

V.  —  Msr  Addaï    Scher.    —  Analyse  de  l'histoire  du  couvent  de 

Sabriso*  de  Beith  Qoqa 182 

VI.  —  Mélanges  : 

F.  Nau.  —  Notes  sur  les  mots  tcôXitixos  et  7ioAtTsu6[j.£vo;  et  sur 

plusieurs  textes  grecs  relatifs  à  saint  Etienne 19s 

VIL  —  Bibliographie.  —  Ms1- Joseph  Darian.  Morphologie  de  la  langue 
syriaque  (P.  Dib).  —  F.  Crawford  Burkitt.  Early  eastern 
Chnstianity  {M.  A.Kugehér).—  C.  Brockelmann.  Syrischë 
Grammatik  (M.  A .  Kugener) 217 

Livres  nouveaux.  Sommaire  des  revues 220 


PARIS 


BUREAUX 
DES   ŒUVRES   D'ORIENT 

RUE   DU    REGARD,    20 

LEIPZIG 

OTTO  HARRASSOWITZ 


LIBRAIRIE 
A.    PICARD   ET    FILS 

RUE  BOXAPARTE,    82 

LONDRES 

WILLIAM  ET  NORGATE 


Recueil  trimestriel.  —  Prix  de  l'abonnement  :  ia  fr.  —  Étranger  :  U   IV. 


La  Revue  de  l'Orient  chrétien  (recueil  trimestriel) 

paraît  en  avril,  juillet,  octobre  et  janvier  par  fascicules  formant 

chaque  année  un  volume  de  près  de  500  pages  in-8°. 

Prix  de  l'abonnement:  12  francs.  —  Étranger  :  14  francs. 
Prix  de  la  livraison  :  3  francs  net. 


Les  communications  relatives  à  la  rédaction  doivent  être  adressées 
à  M.    le  Secrétaire  de  la  Revue  de  l'Orient  chrétien 

A   LA    LIBRAIRIE   PICARD 

RUE   BONAPARTE,   82,    PARIS. 

il  sera  rendu  compte  de  tout  ouvrage  relatif  à  l'Orient  dont  on  enverra 
un  exemplaire  à  la  précédente  adresse. 


COMITE  DIRECTEUR  : 

M^  Charmetant  (*),  protonotaire  apostolique,  Directeur  des  Œuvres  d'O- 
rient, président.  —  M.  l'abbé  Bousquet,  vice-recteur  et  professeur  de  grec 
à  l'Institut  catholique  de  Paris.  —  Mer  Graffin  ($*),  camérier  de  Sa  Sain- 
teté, professeur  d'hébreu  et  de  syriaque  à  l'Institut  catholique  de  Paris. — 
M.  l'abbé  Leroy,  professeur  d'arabe  et  d'Égyptologie  à  l'Institut  catho- 
lique d'Angers.  —  M.  l'abbé  Mangenot,  professeur  d'Ecriture  sainte  à  l'Ins- 
titut catholique  de  Paris.  —  M.  l'abbé  Nau,  professeur  de  mathématiques 
à  l'Institut  catholique  de  Paris. 

Le  Comité  est  assuré  du  concours  de  spécialistes  compétents  :  pour  VA  r- 
ménien,  M.  Basmadjian,  directeur  de  la  revue  «  Banasêr  »,  et  le  R.  P. 
Peeters,  Bollandiste  ;  pour  Y  Assyrien,  etc.,  le  P.  Scheil,  professeur  à 
l'École  des  Hautes  Études  ;  pour  le  Copte,  le  R.  P.  Mallon,  professeur  à 
l'Université  de  Beyrouth  ;  pour  l'Éthiopien,  M.  I.  Guidi,  professeur  à  l'Uni- 
versité de  Rome,  M.  l'abbé  F.  Martin,  professeur  à  l'Institut  catholique  de 
Paris,  et  M.  E.  Pereira;  pour  le  Mongol  et  le  Persan,  M.  Blochet,  attaché 
à  la  Bibliothèque  Nationale. 

En  dépit  du  contrôle  qui  sera  exercé  par  ces  divers  savants,  chaque 
auteur  conserve  l'entière  responsabilité  de  ses  articles. 


LES  MONNAIES  MONGOLES 

DE  LA  COLLECTION  DECOURDEMANCHE 

(Suite) 


Ghazan  Mahmoud 
(694-703  de  I'hég.  —  1295-1304  de  J.-C). 

7°  Argent;  poids  3  grammes,  8. 

Droit  y^yjA^       j  _  .  '        - 

'    a  Par  la  puissance  du  Ciel. 

ïj*as*    .t;U         Ghazan  Mahmoud. 
^Ija?  ^jj-^         Frappé  à  Baghdad. 
& — l-l^.jl_^         De  Ghasan 

L  monnayage. 

Le  caractère  dans  lequel  est  écrit  le  nom  de  Ghazan  Mahmoud 
est  une  sorte  de  karmathique  très  orné;  autour  de  l'inscription, 
on  lit  JoUx-w  AL-  «  année  70x  »,  et  dans  le  champ  une  ins- 
cription de  trois  caractères  tibétains  dont  le  dernier  a  disparu  en 
partie  dans  un  trou  percé  dans  la  pièce.  La  forme  mongole  Ghasan 
rend  aussi  exactement  que  possible  le  turk-oriental  Ghazan,  car 
le  mongol  ne  possède  pas  le  son  :•.  En  turk-oriental,  Ghazan 
signifie  un  chaudron,  une  marmite,  l'équivalent  mongol  de  ce 
mot  est  Toghon  qui  se  rencontre  fréquemment  dans  l'onomas- 
tique des  princes  tchinkkizkhanides. 

Revers  <>}M  -g    II  n'y  a  point  d'autre  divinité 

_*    ^1  J!  ^  J    *       qu'Allah,  = 

^:      wV^s:-0       ^  =    Mohammed  h 

t&\   J^o,         g.   est  l'envoyé  d'Allah,    M 

ORIENT   CHRÉTIEN.  8 


114  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

dans  un  pentagone  curviligne  autour  duquel  court  la  légende 

W  LdJt^w Jxa 

dans  laquelle  la  date  est  également  incomplète. 

Les  trois  lettres  de  la  légende  tibétaine  varient  sensiblement 
suivant  les  pièces,  celle  du  milieu  est  cassée  ou  incomplètement 
gravée  sur  quelques  monnaies,  en  particulier  sur  celles  qui  sont 
reproduites  dans  l'album  de  Documents  de  l'époque  mongole 
publié  par  le  prince  Roland  Bonaparte  et  dans  le  catalogue  du 
British  Muséum.  Le  caractère  dans  lequel  est  écrite  cette  légende 
n'est  pas  du  phags-pa  et  il  n'est  pas  non  plus  franchement  du 
tibétain,  comme  il  est  facile  de  s'en  convaincre  en  le  comparant 
avec  celui  de  la  version  tibétaine  de  l'inscription  en  six  langues 
de  la  porte  de  Kiu-Yong  Koang,  qui  fut  gravée  en  1345  de  J.-C. 
Ce  caractère  est  intermédiaire  entre  le  tibétain  ordinaire  et  le 
caractère  épigraphique  en  usage  à  l'époque  des  Gouptas.  Paléo- 
graphiquement,  et  ramenée  aux  formes  modernes,  cette  légende 
est  ssia^  tchasaro,  ce  qui  semble  infirmer  la  lecture  admise 
tchakravar(ti),  épithète  sanscrite  donnée  dans  les  Sutras  et  les 
Jatakas  aux  grands  souverains  du  Bouddhisme.  Il  est  bon,  tout 
d'abord,  de  remarquer  que  si  Gaïkhatou  a  porté  le  nom  tibétain 
de  Rintchen  Dordjé,  c'est  qu'il  a  été  un  protecteur  zélé  du  Boud- 
dhisme, tandis  queGhazan,  à  partir  du  moment  où  il  s'est  con- 
verti à  l'Islamisme,  a  persécuté  le  clergé  bouddhique;  dans  de 
telles  conditions,  on  ne  voit  pas  pourquoi  il  prendrait  sur  ses 
monnaies  un  nom  tibétain  ou  sanscrit;  c'est  cette  raison,  et  non 
des  difficultés  d'ordre  phonétique,  qui  m'ont  fait  écarter  le  mot 
tchatradaro  pour  kshatradaro  (1),  «  maître  de  l'empire  »,  qui 
s'accordait  mieux  que  ichakravarti  avec  la  légende  gravée  sur 
ces  pièces.  En  définitive,  je  crois  que  tchasar  n'est  comme 
le  turc  osmanli  J-^-  tchasar,  que  la  transcription  du  titre  la- 
tin «  Cœsar  »  de  l'empereur  d'Allemagne,  j^>  Kaïsar  étant  une 
transcription  beaucoup  plus  ancienne  du  grec  Kaïuap  (2).  On 
sait  que  les  souverains  de  la  Chrétienté  ont  envoyé  un  certain 
nombre  de  missions  diplomatiques,  tant  au  Khaghan  de  Khan- 


(1)  Voir  Childers,  A  Dictionary  of  the  Pâli  language,  p.  104. 

(2)  Le  o  de  tchasar-o,  qui  est  marqué  à  la  manière  sanscrite  et  non  à  la  façon 
tibétaine,  est  la  marque  du  génitif  mongol;  il  faut  lire  tchasar-o  deledkeguluksen 
«  monnaie  de  César  »,  comme  Ghasanuu  deledkeçjiduksen. 


LES   MONNAIES   MONGOLES.  115 

baligh  qu'aux  Mongols  de  Perse  et  Ton  voit  par  le  récit  de  l'am- 
bassade à  Karakoroum  de  Guillaume  de  Rubriick  que  les 
Mongols  connaissaient  parfaitement  les  souverains  de  l'Occi- 
dent et  leur  importance  relative.  Dans  les  deux  lettres  qu'Ar- 
ghoun  et  Khorbanda  Oltchaïtou  ont  adressées  à  Philippe  le 
Bel  (1),  le  roi  de  France  est  fort  correctement  traité  de  Rè  dé 
Frans  (Irad  Barans). 

Il  n'y  a  pas  à  douter  que  Ghazan  n'ait  su  que  le  Caesar  Au- 
gustus,  empereur  d'Allemagne,  était  le  doyen  des  souverains 
européens  et  la  seule  Majesté  de  tout  l'Occident;  il  ne  faut  pas 
oublier  d'ailleurs  que  Ghazan  était  le  petit-fils  d'Abaga,  qui 
avait  épousé  une  fille  du  César  de  Byzance,  Michel  Paléologue,  et 
que  les  Mongols  avaient  repris  aux  Seldjoukides  de  Roum  des 
pays  qui  avaient  été  anciennement  soumis  aux  empereurs 
byzantins.  Il  est  d'autant  moins  étrange  que  Ghazan  ait  pris 
ce  titre  un  peu  pédantesque  de  César,  qu'au  dire  de  Rashid 
ed-Din,  ce  prince,  en  plus  du  mongol,  sa  langue  maternelle, 
connaissait  de  l'arabe,  du  persan,  de  l'indien,  du  kashmiri,  du 
tibétain,  du  turk-oriental  et  de  la  langue  des  Francs;  il  con- 
naissait également  les  histoires  des  rois  de  Perse,  des  Turks, 
de  l'Inde,  du  Kashmir  et  de  la  Chine  répartis,  comme  le  dit 
Rashid,  en  dynasties  (2),  c'est-à-dire  qu'il  avait  lu  quelque 
ouvrage  historique,  analogue  au  Modjmel  el-tévarikh,  divisé, 
suivant  l'habitude  persane,  en  autant  de  chapitres  qu'il  y  a 
de  dynasties,  l'un  d'eux  étant  consacré  aux  Césars  romains. 

L'introduction  d'un  mot  européen  dans  le  dialecte  des  Mongols 
n'est  point  une  chose  insolite  et  l'on  trouve  dans  le  lexique  mon- 
gol au  moins  trois  mots  grecs  qui  ont  été  apportés  au  centre  de 
l'Asie  parles  Nestoriens  :  noum  qui  désigne  un  livre  sacré  et  qui 
se  retrouve  également  en  ouïghour  et  en  mandchou  est  le  grec 


(1)  Ces  doux  lettres  ont  été  reproduites  en  héliogravure  dans  l'album  de  Do- 
cuments de  l'époque  mongole  du  prince  Roland  Bonaparte. 

(2)  ~~,\l*      <r'j£J    vJ^waO     s ,»*»w=    ijâ.   ^j^    •> — a-^s^5    ^CL^iJ    •'    U]j 

j!»  :|  ^Jju  ji^j    c™>^5  (man. ,.  Ja»-)     ç-^j     cVj  v_âhï*^J   ^Jr^* 
Man.  supp.  persan  209,  fol.  382  recto. 


116  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

v6ij,o^;  titim     couronne  »  qui  est  &dfti)|uc  et  depter  «  livre  »  qui 

est  oiyftépx. 

8°  Argent,  frappe  défectueuse;  de  plus  la  pièce  a  été  très 
abîmée;  poids  4  grammes,  3. 

Droit  :  mêmes  légendes  mongole  et  arabe,  y  compris  les  ca- 
ractères tibétains,  que  la  pièce  n°  7. 

Au-dessous  du  nom  de  Ghazan,  on  lit  yjt~>  y^  ou  «^^r53 
MjJu  «  frappé  à  Shiraz  »  ou  «  frappé  à  Baghdad  ». 

Revers  :  même  légende  que  la  pièce  n°  7  avec  la  date  '&~> 
LL*-~-  année  700. 

9°  Argent,  pièce  d'une  gravure  médiocre  ;  poids  2  gram- 
mes, 15. 

Droit  :  mêmes  légendes  arabe  et  mongole  que  la  pièce  n°  7, 
avec  la  légende  tibétaine  très  déformée;  la  date  ne  se  trouve 
pas  au  droit  comme  dans  la  pièce  n°  7. 

Revers  :  même  légende  que  sur  la  pièce  n°  7  ;  les  mots  ^** 
^  sont  complètement  déformés;  au-dessous  des  deux  premiè- 
res lignes,  on  lit  kj*0*  ^r2,  faute  pour  S^aJ  Kaisariyyèh  (1). 
La  date  paraît  se  lire  ^U,^  &~,  «  année  700  ». 

10°  Argent;  poids  4  grammes,  4. 

Pièce  très  bien  frappée  en  beaux  caractères  et  bien  conservée. 

Droit  :  les  mêmes  légendes  mongole  et  arabe  que  sur  la  pièce 
n°  7;  sauf  que  la  ville  où  cette. pièce  a  été  émise  est  indiquée  au 
revers;  dans  le  champ,  la  légende  tibétaine  très  déformée  et  la 
date  «^oi  **—  ^i  qu'il  faut  lire  «^  '&~>  ^j>  «  en  Tannée  1  (de 
l'ère  ilkhanienne)  »,  soit  l'année  701  de  l'hégire. 

Cette  ère,  qui  fut  inventée  par  Ghazan,  n'a  pas  survécu  à  la 
dynastie  des  Mongols  de  Perse  et  encore  n'a-t-elle  été  "employée 
que  très  sporadiquement. 

Revers  :  la  même  formule  de  profession  de  foi  que  sur  la 

1)  "V.j™^3  suivant  la  graphie  de  Yakout  (Modjem-el-bouldan,  t.  IV,  p.  21-1), 
la  Césarée  de  Cappadoce  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  la  Kaïsariyyeh  de  Pa- 
lestine qui  est  distante  de  trois  jours  de  Tibériade.  La  Kaïsariyyeh  où  fut 
frappée  cette  monnaie  était,  à  l'époque  de  Yakout,  une  très  grande  ville  du 
pays  de  Roum  et  la  capitale  des  Seldjoukides  de  Roum.  descendants  du  sultan 
Kilidj  Arslan.  On  y  montrait  la  prison  de  Mohammed,  fils  du  Khalife  Ali  ibn 
Abou-Taleb  et  de  la  Hanéfite,  la  mosquée  d'Ibn  Mohammed  el-Battàl,  et  des  bains 
qu'Apollonius  ( ,  ^LJj)  aurait  construits  pour  le  roi  Kaïsar  (sic). 


LES  MONNAIES  MONGOLES.  117 

pièce  n°  7;  au-dessous  de  la  troisième  ligne,  w >j*>fs.y*>  soit 
O^Lp*  ^y°  «  frappé  à  Khartapirt  (1)  »  et  autour  d'un  pen- 
tagone étoile  qui  enserre  la  pièce  kL**-^]  Jo"'  [**-•]  *S  A~*3 
«  en  l'année  701  ». 

11°  Argent,  pièce  d'une  gravure  médiocre;  poids  2  gram- 
mes, 07. 

Droit  :  mêmes  légendes  que  la  monnaie  n°  7,  sans  la  légende 
tibétaine;  l'indication  du  lieu  de  frappe  étant  reportée  au  revers. 

Revers  :  même  légende  que  la  monnaie  n°  7,  ^L  L*  étant 
très  déformé;  au-dessous  des  deux  premières  lignes,  on  lit 
\h]jj^  vi^3  <(  lraPPé  à  Ankouriyyèh  »,  soit  Angora.  La  date 
est  illisible. 

12°  Cuivre,  pièce  un  peu  abîmée;  poids  3  grammes,  67. 
Droit  :  mêmes  légendes  mongole  et  arabe  que  la  pièce  n°  7, 
sans  les  lettres  tibétaines. 
On  y  lit  :  ^^sr*     ,Î-.U    ^ 

d'où  il  semble  que  cette  pièce  a  été  frappée  à  Baghdad,  mais 
cette  indication  du  lieu  de  frappe  est  insolite. 

Revers  :  même  légende  que  le  n°  7;  sur  le  bord  de  la  pièce, 
on  lit  encore  le  reste  de  la  date  wU*^-...  soit  70x  de  l'hégire. 

13°  Cuivre,  pièce  endommagée;  poids  4  grammes,  25. 

Légendes  au  droit  et  au  revers  presque  identiques  à  celles  de 
la  pièce  n°  7;  on  y  lit  la  légende  tibétaine  très  déformée  qui  est 
la  même  que  celle  de  la  pièce  n°  7.  Au-dessous  de  la  légende 
tibétaine,  on  lit  ....  ^j,  soit  ^U*j  Baghdad. 

Il  semble  qu'il  y  ait  au  revers  ajL**~.  &-.  «  année  700  » . 

14°  Cuivre;  poids  2  grammes,  15. 

Droit  JJ  v«*XUt    La  souveraineté  appartient  à  Allah- 

[j]^  Jy    Ghazan  Kân 
*  ïj#sr*      Mahmoud. 

(1)  Khartapirt  est  la  ville  nommée  aujourd'hui  Kharpout  parles  Arméniens; 
suivant  Yakout  (Modjem,t.  II,  p.  417),  Khartapirt  est  le  nom  arménien  de  la  for- 
teresse que  les  Arabes  appellent  Hisn  Ziyad.  Elle  est  distante  de  deux  journées 
de  chemin  de  Malatiyya  et  séparée  de  cette  dernière  ville  par  l'Euphrate.  Déjà 
au  xme  siècle,  son  nom  s'était  fortement  altéré,  car  on  le  trouve  sous  la  forme 
Kharbirt  dans  une  poésie  d'Ousama  ibn  Mounkid  citée  par  Yakout. 


118  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Revers  "^  ^  ^      Il  n'y  a  pas  de  divinité,  sauf 

j..^  *LM      Allah.  Mohammed 
ilM  Jji-'j]     est  l'envoyé  d'Allah . 

Belle  écriture  ornée,  les  noun  terminés  par  des  queues  re- 
courbées, les  élif  et  les  lam  finissant  triangulairement  comme 
les  clous  de  l'écriture  cunéiforme;  ^J$  Jy  est  écrit  ^  ,^,  l'un 
des  points  du  <J  étant  tombé  en  dehors  de  la  pièce  et  le  <j  de 
^Jè  étant  à  peine  indiqué.  En  tout  cas,  la  lecture  est  certaine  et 
il  n'y  a  pas  J^\  Kaan  dérive  d'une  forme  Ghaghan  qui  se 
rencontre  transcrite  sous  la  forme  J-^U,  par  suite  de  la  chute 
du  second  gli;  khan  ,U>,  qui  est  le  titre  porté  par  les  princes 
tchinkkizkhanides  ordinaires,  tels  que  ceux  de  la  Horde  d'or 
ou  de  Voulons  de  Tchaghataï,  est  dérivé  directement  de  Khaghan 
jjUU.  parla  chute  de  gh;  les  souverains  mongols  de  la  Perse 
portent  plus  spécialement  le  titre  de  Il-khan,  soit  «  grand 
Khan  ». 

15°  Cuivre. 

Pièce  très  abîmée  et  écornée;  poids  1  gramme,  35. 

Droit  :  mêmes  légendes  mongole  et  arabe  que  sur  la  pièce  n°  7  ; 
la  légende  tibétaine  est  déformée  et  à  première  vue  diffère  sensi- 
blement de  celle  de  la  pièce  n°  7  ;  l'indication  du  lieu  de  la  frappe 
a  disparu,  on  lit  encore  ....  y°. 

Revers  :  la  même  profession  de  foi  que  sur  la  pièce  précédente 
avec  l'addition  de[»]Uas.J  j^^J\  vjXUl,  c'est-à-dire:  el-Mélik  el- 
Mansour  à  Hamàh.  Il  y  a  eu  deux  princes  ayyoubites  de  Hamàh, 
qui  ont  porté  le  titre  d'el-Mélik  el-Mansour,  le  premier  a  régné 
de  587  à  617  de  l'hégire,  soit  de  1191  à  1220  de  J.-C.  ;  le  second 
de  642  à  683  de  l'hégire,  soit  de  1244  à  1284  de  J.-C.  ;  il  eut  pour 
successeur  son  fils  el-Mélik  el-Mozaffer  (III)  Mahmoud  qui  fut 
remplacé  en  698  de  l'hégire  (1298  de  J.-C.)  par  des  gouverneurs 
militaires  au  nom  des  sultans  mamlouks  du  Kaire.  Cette  lé- 
gende étant  répétée  sur  les  trois  pièces  qui  suivent,  et  toujours  à 
la  même  place,  il  ne  peut  être  question  de  surfrappe;  d'ailleurs 
ces  piécettes  ont  une  valeur  extrêmement  minime  et  il  est  évident 
que  les  Mongols,  dans  leur  campagne  de  Syrie,  ne  se  seraient 
pas  amusés  à  ramasser  à  Hamàh  des  pièces  de  cuivre  au  nom 
d'un'des  deux  el-Mélik  el-Mansour  qui  avaient  régné  dans  cette 


LES    MONNAIES    MONGOLES.  119 

ville,  pour  les  emporter  en  Perse  et  les  y  surfrapper  à  leur  aise. 
Ces  pièces  ne  peuvent  s'expliquer  que  d'une  seule  façon.  Quand, 
après  la  bataille  des  Sources  r^'  ^^  (699  =  1299  de  J.-C), 
Ghazan  se  fut  rendu  maître  des  villes  de  la  Syrie  du  Nord,  il 
riait  sur  le  trône  de  Hamàh  un  Ayyoubite  de  la  famille  qui  y 
avait  régné,  à  la  condition  que  ce  dernier  se  considérât  comme 
son  vassal.  C'était  l'habitude  des  Mongols  d'agir  ainsi  en  pays 
conquis.  Cet  Ayyoubite  était  probablement  le  fds  d'el-Mélik 
el-Mozaffer,  et  par  conséquent  le  petit-fils  du  dernier  prince 
qui  avait  porté  le  titre  d'el-Mélik  el-Mansour;  il  est  bien  dans 
les  traditions  sémitiques  que  le  petit-fils  relève  le  nom  qui 
avait  été  porté  par  son  grand-père.  Dans  cette  hypothèse,  ces 
piécettes  ont  été  frappées  en  699  (1)  de  l'hégire,  soit  en  1299  de 
notre  ère.  Il  faut  remarquer  toutefois  que,  dans  son  Kitâb  el- 
Soulouk,  Makrizi  dit  qu'avant  de  repartir  pour  ses  états,  Ghazan 
confia  à  un  de  ses  émirs  nommé  Bektémour  la  charge  de  gou- 
verneur v-°.^  d'Alep,  Homs  et  Hamàh. 

16°  Cuivre;  poids  1  gramme,  8. 

Même  pièce  que  le  n°  15,  sans  la  légende  tibétaine  et  sans  in- 
dication de  lieu  de  frappe;  au  revers,  après  la  profession  de  foi, 
on  lit  [ïl]*si   (jr-aJî  vjXU!  «  el-Mélikel-Ma[n]souràHam[àh]  ». 

17°  Cuivre,  pièce  très  endommagée;  poids  1  gramme,  8. 

Même  pièce  que  le  n°  15;  le  droit  présentant  la  légende  ti- 
bétaine extrêmement  déformée;  au  revers,  après  la  profession 
de  foi,  on  lit  [&]**?  J-raiJ[î]  vjXUî  «  el-Mélik  [e]l-Mansour  à 
Ham[àh]  ». 

18°  Cuivre;  poids  1  gramme,  45. 

Même  pièce  que  le  n°  15,  le  droit  est  assez  bien  conservé,  le 
revers  est  presque  complètement  illisible;  après  la  profession 
de  foi,  on  lit  encore  .,j^J!  [^XUi]  «  [el-Mélik]  el-Man- 
sour [à  Hamàh |  ». 

19°  Cuivre:  poids  3  grammes.  5. 

Droit  :  le  signe  ££,  dans  un  cercle  autour  duquel  courent 

des  caractères  illisibles. 

(1)  Sur  cotte  date,  cf.  d'Ohsson,  Hist.  des  Mongols,  t.  IV,  p.  249. 


120  REVUE    DEL'ORIENT    CHRÉTIEN 

Revers  :  caractères  qui  semblent  du  mongol  très  altéré. 

Cette  pièce  a  été  frappée  par  ^^  ^lâ  Koutlough  Khodj  a 
(ou  Khotcho,  à=^)j^  pouvant  être  dans  ce  nom  aussi  bien  l'a- 
rabe ^L^,  que  le  nom  mongol  Khotcho),  général  comman- 
dant l'armée  mongole  qui  occupa  Ghazna  en  697-698  de  l'hégire 
(Edward  Thomas,  The  chronicles  of  the  Patans  kings  of 
Delhi,  Lonclon,  1871,  page  175  et  ssq.).  D'autres  monnaies  plus 

complètes  portent  d'un  côté  ob  entouré  de  *s*SyL  Àà  >Uj  i£L 
«  monnaie  frappée  au  nom  de  Koutlough  Khodja  (ou  Khotcho)  » 
et  de  l'autre  ïj)é  Ji  J,  w^  «  Frappé  dans  la  ville  de  Ghazna»- 
Le  signe  qui  est  gravé  au  droit  de  cette  pièee  n'est  pas  autre 
que  le  premier  caractère  de  la  légende  tibétaine  qui  est  gravée 
sur  les  pièces  trilingues  de  Ghazan. 


Khorbanda  Oltchaïtou 
(703-716  de  l'hég.  —  1304-1316  de  J.-C). 

20°  Argent;  poids  2  grammes,  13. 

Droit  vj  wiT5  Frappé  dans 

J,jJ!  'iijï  A>!  les  jours  du  règne  du  sei- 

gneur, 
»J*[>]  oX3U  Jâeil!  ^IUJî    le  sultan  très  grand,  ce- 
lui   qui    règne    sur   les 
^Lê    .UaL-_yyWj)  v»^l      tètes  des  peuples,  Oltchaï- 
tou Sultan,  Ghiyas 
j^s^8  sjJy^k  ^,-0!j  Lj^Jî      ed-Dounia  wed-Din  Khor- 
banda Mohammed,  qu'Al- 
*1M  ^-  lah  éternise 

aCU  son  règne! 

Gravé  au  milieu  d'une  figure  géométrique  composée  de  quatre 
demi-cercles  autour  de  laquelle  courent  les  débris  de  la  légende 

LUslwj  jL&    "ù~,    [...   wV*j]    ^>3    Jj    ^  j/^|    àlj    »  t°s  fr_,n  ^  ^lAj.r-ug.^ 

«  Oltchaïtou  Soultan  (en  caractères  mongols).  A  Allah  appar- 
tient le  commandement  sur  ce  qui  est  avant  et  [après,  frappé 
à ]  en  710  ».  Oltchaïtou  est  écrit   jwls^t. 


LES   MONNAIES   MONGOLES.  121 

Kevers  *UI  Allah. 

^!  JJ!  <d!  ^  ^    H  n'y  a  pas  d'autre    divinité 

=a  ->  §       qu'Allah,  _ 

*^i=        j^sar'         -t-  °    Mohammed  1 

aDI  Jj-.  est  l'envoyé  d'Allah,       ^ 

iljf     h     is  Ali  est  le  Saint  d'Allah, 

inscrit  dans  un  cercle  autour  duquel  on  lit  : 

{J^^3  ^3   ^=<2  ^3  ^3*  3 

«  Allah  !  prie  sur  Mohammed  et  Ali  et  el-Hasan  et  el-Hoseïn 
et  Ali  et  Mohammed  et  Djaafer  et  Mousa  et  Ali  et  Mohammed 
et  Ali  et  al-Hasan  !  » 

21°  Argent;  poids  2  grammes,  11. 

La  même  pièce  sans  la  légende  y^  a.U,  etc. 

La  date  semble  écrite  j  ^.j^  ;  l'atelier  de  frappe  est  égale- 
ment  incertain. 

La  véritable  forme  du  nom  de  ce  prince  n'a  pas  été  reconnue 
jusqu'à  présent.  Rashid  ed-Din  le  nomme  toujours  s^p., 
tandis  que  le  continuateur  de  l'histoire  des  Mongols,  probable- 
ment Hafiz  Abrou,  qui  travaillait  sur  l'ordre  de  Shah-Rokh, 
lui  donne  le  nom  de  »->-v  fô»>  Khodâbendè.  Expliqué  par  le 
persan,  ï^/  signifierait  «  l'ànier  »;  Hafiz  Abrou  a  cru  sans 
doute  que  Rashid  avait  donné  ce  nom  à  son  sultan  pour  se 
moquer  de  lui  et  que  Kharbendè  est  une  altération  de  Kho- 
dâbendè «  serviteur  de  Dieu  ».  C'est  à  cette  opinion  que  s'est 
rallié  Drouin  dans  sa  Notice  sur  des  monnaies  mongoles  (1)- 
La  vérité  est  toute  différente:  jamais  Rashid  ne  se  serait  permis 
de  tourner  en  ridicule  un  prince  dont  il  était  le  ministre  et  qui 
l'avait  comblé  de  bienfaits,  &jJj^  est  parfaitement  son  nom 
et  il  y  faut  voir  la  transcription  fort  exacte  du  mongol  ^Ll&±-*Xs. 
Ghorbanda  «  [qui  est  venu]  en  troisième  lieu  »  de  ghorban 
«  trois  »  ;  ce  prince  était  en  effet  le  troisième  fils  d'Arghoun(2), 
ses  deux  frères  aînés  étant  Ghazan  et  Yisoun-Témour.  C'était 
l'habitude  des  Mongols  de  donner  à  leurs  enfants  des  noms  de 
nombre  indiquant  l'ordre  dans  lequel  ils  étaient  venus   au 


(1)  Journal  Asiatique,  ibicl.,  p.  535. 

(2)  Djami  el-tévarikh,  man.  stipp.  pers.  209,  i'ol.  322  verso. 


122  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

monde.  On  comparera  le  nom  d'Ourida  qui  signifie  «  [celui  qui 
est  venu]  en  premier  lieu  »,  qui  fut  porté  par  le  premier  fils 
de  Djoutchi-Khan.  Oltchaïtou,  qui  signifie  «  béni,  heureux  », 
n'est  qu'un  titre  qui  fut  donné  à  Khorbanda  après  son  avène- 
ment, mais  ce  n'est  pas  son  nom. 

Khorbanda  se  trouve  transcrit  dans  les  chroniques  chinoises 
Li-tai -hissé  et  Youen-ssé  sous  la  forme  n£  %  $£  ^  Ko-eulh- 
pan-ta,  ce  qui  écarte  tout  doute  sur  sa  véritable  lecture. 


Abou  Saïd  Béhadour  Khan 
(716-736  de  l'hégire  —  1316-1335  J.-C.i. 

22°  Or;  poids  3  grammes,  37. 

^j>ye  Monnaie 

Droit  Jis^!  JJaLJ!        du  sultan  très  grand 

,lk  jï[$>  J^u-  y\     Abou  Saïd  Béhadour  Khan, 
a£L»  aAJî  j-W         qu'Allah  éternise  son  règne. 
.Ls-^  Nakhtchévan. 

En  exergue    wl»  ^  $  ^^  »-«j  [&-]  ^j-^,  frappé  en  l'an- 
née 733. 

Revers  *13t  ^î  Jî  ^  Il  n'y  a  pas  de  divinité, 

VVr  c       sauf  Allah.  .-, 

j^sr5         '  0    Mohammed 
il)!  Jj_.  est  l'envoyé  d'Allah. 

,,Uv^  Osman 

Beaux  caractères  ornés  incrits  dans  des  cadres. 

23°  Argent;  poids  1  gramme,  2. 

Piécette  bilingue  dont  le  droit  est  fortement  endommagé. 

On  lit  au  droit        J^W! [du  sultan]  juste 

^_jj^  monnaie 

• — û^j-^e         Bou-Saïd 
jjj^i  Tébriz 

iCL  jLk     .U.       [Béhadour]  Khan,  qu[ 'Al- 
lah] éternise  son  règne! 


LES  MONNAIES  MONGOLES.  123 

Cette  inscription  est  gravée  dans  un  cercle  à  l'intérieur  du- 
quel on  lit  en  exergue  : 

^-^  ^--^  '***"  ^  <(  en  l'année...  :î3  » ,  soit  733  de 

l'hégire. 

Revers  :  la  profession  de  foi  musulmane  avec  l'addition  de 
ade  ilJ!  ^.lo  en  caractères  qui  imitent  le  koufique  et  qui  sont 
disposés  de  façon  à  figurer  un  carré,  peut-être  à  l'imitation 
des  sceaux  usités  dans  le  Céleste-Empire  et  chez  les  Mongols, 
quoique  Rashid  ed-Din  affirme  qu'en  se  convertissant  à  l'Isla- 
misme, Ghazan  abandonna  les  sceaux  de  forme  carrée  pour 
prendre  un  sceau  de  forme  ronde.  Autour  de  ce  carré,  les  noms 
des  quatre  khalifes  orthodoxes  en  caractères  ordinaires. 

24°  Argent;  poids  3  grammes,  5. 

Droit  M  ^i  ^j*=>  Frappé  dans  les  jours 

Jb^l  JJaLJî  i)^  ,    du  règne  du  sultan  très  grand 
.U.  jùl^}  j-ou-  y\      Abou  Saïd  Béhadour  Khan. 
a£L»  »iM  jlà  Qu'Allah  éternise  son  règne  ! 

Cette  inscription  en  caractères  négligés  est  gravée  dans  un 
pentagone  à  côtés  curvilignes,  autour  duquel  court  l'inscrip- 
tion wU  «**-  j  ^.y^  i-^~ -  **-  «  année  716  »,  à  peine  déchiffrable. 
Revers  [<c  r<f  -ni9a  nociv 


% 


^!  JJî  <J!  ^  Il  n'y  a  pas  de  divinité,  sauf 

Allah. 
■~    Monnaie  d' 
S  |    Mohammed 


or9 

,,Ur>!  Erzendjan  (?) 

il'!  Jj_  est  l'envoyé  d'Allah. 

.  ,Uic  Osman 

Pièce  presque  à  fleur  de  coin;  il  faut  très  vraisemblablement 
lire   J^jjl 

25°  Argent,  belle  monnaie  bien  frappée  et  bien  conservée; 
poids  4  grammes. 

Droit  J,  v^^r*  Frappé  sous  le 

.UaLJi  JrjJi  ïîj3         règne  du  seigneur,  le  sultan 
A  Jkai\  très  grand,  Abou  Saïd, 


124  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

à,CU  JJ>  j-U.  qu'fAllah]  éternise  son  règne! 

JX>  à  Arran 

^S*  frappé. 

Cette  légende  est  inscrite  dans  un  pentagone  à  côtés  curvi- 
lignes autour  duquel  court  l'inscription  : 
L»*w  j  jx~z   9-^*  &~.  ,J,  «  en  Tannée  717  ». 

Revers  :  la  profession  de  foi  musulmane  avec  l'addition  de 
*L,j  aJs  [a1)ÎJ  ^L?  inscrite  dans  un  octogone  étoile  autour  du- 
quel courent  les  restes  de  la  légende  _»*•  -^XU!  v<xg  ^JJî  ^jj]^- 

«  Que  des  bénédictions  soient  adressées  à  Celui  dans  la  main 
duquel  se  trouve  le  pouvoir  et  qui  est  tout-puissant  sur  toute 
chose  ». 

26°  Argent;  poids  1  gramme,  7. 

Pièce  d'une  exécution  très  barbare  et  à  peine  déchiffrable. 

Droit  •^T-ir*  Monnaie 

-V^-w  y)  c»'^~^'  du  sultan  Abou  Saïd 

axX»  jii.  ^U.  jïLtf         Béhadour  Khan;  qu'[AllahJ 

éternise  son  règne  ! 
c^.'f  Baïburt. 

Cette  inscription  est  gravée  dans  un  cercle;  entre  ce  cercle  et 
un  second  qui  lui  est  concentrique  court  une  légende  en  carac- 
tères à  peine  déchiffrables  ^  **~  j  w^-sj  a*j!  u~,  *  qu'il  faut 
restituer  en  kU*~w  j  ^.j^z  j  *•?,'  ^  J>  «  en  l'année  724  »  ou... 
....  a~j  L  j«en  l'année  729  ».  Baïburt  est  écrit  yV. 

Revers  :  la  profession  de  foi  musulmane  inscrite  dans  un 
carré  sur  les  côtés  duquel  sont  gravés  les  noms  des  quatre 
khalifes  orthodoxes,  le  tout  inscrit  dans  deux  cercles. 

27°  Argent;  poids  1  gramme,  43. 

La  même  pièce  d'une  frappe  aussi  défectueuse;  le  nom  de 
Baïburt  est  à  peine  déchiffrable;  même  incertitude  sur  la  date 
que  pour  la  pièce  précédente. 

28°  Argent;  poids  3  grammes,  15. 
Droit  v~/~^  Monnaie 

j_,x~    i\     AULUT  du  sultan  Abou  Saïd 


LES    MONNAIES    MONGOL  125 


pàJ 


Behadour  Khan.  Qu'(AJJah) 

éternise  son  règne! 
Erzéroum. 


En  exergue         wL**-  :  jij^3  j»** (année)  725 

|f£"  rç^  2499  noqy 

Revers       ^  ^J  J]  ^  n  ri-y  a  pas  de  divinité. 

V     .    .      \  1 


fA_  |    sauf  Allah. 

r>  I     Mohammed 


<&]  Jjy.  est  l'envoyé  d'Allah. 

,.«1***  Osman 

La  légende  du  droit  est  enfermée  dans  deux  cercles  concen- 
triques, l'écriture  en  est  médiocre  et  la  date  a  été  gravée  par 
quelqu'un  qui  ne  connaissait  pas  la  valeur  des  caractères  ara- 
bes; le  revers  est  également  défectueux:  la  profession  de  foi 
enfermée  dans  un  carré  et  les  noms  des  quatre  khalifes  sont 
estropiés.  Le  nom  d'Erzéroum  est  écrit  ^_*j  j 

29"  Argent;  poids  3 grammes,  3. 
Droit  y\ 

xd  ILlîj  Le  sultan  Abou  Saïd 

.U^Uj  Behadour  Khan. 

s-t-C  ûii!  --U.         Qu'Allah  éternise  son  règne  ! 

i,3«3  Tavriz? 

^^ 

Cette  légende  dont  le  texte  est  extrêmement  corrompu  et 
dont  le  coin  a  été  gravé  par  un  homme  qui  n'y  comprenait  pas 
un  mot,  est  contenue  dans  un  octogone  à  côtés  curvilignes 

autour  duquel  court  ûl»**-  ..  ~  tu  Li-  soit  .j  ^  >^~'  ^J— 
y**r"3  (  année  729  »  de  l'hégire,  écrite  en  caractères  à  peine 
lisibles.  La  lecture  Tavriz  est  douteuse. 

Revers  j&  g\  Abou  Bekr 

^  iii'  Jl  N~              Il  n'y  a  pas  d'autre  divinité 

G  «    g        qu'Allah.                             § 

f        j.^^  *»  |    Mohammed                          g 

a\V  .  >  est  renvoyé  d'Allah. 


Ali 


126  REVUE    DE    L  ORIENT   CHRETIEN. 


MOHAMMED-KlIAN 

(736-739  de  Yhég.  —  1336-1338  J.-C). 

30°  Argent,  piécette  mal  gravée;  poids  0  gramme,  70. 

Droit  <*^    .UaL-Jî  Le  sultan  savant 

dJl  jJk  j^sr*  Mohammed,  qu'Allah  éternise 

iJj^j  iiCU  son  règne  et  sa  dynastie  ! 

gravé  dans  un  ornement  curviligne  inscrit  dans  un  cercle  ;  on 
lit  en  dedans  de  cet  ornement  en  caractères  très  défectueux 

SjLxw.  j  Si-    J>  ^î*x*f  v^  "  ^raPP^  à  Baghdad  en  l'année 

7xx  ». 

Revers  :  l'inscription  habituelle  contenant  le  texte  de  la  pro- 
fession de  foi  musulmane,  entourée  du  nom  des  quatre  khalifes 
Abou  Bekr,  Omar,  Osman  et  Ali. 


Togha  tëmour-khan  (739  de  l'hég.  —  1338  J.-C.) 

31°  Argent;  poids  1  gramme,  07. 
Droit  Jic^J    .UaLJ!  Le  sultan  très  grand 

.U.  .^vjUi  Togha  témour-Khan. 

*.CU  éiil  jtU.  Qu'Allah  éternise  son  règne! 

avec  en   exergue     5*1*»*- j  ^:ik>  j!a»j  ^_>y*  «  frappé   à 

Baghdad,  (en  l'année)  73x  ». 

Revers        [f^  [d*°* noqv] 

dM  Allah 

_i>     H\  Jî  ^  T  â    II  n'y  a  pas  de  divinité,  sauf 

*0     j^s^9  ^  o     Mohammed 

&\  J*~..  est  l'envoyé  d'Allah. 

•Lfr*c  Osman 

L'inscription  est  gravée  au  centre  d'un  hexagone  dont  les  côtés 
sont  formés  par  des  demi-cercles  et  qui  n'est  conservé  qu'en 
partie. 

Le  nom  de  ce  souverain  est  écrit  jy^-è^°  Toghaïtémour;  dans 
l'histoire  des  Mongols,  on  trouve  jy^^y ,  qui  est  j^  ^y 


LES    MONNAIES    MONGOLES.  127 

Noukhaïtémour  «  le  chien  de  fer  ».  Togha-témour,  pour  Toghon- 
témour,  signifie  «  le  chaudron  de  fer  »  ;  ce  fut  un  nom  très  usité 
chez  les  Mongols. 

32°  Argent,  piécette  très  endommagée;  poids  1  gramme,  45. 

L'inscription,  dans  laquelle  le  nom  de  Togha  témour  a 
presque  entièrement  disparu,  est  gravée  dans  un  hexagone  à 
côtés  rectilignes  ;  on  lit  encore  ato*j  v^r9  (<  frappé  à  Baghdad  ». 
L'inscription  du  revers  est  identique  à  celle  de  la  pièce  n°  31. 

33°  Argent;  poids  1  gramme,  45. 

Même  pièce  que  le  n°31,  endommagée,  frappée  à  Baghdad;  la 
date  a  disparu. 

34°  Argent;  poids  1  gramme,  45. 

Piécette  endommagée. 

Droit  vi^  Monnaie 

Jàs^îl  ^,lkU!  du  sultan  très  grand 

ailU  ji.^    .1=l  jj^j  UL      Togha  témour-Khan.  QuT Allah] 

éternise  son  règne! 
•>ta*?  Baghdad. 

La  date  est  gravée  d'une  façon  incompréhensible. 
Revers  :  le  revers  est  complètement  effacé  et  indéchiffrable. 


SoLEÏMAN-KlIAN 

(740-745  de  l'hég.  —  1339-1314  J.-C). 

35°  Argent,  piécette  fort  endommagée;  poids  1  gramme,  75. 
Droit  JilJ!  Le  sultan 

~  J->l*M  juste,  Sjoleïman] 

J-U-  ^U.  Khan,   [qu'Allah]   éternise  [son 

règne] . 
Cette  inscription  est  gravée  dans  un  cercle  autour  duquel 
court  une  légende  dans  laquelle  se  trouvaient  la  ville  et  la  date 
d'émission;  tous  les  caractères  ont  été  décapités  par  suite  de  la 
trop  petite  dimension  du  flan  par  rapport  au  coin. 

Revers  :  la  profession  de  foi  musulmane. 


128  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

HORDE    D'OR 

NOUKHAÏ. 

36°,  37°,  38°  Argent. 

Trois  monnaies  de  môme  type  très  barbare,  pesant  respec- 
tivement 1  gramme  55,  1  gramme  15  et  1  gramme  4. 

Droit  J^  Le  Kan  (Témour-Kaan) 

•  J^*)l  juste 

^  Noukhaï. 

Sur  l'une  de  ces  pièces  le  nom  est  écrit  U....  soit  lèy. 

Revers. 

Une  sigle  ou  tamgha  U»)'  formé  de  trois  côtés  d'un  rectangle 
surmonté  d'un  petit  cercle  porté  par  une  courte  haste  ;  autour, 
la  légende  vy  v^-H5  <(  Frappé  à  Krim  »,  sans  date. 

Ces  monnaies  sont  généralement  attribuées  au  Khan  Tok- 
togha,  que  Rashid  ed-Din  nomme  USy  Tokta,  mais  le  nom  qui 
est  gravé  sur  ces  pièces  est  certainement  ^  ou  «y  et  non 
^jj.  Noukhaï  est  le  mongol  \)  "  '  "  "„  Noukhaï  «  chien  ».  D'après 
Rashid  ed-Din  et  l'historien  arabe  Nowaïri,  Noukhaï  était  le  fils 
de  Tatar,  fils  de  Boukal,  fils  du  prince  Djoutchi  et  il  avait  com- 
mandé les  armées  de  Batou  et  de  Bérékèh  ;  c'est  en  cette  qua- 
•litéqu'il  avait  lutté  contre  Abaga  et  il  avait  perdu  un  œil  dans 
une  bataille  livrée  aux  troupes  de  ce  prince.  Il  s'était  formé  une 
importante  principauté  dans  le  sud-est  de  la  Russie,  qui  com- 
prenait des  pays  que  Rashid  nomme  ~^,î  et  ^jy£\  il  possédait 
une  armée  de  200  000  cavaliers,  ce  qui  était  énorme  pour  l'é- 
poque. Noukhaï  eut  à  soutenir  contre  le  Khan  Tokta,  fils  de 
Mongké-Témour,  une  lutte  qui  commença  en  l'année  697  de 
l'hégire  et  qui  se  termina  en  699,  par  sa  mort.  Cette  même 
année  699,  Noukhaï  avait  livré  bataille  à  Tokta  dans  une  lo- 
calité que  Rashid  nomme  ^sj^^^i  sur  les  bords  du  Don  ;  Tokta 
avait  dû  s'enfuir,  complètement  battu,  à  Serai  où  il  leva  une 
nouvelle  armée.  Noukhaï,  trop  faible  pour  lui  résister,  rétro- 
grada et  repassa  l'Ozy  ;  en  route,  il  s'empara  de  la  ville  de 
Krim  et  la  pilla.  Une  partie  de  son  armée  ayant  passé  sous 
les  drapeaux  de  Tokta,  ce  dernier  traversa  l'Ozy  avec  une  ar- 
mée de  60  toumans  (600000  hommes)  et  posa  son  camp  sur  le 


LES  MONNAIES  MONGOLES.  129 

bord  de  la  rivière  j>j>  qui  coulait  sur  les  terres  de  Noukhaï. 
La  bataille  décisive  se  livra  dans  une  localité  que  Nowaïri 
nomme  oXJ  K£  et  ses  troupes,  commandées  par  ses  fils 
Togha,  Tchagha  et  Bouri  (ou  Touraï),  se  débandèrent  à  la  fin  de 
la  journée.  Noukhaï  ne  voulut  pas  quitter  le  champ  de  bataille, 
et  il  continua  la  lutte  avec  quelques  troupes;  un  soldat  russe  de 
l'armée  de  Tokta  attaqua  Noukhaï  et  voulut  le  tuer;  le  vieux 
prince  mongol,  comprenant  que  toute  résistance  était  désormais 
inutile,  apprit  au  soldat  qui  il  était  et  lui  ordonna  de  le  conduire 
à  Tokta;  mais  le  Russe,  sans  l'écouter,  le  frappa  de  son  sabre  et 
lui  trancha  la  tête. 

Notes  additionnelles. 

Monnaie  n°  7. 

Le  titre  de  tchasar  n'est  que  la  traduction  du  titre  Il-khan 
qui  était  porté  par  les  princes  mongols  de  l'Iran  de  la  lignée  de 
Touloûï;  les  écrivains  persans,  même  très  postérieurs,  ont 
encore  conscience  que  le  mot  il-khan  a  le  sens  d'empereur; 
l'auteur  du  dictionnaire  persan  intitulé  Borhan-i-kati,  dit  en 
effet  que  «  il-khan  est  le  titre  des  sultans  mongols  (de  Perse), 
comme  keïsar  était  celui  des  empereurs  grecs  (sélatin-i-Roum) 
et  khakan,  celui  des  empereurs  de  la  Chine  ».  On  voit  que  pour 
cet  auteur,  qui  écrivit  au  milieu  du  xvne  siècle,  Il-khan  est 
synonyme  de  Kafoap  ;  il  n'est  donc  point  étonnant  qu'à  la  fin 
du  xme  siècle,  Ghazan  ait  traduit  Il-khan  par  Cœsar,  l'équiva- 
lent latin  du  titre  des  empereurs  grecs. 

Monnaie  n°  21. 

C'est  la  forme  ancienne  Khorbanda,  et  non  la  forme  refaite 
à  l'époque  timouride,  Khodâbendè,  que  l'on  trouve  dans  un 
rescrit  de  ce  prince  dont  une  copie  nous  a  été  conservée  dans 
un  traité  de  correspondance  diplomatique  par  Mohammed  ibn 
Ali  el-Namous  el-Hawari  (man.  persan  218). 

E.  Blochet. 


OKIGNT   CHRETIF.N. 


LE  RITE  COPTE  DE  LA  PRISE  D  HABIT 

ET  DE  LA  PROFESSION  MONACALE 
(Suite). 

OTET^H    rtjyEn^SJLOH    E2S.EÎ1    ^K^At-p 

f>0^?tf     Ùt^p^VJOnr     VTlfc    TTAt     KOCUOC     OTOg 

AK^Agut<^  tV^onm  tTTAt  uauj  victuviovi.  Ttn- 

Apn*-J     îltUTTJi)A      ÛTTïuju)      t^onrA^i      Î^AK 

tc^pï  uiYïtKUtnrî  ricvionr  ntÊïtîi  îieu  ntKtn- 

ntu      o'TArATTVi      gntïi      TïtKuoriortîmc 
îtujvipï  TTtndc  onrog  mîmonr^. 


LE    RITE    COPTE   DE    LA    PRISE    D'HABIT.  131 

an  onrog  Angtt  t&o?\  AKAneri  ù&tf>t  vtKt 
cott  g^tn  TTtKUovtortnHC  myH^j  me  tt^c 
mvtdc.  <\?w  t^onruauj  ù^uonr  an  ÛTT^t^j- 
t^NO&î  ù^7^>vi^  vnfct-pAOtfo^  crrog  vnt^j- 
uang  crrog   fnt   ^uï  vukeri   nogtu  vtcu 

îtm  <^>AJ  fc^A^^u^l  fc&0*>gATHKOCUOC  NtU 
WCKAVl^AÎNCm  fc'lt  rilDVï^^  tA^^7UJiT  Ç>Af>OK 

onrog  tA<^Aî  )oA  T\mAgÇit^  tTigo^,x:  fnt 
mK0C?C  OTOg    A<^tf  ArATTAVl    ft«tKtmo^. 

Xua  îia<^  tko^  vmt^vioÊiï  rnt  j^o^n  nas 
fiA^AïiOT  lotît  onrut^iAitut.  UaicaïW^ 

TTiVÏNA      t^OnTA^i       ÎItU       ^TCAîlOTtt^A       ÎTlt 

itK2£ou.  Uoï  ^sua^clj  vr^uy^vm  vaaotsa^avi 

fnt       ttJA^fc^H       îltUL      ^YÏtfïKt^7A^tA      TTït 

wîonr^Aï     ntu     ^V^t^if^y    înt     ynnaq'Y. 

onrujonr.  Ua  Tïtt*uacnfM  t^Ait-j  V)tn  tïcoî^^ 
ÛTKtnrArrt^oN  vnt  *YgtpHmi  2£t  gmA 
rnt^^^tu^oui  viogï  tpA^  (rrkt  ruKcnc 
rnt  tvï^ïa&l07\oc  ntJJL  ruccM*Ntcjj  t^ixtg 
vvy^um  înt  yu2£A2Sh.  Onrog  ^?^g 
wcrN-e-HKH  t^A^ctumncnr  ntUAK  e^cm 
îiA^ut^uonr^s:  îtnt^AC^o^  t^?Agcrr 
A2\?\A    vnt^og*   yiak   t^cuonr    fcf>OK   CTTOQ 


132  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

^^C^ATpOC     EK2SA"    JJLWLOC' 

o  ^aoc    AJJtVitt. 

ttyiAYlY^O  *yA   tîltg  o  *aoc   AUHÎl. 

M.01   £>liuncj   XinVttO'TpA^S.Ï   ekx.u*    hxioc. 

TTtndc  <5?<m  fît. 

HOJ    $>iuncj   n^K^AtjT    EK2S.U»    IXJJiOC' 

iiopcj  n^iun»  njyAp  ek:x.u«  xamoc- 

jié  jij  ^j  jLUdi  Jy*  (X-vt  o~h  u  cvl  ^  ^ 


LE    RITE    COPTE    DE    LA    PRISE    D'HABIT.  .  133 

t£vm&   T1C3C    <^^\  THTSAmOKf ^^f   ^?tu^I 

me  n^c.  Ttn^Ygo  onrog  'itrn^^g  mtK 
UTïtiM*o   untKuao'r  t^onrAÊi.  Cuonr  tf>o<^ 

ulttïkoculoc.  Nœoui  mt  le^^nr^vi  naj  ei- 
&m*»  t&o^gntri  -Yxxt^uiAm<M*oc   me  T^t 

O-rog  A^gxxcn  via^  nonrKA^  uttîieitua.- 
iïkon  kai^  yvtKonr^»^y  t^crr  A&  onrog  e^t- 

crr^rATm  mu  onrtrK^A^ïïA  mu  onrgnrno— 
uonvi  mu  onrc^iitu  t^jpsuK  t&o?\  îitu  onr- 

mvmA  tig^uonr  enrog  t^d^V)tu  IdeuV}^- 
uot    CATYtcviT    îiîit^jdA^Anr^.  Onrog  ucm 

ntu    md?\w    mu    t^evi   ^s&ou  ^M?c    n*u 

nlr>pw  vilom^  ncfctpï  mt<^p£ïmujonrîi  vica- 


134  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

ncmo'r&o  mt  ^t^p^np^w  vitu  tïe^cujua 

t^ot     riA'iAdttî     onrog    NA^vtfuj^tk.    âf>t;> 

•  ir\>>  ajjtï  ac  mt  vit^g&iHonrs  tcot  viA^dfcîio 

muw^A  îr^gtCiGu*  t^cnrAÊi  onrog  et^hk 

2S.I"  mAl  ET^(H  E2S.UK-J  JJlT\Àl  JJlA* 

AN   OTOQ  AVlgti    t&0>>   AVCAnttt  U&t^ï  îlKt 

cott  giitvi  TvtKuonortnvîc  ïi^yv^j  Tttvidc 
onrog  Tvtvtnonr'Y  onrog  T\tvic<ju,rtt*f>  ïvjc  vï^c. 
4>h    t^onr^Aj^    u^uonr    an  UTnpt^tf>NOÊn 

t^Krruuuj  mt  fuajjtî  Nî&tN  <jun£)  onrog 
N^onnNOgtxx  onrog  N^onn  twccnotN  n^ut^- 

Utfï.  UJuayv  EfOK  UTTtK&u^K    Nil!   <^?At  tlA^- 

^puji-i  t&o^gA  rnKocxxoc  Ntu  njckan^a- 
mvi  t^t  nï^yî^  onrog  A^j^puj^  ;>a^ok  è^aï 

V)A    THNAg&t^    mt  TTtK^C    gï^fcN    TtmvnNi 

mt  ntc^ Anrf  oc  t^t  t^c^hua.  t^onrAÊi  onrog 

A^tf>ArAWAN  NNfcKtN^O?\W.  X<JU    TIA^J   fc&0?\ 

nne<^no£ïs  iw^ono  me  ^yof>Tï  nh  tnA^Aïionr 
V)tN  onrtuj  Ntui  cyrut^A^itut  onrog  uai- 

CA^O^J  fcîpï  UT\EKOnruajjy.  Uoî  NA<^  UTHA^WÊi 


LE    RITE    COPTE    DE    LA   PRISE    D'HABIT.  135 

itK^ou  ti^  g^^-icj.  ^vio-ï-  on  itîr\;>o 
crrog  ^tmu^&g  mtKutei^rA^oc  yrmAïp- 

me  ttîcia't^oc  ni^moTi  me  ttekuoîio- 
rermc  îiujwjj  «eu  Yïtç-juonr  v^e^pAviï^o 
gmA  mt^uanV)  ntu^  Y^evi  ™eu*îi  t^vmcnr 
j^a  erieg.  Cuot  fc?o<^  UAicnrÊiO^  h>zn  ™- 

XOU  ULYÏtKYÏÎi^  t^OTAÊi  ttf>e^pAVlV)0  VIO- 
UOO-rCîOC    YieUAK.     a?n<^     U&eÇ*    VlKt    COTT 

e&o^1r>fcN  rug&Honrï  engu^onr  me  th^uï 
nAYïAC  neu  nt^TT^^Esc  viaiottoîi.  U(m  na<^ 
«ot^ou  e&o^gtncriK  îieu  onrK^^Y  t^onr- 
ÊiHO'ri  tttxx  O'rvionrc  t^\>nc  îieu  onmo?mïA 
ecueg  NA^e^w  vteu  onruenn  e<^onpAÊi  îieu 
(rr&joc  Nceunoc  neu  o-r^unlr)  nA^vttu^eÊi 

•K:tu!Sou  îieutt  tnme^cAviKcnc  me  th^ïj,- 
&o^oc  neui  ne<^?A^  t^g^ono  onrog  me- 
4A?*ô  è™c;xtfUA  îika^a^oc  vt3^R*u^eÊi 
crrog  nnt^iAC^ocjj  e^p^gonr  a?\?^  me^- 
uo^ys  tigvi  vika^uac  govïuac  mt^^nV) 
nak  uat^k  onrog  E^COUC  t\>OK  ncvionr 
ru^en  e<^eîiAçy\  eTïeK<^  e^ee^eïvmc 
èieKUien(rrpo  tcjjttf ^rATYAVi  uTCgu^Êi  rme- 


136  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

vnt  TïtKXioviortttVic  n^y^i  V^tri  onrgo  na- 
îiîArA^on  t^t  jjt\£  &a?s  viat  tf><-uonp.  tjtvi 

Af  îC^pArî^^n  XXTUC^HVAA  ?)En  nîCHAVf  OC  EK35H"  nuoo 

McULA^U^Onn   Îl2£t  <\>*\  ^UU"!  o  **oc  AULHVl 

"icuA^ujurn  n^t  Tït^jucmortmtc  njjjH^ï 

uocnrctoc  îitui^pïujri  ntJJiTvjjyH^  o  *aoc  aumîi. 
vionrujiT    tct^^ou  onrog    tctcutonr    onrog 

MOÎ  ^uuncj  VimC^HllA  E<-JO^  EpAI^  EK2S.U»  VlJJlOC' 


LE    RITE    COPTE    DE    LA    PRISE    D'HABIT.  137 

à 

1X01  £>iuncj  xini^>uij>K  EK2S.UU  U3JL0C- 

2£o?^>K    N^C^O^M     E-G-OIT^Sl    UUt^îlO'T'Y 

V)tvt  n5^>uauï  <^p^  ^^^  vuArrt^oc  ^^\  mt 

ULAvitc^onr  n^ortKcm  ^£g  ÈTitK^K  ru  xi 
h>tn  ttaî  cumula  viArrtTsîKon  xxTttswpt^- 
iako    xxtnaEjujxxa     viATtocioî^Kcm     N2£t 

îuj-i  giuc  xxAîitcuuonr  guuc  nonr^  guac  rm& 

XXXXO^JJ  tTttKÎUA^  t&O^gt^tîl  ^YYnr^vî  ti^Yionr 

tpTTptnm  nak  vitxx  iitKïULri  viAr^^oc  ntxx 


138  REVUE   DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

mu  jaja  tntg  mt  jmntg  ^vi^onr  aumm. 
TAC  Kt^7A?^AC  tjjujin. 

kaia  rtvitA.  â^scnns    Ncnrjuiwrn  NAr^M*on 

lA^ton  rntKt^^pw^  nt^gu^  vituA<^.  \\o\ 
rtA<^  vicmcnrko  ntu  onnA2£po  Id^si  g"^ 

e^oj  îtA^dpo  t^o^gsitnm'X:A,X:ï.  UJ^nonrjjy 

tnronrA&i  ntu  onr^nrc^A  tconrA&i  ntyïonr^A- 
viïon  crrog  EKt^ou   na^  t-e-ptcjipï  ur\t- 

vitut  onrviAî  umK.jji**o  gfitn  TïtKuioviortviHC 

îl^Vï^i  iWC  Tt^C  YïtVldc  ^?AS  fit  t&O^g^Cn^. 

^iu      XinîCnATpCC      tXEÎt      TE«-JA<-JE      A2£iu     "^METpEU^E      Î1E3JL 

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LE    RITE    COPTE    DE    LA    PRISE    D'HABIT.  139 

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JUI  dLUI  lyj  ^l'^jLc  L  jJI  yur  JULUI  L.J  ^^J| 
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Cr 


TRADUCTION 

DU    RITE  DE    LA    CONSÉCRATION    D'UN    MOINE 

Celui  qui  veut  se  faire  moine  passe  trois  ans  à  étudier  les  règlements 
de  la  vie  monastique  ;  on  lui  donne  une  connaissance  parfaite  du  livre  du 
paradis  de  nos  pères  porteurs  de  croix  ;  et  on  le  guide  à  la  vraie  philoso- 
phie du  monachisme.  S'il  doit  s'y  avancer,  on  lui  coupe  les  cheveux,  et 
on  l'appelle.  On  le  fait  se  prosterner,  la  tête  tournée  vers  l'orient,  et  le 
visage  en  bas  sur  la  terre.  Alors  tu  (1)  étendras  ses  habits  sur  lui;  tu 
diras  la  prière  de  l'action  de  grâces;  tu  offriras  de  l'encens;  et  ensuite 
tu  liras  l'apôtre  aux  Ephésiens,  chapitre  vi  (v.  10). 

Pour  le  reste  de  ces  choses,  mes  frères,  fortifiez-vous  dans 
le  Seigneur  et  dans  la  vigueur  de  sa  puissance,  et  revêtez  toute 
l'armure  de  Dieu,  afin  que  vous  puissiez  résister  aux  ruses  du 
diable:  car  notre  lutte  à  nous  n'est  pas  contre  la  chair  ou  le 
sang,  mais  contre  les  principautés,  contre  les  puissances,  contre 
les  gouverneurs  du  monde,  contre  les  (forces)  spirituelles  du 
mal  (qui  est)  en  haut  dans  les  (lieux)  du  ciel.  Pour  cela  prenez 
sur  vous  toute  l'armure  de  Dieu,  afin  que  vous  puissiez  vous 
tenir  debout  au  jour  mauvais,  et  qu'ayant  tout  surmonté,  vous 
restiez  debout.  Soyez  donc  fermes,  après  vous  être  ceints  de  la 
vérité.  Mettez  la  cuirasse  de  la  justice;  chaussez-vous  de  la  pré- 
paration de  l'évangile  de  la  paix  ;  et  en  toute  chose  prenez  le 
bouclier  de  la  foi,  grâce  auquel  vous  pourrez  éteindre  les  flè- 
ches enflammées  du  malin.  Prenez  aussi  le  casque  du  salut  et 
l'épée  de  l'Esprit,  qui  est  la  parole  de  Dieu,  en  priant  par  toute 
oraison  et  par  toute  prière  en  tout  temps  dans  l'esprit,  et  en 
vous  efforçant  de  vous  approcher  de  Dieu. 

Dis  le  Trisagion.  Psaume  xxxi. 

Bienheureux  ceux  à  qui  les  iniquités  sont  remises,  et  ceux 
dont  les  péchés  sont  couverts. 

Psaume  lxiv  (v.  5). 

(1)  Sans  doute  l'higoumène  ou  supérieur  du  couvent. 


LE    RITE    COPTE    DE    LA    PRISE    D'HABIT.  1-11 

Bienheureux  celui  que  tu  as  choisi  et  reçu;  il  habitera  dans 
tes  cours  à  jamais. 

Evangile  selon  Jean,  chap.  m. 

I)  y  avait  un  homme  d'entre  les  Pharisiens,  dont  le  nom  était 
Nicodème,  prince  des  Juifs.  Celui-ci  vint  à  Jésus  durant  la  nuit, 
et  lui  dit  :  Rabbi,  nous  savons  que  tu  es  un  docteur  venu  de  la 
part  de  Dieu,  car  il  est  impossible  que  personne  fasse  les  signes 
que  tu  fais,  à  moins  que  Dieu  ne  soit  avec  lui.  Jésus  répondit 
et  lui  dit  :  En  vérité,  en  vérité,  je  te  le  dis  :  si  l'homme  ne  naît 
pas  de  nouveau,  il  est  impossible  qu'il  voie  le  royaume  de  Dieu. 
Nicodème  lui  dit  :  Comment  l'homme  peut-il  naître  de  nouveau 
après  qu'il  a  vieilli?  Lui  est-il  possible  de  rentrer  dans  le  sein 
de  sa  mère  une  seconde  fois  et  de  renaître?  Jésus  répondit  et  lui 
dit  :  En  vérité,  en  vérité,  je  te  le  dis  :  Si  un  homme  ne  naît 
pas  de  l'eau  et  de  l'esprit,  il  ne  peut  pas  entrer  dans  le  royaume 
de  Dieu.  Ce  qui  est  né  de  la  chair  est  chair;  et  ce  qui  est  né  de 
l'Esprit  est  esprit.  Ne  sois  pas  étonné  si  je  t'ai  dit  qu'il  faut  que 
vous  naissiez  de  nouveau.  Car  l'Esprit  souffle  où  il  veut,  et  tu 
entends  sa  voix,  mais  tu  ne  sais  pas  d'où  il  vient  ni  où  il  va. 
Il  en  est  ainsi  de  quiconque  est  né  de  l'Esprit.  Nicodème  ré- 
pondit et  lui  dit  :  Comment  ces  choses  peuvent-elles  se  faire? 
Jésus  répondit  et  lui  dit  :  Tu  es  maître  en  Israël  et  tu  ignores 
ces  choses!  En  vérité,  en  vérité,  je  te  le  dis,  que  ce  que  nous  le 
savons,  nous  le  disons,  et  ce  que  nous  voyons,  nous  l'attestons, 
et  vous  n'acceptez  pas  notre  témoignage.  Si  je  vous  ai  dit  des 
choses  terrestres  et  que  vous  ne  croyiez  pas,  comment  croirez- 
vous  si  je  vous  dis  des  choses  célestes?  Et  personne  ne  monte 
au  ciel  si  ce  n'est  celui  qui  est  descendu  du  ciel,  c'est-à-dire 
le  Fils  de  l'homme  qui  est  au  ciel.  Et  comme  Moïse  éleva  le 
serpent  dans  le  désert,  ainsi  il  faut  que  le  Fils  de  l'homme  soit 
élevé,  afin  que  quiconque  croit  en  lui  reçoive  la  vie  éternelle. 
Dieu  a  tellement  aimé  le  monde  qu'il  a  donné  son  Fils  unique, 
afin  que  quiconque  croit  en  lui  ne  périsse  pas,  mais  qu'il 
reçoive  la  vie  éternelle.  Car  Dieu  n'a  pas  envoyé  son  Fils  au 
monde  pour  juger  le  monde,  mais  pour  que  le  monde  soit 
sauvé  par  lui.  Celui  qui  croit  en  lui  n'est  pas  jugé,  mais  celui 
qui  ne  croit  pas  en  lui  est  déjà  jugé  parce  qu'il  ne  croit  pas 
au  nom  du  Fils  unique  de  Dieu.  Celui-ci  est  le  jugement,  à 


142  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

savoir  que  la  lumière  est  venue  dans  le  monde  et  les  hommes 
ont  mieux  aimé  les  ténèbres  que  la  lumière,  car  leurs  œuvres 
étaient  mauvaises.  Car  quiconque  fait  le  mal,  hait  la  lumière,  et 
ne  vient  pas  à  la  lumière,  afin  que  ses  œuvres  ne  soient  pas  re- 
prises parce  qu'elles  sont  mauvaises.  Mais  celui  qui  pratique  la 
vérité  vient  à  la  lumière  afin  que  ses  œuvres  soient  manifestées 
parce  qu'elles,  ont  été  faites  selon  Dieu. 

Après  cela  on  coupe  les  cheveux  au  frère.  Ensuite  dis  cette  prière  : 

Maître,  Seigneur,  Dieu  tout-puissant,  qui  habites  dans  les 
hauteurs  et  regardes  les  humbles  ;  qui  sais  ce  qui  a  été  depuis 
le  commencement,  et  ce  qui  est,  et  ce  qui  va  être;  qui  connais 
les  choses  qui  ne  sont  pas  révélées  et  les  choses  secrètes  et 
l'esprit  des  hommes;  qui  comprends  les  pensées  avant  qu'elles 
soient  réalisées  :  regarde  de  ton  habitation  ornée  ton  serviteur 
N.  qui  vient  à  toi  et  qui  entre  dans  la  vie  spirituelle  du  mona- 
chisme;  dirige  sa  course  et  accorde-lui  une  obéissance  parfaite, 
qui  l'emportera  dans  son  intention  sur  les  plaisirs  de  la  nature; 
afin  que  par  la  coupe  des  cheveux  de  sa  tête  il  rejette  les  pra- 
tiques blâmables,  et  qu'il  reçoive  l'aide  de  la  grâce  et  le  Saint- 
Esprit. 

Oui,  Seigneur,  notre  Dieu,  sois  avec  ton  serviteur,  de  sorte 
que,  t'ayant  désiré  d'un  cœur  pur  et  parfait  et  ayant  courbé  le 
cou  volontiers  sous  ton  joug  léger,  il  puisse  échapper  tout  a 
fait  aux  désirs  et  aux  voluptés  de  la  chair,  et  au  monde  égaré 
et  satanique,  et  à  tout  esprit  malin,  et  être  digne  de  la  vigne 
spirituelle,  afin  qu'il  se  comporte  pendant  son  temps  de  pa- 
tience et  de  dévotion  et  de  travail  et  d'exil  avec  tempérance  et 
qu'il  mène  une  conduite  pure  et  vertueuse  selon  tes  commande- 
ments et  tes  préceptes,  d'une  manière  digne  de  la  vocation  à  la- 
quelle il  est  appelé,  et  qu'il  mérite  de  faire  des  œuvres  encore 
plus  parfaites  et  de  contempler  des  mystères  par  la  méditation, 
et  qu'il  devienne  héritier  de  la  joie  indicible,  en  ayant  obtenu  la 
gloire  qui  est  dans  ton  royaume.  Par  ton  Fils  unique,  Notre- 
Seigneur,  notre  Dieu,  et 'notre  Sauveur,  Jésus- Christ,  par 
qui,  etc. 

Prends  des  ciseaux  et  coupe-lui  les  cheveux  de  la  tête  en  forme  de  croix. 
Ensuite  dis  cette  prière  sur  le  bonnet  monastique  : 

Maître,  Seigneur,  Dieu  tout-puissant,  Père  de  Notre-Seigneur, 


LE    RITE    COPTE    DE    LA    PRISE    D'HABIT.  143 

notre  Dieu  et  notre  Sauveur,  Jésus-Christ  :  nous  prions  et  nous 
supplions  ta  bonté,  toi  qui  aimes  le  genre  humain;  scelle  ton 
serviteur  de  ta  main  droite  ;  compte-le  parmi  les  guerriers  de 
ton  armée  céleste  ;  accepte-le  ;  bénis-le  ;  fortifie-le  ;  garantis-le 
contre  toute  œuvre  diabolique;  accorde-lui  ta  crainte,  afin 
qu'elle  le  préserve  toujours  de  tout  péché;  de  manière  qu'il 
puisse  entreprendre  la  belle  lutte  de  la  vie  monastique,  et  bien 
terminer  sa  course  et  conserver  la  foi  sans  changement  et  sans 
défaut  et  sans  reproche.  Par  Jésus-Christ  Notre- Seigneur, 
qui,  etc. 

Prière  d'action  de  grâces  sur  le  bonnet  monastique  : 

Nous  te  remercions,  Seigneur,  Dieu  tout-puissant,  qui  selon 
ta  miséricorde  abondante  as  délivré  ton  serviteur  de  la  vie  vaine 
de  ce  siècle  et  l'as  appelé  à  ce  vœu  solennel  :  nous  prions  et 
nous  supplions  ta  sainte  gloire,  fais-le  digne  de  ton  vœu  saint 
et  honorable  ;  garde-le  des  pièges  du  diable  ;  conserve  en  pureté 
son  âme  et  son  corps;  accorde-lui  la  grâce  d'être  pour  toi  un 
temple  saint,  en  se  souvenant  de  toi  en  tout  temps,  et  en  obser- 
vant tes  commandements  vivifiants  et  tes  saints  préceptes. 
Donne-lui  la  vertu  chrétienne  et  l'humilité  de  cœur  et  la  tem- 
pérance et  la  continence  et  la  foi  et  l'espérance  et  la  charité. 
Par  ton  Fils  unique,  notre  Seigneur  et  noire  Dieu,  etc. 

Prière  ainsi  : 

Seigneur,  Dieu  tout-puissant,  qui  nous  as  fait  venir  à  l'exis- 
tence de  ce  qui  n'est  pas,  et  qui,  lorsque  nous  sommes  tombés, 
nous  as  renouvelés  par  ton  Fils  unique,  Jésus-Christ,  Notre-Sei- 
gneur;  toi  qui  ne  désires  pas  la  mort  du  pécheur,  mais  qu'il 
se  convertisse  et  qu'il  vive,  et  que  tous  les  hommes  soient 
sauvés  et  viennent  à  la  connaissance  de  la  vérité  ;  reçois  ton 
serviteur  N.  qui  s'est  enfui  du  monde  et  des  scandales  qui  y 
sont,  qui  s'est  réfugié  auprès  de  toi,  qui  s'est  soumis  au  joug- 
léger  de  ton  Christ,  et  qui  a  aimé  tes  commandements  ;  par- 
donne-lui ses  péchés  d'autrefois,  ceux  qu'il  a  commis  dans 
l'ignorance;  enseigne-lui  à  faire  ta  volonté;  donne-lui  le  gage 
du  Saint-Esprit  et  l'armure  de  ta  puissance;  mets-lui  la  tunique 
multicolore  des  vertus,  le  casque  du  salut  et  la  cuirasse  de  la 
foi;  ceins-lui  les  reins  de  la  pureté  et  de  la  vérité,  habille-le 


144  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

d'un  vêtement  de  gloire;  chausse-le  de  la  préparation  de  l'évan- 
gile de  la  paix,  afin  qu'il  puisse  résister  aux  ruses  du  diable 
et  aux  flèches  enflammées  de  l'ennemi  et  qu'il  conserve  sans 
fausseté  les  vœux  qu'il  t'a  faits,  de  sorte  qu'il  ne  se  tourne  pas 
en  arrière,  mais  qu'il  se  tienne,  ferme  en  te  bénissant,  et  qu'il 
se  présente  avec  un  visage  serein  devant  le  tribunal  terrible, 
qu'il  trouve  la  miséricorde,  et  qu'il  obtienne  des  bonheurs  cé- 
lestes. Par  la  grâce,  etc. 

Après  cela  qu'il  se  lève.  Signe  les  habits  de  la  croix,  en  disant  : 

Dieu  le  Père  est  béni.  Le  peuple  :  Amen. 

Son  Fils  unique,  Jésus-Christ,  est  béni.  Le  peuple  :  Amen. 

Le  Saint-Esprit  vivifiant  est  béni  à  jamais.  Le  peuple  :  Amen. 

Mets-lui  la  tunique,  en  disant  : 

Habille-toi  de  la  tunique  de  la  vérité  et  de  la  cuirasse  du 
salut.  Produis  du  fruit  digne  de  la  pénitence  dans  Jésus-Christ, 
Notre-Seigneur,  qui,  etc. 

Mets-lui  le  bonnet,  en  disant  : 

Mets  le  bonnet  de  l'humilité  et  le  casque  du  salut.  Produis  de 
bon  fruit  dans  Jésus-Christ,  Notre-Seigneur,  qui,  etc. 

Ceins-le  de  la  ceinture  de  cuir,  en  disant  : 

Ceins-toi  les  reins  de  toute  l'armure  de  Dieu,  et  de  la  puis- 
sance de  la  pénitence  dans  le  Christ,  etc.- 

Si  le  frère  ne  met  pas  le  Schéma  (ayjjua),  dis  l'absolution  et  la  bénédic- 
tion; mais  s'il  met  le  Schéma,  laisse  l'absolution  jusqu'à  la  fin  du  rite. 

RITE  DE  LA  MISE  DU  SCHÉMA. 

Dis  la  prière  de  faction  de  grâces;  offre  l'encens;  ensuite  dis  cette 
prière  sur  le  Schéma  : 

Maître,  Seigneur,  Dieu  tout-puissant,  Père  de  Notre-Seigneur, 
notre  Dieu  et  notre  Sauveur,  Jésus-Christ  :  nous  prions  et  nous 
supplions  ta  bonté,  ô  miséricordieux,  regarde  ton  serviteur  N.  qui 
s'est  prosterné  devant  ta  gloire  sainte;  bénis-le;  ceins-le  de  la 
croix  sacrée  et  invincible  de  ton  Christ  ;  compte-le  parmi  les  guer- 
riers de  ton  armée  céleste,  afin  qu'en  revêtant  l'habit  monastique 
il  montre  qu'il  s'est  dépouillé  du  monde;  lie,  par  le  symbole  de 


LE    RITE    COPTE    DE    LA    PRISE    D'HABIT.  145 

la  ceinture,  les  passions  de  son  âme  qui  ont  été  déchaînées 
par  l'amour  des  délices  de  la  vie;  et  accorde-lui  une  intelli- 
gence spirituelle  et  sobre  selon  ta  volonté  sainte,  une  intention 
ferme  et  tempérée,  un  esprit  d'humilité,  de  charité,  de  con- 
tinence, de  patience,  d'obéissance  parfaite  et  de  force;  mais 
écrase  sous  ses  pieds  les  ruses  multiples  des  esprits  malins  et 
impurs;  et  donne-lui  puissance  pour  fouler  aux  pieds  les  ser- 
pents et  les  scorpions  et  tout  l'empire  de  l'ennemi;  que  ta 
crainte  vivifiante  soit  en  lui,  et  qu'elle  anéantisse  ses  émotions 
charnelles;  accorde-lui  une  pureté  dame  et  de  corps  sans  tache 
et  sans  souillure;  conserve  la  lampe  de  ses  œuvres  de  sorte 
qu'elle  ne  soit  pas  éteinte;  et  que  sa  course  soit  sans  obstacle; 
mais,  au  temps  prescrit,  qu'il  soit  digne  du  vêtement  saint  et 
parfait.  Par  ton  Fils  unique,  etc. 

Ici  dis  cette  prière  sur  lui  : 

Seigneur,  Dieu  tout-puissant,  qui  nous  as  créés  de  ce  qui 
n'existe  pas,  et  qui  nous  as  renouvelés  après  notre  chute  par 
ton  Fils  unique,  Notre -Seigneur,  notre  Dieu,  et  notre  Sau- 
veur Jésus-Christ;  toi  qui  ne  désires  pas  la  mort  du  pécheur, 
mais  qu'il  se  convertisse  et  qu'il  vive  ;  toi  qui  désires  que  tous 
les  hommes  vivent  et  soient  sauvés,  et  qu'ils  viennent  à  la 
connaissance  de  la  vérité  :  reçois  ton  serviteur  N.  qui  s'est  enfui 
du  monde  et  des  scandales  qui  s'y  trouvent,  et  s'est  réfugié 
auprès  de  toi,  pour  se  soumettre  au  joug  de  ton  Christ,  par  le 
symbole  de  la  croix,  ce  qui  est  le  saint  Schéma,  et  qui  a  aimé 
tes  commandements;  pardonne-lui  tous  ses  péchés  d'autrefois 
qu'il  a  commis  sciemment  ou  sans  le  savoir;  et  apprends-lui  à 
faire  ta  volonté;  donne-lui  le  gage  du  Saint-Esprit  par  l'armure 
de  ta  puissance  qu'il  a  mise. 

Maintenant  donc  nous  prions  et  nous  supplions  ta  bonté,  ô 
miséricordieux,  rends-le  digne  du  Schéma,  qui  est  le  signe  de 
la  croix  vénérable  de  ton  Fils  unique  et  de  sa  mort  vivifiante, 
afin  qu'il  vive  avec  lui  pour  toujours  dans  le  siècle  à  venir; 
bénis-le;  purifie-le  par  la  puissance  de  ton  Saint-Esprit  vivi- 
fiant et  consubstantiel;  renouvelle-le  en  le  délivrant  des  mau- 
vaises œuvres  du  vieil  homme  et  de  ses  pratiques  blâmables; 
donne-lui  la  force  qui  vient  de  toi,  une  intelligence  pure,  un 
esprit  vigilant,  une  conduite  vertueuse,  une  intention  sainte, 

ORIENT    CHRÉTIEN.  10 


146  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

une  tenue  convenable,  une  vie  sans  tache  et  une  course  sans 
souci,  pour  qu'il  puisse  connaître  les  ruses  du  diable  et  ses 
pièges  malins,  qu'il  garde  l'habit  pur  et  sans  souillure  et  ne  se 
tourne  pas  en  arrière,  mais  qu'il  marche  en  avant  cTune  ma- 
nière honorable,  de  sorte  qu'il  vive  pour  toi  seul  en  te  regar- 
dant toujours,  croyant  à  tes  promesses,  espérant  ton  royaume, 
aimant  à  faire  tes  préceptes  avec  une  espérance  ferme;  et  de 
manière  qu'il  se  tienne  debout  devant  le  tribunal  de  ton  Fils 
unique  avec  un  visage  sans  honte,  brillant  avec  la  lumière  des 
vertus,  qu'il  trouve  consolation  et  miséricorde,  et  qu'il  atteigne 
la  vie  éternelle  et  les  bonheurs  qu'aucun  œil  n'a  vus.  Par  la 
grâce,  etc. 

Signe  le  Schéma  de  la  croix,  en  disant  : 

Dieu  le  Père  est  béni.  Le  peuple  :  Amen. 

Son  Fils  unique,  Jésus-Christ,  est  béni.  Le  peuple  :  Amen. 

Le  Saint-Esprit,  le  Paraclet,  celui  qui  procède  du  Père,  et 
qui  est  consubstantiel  avec  le  Père  et  le  Fils,  est  béni.  Le  peuple  : 
Amen. 

La  Trinité,  qui  est  parfaite  d'une  seule  divinité,  fortifiera, 
bénira  et  confirmera  cette  âme  pour  la  perfection  éternelle. 
Amen. 

Mets-lui  le  Schéma  pendant  qu'il  se  tient  debout,  en  disant  : 

Mets  sur  toi  le  sceau  du  gage  du  royaume  des  cieux,  qui  est 
le'  Schéma  saint.  Prends  sur  ton  bras  le  signe  de  la  croix  véné- 
rable et  salutaire.  Marche  après  Notre-Seigneur  Jésus-Christ, 
le  Dieu  véritable,  afin  que  tu  hérites  de  la  lumière  de  la  vie 
éternelle,  par  la  puissance  de  la  sainte  Trinité,  le  Père,  le 
Fils,  et  le  Saint-Esprit.  Amen. 

Mets-lui  le  pallium,  en  disant  : 

Revêts  le  vêtement  saint  et  divin  des  Apôtres.  Chausse-toi  de 
la  préparation  de  l'évangile,  pour  fouler  aux  pieds  les  serpents 
et  les  scorpions  et  toute  la  puissance  de  l'ennemi.  Marche  à  la 
suite  dé  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  à  qui  la  gloire  appartient 
à  jamais.  Amen. 

Prière  d'action  de  grâces  après  la  prise  du  Schéma. 

Notre-Seigneur,  Jésus-Christ,  nom  ineffable,  qui  es  le  gouver- 


LE    RITE    COPTE    DE    LA    PRISE    D'HABIT.  147 

neur  et  le  pasteur  des  hommes,  Dieu  des  anges,  Dieu  de  tous 
les  noms  qui  sont  nommés,  berger  cTu  troupeau  raisonnable  : 
conserve  ton  serviteur  N.  dans  cet  habit  angélique,  de  manière 
que  le  serpent  très  malin  n'en  détruise  pas  la  dignité  aposto- 
lique; mais  protège-le  de  ta  main  droite;  veille  sur  lui  en  père, 
en  pasteur,  comme  Dieu,  comme  Maître,  afin  que  le  dragon  et 
sa  progéniture  ne  triomphent  pas  de  lui;  présente-le  à  ton  Père 
en  le  guidant  par  la  porte  étroite  dans  ta  maison  royale.  Car 
la  gloire  t'appartient  à  toi  avec  ton  bon  Père  et  le  Saint-Esprit, 
maintenant  et  en  tout  temps  et  dans  tous  les  siècles  des  siècles. 
Amen. 

(Le  diacre  :)  (Inclinez)  les  têtes  (devant  le  Seigneur  (1)). 

Pose  tes  mains  sur  sa  tête  (en  disant  :) 

Maître,  Seigneur  tout-puissant,  qui  es  dans  le  ciel,  et  qui 
entres  dans  les  âmes  saintes  dans  chaque  génération  :  donne 
un  bon  signe,  et  unis  celui-ci  avec  ceux  qui  craignent  ton  vi- 
sage ;  garde  sa  vie  sans  tache  pour  toujours  ;  donne-lui  une  in- 
tention parfaite;  accorde-lui  une  course  sans  honte;  daigne 
t'associer  avec  lui  dans  ses  œuvres  ;  donne-lui  la  pureté  et  la 
stabilité  dans  toutes  les  œuvres  bonnes  et  honorables  ;  qu'il  ne 
soit  pas  vaincu  par  l'ennemi;  nourris  son  âme  des  doctrines 
vivantes  et  saintes,  et  du  saint  sacrifice  céleste,  en  lui  donnant 
la  force  de  faire  ta  volonté;  permets-lui  de  trouver  la  grâce 
et  la  miséricorde  devant  toi.  Par  ton  Fils  unique,  Jésus-Christ, 
Notre-Seigneur,  par  qui,  etc. 

Mets-lui  la  croix  sur  la  tête.  Dis  l'absolution  et  la  bénédiction. 
Admonition  prononcée  devant  le  moine  : 

Reconnais,  mon  frère,  la  mesure  de  la  grâce  que  tu  as  at- 
teinte en  revêtant  l'habit  (2)  des  anges,  et  en  te  faisant  soldat 
du  Christ,  car  tu  marches  à  une  grande  et  noble  guerre.  Avant 
tout  tu  t'es  renouvelé,  et  tu  t'es  purifié  des  œuvres  méchantes 
du  siècle.  Comme  Ta  dit  le  grand  saint  Antoine,  père  des  moi- 
nes :  L'Esprit  qui   descend  sur  les  saints  fonts  baptismaux, 


(1)  Ces  mots-ci  (en  grec)  sont  toujours  dits  par  le  diacre  à  la  Messe,  au  mo- 
ment de  la  fraction  de  l'Hostie  et  dans  d'autres  rites. 

(2)  Ou  Schéma,  ce  qui  est  le  même  mot  en  grec. 


148  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

descend  sur  l'habit  (1)  des  moines,  et  purifie  celui  qui  se  fait 
moine.  Et  ce  grand  saint  Antoine  poursuit  en  témoignant 
qu'il  lui  a  semblé  dans  une  vision  que  son  âme  avait  quitté 
son  corps;  on  retenait  son  âme  dans  les  airs,  et  on  voulait 
compter  avec  lui  dès  son  enfance.  Mais  une  voix  dti  ciel  dit  : 
Dès  son  enfance  jusqu'au  moment  où  il  s'est  fait  moine,  je 
lui  pardonne  tout,  et  je  lui  remets  ses  péchés  à  cause  de  son 
entrée  dans  la  vie  monastique.  Mais  depuis  le  moment  où  il 
s'est  fait  moine,  comptez  avec  lui.  Aussi  on  compta  avec  lui,  et 
on  le  trouva  sans  reproche,  vertueux  devant  Dieu,  et  opérateur 
de  bonnes  œuvres.  —  Maintenant  donc,  mon  frère,  tu  t'es  pu- 
rifié des  souillures  de  toute  espèce  de  ce  siècle/ Garde  donc 
ton  âme  désormais,  afin  que  tu  sois  soldat  intègre  du  Christ, 
le  Roi  des  rois,  et  que  tu  résistes  aux  attaques  secrètes  du 
diable  et  dé  ses  armées  malignes.  Garde  le  vœu  que  tu  viens 
de  faire,  en  servant  Dieu  avec  crainte  et  tremblement,  et  en 
lisant  les  psaumes  pendant  les  veillées  de  la  nuit,  en  réci- 
tant l'office  canonique  de  l'Église,  et  en  faisant  toutes  ces 
choses  avec  diligence.  Jeûne  avec  modération  et  dévotion  et 
pureté  de  corps,  de  sorte  que  tu  sois  l'ami  des  anges  purs. 
Pratique  aussi  l'humilité  et  l'obéissance  avec  perfection,  et 
aie  soin  d'écouter  celui  qui  te  dirigera  dans  la  voie  de  Dieu 
et  de  ses  saints  commandements  jusqu'au  terme  de  la  mort, 
afin  que  tu  obtiennes  la  couronne  glorieuse  des  fils  de  Dieu, 
que  tu  hérites  du  royaume  des  cieux,  et  que  tu  aies  une  portion 
et  un  héritage  avec  tous  les  saints  qui  ont  plu  à  Dieu  depuis 
le  commencement.  Que  le  Seigneur  notre  Dieu  t'aide  dans' 
toute  bonne  œuvre  et  te  préserve  dans  toutes  les  tentations 
jusqu'à  ton  dernier  souffle;  et  qu'il  nous  fasse  tous  entendre  la 
voix  joyeuse  qui  dira  :  Venez  à  moi,  bienheureux  de  mon  Père, 
héritez  du  royaume  qui  vous  fut  préparé  avant  la  création  du 
monde.  Par  l'intercession  de  Notre-Dame,  la  Vierge  pure, 
Marie,  et  par  les  prières  de  tous  les  saints  et  des  fils  purs  et 
bénis.  Amen. 

Louange  à  Dieu  toujours  et  éternellement. 

(1)  Ou  Schéma. 


LES  SYNAGOGUES  DES  JUIFS 

(moïse  et  élie  d'après  les  traditions  arabes) 


INTRODUCTION 

Taki-ed-Din  Ahmed  ben  Ali  ben  Abd-el-Kader  ben  Muham- 
med  surnommé  Al-Makrizi,  auteur  du  petit  écrit  que  nous 
allons  publier  et  traduire  dans  la  ROC,  naquit  au  Caire  en  766 
de  l'hégire  (1364).  Il  étudia  le  droit  et  fut  nommé  cadi,  puis 
préfet  de  la  police  du  marché.  Il  remplit  ensuite  les  fonctions 
de  prédicateur  à  la  mosquée  d'Amrou  et  à  la  Médresseh  (école) 
du  sultan  Hassan  et  de  professeur  à  la  Muaijadija.  En  811 
(1408),  il  fut  envoyé  à  Damas  en  qualité  de  directeur  du  Mo- 
ristan  (hôpital)  et  de  professeur  aux  écoles  Aschrafija  et 
Iqbalija.  Après  avoir  rempli  ces  fonctions  pendant  quelques 
années,  il  se  retira  au  Caire  où  il  passa  les  vingt  dernières 
années  de  sa  vie  dans  une  retraite  qui  ne  fut  interrompue  que 
par  un  long  pèlerinage  à  la  Mecque.  Il  mourut  au  Caire  en  845 
(1442). 

Makrizi  passe  avec  raison  pour  l'un  des  meilleurs  historiens 
et  géographes  de  la  littérature  arabe.  Il  fait  autorité  pour  la 
géographie  et  l'histoire  de  l'Egypte  au  moyen  âge,  comme 
Abou-el-Féda  pour  la  Syrie,  bien  qu'on  l'ait  accusé  de  plagiat. 
Ainsi  l'écrivain  As-Sahawi,  qui  vivait  peu  d'années  après  lui, 
l'accuse  de  s'être  approprié  la  Relation  sur  l'Egypte  de  Al- 
Auhadi,  l'un  de  ses  prédécesseurs  dans  les  chaires  de  la  ca- 
pitale. 

Ses  principaux  ouvrages  sont  :  Al-Mawaïz  wal-itibar  fi  ziker 
al-khitat  wal-athar,  Étude  géographique  et  historique  sur 
l'Egypte  ;  —  une  Histoire  des  Coptes  ;  —  une  Histoire  des  Kali- 
phes  Fatimites;  —  une  Histoire  de  l'Egypte  depuis  l'année  517 


150  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

(844)  jusqu'à  1181  (1440);  —  des  Biographies  des  princes  et 
des  grands  hommes  de  l'Egypte,  etc.,  etc.  Plusieurs  de  ses 
écrits  ont  été  traduits  et  publiés  en  langues  européennes  : 
l'histoire  des  Coptes  a  été  publiée  par  J.  Wûstenfeld  à  Gôttin- 
gueen  1845;  l'Histoire  des  sultans  mamelouks  a  été  publiée  à 
Paris  en  1837  par  Quatremère.  Sylvestre  de  Sacy  a  publié  en 
1797  la  traduction  du  traité  des  monnaies  musulmanes,  et  a 
donné  dans  sa  Chrestomathie  arabe  le  texte  et  la  traduction 
de  l'Histoire  des  Juifs,  en  négligeant  ce  qui  concerne  leurs 
synagogues  en  Egypte.  Cette  partie  ne  manque  pourtant  pas 
d'intérêt  à  cause  des  longues  notices  sur  Moïse  et  Élie  qui  y 
sont  insérées  et  qui  nous  montrent  ce  que  sont  ces  deux  pro- 
phètes dans  les  traditions  arabes.  Je  l'ai  traduite  sur  le  texte 
de  l'édition  des  œuvres  de  Makrizi  publiée  à  l'imprimerie  égyp- 
tienne de  Boulak  par  Ali  Effendi  Djoudah,  en  1270  de  l'hégire 
(1854).  Nous  n'en  connaissons  pas  de  traduction  ni  même 
d'édition  occidentale. 

L.  Leroy. 


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jU-vj    vjlj>   -\«>    ^  »_5»- A_»Ji    uJl   1ÂA   «j!**I>    Loi   ^  v-ti^>   &-£,J)J   ^y*2* 

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.j-O  "yt  Loi  ^J  jj>s±>  V  ^*>Jl  ^»Lfr  (3  iJI*=»cJ^oJ  fc^^pc--  <^*1>JI 
<J     fcL*2_e     ^/^C-    /»^ !l     <J_£     (<- 5-«     j'     jj'j-^J     f^-*Jl     ^fr     («*' V* 


(1)  Chald.  ïjjs  rassembler,  VI  se  rassembler.  Le  verbe  arabe     «J^  signifie 

«  entrer  dans  son  gite  »  (cerf,  gazelle,  etc.);  la  ve  forme  ,j~-^->'  a  le  sens  de 
•<  se  retirer  dans  sa  tente.  »  Actuellement  le  mot  L^J^  s'emploie  de  préférence 
dans  le  sens  d'église  chrétienne. 


152  REVUE    DE   L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

^Jl  Â*U:.«I  jj  jj^J  ^j^  Cr*^  f*  ft^~~^  ti  -^^  (j^-j  s^r** 
^SJi  d^li!!   v^pbT  £-j-u  ^j**^*"  ùî    j^*-^  *-i/^Vl  (iXUI  'Lu!  jl 

^•5^T'    ls^    <-^    <3^  -?    *"***    dU-o    Cjjt^^J    ^>y^JLs    ^làlJl    A*JJi 

j^#  J  ^3^  c*ô-s>-j  V^jj   û>bàj  L^iLafri    cJAj^Ls  l^>=r  aoj^^ 
<L-j£3l    xj^j   1-L*  L«j>_   ^Jl    dU-o   Ail    ^j   ^^r-2-^-   ^JJ  Vi 

A-Àc    ^« **J    jlS    jSj    ^Aall    ^Jl    (^«-    J-1^    ^i    ôj^^iJ    j'j-~ ' 

O  y>— 0    A)l«_J       j^>yv>'    Ad»    ^li  I       wd»    ./v«     *-jLJ1     a  aJI     (_J      r-2-*"*    "~J 
A_i_«     (_dol^-»l       i^i      (J^^-î     ^yMSM      fvdJl      d^z-dC-     '     ^-^  V        de     ^_J  *-ûau 

jj*l^li    ^j-j^jJ^    JaJîJl    Kj^Jj    rt-&Al£-    ^I^JI    j^^-ûJi     +&J    j^^' 
^^sOsA     fls-     dtUJl     i^^»-"      OjL-J     •,_<>"•  y     A~lt     jlS     U     ^Xc    y âJli-j 

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LES   SYNAGOGUES    DES   JUIFS.  153 

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154  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

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A^i^cJ     (_^    <^'JJ    jV^l»!     \-> •    w-^«    cs^J     wil^pcJl    j^J    if^-1'    4-5>-« 
JLli       •^Jjl^rwV^     (V*    <JI    Ja^_ûJl    IJOj    S-Cij     £jJ^-    j^5w,    Aj| 

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LES    SYNAGOGUES    DES   JUIFS.  155 


LES  SYNAGOGUES  DES  JUIFS 

Dieu,  qui  est  puissant  et  grand,  a  dit  :  Si  le  Seigneur  n'avait 
pas  contenu  les  hommes  les  uns  par  le  moyen  des  autres,  il 
n'aurait  rien  subsisté  des  temples,  des  églises,  des  oratoires  et 
des  mosquées  dans  lesquels  le  nom  de  Dieu  est  fréquemment 
invoqué.  D'après  les  commentateurs,  les  temples  (^*Lr°)  sont 
les  édifices  religieux  des  Sabéens  (1),  les  églises  (^)  ceux  des 
chrétiens,  les  oratoires  («0!^)  ceux  des  Juifs  et  les  mosquées 
(jl^L)  ceux  des  musulmans;  telle  est  l'interprétation  de  Ibn 
Katibat.  Kenissat  synagogue  veut  dire  «  lieu  où  l'on  s'assem- 
ble pour  la  prière  ».  Les  Juifs  possèdent  dans  les  villes 
égyptiennes  de  nombreuses  synagogues,  entre  autres  la  syna- 
gogue Dimouah  à  Gizeh  (2),  la  synagogue  Djoudjer  dans  les 
provinces  de  l'ouest,  et  à  Fostat  (3)  une  synagogue  dans  la  rue 
Al-Massassah,  dans  le  quartier  de  Àl-Karamah;  deux  synago- 
gues dans  la  rue  Kasr-al-Chamaa  et  au  Caire  (4)  une  synagogue 

(1)  Par  Sabéens  les  auteurs  musulmans  entendent  les  idolâtres  en  général. 
C'est  au  Yémen,  chez  les  Sabéens,  que  Mahomet  avait  eu  à  détruire  le  plus  de 
monuments  du  paganisme. 

(2)  Gizeh  (i'y^.  cigale).  D'après  une  tradition,  la  mosquée  de  Toubah  à 
Gizeh  renfermait  la  corbeille  dans  laquelle  Moïse  avait  été  exposé  sur  le  Nil. 
Au  moyen  âge  on  y  montrait  un  palmier  sous  lequel  Marie  se  retirait  parfois 
pour  allaiter  l'Enfant  Jésus.  C'était  le  seul  qui  donnât  des  fruits.  Il  y  avait  sur 
le  tombeau  de  Kaab-al-Ahabar  des  figures  de  crocodiles  qui  servaient  de  talis- 
mans et  éloignaient  les  crocodiles  à  une  distance  de  trois  milles;  au-dessus  et 
au-dessous  de  Gizeh. 

(3)  Fostat  (]alk~i  tente),  maintenant  le  vieux  Caire,  occupait  l'espace  compris 
entre  le  Nil  et  l'ancienne  forteresse  de  Babylone.  Elle  fut  ainsi  appelée  parce 
que  ce  fut  la  tente  d'Amrou,  conquérant  de  l'Egypte,  qui  en  détermina  la  situa- 
tion. Quand  ce  général  se  disposait  à  marcher  sur  Alexandrie,  on  trouva  sur  sa 
tente  un  nid  de  colombes.  Amrou  défendit  d'y  toucher  et  ordonna  de  laisser 
sa  tente  debout  jusqu'à  son  retour.  Après  la  prise  d'Alexandrie,  l'armée  vic- 
torieuse revint  camper  à  la  tente  du  général,  qui  devint  le  centre  des  édifices  de 
la  nouvelle  ville. 

(4)  Le  Caire  fut  fondé  en  970  (359  de  l'hégire)  par  Djouhar,  général  du  Kaliphe 
fatimite  Moez-le-Din-Illah.  Ahmed-ben-Touloun,  souverain  indépendant  de 
l'Egypte  au  ix°  siècle,  avait  fondé  une  nouvelle  ville  à  l'est  de  Fostat,  au  pied  du 
mont  Mokattam.  On  l'appela  Al-Katàïa  (  aillai!!  les  quartiers).  La  belle  et  vaste 

mosquée  d'Ahmed-ben-Touloun  qui  subsiste  encore  de  nos  jours  fut  inaugurée 
au  mois  de  Ramadan  de  l'an  265  de  l'hégire  (879).  Après  la  conquête  de  l'Egypte 
et  de  la  Syrie  par  son  général  Djouhar,  le  Kaliphe  El-Moëz-le-Din-Illah  (donnant 


156  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

dans  la  Djoudria  et  dans  le  quartier  de  Zouïlah  ;  ce  qui  fait  cinq 
synagogues  principales. 

LA  SYNAGOGUE  DIMOUAH 

Cette  synagogue  est  le  principal  sanctuaire  des  Juifs  en 
Egypte.  Ils  s'accordent  à  y  reconnaître  le  lieu  où  habitait 
Moïse  fils  d'Amram  (que  les  bénédictions  de  Dieu  soient  sur  lui), 
dans  le  temps  où  il  transmettait  au  Pharaon  les  messages  de 
Dieu,  qui  est  puissant  et  grand,  pendant  son  séjour  en  Egypte, 
depuis  le  moment  où  il  revint  de  Madian  (1)  jusqu'à  celui  où 
il  fit  sortir  les  fils  d'Israël  de  l'Egypte.  Les  Juifs  prétendent 
que  l'édifice  actuel  a  été  élevé  quarante  et  quelques  années 
après  la  seconde  destruction  de  Jérusalem,  celle  qui  eut  lieu 
sous  Titus;  ce  qui  fait  un  peu  plus  de  cinq  cents  ans  (2)  avant 
l'apparition  de  l'Islamisme.  Il  y  avait  dans  cette  synagogue  un 
sycomore  (?)  d'une  grandeur  extraordinaire  qui  provient  sans 
aucun  doute  du  temps  de  Moïse  (salut  à  lui).  On  rapporte  en 
effet  que  Moïse  (salut  à  lui)  planta  sa  verge  en  ce  lieu  et  que 
Dieu  y  fit  croître  cet  arbre  qui  porta  des  branches  et  poussa 
vigoureusement.  Il  s'éleva  vers  le  ciel,  majestueux  et  droit, 
et  son  tronc  ne  cessa  pas  de  grossir  jusqu'à  ce  qu'Al-Malek- 
al-Achraf-Châaban-ben-Hussein  (3)  fondât  une  école  au  pied 


force  à  la  religion  de  Dieu)  résolut  de  transporter  sa  résidence  de  Kairouan 
en  Egypte.  Comme  tous  les  conquérants  de  l'Egypte  qui  l'avaient  précédé,  il 
voulut  créer  une  nouvelle  capitale.  Djouhar  en  creusa  les  fossés,  qui  comprirent 
dans  leur  enceinte  les  quartiers  déjà  habités  (Al-Katâïa),  et  s'étendirent  beaucoup 
plus  au  nord  entre  le  Mokattam  et  le  Khalig.  Pour  la  pose  de  la  première  pierre 
on  attendit  le  passage  de  la  planète  Mars  (  .»li  Kaher,  le  victorieux)  au  mé- 
ridien du  lieu.  C'est  pourquoi  on  appela  la  nouvelle  ville  Masr-al-Kahirat 
(Egypte  la  Victorieuse).  Le  nom  de  Masr  (Egypte)  s'ajoutait  au  nom  des  capi- 
tales. On  avait  dit  auparavant  Masr-Menf,  Masr-Fostat.  De  nos  jours  on  se  sert 
encore  du  seul  mot  Masr  pour  désigner  le  Caire.  La  fondation  du  Caire  eut  lieu 
Tan  302  de  l'hégire  (972). 

(1)  Exode,  chap.  iv. 

(2)  L'intervalle  compris  entre  la  destruction  de  Jérusalem  par  Titus  (70  ap. 
J.-C.)  et  le  commencement  de  l'hégire  (16  juillet  622)  est  de  552  ans;  en  retran- 
chant de  ce  nombre  les  <•  quarante  et  quelques  années  »  qui,  d'après  Makrizi, 
s'écoulèrent  entre  la  destruction  de  Jérusalem  par  Titus  et  la  construction  de  la 
synagogue  Dimouah,  on  obtient  en  effet  «  un  peu  plus  de  cinq  cents  ans  ». 

(3)  Al-Malek-al-Achraf  III,  arrière-petit-fils  du  sultan  Qalaoun,  fut  proclamé 
sultan  d'Egypte  à  l'âge  de  dix  ans,  en  764  de  l'hégire  (1363).  Il  régna  quatorze  ans 


LES    SYNAGOGUES    DES    JUIFS.  157 

de  la  citadelle.  On  lui  parla  de  la  beauté  de  cet  arbre  et  il  or- 
donna de  l'abattre  pour  l'utiliser  à  des  constructions.  On  alla 
pour  exécuter  l'ordre  qu'il  avait  donné.  Mais  aussitôt  l'arbre  se 
contourna,  se  tordit  et  prit  un  aspect  hideux.  Ils  le  laissèrent 
alors  et  il  resta  dans  cet  état  pendant  un  certain  temps.  Il 
arriva  ensuite  qu'un  Juif  commit  dessous  un  adultère  avec  une 
Juive;  aussitôt  ses  branches  s'inclinèrent  sans  vigueur,  son 
feuillage  tomba  et  se  dessécha  à  tel  point  qu'il  ne  resta  pas 
une  feuille  verte,  et  il  resta  dans  cet  état  jusqu'à  nos  jours. 
On  célèbre  dans  cette  synagogue  une  solennité  à  laquelle  les 
Juifs  se  rendent  avec  leur  famille  au  moment  de  la  fête  de  la 
Pentecôte  qui  a  lieu  au  mois  de  Siwân.  Cette  fête  leur  tient  lieu 
du  pèlerinage  de  Jérusalem.  Il  y  a  au  sujet  de  Moïse  (salut  à 
lui)  des  traditions  que  Dieu,  le  Très-Haut,  a  rapportées  dans  le 
Coran  sublime  et  dans  la  Thorah.  Les  savants  et  les  lettrés 
musulmans  racontent  beaucoup  de  choses  à  cet  égard.  Je  m'é- 
tendrai sur  ces  matières  autant  que  le  comporte  le  sujet  de  mon 
livre. 

MOÏSE  FILS  D'AMRAM 

D'après  la  Thorah,  Amram  était  fils  de  Caath,  fils  de  Lévi, 
fils  de  Jacob,  fils  d'Isaac,  fils  d'Abraham,  l'ami  du  Miséricor- 
dieux (que  les  bénédictions  de  Dieu  et  son  salut  soient  sur 
eux).  Il  eut  pour  mère  Jochabed  (Iohanaz)  (1),  fille  de  Lévi,  et  en 
même  temps  tante  d' Amram  père  de  Moïse.  Celui-ci  naquit 
en  Egypte  le  septième  jour  du  mois  d'Adar,  cent  trente  ans  (2) 

et  périt  assassiné  par  les  mamelouks  révoltés  (778/  1377).  Il  fut  l'un  des  derniers 
de  la  dynastie  des  Mamelouks  Bahariles  ou  Turcomans. 

(1)  Ex.,  vi,  20.  Le  texte  de  l'édition  de  Boulak  porte  JiUvy_  Iohanaz.  C'est 
une  altération  de  l'hébreu  "nift.  Il  faudrait  lire  plutôt  JjU^. 

(2)  Moïse  étant  né  130  ans  après  l'arrivée  de  Jacob  en  Egypte  et  étant  âgé  de 
80  ans  au  moment  de  l'Exode,  on  aurait  ainsi  130  +  80  —  210  ans  pour  la 
durée  du  séjour  des  Hébreux  en  Egypte.  La  tradition  relatée  ici  par  Makrizi 
concorde,  à  quelques  années  près,  avec  les  données  de  la  Bible.  D'après  la 
Genèse  (xv),  Dieu  annonce  à  Abraham  que  sa  postérité  sera  errante  sur  la 
terre  étrangère  pendant  400  ans.  Or  ces  400  ans  ne  doivent  pas  s'entendre 
seulement  du  .séjour  en  Egypte,  mais  encore  du  séjour  des  patriarches  dans  la 
terre  de  Chanaan,  puisque  saint  Paul  (Gai.,  m,  16,  17)  dit  que  la  loi  a  été  donnée 
sur  le  mont  Sinaï  «  430  ans  »  après  la  promesse  faite  à  Abraham.  Ces  430  ans  se 
décomposent  en  deux  périodes  égales  de  215  ans.  Entre  la  promesse  faite  à 
Abraham  et  la  naissance  d'Isaac,  il  s'écoula  en  effet  25  ans.  Isaac  avait  60  ans 


158  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

après  que  Jacob  fut  venu  en  Egypte  sur  l'invitation  de  Joseph 
(que  le  salut  soit  sur  eux).  Après  la  mort  de  Lévi,  qui  arriva 
Tan  94  (1)  après  la  venue  de  Jacob  en  Egypte,  les  fils  d'Israël 
furent  persécutés  par  les  Égyptiens.  Voici  quelle  en  fut  l'oc- 
casion :  Joseph  (salut  à  lui)  mourut  quatre-vingts  ans  après 
l'arrivée  de  Jacob  en  Egypte:  le  roi  d'Egypte  à  cette  époque 
s'appelait  Dàrem-ben-Ar-Raïân.  C'était  le  quatrième  Pharaon 
qui  régnait  sur  les  Hébreux.  11  est  appelé  Darimos  par  les 
Égyptiens.  Il  prit  pour  ministre  un  prêtre  nommé  Blatos  et 
l'établit  sur  les  corvées.  Son  administration  fut  tout  autre 
que  celle  de  Joseph.  La  conduite  du  roi  était  si  perverse  qu'il 
violait  toute  les  belles  femmes  de  la  ville  de  Memphis  et  même 
des  provinces.  Ses  sujets  en  conçurent  un  violent  méconten- 
tement et  résolurent  de  le  déposer.  Mais  le  vizir  Blatos  s'in- 
terposa entre  le  roi  et  ses  sujets.  Il  leur  fit  remise  des  impôts 
pour  trois  ans  et  leur  fit  des  largesses  qui  les  apaisèrent.  Il 
arriva  ensuite  qu'un  Israélite  frappa  un  gardien  des  temples 
et  le  blessa,  attentat  sacrilège  pour  la  religion  des  prêtres.  Les 
Égyptiens  irrités  demandèrent  au  vizir  de  chasser  les  fils 
d'Israël  de  l'Egypte.  Il  s'y  refusa. 

Cependant  le  roi  Dàrem  s'était  retiré  dans  la  Haute- 
Egypte. 

Le  vizir  lui  envoya  un  messager  pour  le  mettre  au  courant 
de  ce  qu'avait  fait  l'Israélite,  et  de  ce  que  les  Égyptiens  de- 
mandaient l'expulsion  des  fils  d'Israël  de  l'Egypte.  Le  roi  lui 
répondit  que  l'on  ne  devait  rien  faire  sans  sa  permission. 
Alors  les  Égyptiens  se  soulevèrent,  et  se  mirent  d'accord  pour 
renverser  le  roi  et  en  établir  un  autre  à  sa  place.  Le  roi  marcha 


à  la  naissance  de  Jacob  et  celui-ci  avait  130  ans  quand  il  vint  s'établir  en 
Egypte.  On  obtient  ainsi  25  +  60  +  130  =  215  ans  pour  le  séjour  des  patriar- 
ches clans  le  pays  de  Chanaan  et  il  reste  également  215  ans  pour  le  séjour  des 
Hébreux  en  Egypte.  Ces  chiffres  ne  s'accordent  pas  avec  l'hypothèse  qui  place 
l'Exode  sous  la  XIXe  dynastie  pendant  le  règne  de  Menephtah  (E.  de  Rougé) 
ou  de  Séti  II  (Maspero).  Il  faudrait  placer  cet  événement  sous  un  roi  de  la 
XVIIIe  dynastie.  Nous  reviendrons  sur  cette  hypothèse  qui  est  de  beaucoup  la 
plus  vraisemblable. 

(1)  Ce  chiffre  concorde  avec  les  données  de  la  Genèse.  Joseph  avait  en  effet 
39  ans  quand  Jacob  et  sa  famille^  vinrent  s'établir  en  Egypte.  Lévi,  plus  âgé 
que  lui  de  4  ans,  avait  43  ans.  Comme  il  vécut  137  ans,  il  passa  par  consé- 
quent 137  —  43  =  94  ans  en  Egypte.  Remarquons  que  notre  auteur  fait  com- 
mencer la  persécution  contre  les  Hébreux  immédiatement  après  la  mort  de 


LES    SYNAGOGUES    DES   JUIFS.  159 

contre  eux  et  il  y  eut  entre  lui  et  ses  sujets  des  guerres  (1) 
qui  coûtèrent  la  vie  à  un  grand  nombre  d'hommes.  Ce  fut  le 
roi  qui  triompha.  Il  crucifia  sur  le  bord  du  Nil  une  multitude 
innombrable  de  rebelles.  Ensuite  il  revint  plus  violemment 
que  jamais  à  ses  anciennes  habitudes  :  ravissant  les  femmes, 
confisquant  les  biens,  réduisant  en  servitude  les  nobles  et  les 
grands  parmi  les  Égyptiens  et  les  Israélites,  de  sorte  que  l'in- 
dignation était  universelle  contre  lui.  Il  arriva  que  pendant 
qu'il  naviguait  sur  le  Nil,  le  vent  souffla  avec  violence  et  Dieu 
le  fit  périr  dans  les  flots  avec  ceux  qui  raccompagnaient;  et 
l'on  ne  retrouva  son  cadavre  qu'à  Chatnouph  (2). 

Le  vizir  le  remplaça  sur  le  trône  par  son  fils  Maadiwisch 
qui  était  alors  en  bas  âge. 

Quelques  historiens  l'appellent  Maadàn.  Il  gouverna  avec 
justice  et  rendit  les  femmes  que  son  père  avait  enlevées.  Il 
fut  le  cinquième  Pharaon.  Les  fils  d'Israël  se  multiplièrent 
considérablement  sous  son  règne,  et  s'élevèrent  avec  véhé- 
mence contre  le  culte  des  idoles.  Le  vizir  Blatos  mourut  et  eut 
pour  successeur  clans  le  vizirat  un  prêtre  nommé  Amladah. 
Le  nouveau  vizir  ordonna  de  reléguer  les  Israélites  dans  un 
canton  du  pays  où  ils  n'auraient  aucune  communication  avec 
d'autres  que  ceux  de  leur  race.  On  leur  assigna  un  territoire 
au  sud  de  la  ville  de  Memphis  (3).  Ils  s'y  retirèrent  et  y  cons- 

Lévi  et  par  conséquent  peu  après  la  mort  de  Joseph,  laquelle  (Hait  survenue 
treize  ans  avant  celle  de  Lévi.  Le  récit  de  l'Exode  (i,  6-9)  est  favorable  à  cette 
tradition. 

(1)  Le  récit  de  Makrizi  concernant  les  rois  d'Egypte  est  le  plus  souvent  de  la 
pure  fantaisie  et  n'a  d'autre  intérêt  que  de  nous  faire  connaître  les  traditions 
arabes  sur  l'ancienne  Egypte.  La  seule  donnée  historique  de  ce  récit,  à  part 
ce  qu'il  emprunte  à  la  Bible,  est  que  l'exode  fut  accompagné  de  troubles  in- 
térieurs en  Egypte.  De  tous  les  noms  qu'il  donne  aux  Pharaons  et  à  leurs  mi- 
nistres, pas  un  seul  n'est  historique. 

(2)  Ville  de  la  Haute-Egypte  située  sur  le  Nil.  Ce  nom  a  disparu  et  l'on  ne  sait 
avec  quelle  localité  actuelle  il  conviendrait  de  l'identifier. 

(3)  La  tradition  qui  place  la  terre  de  Gessen  au  sud  de  Memphis  repose  sans 
doute  sur  ce  fait  que  le  Fayoum,  situé  au  sud  de  cette  capitale,  était  le  pays  le 
plus  fertile  d'Egypte;  or  la  terre  concédée  par  le  Pharaon  aux  Israélites  est 
appelée  dans  la  Genèse  la  meilleure  de  toute  l'Egypte  (Gen..  xi.vm,  11).  D'autre 
part,  il  ressort  du  récit  de  l'Exode  que  le  pays  habité  par  les  Israélites  était  à 
proximité  d'une  résidence  royale.  Thèbes  était  trop  loin  dans  la  Haute-Egypte 
pour  que  l'on  put  songer  à  cette  capitale  ;  Tanis,  Bubaste,  Sais  étaient  aban- 
données et  oubliées,  il  ne  restait  plus  que  Memphis  à  laquelle  on  pût  s'arrêter. 
En  outre  la  véritable  terre  de  Gessen,  privée  d'eau,  était  devenue  un  désert  et 


160  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

truisirent  un  temple  où  ils  récitaient  les  prières  contenues  dans 
les  livres  d'Abraham  (salut  à  lui).  Un  Égyptien  ayant  demandé 
en  mariage  une  femme  israélite,  ils  ne  voulurent  pas  la  lui 
accorder,  bien  qu'il  l'aimât  beaucoup.  Les  Égyptiens  attachè- 
rent une  grande  importance  à  ce  refus.  Ils  allèrent  trouver 
le  vizir  et  se  plaignirent  des  Israélites  en  disant  :  «  Ces  gens 
nous  font  injure  en  refusant  de  s'allier  avec  nous  par  mariages. 
C'est  pourquoi  nous  ne  voulons  pas  avoir  pour  voisins  des 
sectateurs  d'une  autre  religion  que  la  nôtre.  »  Le  vizir  leur 
répondit  :  «  Vous  savez  avec  quels  égards  leur  ancêtre  a  été 
accueilli  par  le  roi  Thouthis,  et  après  lui  par  Naharaouïsh.  Vous 
connaissez  les  bienfaits  de  l'administration  de  Joseph  à  tel 
point  que  vous  avez  mis  son  tombeau  au  milieu  du  Nil  et  c'est 
à  lui  que  l'Egypte  doit  sa  fertilité.  »  Et  il  leur  ordonna  de  laisser 

l'on  ne  pouvait  songer  que  la  région  du  Ouadi  Toumilat,  presque  partout  infer- 
tile, eût  pu  être  la  plus  féconde  de  l'Egypte. 

Cette  tradition  a  trouvé  jusqu'à  nos  jours  quelques  rares  partisans,  entre 
autres  M.  J.  Cope  Whitehouse  qui  s'efforce  de  prouver  que  Zoan  (Tanis)  est  la 
même  ville  que  Memphis  et  que  le  Fayoum  est  la  véritable  terre  de  Gessen 
(V.  Proceedings  of  the  Society  of  Bibiical  Arclteology,  année  1885,  p.  112-120). 
Mais  l'identité  de  Tanis  avec  San-el-Hagar  sur  le  Bahr-Moëz  (ancienne  branche 
tanitique),  affluent  actuel  du  lac  Menzaleh,  n'est  plus  à  démontrer.  Les  monu- 
ments trouvés  dans  ses  ruines  ne  laissent  aucun  doute  à  cet  égard.  Le  nom  même 
de  Zoan  (7J7Ï')  qui  signifie  «  point  de  départ  des  caravanes  »,  indique  un  lieu 
situé  du  côté  et  à  proximité  de  l'Asie.  Le  récit  de  la  Genèse  montre  pour  les 
Hébreux  autant  de  bienveillance  chez  le  roi  que  d'antipathie  chez  ses  sujets. 
«Les  Égyptiens  ont  les  pasteurs  en  abomination,  dit  Joseph  à  ses  frères  »  (Gen., 
xlvi,  34).  La  raison  de  cette  bienveillance  et  de  cette  antipathie  vient  de  ce  que 
les  maîtres  de  l'Egypte  étaient  alors  les  Pasteurs,  asiatiques  et  bergers  comme 
les  Hébreux.  La  race  indigène,  conquise  et  asservie  par  eux,  devait  naturelle- 
ment «  les  avoir  en  abomination  ».  C'est  pour  cette  même  raison  que  Joseph 
demanda  pour  sa  famille  la  terre  de  Gessen,  ou  de  Ramsès  (Gen.,  xlvii,  11),  sé- 
parée du  reste  de  l'Egypte  et  située  du  côté  de  l'Asie,  pays  d'origine  des  Hé- 
breux. On  sait  d'autre  part  que  la  ville  de  Ramsès,  d'après  laquelle  on  désignait 
parfois  toute  cette  région,  était  située  à  l'orient  du  Delta.  Il  en  était  de  même 
de  la  ville  de  Pithom  que  l'on  fit  reconstruire  aux  Hébreux  en  même  temps 
que  Ramsès  (Ex.,  î,  11)  et  dont  M.  Naville  a  retrouvé  les  ruines  à  Tell-el-Maskhouta, 
non  loin  d'Ismaïlia  et  du  canal  de  Suez. 

Le  nom  de  Gessen  se  retrouve  dans  celui  de  Kosem  (ou  Sesem)  ville  impor- 
tante du  nome  arabique  ou  Supt  (XXe  de  la  Basse-Egypte)  probablement  la 
même  que  la  Phacusa  de  Ptolémée  et  de  Strabon.  On  a  voulu  l'identifier  tantôt 
avec  Tell-Fakous,  localité  située  à  l'ouest  de  Salahieh  et  à  20  kilomètres  au  sud 
des  ruines  de  Tanis,  tantôt  avec  Saft-el-Henné,  à  10  kilomètres  à  l'est  de  Zagazig. 
Cette  dernière  opinion  est  la  plus  plausible  et  s'accorde  avec  les  données  de 
Strabon  qui  place  Phacusa  sur  le  canal  qui  allait  du  Nil  à  la  mer  Rouge,  le 
Ouadi-Toumilat  actuel  (V.  J.  de  Rougé,  Géographie  ancienne  de  la  Basse-Égypie). 


LES    SYNAGOGUES    DES    JUIFS.  161 

les  fils  d'Israël  en  paix.  Les  Égyptiens  se  continrent  donc 
jusqu'à  la  mort  de  Maadàn.  Il  eut  pour  successeur  son  fils 
Aksàmès  que  l'on  appelle  aussi  Kàsem-ben-Maadàn,  ben  Ar- 
Ryan,  ben-al-Oualid,  fils  de  Doumaa  l'Amalécite.  Ce  fut  le 
sixième  Pharaon  d'Egypte.  Le  premier  s'appelait  Pharàn  (1); 
son  nom  fut  donné  dans  la  suite  à  tous  les  rois  d'Egypte  qui 
se  signalèrent  par  leur  orgueil.  Quand  le  vizir  de  son  père 
mourut, ille  remplaça  par  un  de  ses  courtisans  nommé  Dzoulmân- 
ben-Koumès,  homme  vaillant  qui  était  en  même  temps  ma- 
gicien, prêtre,  scribe,  médecin,  habile  et  expérimenté  dans 
toutes  les  sciences.  Il  aspirait  lui-même  à  la  royauté,  et  l'on  dit 
qu'il  fut  le  père  d'Aschmoun  (2)  d'après  les  uns,  de  Sàh  d'après 
les  autres.  Il  répara  ce  qui  était  ruiné,  et  bâtit  des  villes  aux 
frontières.  Il  avait  vu  dans  ses  songes  qu'il  arriverait  de  gran- 
des calamités. 

Les  Égyptiens  se  plaignirent  à  lui  au  sujet  des  Israélites.  Il 
leur  répondit  :  «  Ils  sont  vos  esclaves.  »  Et  quand  un  Égyptien 
en  éprouvait  le  besoin,  il  astreignait  l'Israélite  à  la  corvée  et  le 
frappait  sans  que  personne  s'en  indignât  ou  l'en  blâmât.  Quand 

(1)  Les  écrivains  arabes  obéissent  presque  constamment  à  la  préoccupation 
de  donner  à  chaque  ville  un  fondateur  du  même  nom.  La  Bible  parle  à  plusieurs 
reprises  de  la  plaine,  du  désert  et  de  la  montagne  de  Pharan  (Gen.,  xiv.  6;  xxi, 
21  ;  Num.,  x,  12  et  13;  Deut.,  i,  1  et  xxxm,  2  ;  I  Samuel,  xxv,  1  ;  Hab.,  m,  3).  Makrizi 
rapporte  clans  son  livre  consacré  aux  villes  d'Egypte  que  Pharan  était  une  ville 
située  à  une  journée  de  marche  de  la  mer  Rouge,  entre  deux  montagnes  dont 
les  flancs  présentaient  de  nombreuses  grottes  sépulcrales.  11  n'a  pas  manqué  de 
faire  un  rapprochement  entre  Pharàn  et  Pharaon,  et  de  faire  du  prétendu  roi 
Pharan  le  premier  des  Pharaons,  celui  qui  aurait  donné  son  nom  à  un'grand 
nombre  de  souverains  de  l'Egypte. 

(2)  La  remarque  de  la  note  précédente  s'applique  également  aux  noms  d'Asch- 
moun et  de  Sah.  Aschmoun  fut  au  moyen  âge  une  des  plus  grandes  villes  de  la 
Haute-Egypte.  Sah  était  située,  d'après  Makrizi,  dans  la  Basse-Egypte,  dans  la 
région  du  lac  Maréotis,  à  l'ouest  du  Delta.  C'est,  selon  toute  vraisemblance,  la 
même  ville  que  l'ancienne  Saïs  dont  les  ruines  s'étendent  actuellement  près  du 
village  de  Sà-el-Haggar  sur  la  rive  droite  de  la  branche  de  Rosette.  D'après  Ibn- 
Ouacif-Schah,  Coptitn  fils  de  Mesraïm  aurait  partagé  l'Egypte  entre  ses  quatre 
(ils  Aschmoun,  Atrib,  Coplith  et  Sah.  Aschmoun  aurait  fondé  la  ville  du  même 
nom  dans  le  Saïd,  et  aurait  régné  huit  cents  ans,  tandis  que  Sah  bâtissait  aussi 
une  capitale  à  l'ouest  du  Delta.  Il  y  a  également  dans  la  Basse-Egypte  le  canal 
d'Aschmoun  qui  se  sépare  du  Nil  à  Mansourah,  arrose  Menzaleh  et  se  jette 
dans  le  lac  Menzaleh  à  Matarieh.  C'est  l'ancienne  branche  mendésienne.  On 
l'appelle  encore  Bahr-el-Saghir,  •<  le  petit  fleuve  ».  On  trouve  encore  une  bourgade 
du  nom  d'Aschmoun  sur  la  branche  de  Rosette,  à  30  kilomètres  environ  en  aval 
du  Caire. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  11 


162  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

au  contraire  un  Israélite  frappait  un  Égyptien,  on  le  mettait 
à  mort  sans  rémission.  Les  femmes  des  Égyptiens  traitaient 
de  la  même  manière  les  femmes  israélites.  Ce  fut  le  commen- 
cement des  malheurs  et  des  humiliations  qu'eurent  à  subir  les 
Israélites  et  leurs  maux  se  multiplièrent  en  même  temps  que 
les  vexations  des  Égyptiens.  Le  vizir  Dzoulmàn  se  rendit  seul 
maître  de  l'administration  du  pays,  car  il  était  en  faveur 
auprès  de  Naharaouish.  Le  roi  Aksamès  vint  à  mourir  et  on 
accusa  le  vizir  Dzoulmàn  de  l'avoir  empoisonné.  Il  se  revêtit 
alors  de  son  armure  et  mit  Latis  sur  le  trône  de  son  père. 
C'était  un  jeune  homme  téméraire  et  vaniteux.  Il  enleva  à 
Dzoulmân-ben-Koumès  ses  fonctions  de  vizir  et  le  remplaça 
par  un  homme  nommé  Lahouk,  de  la  descendance  de  San.  II 
envoya  Dzoulmàn  comme  gouverneur  dans  le  Saïd  (1)  et  fit 
partir  avec  lui  une  foule  d'Israélites.  Son  orgueil  et  son  inso- 
lence ne  connurent  plus  de  bornes.  Il  voulait  que  tout  le  monde 
se  tînt  debout  pendant  qu'il  restait  assis.  Il  s'emparait  des 
biens  de  ses  sujets  et  ne  permettait  pas  qu'ils  en  gardassent 
plus  que  ce  qu'ils  avaient  à  la  main.  Il  diminuait  leur  nourri- 
ture, ravissait  un  grand  nombre  de  femmes  et  commettait  plus 
d'excès  qu'aucun  de  ses  prédécesseurs.  Il  réduisit  en  servitude 
les  fils  d'Israël  et  se  fit  détester  par  l'aristocratie  et  par  le 
peuple. 

(A  suivre.) 

(1)  Le  Saïd  est  la  Haute-Egypte. 


LES  CENT  DIX-SEPT  ACCUSATIONS 

PRÉSENTÉES  A  BENOIT  XII  CONTRE  LES  ARMÉNIENS 


§  1.  État  desprit  différent  chez  les  Arméniens  de  l'Ar- 
ménie occidentale  et  orientale;  accord  des  plus  anciens 
usages  arméniens  nettement  constatés  avec  la  foi  catholique; 
canons  de  saint  Sahag;  résistance  au  règlement  disciplinaire 
i  m  posé  par  un  synode  de  Cilicie.  —  Celui  qui  retrace  les  dis- 
cussions religieuses  parfois  si  âpres  du  moyen  âge  doit,  pour 
permettre  au  lecteur  de  les  juger  avec  sérénité,  les  replacer 
dans  leur  cadre  vivant  et  bien  complexe,  que  contribuent  à  for- 
mer toutes  les  circonstances  de  personnes,  de  temps  et  de  lieux. 
Quelques  catholiques  orientaux,  initiés  parleur  formation  ecclé- 
siastique à  la  forte  discipline  et  à  l'unité  parfaite  de  l'Église 
latine,  oublièrent  que  l'uniformité  d'usages  est  souvent  étran- 
gère à  l'unité  dans  la  foi,  et  d'ailleurs  irréalisable  chez  un 
peuple  ayant  une  langue  liturgique  à  part,  différent  de  mœurs, 
soumis  à  d'autres  influences  et  justement  fier  d'un  rite,  qui, 
dans  ses  grandes  lignes,  remonte  aux  premiers  siècles  de 
l'Église.  Ces  ardents  zélateurs  de  l'union,  conformément  aux 
vues  un  peu  étroites  de  certains  bons  esprits  de  l'époque,  prê- 
tèrent aussi  une  importance  exagérée  à  quelques  divergences 
disciplinaires  assez  indifférentes  en  elles-mêmes. 

En  portant  au  souverain  pontife  tel  ou  tel  grief  contre 
l'Église  arménienne  en  bloc,  ou  contre  le  catholicos  et  le  haut 
clergé  de  Cilicie,  ils  ne  s'avisèrent  pas  que,  le  catholicos  le  vou- 
lût-il, il  ne  pouvait  pas  toujours  rallier  à  ses  décisions  les  dis- 
sidents éloignés,  ni  leur  imposer  silence,  ni  même  les  empêcher 
de  répondre  aux  avertissements  par  la  révolte  et  d'égarer  à 
leur  suite  la  plus  grande  partie  du  peuple,  placé  sous  la  domi- 


164  REVUE    DE    L'ORIENT  CHRÉTIEN. 

nation  musulmane;  multitude  inconsciente,  au  "point  d'oublier 
cette  vérité  élémentaire  :  que,  si  l'Église  du  Christ  est  divine, 
elle  est  nécessairement  catholique,  c'est-à-dire  universelle  et 
non  enfermée  dans  les  étroites  limites  d'une  tribu,  d'un  peuple, 
d'une  nation.  S'il  est  d'ailleurs  des  usages  religieux  arméniens 
incompatibles  avec  la  foi  catholique,  ces  usages  ne  sont  assu- 
rément pas  les  plus  anciens  (1). 


(1)  Le  rite  et  la  discipline  arménienne,  tels  qu'ils  ont  été  formulés  parles  anciens 
Pères  de  l'Église  arménienne,  ne  contiennent  aucun  usage  en  désaccord  avec 
la  doctrine  de  l'Église  catholique.  Les  principaux  livres  ecclésiastiques  de  l'Église 
arménienne  sont  en  effet  le  Bréviaire,  la  Liturgie,  le  Livre  des  hymnes  et  le  Ri- 
tuel. Les  premiers  furent,  disent  les  Arméniens,  composés  en  grande  partie  par 
saint  Isaac  et  saint  Mesrob,  et  perfectionnés  surtout  par  Kioud  et  Mantagouni. 
Quant  au  dernier,  le  Rituel,  il  fut  appelé  maschdotz,  du  surnom  de  Mesrob.  Cette 
appellation  en  indique  assez  la  provenance.  Or,  il  est  évident  que  tous  ces  pon- 
tifes et  ceux  qui  les  avaient  précédés  étaient  bien,  comme  les  papes  le  diront 
de  plusieurs  de  leurs  successeurs,  des  membres  insignes  de  l'Église  catholique. 

Entre  tous  ces  noms,  après  ceux  de  l'Illuminateur  et  de  Nersès  I,  c'est  le  nom 
d'Isaac  qui  brille  du  plus  radieux  éclat.  Grégoire  avait  jeté  les  derniers  fonde- 
ments de  l'Église  catholique  d'Arménie  et  en  avait  élargi  les  limites  jusque-là 
très  étroites.  Nersès  avait  achevé  de  la  constituer  sur  le  modèle  de  l'Église  de 
Césarée,  organe  vivant  du  grand  corps  catholique,  dont  la  tète  invisible  est  le 
Christ  et  la  tète  visible  Pierre  et  ses  successeurs.  Rejeton  de  ces  deux  grands 
hommes,  Isaac  fut.  à  tous  égards,  leur  imitateur.  Il  y  a  même  entre  eux  et  lui 
cette  coïncidence  étrange,  que,  comme  eux,  il  ne  parut  pas  d'abord  prédestiné 
au  pontificat.  Élevé  à  Constantinople,  le  fils  de  Nersès  le  Grand  s'y  était  marié 
et  Dieu  lui  avait  donné  une  fille,  Anouisch,  qui  sera  la  mère  de  Vartanle  Grand. 
Mais,  sa  femme  morte,  il  avait,  comme  son  père  aussi,  renoncé  à  toutes  les  am- 
bitions et  aux  délices  du  monde;  de  plus,  il  s'était  voué  aux  austérités  de  la  vie 
religieuse;  et  le  prestige  de  son  nom,  l'autorité  de  ses  exemples  avaient  groupé 
autour  de  lui  une  soixantaine  de  disciples.  Cependant,  son  vouloir  ferme  et 
droit,  son  intelligence  claire  et  pratique,  sa  piété  profonde,  son  zèle  et  son  ab- 
négation l'avaient  alors  désigné,  plus  encore  que  le  sang  qui  coulait  dans  ses 
veines,  pour  la  charge  d'archevêque.  A  peine  élu.  il  s'était  mis  énergiquement 
à  l'œuvre  pour  restaurer  et  compléter  l'organisation  ecclésiastique  catholique. 
altérée  ou  mal  défendue  par  des  pasteurs  faibles,  complaisants  ou  ambitieux, 
contre  les  empiétements  d'un  pouvoir  civil,  qui  menaçait  de  l'absorber  et  de 
transformer  cette  patrie  supérieure  des  âmes  en  un  parti  étroit,  en  une  institu- 
tion exclusivement  nationale. 

S'il  n'avait  pu  détruire  entièrement  tous  les  germes  de  schisme  qui  existaient 
déjà  quoique  peu  apparents,  c'est  que  les  Aghbianos,  envieux  de  son  siège 
ecclésiastique,  et  appuyés  par  plusieurs  nakharars,  prévinrent  contre  lui  le 
roi  de  Perse.  Ils  persuadèrent  aisément  à  ce  dernier  que,  si  le  roi  arménien 
Khosroès  n'avait  pas  demandé  l'agrément  du  roi  de  Perse,  avant  de  désigner 
Isaac  pour  archevêque,  c'est  qu'il  visait  à  briser  ses  liens  de  dépendance  vis-;i- 
vis  de  la  Perse.  Déposé  à  la  suite  de  ces  accusations,  puis  réinstallé,  obtenant 
plus  tard  par  son  crédit  auprès  de  Yezdedgerd  I  l'adoucissement  des  mesures 
cruelles  prescrites  contre  les   chrétiens,  forcé  sous   Bahran    ou  Vahran  IV  de 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  165 

D'autre  part,  à  mesure  qu'on  approche  du  quatorzième  siècle, 
on  voit  nombre  de  moines  des  provinces  de  la  Grande-Arménie, 

se  réfugier  dans  l'Arménie  grecque,  rentré  de  nouveau  dans  l'Arménie  perse:  là, 
délégué  avec  Vartan  par  les  nakharars  vers  Vahran  V,  qui,  sur  leur  requête, 
donne  aux  Arméniens  Ardesehir  pour  roi,  entraîné  ensuite  dans  la  ruine  de  son 
roi  et  exilé  parce  qu'il  n'a  pas  voulu  laisser  les  nakharars  échanger,  selon  son 
expression,  «  un  coupable  sans  puissance  contre  un  criminel  tout-puissant,  un 
mouton  contre  un  loup  »,  il  est  enfin  rappelé  vers  430,  après  l'expulsion  de 
Sourmag  et  de  Berkischo,  et  reçoit  la  charge  de  chef  spirituel  de  l'Église,  tandis 
que  le  haut  soin  des  affaires  temporelles  continue  d'être  réservé  au  Syrien  Sa- 
muel. Celui-ci,  qui  semble  favoriser  la  propagande  nestorienne,  limite  à  son  gré 
le  nombre  des  ordinations  épiscopales  accomplies  par  Isaac;  et  le  roi  de  Perse» 
en  permettant  de  combler  les  vides  faits  dans  l'épiscopat,  pose  comme  condi- 
tions que  ses  sujets  chrétiens  n'auront  plus  de  relations  avec  leurs  voisins  occi- 
dentaux et  que  leur  catholicos  ne  sera  plus  consacré  à  Césarée  {De  Rébus  Arm., 
Migne,  P.  G.,  CXXXII,  1240-1211  ;  catal.  ibid.). 

Cet  isolement  matériel  de  l'Église  arménienne,  non  voulu  sans  doute  de  la  plu- 
part de  ses  évéques,  deviendra  peu  à  peu  plus  formel  et  plus  absolu;  car,  sou- 
mis à  l'agrément  sinon  au  choix  du  roi  de  Perse,  plusieurs  des  successeurs  de 
Sahag  le  Grand  n'auront  point  sa  généreuse  indépendance  ;  circonvenu  par  le 
pouvoir  civil,  trompé  par  les  Eutychiens  et  les  Nestoriens  qui  publient  partout 
que  le  concile  de  Chalcédoine  a  divisé  le  Christ  en  deux  personnes,  égaré 
par  le  décret  semi-monophysite  de  Zenon,  le  catholicos  Papgën,  disciple  de 
Mantagouni  et  gardant  de  secrètes  sympathies  pour  les  Grecs,  sera  persuadé 
qu'en  adhérant  à  Yhénoticon  c'est  à  la  foi  catholique  qu'il  adhère.  Placés  sur  la 
pente  fatale  d'un  désaccord  qui  a  commencé  presque  inconsciemment,  Nersès  II 
et  ses  premiers  successeurs  seront  entourés  de  telles  circonstances  que  s'arrêter 
au  bord  du  versant  leur  sera  difficile,  se  libérer  et  remonter  vers  le  point  de  dé- 
part des  divergences  sera  plus  difficile  encore.  Sans  être  formellement  mono- 
physites,  puisqu'ils  retiendront  toujours  les  articles  du  concile  d'Éphèse  qui  sont 
une  profession  de  foi  implicite  de  dyophysisme,  ils  ne  se  donneront  pourtant 
pas  les  loisirs  de  reviser  le  procès  témérairement  jugé  contre  le  concile  de  Chal- 
cédoine; ils  adopteront  les  apparences  et,  dans  un  certain  sens,  l'expression  du 
monophysisme.  Ainsi,  le  Trisagion  que,  par  une  imitation  du  chant  des  séra- 
phins (Isaïe,  vi,  3),  Proclus  de  Constantinople  avait  institué  à  l'adresse  de  la 
sainte  Trinité,  pour  relever  le  courage  de  la  population,  abattue  durant  des 
mois  par  d'épouvantables  tremblements  de  terre,  cette  invocation,  dis-je,  recevra 
de  Pierre  Foulon,  et  plus  tard  des  représentants  de  l'Église  arménienne,  l'addi- 
tion :  «  Qui  as  été  crucifié  pour  nous  ».  A  cause  de  cette  adjonction  intempes- 
tive, on  taxera  les  Arméniens  de  patrïpassianisme;  mais  ils  répondront  à  ce  repro- 
che en  disant  qu'ils  adressent  au  Verbe  Incarné  seulement,  l'invocation  :  «  Qui  as 
été  crucifié  »  (Apocalypse,  iv,  8),  et  qu'ils  modifient  la  formule  suivant  le  mystère 
de  la  Vie  de  Notre-Seigneur  qu'ils  célèbrent  [voir  également  les  protestations  de 
quelques  Syriens  dans  Nau,  Opusc.  maronites,  Paris,  1900,  11,  15). 

.Mais,  abusifs  ou  non,  toujours  est-il  que  les  usages  arméniens  qui  seront  plus 
tard,  surtout  auxive  siècle,  l'objet  des  plus  vives  critiques,  ne  se  retrouvent  pas 
parmi  les  canons  les  plus  anciens  de  l'Église  arménienne.  Voici,  par  exemple,  les 
21  canons  attribués  à  Isaac  et  dont  on  place  la  promulgation  vers  400  (?).  Us  té- 
moignent d'une  réaction  énergique  contre  toutes  les  causes  de  désordres,  nom- 
breuses dans  ces  temps  troublés  : 


166  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

soumises  au  catholicos  de  ]a  Cilicie,  disposés  à  maintenir  par 
toute  sorte  de  moyens  certains  usages,  parfois  abusifs,  qui  ne 


Il  est  ordonné  au  prêtre  d'honorer  très  particulièrement  le  saint  autel;  car  il 
est  le  trône  où  siège  le  Dieu  vivant,  où  s'accomplit  le  mystère  vivifiant  du  Sei- 
gneur; qu'on  y  entretienne  une  lampe  perpétuellement  allumée;  qu'on  ait  un 
respect  égal  pour  les  fonts  baptismaux,  où  nous  avons  été  régénérés  et  renou- 
velés selon  notre  divine  vocation  dans  l'espérance  de  la  vie  éternelle  (can.  i). 

Le  chorévêque  établi  par  l'évêque  doit  visiter  les  fidèles  qui  lui  sont  confiés, 
s'informer  si  les  prêtres  et  les  diacres  se  conforment  aux  saints  canons,  en  ce 
qui  touche  à  la  prédication,  aux  prières  publiques,  à  la  préparation  des  néo- 
phytes avant  le  baptême,  à  la  célébration  du  saint  Sacrifice,  à  l'administration 
du  très  saint  sacrement  de  l'Eucharistie.  Toute  négligence  grave  doit  être  pu- 
nie, même  au  besoin  par  la  dégradation  ou  la  suspension  temporaire  (can.  iv). 

—  Que  les  querelleurs  ainsi  que  les  ivrognes  soient  séparés  des  autres  fidèles, 
tant  qu'ils  ne  se  seront  pas  amendés  (can.  v). 

Les  règles  précédentes,  pour  être  rigoureuses,  n'en  sont  pas  moins  justes  et 
de  nature  à  donner  une  idée  vraie  de  la  sainteté  de  l'Église  et  de  ses  mystères. 
Rien  de  plus  sage  aussi  que  l'obligation  imposée  au  chorévêque,  de  faire  exécu- 
ter ces  prescriptions,  de  ne  promouvoir  aux  saints  Ordres  que  ceux  qui  en  sont 
dignes,  de  châtier  les  coupables,  surtout  ceux  qui  négligent  les  études  des 
sciences  sacrées,  de  veiller  avec  soin  à  la  formation  intellectuelle  et  morale  des 
jeunes  gens  destinés  au  sacerdoce,  soit  dans  les  monastères,  soit  dans  les  autres 
établissements  d'éducation.  Le  chorévêque  qui  néglige  ces  devoirs  et  ne  songe 
qu'à  percevoir  des  tributs  répondra  sur  son  âme  de  ceux  qui  lui  sont  confiés 
(can.  xiii). 

Il  est  défendu  aux  femmes  de  se  tenir  à  côté  du  prêtre  pendant  qu'il  baptise  et 
de  réciter  avec  lui  la  formule  du  baptême,  comme  plusieurs  le  font  avec  trop  peu 
de  retenue;  qu'elles  restent  et  prient  à  la  place  qui  leur  est  assignée  (can.  vin). 

—  Il  est  aussi  défendu  au  diacre  de  baptiser  sous  peine  de  dégradation  (ix). 

Les  canons  x  et  xi  visent  la  répartition  aux  prêtres  des  offrandes  des  fidèles  : 
Les  prémices  offertes  par  les  fidèles  doivent  être  portées  chez  le  prêtre  principal 
(archiprêtre);  elles  lui  reviennent  de  droit  et  non  à  ses  frères,  fussent-ils  ses 
aînés,  ni  à  ses  associés,  fussent-ils  prêtres  (x).  Le  prêtre  principal  (archiprêtre, 
vartabed  ou  docteur  non  marié)  doit  résider  tout  l'été  (loto  wslivo  tempore,  Balgy, 
p.  205)  dans  sa  propre  église,  ou,  suivant  une  autre  variante,  il  doit  y  résider 
toujours;  quant  à  sescoadjuteurs,  ils  doivent,  chacun  à  son  tour,  rester  une  se- 
maine dans  l'église.  Les  deux  tiers  des  offrandes  seront  réservées  au  prêtre 
principal  (xi). 

Tous  les  prêtres  soumis  à  notre  juridiction  doivent  nous  présenter  l'huile  à 
bénir  pour  le  baptême,  afin  que  nous  la  bénissions.  Cette  bénédiction  ne  peut 
être  faite  par  un  simple  prêtre  en  son  domicile,  bien  que  plusieurs  en  agissent 
ainsi  assez  niaisement;  cette  bénédiction  est  réservée  aux  principaux  arche- 
vêques (xu). 

Çà  et  là  s'était  introduit  un  abus  plus  criant  que  les  précédents  :  celui  de 
faire  servir  le  voile  du  tabernacle  pour  orner  le  lit  nuptial,  et  d'employer 
des  calices  dans  les  festins  entre  soldats.  Les  prêtres,  complices  d'une  telle  pro- 
fanation, seront  à  jamais  dégradés  (xm).  Sera  également  suspendu  (temporaire- 
ment) le  prêtre  qui,  chargé  d'office  du  soin  des  âmes,  s'occupera  d'affaires  sé- 
culières, comme  de  l'éducation  des  enfants  nobles  ou   de  l'administration  de 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  167 

remontent  certes  pas  au  temps  de  Sahag.  De  cet  attachement 
plus  opiniâtre  qu'éclairé,  voici  une  preuve,  qui,  pour  être  anté- 
rieure de  plus  d'un  siècle  aux  démêlés  religieux  que  nous 
allons  raconter,  ne  nous  en  aidera  pas  moins  à  en  pénétrer  la 
nature  et  les  motifs  :  Il  s'agissait  simplement,  pour  les  Armé- 
niens orientaux,  d'adopter  quelques  règles  disciplinaires  impo- 
sées par  le  catholicos  et  les  prélats  de  la  Cilicie,  à  la  requête  du 
sbasalar  (général)  Zacharie.  Nous  avons  parlé  ailleurs  de  ce 
vaillant  guerrier  qui  avait  soumis  à  Thamar,  reine  de  l'Ibérie 
et  d'une  partie  de  l'Arménie,  la  Siounie,  plusieurs  des  cantons 
de  l'Ararad,  qui  avait  forcé  le  sultan  de  Garin  à  payer  tribut  et 
poussé  une  expédition  jusqu'aux  portes  d'Akhlath.  Aussi  pieux 
qu'il  était  terrible  aux  musulmans,  Zacharie  avait  demandé  aux 
vartabeds  qui  l'entouraient  l'autorisation  de  faire  célébrer  le 
saint  Sacrifice  dans  son  camp  durant  ses  expéditions,  comme 

leurs  biens  (xiv).  Ces  occupations  absorbaient,  en  effet,  l'activité  de  beaucoup 
de  prêtres. 

Désormais,  «pic  le  prêtre,  ainsi  que  son  épouse,  ne  soient  plus  enterrés  dans 
l'église  ou  devant  l'autel,  mais  dans  le  cimetière  destiné  aux  fidèles  (xv).  Les  prê- 
tres doivent,  hors  de  l'Église,  ne  porter  la  très  sainte  Eucharistie  qu'aux  ma- 
lades (xvi).  Défense  est  faite  aux  parents  de  marier  leurs  enfants  contre  leur  gré. 
Les  prêtres  ne  doivent  point  imposer  la  couronne  nuptiale  aux  fiancés  qui  n'ont 
point  atteint  l'âge  adulte,  et  avant  d'être  sûrs  qu'ils  se  connaissent,  s'aiment  et 
ne  s'épousent  point  pour  plaire  à  leurs  parents.  Les  prêtres  et  les  parents  con- 
trevenant à  ces  dispositions  seront  punis  (xvn).  Le  canon  xvm  règle  la  partici* 
pation  aux  agapes  (qui  doivent  être  prises  à  jeun)  ainsi  que  les  oblations  des 
fruits  et  des  animaux,  qui  se  faisaient  alors  à  l'église.  Tous  les  prêtres  doivent 
prendre  part  ensemble  au  divin  service  et  à  l'oblation  des  agapes.  Le  canon  xix 
interdit  absolument  les  festins  funèbres,  les  pleurs  et  les  sanglots  de  commande 
en  l'honneur  des  défunts,  usages  qui  sont  appelés  diaboliques. 

On  prescrit  aux  prêtres  d'instruire  les  fidèles  de  leurs  devoirs,  de  les  exhorter 
à  fuir  l'ivrognerie,  la  luxure,  à  ne  point  frayer  avec  les  impudiques  et  les  mal- 
faiteurs, à  élever  chrétiennement  leurs  enfants  (xx).  Enfin,  on  rappelle  aux 
moines  qu'ils  ont  renoncé  aux  intérêts  temporels  et  qu'ils  doivent  tendre  sans 
cesse  vers  la  perfection  chrétienne  (xxi). 

11  est  cependant  un  canon,  dont  la  rigueur  étonne,  même  pour  l'époque.  C'est 
le  canon  vi,  qui  éloigne  des  ordres  sacrés  et  même  de  la  participation  aux  obla- 
tions des  fidèles  jusqu'à  la  troisième  génération,  ceux  qui  sont  nés  d'une  union 
adultère,  ou  simplement  d'un  second  mariage  (nati  ex  illicite*  concubitu,  vel  ex 
altero  conjugio  (Balgy,  lue.  cit.). 

Il  est  vrai  que  le  texte  de  ce  canon  que  nous  n'avons  pas  sous  les  yeux  a  été 
traduit  différemment  par  Issaverdens  (The  Armenian  Church,  p.  73).  On  n'ad- 
mettra point  aux  saints  ordres  celui  qui  est  né  d'un  mariage  illégitime  ou  qui 
vit  avec  deux  épouses  (no  one  boni  of  unlawful  mariage,  or  living  with  two 
wives).  En  tout  cas,  il  ne  pouvait  être  question  que  d'un  homme  qui  a  eu  deux 
épouses  successivement. 


168  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

cela  avait  lieu  sous  saint  Tiridate  et  pendant  la  guerre  de 
Vartan  contre  les  rnazdéistes.  Les  vartabeds,  tout  en  recon- 
naissant le  bien-fondé  de  sa  demande,  n'avaient  pas  cru  pou- 
voir autoriser  la  reprise  d'un  usage  depuis  longtemps  tombé 
en  désuétude;  sur  leur  avis,  Zacharie  avait  expédié  des  messa- 
gers au  roi  Léon  et  au  catholicos  Jean,  alors  retiré  à  Hromgla. 
Les  envoyés  demandèrent,  de  la  part  du  sbasalar,  la  faculté  de 
faire  célébrer  la  messe,  sous  une  tente,  dans  son  camp,  et  la 
réforme  de  quelques  autres  points  disciplinaires. 

Le  roi  Léon  et  le  catholicos  David  d'Arqagaghin  (le  monas- 
tère des  Noisetiers)  qui  avait  été  substitué  à  Jean  le  Magnifique, 
convoquèrent  un  synode  composé  d'évêques,  de  prêtres  et  de 
religieux  (1207?).  On  y  examina  les  demandes  du  général,  déjà 
approuvées  par  quelques  vartabeds  de  l'Arménie  orientale; 
elles  furent  jugées  conformes  aux  canons  apostoliques.  En  con- 
séquence, on  rédigea  pour  le  général  un  règlement  contenant 
six  articles  :  1°  il  était  autorisé  à  faire  célébrer  la  messe  dans 
ses  expéditions  sur  un  autel  portatif,  placé  sous  une  tente  ;  il 
suffisait  que  le  prêtre  fût  assisté  d'un  diacre  et  d'un  lecteur. 
2°  Le  synode  prescrivait  de  célébrer  l'Annonciation  le  7  avril, 
l'Assomption  le  15  août,  la  Sainte-Croix  le  14  septembre,  quel 
que  fût  le  jour  où  tombait  cette  date.  3°  On  devait  observer  le 
jeûne  jusqu'à  la  veille  de  l'Epiphanie  et  de  la  Résurrection  et 
ne  le  rompre  qu'en  usant  de  poisson  et  d'huile.  4°  On  recom- 
mandait d'admettre  les  images  du  Sauveur  et  des  saints  et  de 
ne  plus  les  rejeter  comme  païennes.  5°  De  célébrer  la  messe, 
non  seulement  pour  les  défunts,  mais  aussi  pour  les  vivants. 
6°  On  interdisait  aux  religieux  l'usage  de  la  viande.  7°  On  exi- 
geait que  l'Ordre  inférieur  de  lecteur  fût  conféré  le  premier, 
longtemps  avant  le  diaconat;  que  le  prêtre  ne  fût  consacré 
qu'à  un  âge  mûr,  et  que  les  religieux  fussent  astreints  à  observer 
la  vie  commune  et  à  ne  rien  posséder  en  propre.  C'est  à  des 
règles  semblables  que  Georges  Meghrigh  (le  Mielleux,  f  1113) 
avait  soumis  le  monastère  de  Trazargh,  voisin  de  Sis  et  dépen- 
dant directement  du  catholicos;  tel  était  aussi,  semble-t-il,  le 
genre  de  vie  des  moines  de  Sghévra,  près  de  Lampron,  que 
Nersès  de  Lampron  avait  établi  sur  le  modèle  des  couvents 
occidentaux  (Guiragos,  p.  58).  Comment  ces  prescriptions  du- 
rent être  accueillies  d'un  bon  nombre  de  moines  de  l'Arménie 


LES    117   ACCUSATIONS    CONTRE  LES    ARMÉNIENS.  169 

orientale,  on  peut  le  conjecturer  à  la  manière  dont  ils  reçurent 
les  petites  modifications  disciplinaires,  touchant  la  célébration 
des  trois  fêtes  et  l'oblation  du  saint  sacrifice.  A  la  première 
annonce  de  ces  décisions,  portées  de  Cilicie  par  l'évêque  Minas, 
l'envoyé  de  Jean  le  Magnifique,  et  bientôt  après  par  les  députés 
du  roi  et  de  David,  une  partie  des  prêtres  et  des  moines  assem- 
blés à  Lorhé  (Lori)  par  Zacharie,  protesta  et  s'enfuit  à  la  faveur 
des  ténèbres.  Ces  dissidents  rejetèrent  également  les  ordres 
du  synode  et  les  libéralités  de  Jean  Medzaparo,  qui  s'était  em- 
pressé d'envojrer  au  sbasalar  une  tente  à  coupole  en  forme  d'é- 
glise, un  autel  en  marbre,  un  diacre,  des  prêtres  et  des  chan- 
tres, avec  tous  les  objets  nécessaires  au  saint  Sacrifice.  Quand 
l'évêque  Minas  arriva  en  vue  du  couvent  d'Aghpad,  sur  la  rive 
droite  de  la  moyenne  Bortchala,  affluent  droit  du  Kour,  Grigoris, 
supérieur  du  couvent  et  neveu  de  Zacharie,  fit  assaillir  à  coups 
de  bâtons  le  prélat  ainsi  que  sa  faible  escorte  ;  les  bêtes  de 
somme  chargées  de  bagages  furent  précipitées  du  haut  des 
rochers;  l'évêque  Minas  fut  laissé  sur  place  à  moitié  mort. 
Avant  que  Zacharie  ait  eu  le  temps  de  punir  Grigoris  de  son 
attentat,  celui-ci  s'était  réfugié  près  du  sultan  de  Garin  :  Gri- 
goris perdit  seulement  son  siège,  sur  lequel  fut  rappelé  l'ancien 
supérieur  Johannès. 

§  2.  Autres  indices  de  ces  dispositions,  attitude  réservée 
de  Mkhithar  et  insinuations  de  Guiragos  contre  des  prélats 
de  Cilicie;  antagonisme  à  V égard  des  autres  peuples  chré- 
tiens du  Caucase.  —  Dans  un  milieu  aussi  fermé,  les  réformes 
de  quelque  nature  qu'elles  fussent  étaient  si  difficiles  à  intro- 
duire, que  le  personnage  le  plus  vénéré  de  l'Arménie  orientale, 
le  fondateur  du  couvent  de  Nor-Gétic  (sur  la  rivière  Hasan-Sou, 
affluent  droit  du  Kour),  le  maître  de  Vanagan,  le  doux  et  grand 
vartabed  Mkhithar,  dit  Koch  (à  la  barbe  grise),  n'ose  prendre 
ouvertement  la  défense  de  Zacharie,  dont  il  est  le  confesseur  (1). 


(1)  Mkhithar,  dit  Koch  (7  1213),  est  Fauteur  du  livre  des  Décisions  judiciaires  (Ta- 
dasnanats)  faisant  partie  du  code  de  Waktang  VI  (Alishan,  Grande-Arménie, 
o  164).  Nous  avons  résumé  les  faits  précédents  d'après  Guiragos  (trad.  Brosset, 
pp.  83-87  avec  notes).  Il  ne  faut  pas  confondre  Mkhithar  Koch  avec  Mkhithar  de 
Sghévra  (voir  p.  293-96).  Le  légat  pontifical,  contre  lequel  Mkhithar  de  Sghévra 
soutint,  sur  la  primauté  de  Pierre,  la  discussion  que  nous  avons  racontée,  n'é- 
tait probablement  pas  l'ancien  provincial  des  Dominicains  de  Rome,  Thomas 
de  Lentil  (de  Leontium  en  Sicile);  c'était  vraisemblablement  son  successeur  im- 


170  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

Il  se  borne  à  faire  observer  aux  récalcitrants  que  la  conduite 
de  Zacharie  est  autorisée  par  le  catholicos  ;  qu'à  vouloir  le 
blâmer,  on  risque  de  le  pousser  comme  son  frère  Ivané  dans  la 
religion  des  Ibériens.  Au  reste,  il  ne  les  dissuade  pas  de  per- 
sister en  silence  dans  tous  leurs  anciens  usages.  Ainsi,  ces 
tenants  des  traditions  voulaient  toutes  les  conserver,  même 
celles  qui,  au  dire  de  leur  apologiste  Guiragos,  avaient  été 
introduites  à  la  suite  du  désarroi  causé  par  la  domination  mu 
sulmane. 

Serait-il  téméraire  de  voir  encore  quelque  indice  de  cette 
malveillance  pour  les  partisans  de  l'union,  dans  la  facilité  avec 
laquelle  Guiragos,  le  disciple  de  Vanagan,  laisse  planer  les 
plus  graves  soupçons  sur  les  évoques  de  Cilicie,  candidats  au 
catholicat  ?  Parlant  du  jeune  catholicos  Grégoire  Karavéj  et  de 
sa  fin  tragique  :  «  Celui-ci,  raconte-t-il,  quoique  d'un  extérieur 
sympathique  et  d'un  aspect  prévenant,  avait,  beaucoup  d'en- 
nemis ;  et  des  évoques  envieux  imaginèrent  des  prétextes  men- 
songers pour  le  livrer  au  roi  Léon.  »  Enfermé  dans  la  forteresse 
de  Gobidara  (à  l'est  de  Sis),  «  on  le  trouva  un  jour  tombé  aux 
pieds  du  mur  de  la  citadelle,  sans  vie,  ayant  un  morceau  de 
linge  autour  des  reins.  On  dit  que  les  évoques,  ses  ennemis, 
espérant  lui  succéder,  l'avaient  précipité.  Parmi  eux  se  trou- 
vaient, dit-on,  Ohannés  (Jean  le  Magnifique)  qui  occupa  le  siège 
plus  tard,  Ananias  qui  fut  anti-catholicos  à  Sébaste.  Quant  à  la 
vérité,  je  ne  la  sais  pas,  elle  n'est  connue  que  du  juge  divin  » 
(p.  74). 

Ceux  qui  se  montraient  ainsi  défiants  à  l'égard  des  premiers 
chefs  politiques  et  religieux  de  l'Arménie,  ressentaient  pour  les 
divergences  religieuses  des  peuples  qui  les  avoisinaient,  une 
profonde  aversion.  On  sent  que  Guiragos  se  console  aisément 
de  la  sanglante  défaite  que,  dans  le  courant  d'août  1225, 
Djelal  ed-Dîn,  déjà  maître  de  Kantzag,  infligea  aux  Ibériens,  à 
Garnhi,  la  Gornéa  mentionnée  par  Tacite  et  située  à  une  tren- 
taine de  kilomètres  au  sud-est  d'Erivan  :  «  Gonflés  d'un  inso- 
lent orgueil,  Ivané  et  ses  gens,  raconte  Guiragos,  avaient  dé- 
cidé, s'ils  étaient  vainqueurs,  d'amener  à  la  foi  ibérienne  toute 
la  nation  arménienne  placée  sous  leur  autorité,  et  de  passer 

médiat,  Guillaume  II.  ancien  évèque  d'Agen,  arrivé  à  Saint-Jean  d'Acre  en  1263. 
(Guill.  de  Tyr,  Hisl.  des  Crois.,  II,  xxxiv,  îv.   147). 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  171 

au  fil  du  glaive  tous  les  récalcitrants  »  (p.  112);  l'écrasement 
des  Ibériens  est,  à  ses  yeux,  un  châtiment  de  Dieu.  Il  faut  con- 
venir qu'entre  les  Arméniens  orientaux  et  plusieurs  peuples 
voisins  :  Aghouans,  Ibériens,  Aphkhazes, Mingréliens,  l'animo- 
sité  était  ancienne,  vive  et  tenace.  Nous  savons  comment,  vers 
932,  la  consécration  de  la  cathédrale  de  Kars  d'après  le  rite 
arménien  avait  amené  une  bataille  entre  le  roi  arménien  Apas, 
et  Ber,  le  prince  des  Aphkhazes  (Açoghig,  III,  ch.  vu  ;  Samuel 
d'Ani  dans  Brosset,  p.  437).  Au  dire  de  Mekhithar  d'Aïrivank 
(Brosset,  p.  88),  Apas  vainqueur  ne  se  serait  pas  contenté  de 
priver  de  la  vue  son  ennemi;  il  l'aurait  tué  et  aurait  fait 
monter  en  or  son  crâne,  dont  il  se  serait  servi  pour  boire  du 
vin  :  vieille  coutume  barbare  déjà  signalée  par  Strabon  chez 
quelques  populations  du  Caucase.  Cet  antagonisme  politico- 
religieux  eut  de  fréquentes  recrudescences  à  travers  toute  la 
période  du  moyen  âge.  Vincent  de  Beauvais  (Spec.  Hist.,  t.  IV, 
c.  98;  Galan.,  I,  120-121)  raconte  que  chez  ces  peuples  du  Cau- 
case, depuis  leur  séparation  de  l'Église  arménienne,  avait  cours 
le  dicton  suivant  :  «  Si  quelqu'un  sent  une  épine  au  pied  au 
moment  où  il  passe  devant  l'église  des  Arméniens,  il  doit  la 
supporter  et  ne  point  se  baisser  pour  l'enlever,  de  peur  de  pa- 
raître saluer  une  église  que  tous  ont  en  mésestime.  » 

§  3.  Situation  difficile  du  catholicos  Mkhithar  entre  les 
partisans  ardents  et  les  adversaires  obstinés  de  Vunion.  V op- 
position des  Arméniens  et  des  Aghouans  à  l'union  dans  les 
siècles  antérieurs  ne  fut  point  universelle  et  constante.  La 
question  d'union  ou  de  scission,  avec  les  Grecs  surtout,  s' iden- 
tifia presque  toujours  avec  l'union  ou  la  scission  politique.  — 
Mkhithar,  dont  les  documents  occidentaux  de  l'époque  tradui- 
sent littéralement  le  nom  par  celui  de  Consolateur,  était, 
croyons-nous,  sincèrement  catholique.  Mais  son  rôle  était  dif- 
ficile, entre  ceux  qui  voulaient  beaucoup  plus  d'uniformité  dans 
les  pratiques  des  deux  Églises,  latine  et  arménienne,  et  ceux 
qui  s'obstinaient  à  garder  intacts  tous  les  usages  considérés, 
tantôt  à  bon  droit,  tantôt  à  tort,  comme  remontant  à  Grégoire 
l'Illuminateur.  Le  zèle  bouillant  de  quelques  Frères-Unis  s'in- 
digna de  ses  ménagements,  parfois  excessifs,  pour  le  parti  soi- 
disant  national  et  de  sa  tiédeur  à  combattre  certains  abus  qu'ils 
lui  signalaient.  Rebutés  par  le  catholicos,  persécutés  par  les 


172  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

adversaires  de  l'union  avec  Rome,  et  se  rappelant,  d'autre  part, 
combien  les  chefs  des  dissidents  étaient  ingénieux  à  répandre 
leur  erreur  dans  le  peuple,  sous  le  voile  de  quelque  usage  disci- 
plinaire ou  liturgique,  ils  dénoncèrent  avec  un  zèle  exubérant 
et  surtout  attribuèrent  trop  facilement  à  l'Église  arménienne  les 
graves  errements  d'un  parti  fanatique,  cantonné  surtout  dans 
cette  Arménie  orientale,  que  depuis  le  sixième  siècle  ses  do- 
minateurs infidèles  retenaient  dans  l'isolement,  et  où,  plus  faci- 
lement qu'ailleurs,  certaines  croyances  ou  pratiques  bizarres 
s'étaient  répandues  à  la  faveur  de  l'ignorance,  au  milieu  des 
troubles,  des  guerres  et  de  l'anarchie  (1). 

(1)  Les  superstitions  répandues  dans  le  peuple  arménien  sont  aujourd'hui 
encore  très  nombreuses.  Plusieurs  volumes  ont  été  écrits  sur  ce  sujet.  Voir  Manuk 
Abeghian,  Der  Armenische  Votksglaube,  Leipzig,  1899.  Çà  et  là  l'auteur  ne  dis- 
tingue pas  les  croyances  et  les  pratiques  chrétiennes  (culte  des  morts,  anges 
gardiens,  ciel,  purgatoire,  enfer,  etc..)  des  superstitions  ou  observances  ridi- 
cules qui  se  sont  greffées  sur  elles  ou  sont  un  legs  du  judaïsme,  du  mahomé- 
tismc  et  du  paganisme. 

On  est  en  droit  de  supposer  que  la  séparation  des  Arméniens  fut.  d'ordinaire, 
partielle.  Les  habitants  de  l'Arménie  grecque  et  même  les  moines  arméniens 
établis  à  Jérusalem  semblent  l'avoir  assez  longtemps  repoussée  (Lequien,  1, 1361). 
Dès  l'origine,  la  scission  fut  presque  toujours  limitée  à  l'Arménie  perse.  Toute- 
fois, après  avoir  rompu  avec  l'Église  universelle,  le  catholicos  et  certains  nakha- 
rars  usèrent  avec  succès  de  leur  influence  sur  les  Aghouans  pour  les  entraîner 
ou  les  retenir  dans  le  même  isolement.  Ainsi,  le  successeur  de  Nersès  II,  Jean 
(557-573?)  écrivit  à  Vertanès,  évêque  de  Siounie,  et  au  prince  Mihrardaschir,  sujets 
comme  lui  de  Khosrov  Anôscharvàn,  pour  les  exhortera  proscrire  comme  héréti- 
ques les  Nestoriensetles  Chalcécloniens  ;  il  demanda  au  catholicos  dAlbanie  Apas 
de  lui  envoyer  trois  évèques,  afin  d'imprimer  par  eux  à  l'Église  d'Albanie  sa  direc- 
tion et  d'étouffer  les  aspirations  catholiques  d'une  partie  de  la  population  indi- 
gène; et,  docile  à  ces  instructions,  Apas  tenait  un  synode,  où  il  excommuniait 
plusieurs  prêtres  attachés  à  la  doctrine  catholique,  entre  autres  Thomas,  Elias. 
Bnot  et  Ibas  (L.  des  Ép.,  78-84;  Moïse  Gaghangadouatsi,  IL  7-8;  III,  23;  Orbé- 
lian,  c.  22;  Combéfis,  p.  279).  Mais,  après  la  révolte  de  Vartan  (571),  Jean  Ier, 
Vartan  et  plusieurs  évêques,  s'étant  réfugiés  à  Constantinople,  acceptèrent  la 
communion  'avec  les  partisans  de  Chalcédoine,  au  grand  mécontentement  de 
ceux  qui,  en  Arménie  et  en  Syrie,  professaient  l'unité  de  nature  en  J.-C.  (Jean 
d'Éphèse,  II,  18-24  ;  Sebèos,  III,  1  ;  Michel,  éd.  Chabot,  1.  X,  ch.  vu,  p.  344  ;  Açoghig, 
II,  2;  Combéfis,  p.  280;  Mighe,  t.  CXXXII,  p.  1241).  Malheureusement,  l'em- 
pereur Maurice,  irrité  des  fréquentes  insurrections  des  nakharars,  maltraita 
fort  les  Arméniens  :  Ayant  enlevé  l'Arzanène  (Aghtznik)  aux  Perses,  il  transporta 
une  partie  de  ses  habitants  à  Chypre;  devenu  maître,  par  la  cession  de  son  pro- 
tégé Khosrov  II,  de  la  Géorgie  et  de  l'Arménie  jusqu'à  Tiflis,  Tovin  et  Van,  il 
envoya  de  ces  contrées  bien  des  princes  avec  leurs  soldats  sur  les  rives  de  la 
Donau,  sous  prétexte  de  protéger  contre  les  Avares  les  frontières  septentrionales 
de  l'empire;  en  même  temps  il  conseillait  à  Khosrov  de  se  défier  des  Arméniens, 
-  peuple  fourbe  et  indocile  »,  disait-il,  qu'il  fallait  reléguer  vers  les  provinces 


LES    117    ACCUSATIONS  CONTRE    LES   ARMÉNIENS.  173 

§  4.  Les  117  accusations  contre  l 'Église  arménienne  ;  en- 
quête prescrite  par  Benoit  XII;  il  invite  le  catholicos  et  le  roi 

orientales  (Sebêos,  III,  vi-x).  Priscus  allait  conduire  30.000  cavaliers  arméniens 
en  Thrace,  par  l'ordre  de  Maurice,  quand  ce  dernier  fut  assassiné  (ibid.,  xx). 

Pou  d'années  auparavant,  l'empereur  avait  invité  à  une  conférence  le  catho- 
licos Moïse.  Celui-ci,  qui  résidait  à  Tovin,  au  delà  de  l'Azad  (la  Libre)  formant  la 
nouvelle  limite  de  l'empire,  se  sentait  à  l'abri  des  coups  de  Maurice;  et  il  avait 
rejeté  ses  avances.  Peu  s'en  était  fallu,  cependant,  que  la  scission  du  catholicat 
opérée  par  Maurice  n'isolât  complètement  le  siège  de  Moïse.  L'Albanie  et  la 
Siounie,  après  avoir  menacé  de  l'abandonner,  furent  retenues  sous  sa  juridic- 
tion par  la  crainte  de  Khosrov  IL  II  n'en  fut  pas  de  même  de  l'Ibérie. 

Le  catholicos  ibérien  Cyrion  (Kurion)  avait  séjourné  quinze  ans  à  Nico- 
polis,  au  canton  de  Colonia  sur  les  bords  du  Lycus.  Dans  ce  milieu  grec,  il 
avait  appris  à  distinguer  de  l'erreur  nestorienne,  attribuant  une  double  person- 
nalité au  Christ,  le  dogme  de  Chalcédoine  reconnaissant  une  double  nature  en  la 
personne  unique  du  Christ.  Venu  à  Tovin,  il  avait  mérité  la  confiance  de  Moïse; 
et  celui-ci  l'avait  sacré  archevêque  de  l'Ararad,  et,  cinq  ans  après,  catholicos 
de  l'Ibérie.  Mais,  deux  ans  plus  tard,  il  était  signalé  à  Moïse  comme  ayant  con- 
sacré un  évêque  nestorien  venu  des  environs  de  Colonia  :  On  sait  que,  sous  la 
plume  des  auteurs  arméniens  qui  nous  ont  transmis  ce  récit,  nestorien  est 
synonyme  de  chaleédonion.  Doucement  réprimandé  par  Moïse  de  forfaire  à  la 
foi  des  trois  conciles,  Cyrion  fit  une  réponse  respectueuse  mais  évasive.  Moïse 
étant  mort,  Sempad  Pakratouni,  ancien  marzban  de  l'Ilyrcanie,  fit  réunir  à 
Tovin  un  synode  d'une  dizaine  d'évèques.  Mais  plusieurs  des  dix  évêques  com- 
posant ce  synode  inclinaient  vers  l'union  avec  les  Grecs  :  Sempad  put  bien  faire 
condamner  Nestorius  et  le  phthartolàtre  Sévère;  il  ne  réussit  pas  à  rallier  les 
suffrages  nécessaires  pour  l'élection  d'Abraham,  son  candidat  au  catholicat 
(L.  des  Ép.,  146;  Oucht.,  II,  30).  Durant  l'interrègne,  Sempad,  l'évèque  arménien 
Moïse  de  Tsourtat,  dans  le  Goukark,  et  surtout  le  vicaire  patriarcal  Vertanes 
Qertogh  (le  grammairien)  continuèrent,  mais  inutilement,  d'exhorter  Cyrion  à 
rentrer  dans  l'obédience  arménienne.  Le  catholicos  Abraham  (606-611?),  élu 
enfin  dans  un  nouveau  synode,  la  dix-septième  année  du  règne  de  Khosrov- 
Parvèz,  selon  Ouchtanès  (c'est-à-dire  vers  606  ?),  écrivit  à  son  tour  à  Cyrion  trois 
lettres,  où  le  concile  de  Chalcédoine  et  la  lettre  de  Léon  étaient  confondus  avec 
l'erreur  nestorienne  et  qualifiés  d'infâmes.  Abraham  manifestait  aussi  son  éton- 
nement  qu'un  sujet  du  roi  des  rois  pût  songer  à  l'union  avec  un  royaume 
voisin  (Oucht.,  II,  44,  32-37  ;  L.  des  Ép.,  90-151).  Las  de  ces  véhémentes  objurga- 
tions, Cyrion  finit  par  déclarer  au  catholicos  que  sa  foi  était  celle  des  quatre 
conciles  généraux  dont  il  lui  envoyait  la  traduction;  qu'il  était  d'ailleurs  disposé 
à  vivre  en  bonne  harmonie  avec  lui,  mais,  qu'à  vouloir  le  faire  changer  d'avis, 
Abraham  ne  gagnerait  rien.  Ce  fut  alors,  probablement  vers  608,  que  le  catho- 
licos excommunia  Cyrion  et  interdit  aux  Arméniens  toute  relation  avec  les 
Ibériens,  sauf  pour  le  commerce  (Oucht.,  II,  68-70;  Moïse  Gaghangatouatsi, 
III.  49). 

Le  catholicos  arménien,  qui  prêchait  ainsi  à  un  Ibérien  la  soumission  au  roi 
de  Perse,  dut  voir  d'un  bon  œil  les  conquêtes  de  Khosrov;  car  elles  (''tendaient 
du  même  coup  le  ressort  de  .sa  juridiction.  Cependant,  un  petit  nombre  seule- 
ment des  évêques  de  l'Arménie  grecque  se  rallièrent  à  son  obédience,  après  que 
les  Perses  eurent  refoulé  au  delà  de  Garin  les  armées  de  Phocas,  et  que  le  ca- 
tholicos  Jean,    chassé   d'Avan,   puis   captif,   eut    été  emmené,  pour  y  mourir 


174  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

à  réunir  un  concile  pour  se  justifier  ou  condamner  les  erreurs 
dénoncées  par  le  libellus;  les  auteurs  du  libellas  et  les  Pères 
du  concile  parlent  comme  si  la  scission  des  Arméniens  ri  avait 
pas  eu  lieu  avant  le  synode  de  Manazgherd.  Pourquoi;  coup 
d'œil  rétrospectif.  —  Les  deux  principaux  auteurs  du  réquisi- 
toire envoyé  à  la  cour  pontificale  d'Avignon  étaient  Nersès 
Balientz,  portant  le  titre  d'évêque  d'Ourmiah,  et  Siméon  Beg, 
évêque  de  Garin  :  l'un  et  l'autre  avait  été  fort  malmené  et  chassé 
de  l'Arménie  par  les  dissidents  et  même  par  les  catholicos 
Jacques  et  Mkhithar.  Ceux-ci  leur  reprochaient  d'avoir  rebap- 
tisé des  Arméniens;  ils  prétendaient  que  Nersès  avait  accusé  à 
faux  un  docteur  arménien  d'avoir  excommunié  publiquement 
le  prêtre  Cyriaque  ;  parce  que,  en  célébrant  la  messe,  Cyriaque 
montrait  au  peuple,  pendant  l'élévation,  le  très  Saint  Sacrement. 
Quoi  qu'il  en  soit  des  motifs  qui  avaient  poussé  les  deux  zéla- 
teurs, le  pape  Benoît  XII  prescrivit  une  sérieuse  enquête.  De 
l'audition  de  plusieurs  témoins  et  de  l'examen  de  certains  livres 
répandus  en  Arménie  les  enquêteurs  conclurent  que  les  accu- 
sations n'étaient  pas  sans  fondement,  et  que   «  les  Arméniens 


bientôt,  à  Ecbatane  (Ahmatan),  l'ancienne  capitale  de  la  Médie  (610-611,  Oucht., 
II,  37;  Sebéos,  III,  9,  23;  Combéfis,  283).  Abraham  jouit  peu  de  ce  petit  avan- 
tage: il  mourait  la  même  année  que  son  rival  et  était  remplacé  par  Gomidas 
(611-628?). 

La  chronologie  des  patriarches,  donnée  par  le  Livre  des  Épilres,  que  nous 
suivons  ici,  est  souvent  fort  différente  de  celle  admise  par  les  autres  anciens 
auteurs;  ceux-ci  assignaient,  à  Abraham  par  exemple,  un  règne  de  vingt-trois 
ans.  Si  la  chronologie  du  Girq  Theghthotz  est  exacte,  Gomidas,  et  non  Abraham, 
était  catholicos,  quand,  vers  610,  Khosrov-Parvêz  (le  victorieux)  ordonna  de 
réunir  un  synode  syro-arménien  «  à  la  Porte  royale  ».  Le  but  du  roi  était  de 
faire  arrêter  une  profession  de  foi,  qui  terminât  les  différends  entre  chrétiens  et 
fût  reconnue  de  tous.  A  ce  synode  assistaient  une  dizaine  d'évèques  syriens,  le 
métropolite  Kamischo  et  Zacharias,  patriarche  de  Jérusalem  (609-629),  prison- 
nier des  Perses  depuis  la  prise  de  la  ville  sainte  (61 1).  Il  fut  tenu  sous  le  haut 
patronage,  sinon  sous  la  direction  du  roi.  Khosrov,  peut-être  influencé  par  sou 
épouse  préférée  Schirin  et  par  son  grand  médecin  Gabriel,  tous  deux  monophy- 
sites,  approuva  la  condamnation  du  concile  de  Chalcédoine.  Par  son  ordre,  les 
évêques,  dont  beaucoup,  comme  le  catholicos  de  Géorgie  et  celui  d'Albanie, 
adhéraient  au  concile  de  Chalcédoine,  durent,  sous  peine  de  mort,  raconte  Se- 
bêos  (xxxm),  embrasser  la  foi  arménienne.  Le  synode  avait  adopté  un  monophy- 
sisme  mitigé,  analogue  à  celui  de  Julien  d'Halicarnasse,  et  condamné  Eutychès, 
Sévère,  etc.;  Gomidas,  dans  sa  lettre  aux  Syriens,  disait  de  même,  que  la  chair 
corruptible,  en  se  mêlant  et  s'unissant  à  la  divinité,  était  devenue  incorrup- 
tible (p.  212;  voir  Sebèos,  III,  33;  Ouchtanès,  c.  59;  Açoghigh,  II,  2;  Michel. 
1.  X,  oh.  xxv  ;  Braun,  Synhados,  307-331). 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES   ARMÉNIENS.  175 

ou,  du  moins,  quelques-uns  d'entre  eux  tenaient  et  enseignaient 
les  articles  contenus  dans  le  fameux  libellus  ».  Aussi,  quand  les 
envoyés  du  roi  de  Cilicie,  le  Frère  mineur  Daniel  et  sire  Thoros 
Mikaïlentz,  vinrent  demander  l'appui  de  Benoît  XII  contre  le 
sultan  d'Egypte,  le  pape  répondit  qu'il  ne  pouvait  accorder  les 
secours  sollicités,  tant  que  les  graves  erreurs  qu'on  avait  rele- 
vées auraient  libre  cours  à  travers  l'Arménie.  Il  chargea  les  am- 
bassadeurs de  porter  au  roi  et  au  catholicos  le  réquisitoire 
comprenant  117  articles.  Il  leur  remit  en  même  temps  pour 
«  son  très  cher  fils,  l'illustre  roi  d'Arménie  »,  et  pour  «  son 
frère  chéri,  le  catholicos  des  Arméniens  »,  deux  lettres  datées 
du  1er  août  :  il  les  pressait  de  convoquer  un  concile,  d'y  faire 
condamner  les  erreurs  dénoncées,  et  de  lui  envoyer  ensuite  des 
représentants  capables,  avec  lesquels  il  conférerait.  Alors,  s'il 
en  était  besoin,  il  ferait  à  son  tour  partir  pour  l'Arménie  des 
hommes  instruits. 

Avant  de  dire  quelle  fut  la  réponse  des  représentants  de 
l'Église  arménienne,  une  analyse  de  l'écrit  accusateur  s'impose  : 
Des  117  griefs  qu'il  contient,  plusieurs  n'ont  aucune  portée 
doctrinale.  Presque  tous,  comme  il  ressortira  de  la  réponse 
des  Pères  Arméniens,  ne  s'appliquent  en  réalité  qu'aux  erreurs 
de  quelque  parti  plus  ou  moins  en  révolte  contre  l'Église 
arménienne,  ou  à  des  pratiques  et  à  des  superstitions  popu- 
laires et  locales.  Beaucoup  de  griefs  n'étant  que  la  répétition 
plusieurs  fois  réitérée  des  mêmes  accusations,  il  nous  semble 
plus  clair  et  plus  méthodique  de  réduire  les  117  articles  à  un 
petit  nombre  de  chefs  (1  ). 

(1)  Raynaldi,  au.  1341,  n.  -45-47;  —  Guerra,  t.  II,  p.  550  et  suiv. ;  —  les 
117  griefs  avec  la  réponse  du  concile  sont  aussi  dans  Mansi  :  Sacrorum  concil. 
nova  et  ampliss.  collcctio,  t.  XXV,  col.  1 185-1270 ;Veter.  Scripl.  et  Monum.  col- 
lectio  (éd.  Martène),  col.  310,  413; —  Héfélé,  VI,  569-577;  —  Extraits  de  la  réponse 
synodale  dans  Balgy,  op.  cit.,  p.  81-88. 

Les  auteurs  du  Libellus,  comme  ceux  qui  vont  leur  répondre,  font  remonter 
au  synode  de  Manazgherd  (626,  sous  Jean  Otznetsi)  l'origine  des  principales  di- 
vergences entre  la  majorité  des  Arméniens  et  les  catholiques.  Car,  près  d'un 
siècle  avant  Jean  Otznetsi,  la  majorité  des  Arméniens,  surtout  dans  l'Arménie 
grecque,  avaient  adhéré  à  l'union  religieuse  à  la  suite  du  catholicos  Ezr  (632-641), 
le  successeur  de  Christophe  II.  Celui-ci  avait  été.  élu  l'année  même  ou  Ka- 
wadh  II  Schèrôe  nommait  marzban  Varazdirotz  fils  de  Sempad  (629);  et  il  avait 
été  déposé  trois  ans  après,  en  raison  de  sa  sévérité  et  de  sa  mésintelligence  avec  les 
grands.  Depuis  l'union  sous  Ezr  (632-633?),  les  Arméniens  incorporés  à  l'empire 
et  quelques  autres  du  royaume  de  Perse  étaient  restés  catholiques. 


176  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

I.  Erreurs  sur  la  procession  du  Saint-Esprit.  —  Avant  le 
synode  de  Manazgherd,  auquel  prit  part  le  patriarche  syrien, 

Résumons  les  événements  politiques  qui  avaient  précédé  cette  union. 

Khosrov  Anôscharvân  n'avait  pas  maintenu  longtemps  la  paix  perpétuelle, 
signée  avec  Justinien  1er  en  532.  A  la  suite  de  petites  violations  du  traité  com- 
mises de  part  et  d'autre  et,  aussi,  sur  l'appel  de  quelques  Arméniens  de  l'empire 
grec,  il  avait  envahi  la  Syrie  (540).  Pendant  l'armistice  conclu  avec  les  Grecs  (546- 
562),  le  fils  de  Khosrov,  Anoschazàdh,  dont  la  mère  était  chrétienne,  s'était  révolté 
et  avait  cherché  un  appui  parmi  les  chrétiens  (550)  ;  son  père,  après  l'avoir  privé 
de  la  vue.  avait  aggravé  le  sort  de  ceux  qu'il  regardait  comme  ses  complices.  Il 
avait  étouffé  la  révolte  de  l'Arménien  Yartan  et  du  prince  de  l'Ibérie  et  avait 
enfin  chassé  les  armées  de  Justin  II  de  l'Arménie  persane  (576).  Hormizd,  non 
moins  cruel  que  Khosrov,  avait  été  plus  impartial  pour  les  chrétiens.  Quand  Hor- 
mizd eut  été  tué;  quand  le  rebelle  Bahràm  Tschobin,  chef  de  la  maison  Mirhàm, 
eut  été  défait  aux  environs  du  Zàb  (591)  grâce  au  secours  des  armées  de  Maurice; 
alors,  soit  par  reconnaissance  pour  ses  alliés,  soit  par  gratitude  pour  saint  Ser- 
gius,  patron  des  Syriens,  auquel  il  se  croyait  redevable  de  ses  victoires,  Khosrov 
Parvêz  (l'heureux  ou  le  victorieux)  se  montra  longtemps  favorable  aux  chrétiens  ; 
mais  sa  faveur,  qui  allait  surtout  aux  monophysites,  protégés  par  le  médecin 
Gabriel  et  la  reine  Schirin,  ne  servit  pas  la  cause  de  l'union.  D'ailleurs,  même  à 
l'égard  des  chrétiens,  son  naturel  brutal  et  cupide  reprit  peu  à  peu  le  dessus, 
quand  le  meurtre  de  Maurice  par  Phocas  lui  eut  donné  un  prétexte  pour  envahir 
l'empire  (604). 

Le  renversement  de  Phocas  par  Héraclius  (10  octobre  610)  n'empêcha  pas  les 
Perses  de  ravager  l'Arménie  et  la  Syrie  jusqu'à  Damas  et  Jérusalem  (614).  Le 
général  Scharbàraz  marchait  même  vers  Constantinople  (623):  mais,  déjà  Héra- 
clius avait  pris  l'offensive  et  porté  la  guerre  en  Perse.  Humilié  par  une  suite  do 
revers,  Khosrov  venait  de  désigner  pour  son  successeur  Mardànschàh,  le  fils  de 
Schirin,  quand  Kabadh  II  Schêroê,  l'aîné  des  fils  du  roi  et  enchaîné  avec  ses 
frères,  fut  délivré  par  quelques  grands,  entre  autres  le  chrétien  Schamtâ  fils  de 
Yezdin,  fermier  général.  Mis  sur  le  trône  (25  février  628),  Kabadh  n'avait  eu  que 
le  temps  de  faire  périr  ses  frères  (environ  18)  et  d'accepter  les  conditions  du 
vainqueur  ;  il  mourait  au  bout  de  six  mois;  puis,  son  fils  Ardeschir  III  était  assas- 
siné par  Scharbaràz,  qui  à  peine  reconnu  empereur  par  Héraclius  était  lui- 
même  mis  à  mort  par  Baràn  :  ce  dernier,  enfin,  confirmait  le  traité  imposé  en 
avril  628  par  le  héros  grec.  Les  parties  de  l'Arménie  jadis  cédées  à  Maurice  et 
reconquises  depuis  604  sur  Phocas,  étaient  restituées  à  Héraclius. 

Le  vainqueur,  maître  de  la  majeure  partie  du  territoire  des  dissidents,  essaya 
de  réconcilier  les  Égyptiens,  les  Syriens  et  les  Arméniens  avec  l'Église  grecque,  qui. 
en  dépit  de  quelques  controverses,  restait  encore  unie  avec  l'Église  catholique  ro- 
maine. De  bonne  foi,  sans  doute,  Héraclius  se  laissa  guider  par  le  patriarche 
Sergius,  syrien  de  race  et  partisan  du  nionophysitisme  (Théophane,  p.  330, 
i  éd.  de  Boor;  et  Migne,  P.  G.,  CYIII,  677-681;  Anast.  presb.,  dans  A.  Mai, 
Script,  vet.  nov.  col!.,  VU,  193;  Migne,  CXXVII,  853-854;  P.  G.,  CVIII,  1316,  1317; 
Mansi,  XI,  530,  562, 762  ;  X,  606;  Héfélé,  III,  127).  Sebèos  raconte  que  Mzez  Gnouni, 
gouverneur  de  l'Arménie  grecque,  proposa  à  Ezr  de  souscrire  aux  conditions 
d'union  proposées  par  Héraclius,  sous  peine  de  se  voir  opposer  un  autre  catho- 
licos  etd'être  relégué  dans  l'Arménie  perse.  —  Cet  Arménien  était-il  le  Mzez  qui, 
après  l'assassinat  de  Constant,  au  témoignage  de  Théophanes,  fut  acclamé  em- 
pereur à  cause  de  sa  belle  prestance,  et  presque  aussitôt  égorgé  par  Constantin 


LES    117   ACCUSATIONS    CONTRE    LES   ARMÉNIENS.  177 

quelques  docteurs  arméniens  admettaient  que  le  Saint-Esprit 
procède  du  Fils  comme  du  Père.  Mais,  depuis  le  conciliabule  de 
Manazgherd,  la  plupart  des  Arméniens  ne  reconnaissent  plus 
que  le  Saint-Esprit  procède  du  Fils;  ils  désavouent  leurs  anciens 
docteurs  ou  prétendent  que  ces  derniers  entendaient  sous  le 
nom  de  procession,  non  l'origine  éternelle,  mais  une  mission 
temporelle  du  Saint-Esprit  pour  la  sanctification  des  hommes. 
Enfin  ils  persécutent  les  Arméniens-Unis  qui  admettent  que 
«  le  Saint-Esprit  procède  du  Père  et  du  Fils  »  (articles  1,  2). 

II.  Erreurs  sur  la  Trinité.  —  Le  catholicos  de  FAghouanie 
(Albanie)  dit  que  les  trois  personnes  divines  ont  été  cruci- 
fiées (1). 

III.  Erreurs  sur  la  véracité  divine.  —  Des  Arméniens 
prétendent  que  Dieu  n'est  pas  toujours  véridique,  car  les 
châtiments  prédits  à  Adam  et  à  Eve  ne  se  sont  qu'à  moitié 
réalisés  (art.  113). 

IV.  Monophysisme  etmonothélisme.  — D'accord  avec  le  con 
cile  de  Manazgherd,  la  plupart  des  Arméniens  reconnaissent  en 

Pogonat?  Nous  l'ignorons.  On  sait  seulement  que  ce  curopalate  avait  com- 
promis auprès  du  gouverneur  de  l'Aderbeidjan,  le  marzban  de  l'Arménie  perse, 
Varazdirotz,  en  accusant  ce  dernier  de  viser  à  se  rendre  indépendant;  et  Va- 
razdirotz  avait,  dû  s'enfuir  de  Tovin  à  Daron,  sous  la  protection  d'Héraclius.  — 
Ezr  demanda  à  l'empereur  un  exposé  de  la  foi  à  laquelle  on  l'exhortait  de  sous- 
crire. Il  en  reçut  un  «  tomos  »  signé  de  la  main  d'Héraclius,  portant  condam- 
nation contre  Nestorius  et  tous  les  hérétiques,  et  ne  disant  rien  contre  le  concile 
de  Chalcédoine.  Le  catholicos  vint  ensuite  au-devant  d'Héraclius  à  Garin  (selon 
Açoghig,  Jean  Catholicos  et  Orbélian),  en  Assyrie  (selon  Sebéos,  III,  xxix);  il  dé- 
clara se  rallier  au  concile  de  Chalcédoine  et  accepta  la  communion  avec  les 
Grecs;  l'empereur  lui  donna  en  cadeau  le  tiers  de  Goghp  (Koulp)  avec  ses  saune- 
ries.  Cette  union  eut  lieu,  d'après  le  contemporain  (?)  Jean  Mamigonien,  la 
19e  année  du  règne  d'Héraclius,  c'est-à-dire  en  629-630.  Assurément,  une  partie 
des  Arméniens  de  Perse  n'y  adhéra  pas  sans  répugnance.  11  semble  pourtant 
que  l'accord  d'Ezr  et  des  évêques  présents  fut  sincère  et  que  la  profession  de  foi 
présentée  par  Héraclius  ne  fut  point  suspecte  de  monophysisme;  autrement,  le 
julianiste  Mairagometsi  aurait-il  protesté,  de  manière  à  encourir  l'excommuni- 
cation de  la  part  d'Ezr,  et  l'exil  de  la  part  de  l'empereur?  D'ailleurs,  l'Ecthesis 
que  publia  plus  tard  Héraclius,  trompé  par  Sergius,  ne  parut  qu'en  638;  et  l'em- 
pereur, dont  on  reconnut  la  bonne  foi,  ne  fut  pas  compris  dans  la  condamnation 
portée  par  les  papes  Jean  IV  et  Agathon  contre  les  auteurs  de  ce  formulaire 
(Mansi,  XI,  187,  191,534,  655;  X,  679).  —  Il  est  intéressant  de  noter  qu'à  la  deuxième 
session  du  synode  réuni  à  Rome  par  Martin  (649)  était  présent  l'abbé  du  couvent 
arménien  de  Saint-René  à  Rome  (Mansi,  X,  863). 

(1)  Le  patripassianisme  est  attribué  aux  Arméniens  par  Nikon,  de  Erroribus 
Armen.,  Baronius,  an  863,  n.  45;  par  Isaac,  Invectiv.,  XII,  8;  Gall.  XIV,  439; 
Migne  P.  G.,  t.  CXXXII,  p.  1221  et  suiv. 

ORIENT   CI1RÉT1EN.  12 


178  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Jésus-Christ  une  seule  nature,  une  seule  volonté,  une  seule  opé- 
ration, toutcequi,  en  lui,  étaithumain,  ayant  été,  après  l'union, 
transformé  en  Dieu.  Cependant,  aies  entendre,  le  Christ  peut* 
à  son  gré,  rendre  mortelle  sa  nature  divine.  Ils  condamnent, 
en  conséquence,  le  concile  de  Chalcédoine,  la  lettre  du  pape 
Léon  et  honorent  le  monophysite  Dioscore  comme  un  saint  (1). 

(1)  Art.  3,  20,  21,  25,  26,  28,  29,  30,  33,  34,  35,  36,  37,  56,  73,  85,  104,  112. 

Nous  avons  longuement  parlé  ailleurs  du  synode  I  de  ïovin,  qui  sépara  officiel-1 
lement  l'Église  arménienne,  au  moins  en  Perse,  de  l'Église  catholique.  L'auteur 
du  traité  De  Rébus  Armenis  (Gall.,  XIV,  p.  270,  271  ;  Migne,  P.  G.,  CXXXII,  124  1. 
1257),  à  côté  de  plusieurs  indications  inexactes  et  inconciliables,  fixe  aussi  ce 
synode,  tout  comme  le  Livre  des  Épitres,  à  la  vingt-quatrième  année  du  règne 
de  Khosroès;  et,  ce  qui  revient  au  même,  le  catalogue  faisant  suite  à  l'Histoire 
place  le  synode  à  la  cent  troisième  année  après  le  concile  de  Chalcédoine.  Le- 
quien  (I,  1360,  n.  XVII;  138-2)  après  avoir  rappelé  ces  données,  exactes  semble- 
t-il,  qui  reculent  jusqu'à  5541e  synode  I  de  Tovin,  adopte  comme  plus  probables 
d'autres  sources'  contradictoires  et  assigne  comme  date  l'an  535. 

Les  défenseurs  de  l'Église  arménienne  au  xive  siècle  ne  tenaient  pas  compte 
des  scissions  qui  avaient  eu  lieu  avant  le  synode  de  Manazgherd.  Ils  suppo- 
saient que  l'union,  rétablie  par  Ezr  et  Héraclius,  avait  été  partout  maintenue  jus- 
qu'au début  du  vin"  siècle.  Ces  vues  n'étaient  pas  entièrement  exactes.  La  preuve 
en  est  dans  les  tentatives,  d'abord  infructueuses,  de  l'empereur  Constant  II  (642- 
668),  pour  confirmer  et  achever  l'union  religieuse  réalisée  par  son  grand-père 
Héraclius.  Le  typos  de  Constant,  au  lieu  de  calmer  l'agitation,  l'aggrava.  Le  pape 
Martin,  dans  un  synode  tenu  à  Rome,  censura  l'expression  d'une  seule  énergie, 
mise  en  honneur  par  le  roi  théologien  (649).  On  sait  comment  Constant  se  vengea, 
en  déportant  violemment  le  saint  pontife  en  Chersonèse  pour  l'y  laisser  mourir 
de  misère  (655). 

Il  est  bien  probable  que  le  monophysisme  mitigé  et  le  monothélisme,  plus  ou 
moins  apparent  dans  le  typos,  ne  se  montraient  pas  au  même  degré  dans  l'écrit 
adressé  par  l'empereur  et  le  patriarche  de  Constantinople  Paul  II  (641-654)  au 
catholicos  arménien  Nersès  III  Schinogh  (Le  constructeur,  642-660).  Ils  lui  pro- 
posaient, en  effet,  d'accepter  le  synode  de  Chalcédoine  et  le  tomos  de  Léon.  —  Ail- 
leurs nous  avons  placé  en  645  le  synode  de  Tovin  où  ces  conditions  lurent  dé- 
battues par  les  Arméniens.  D'autres,  avec  plus  de  vraisemblance,  le  mettent  en 
648-649.  — Le  philosophe  arménien  David  de  Pakravant,  parlant  au  nom  de  l'em- 
pereur, montra  la  nécessité  d'admettre  deux  natures  en  Notre-Seigneur  confor- 
mément au  tomos  de  Léon,  qui  traçait  admirablement  la  seule  voie  sûre  entre 
les  excès  opposés  du  monophysisme  et  du  dualisme  nestorien  (Voir  Mémoires 
sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  David,  par  Neumann,  Paris,  1829).  Les  membres  du 
synode  répondirent  qu'ils  ne  contestaient  pas  l'orthodoxie  de  l'écrit  impérial, 
mais  qu'ils  ne  pouvaient  modifier  la  foi  arménienne  admise  trente  ans  avanl 
Constantin  et  confirmée  par  le  concile  de  Nicée  et  celui  de  Constantinople 
(Éphèse)  tenu  contre  Nestorius.  Quant  au  concile  de  Chalcédoine,  ses  auteurs, 
leur  a-t-on  dit,  avaient  les  mêmes  vues  que  Nestorius;  si  d'ailleurs  les  Chalcé- 
doniens  ont  condamné  Eutychès,  eux  le  condamnent  aussi  pour  avoir  admis  que 
le  Christ  apporta  son  corps  du  ciel;  selon  eux,  les  Chalcédoniens,  après  l'union 
du  Verbe  avec  son  corps,  divisent  en  deux  natures  le  Christ  qui  est  un  et  ajou- 
tent ainsi  une  quatrième  personne  à  la  Trinité,  n'admettant  pas  que  la  nature 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  179 

V.  Opinions  singulières  sur  la  Résurrection  et  l'Ascen- 
sion du  Christ.   —  Les  Arméniens  croient  que  le  Christ  est 

humaine  transmette  sa  faiblesse  à  la  nature  divine  et  la  nature,  divine  sa  su- 
blimité à  la  nature  humaine.  En  conséquence,  les  membres  du  synode  armé- 
nien s'imaginent  condamner  les  Pères  de  Chalcédoine,  en  condamnant,  à 
l'exemple  de  saint  Cyrille,  «  ceux  qui  ne  confessent  pas  que  Dieu  le  Verbe,  uni 
avec  la  chair,  forme  un  seul  Christ  à  la  fois  Dieu  et  homme  ou  qui,  après  l'union, 
divisent  le  Christ  en  deux  hypostases,  et  leur  attribuent  non  une  unité  selon 
la  nature,  mais  une  certaine  intimité  ou  une  union,  comme  celle  qui  résulte 
de  la  dignité  ou  de  l'autorité  »  (Sebèos,  III,  c.  33;  Mansi,  IV,  1081,  Anath., 
2  et  3). 

On  le  voit,  c'est  toujours  la  même  erreur  philosophique,  qui  supprime  toute 
sorte  de  distinction  entre  la  nature  et  la  personne.  Qu'il  n'y  ait  qu'une  seule 
personne,  un  seul  Christ ,  que  l'union  du  Verbe  avec  la  nature  humaine  soit 
substantielle,  ou,  si  on  veut,  selon  la  nature,  par  opposition  à  l'union  morale  de 
Nestorius;  enfin,  que  la  nature  humaine  et  la  nature  divine  du  Christ  s'énon- 
cent concrètement  et  indirectement  l'une  de  l'autre  par  l'intermédiaire  de  la 
personne  qui  est  unique  et  les  possède  ('gaiement  :  tout  cela,  une  fois  admis  le 
mystère  de  l'Incarnation,  se  déduit  avec  la  plus  rigoureuse  logique.  Ce  qui  est 
inadmissible  et  illogique,  c'est  d'attribuer  directement,  formellement  et  dans  son 
sens  abstrait,  à  une  nature  ce  qui  est  le  propre  de  l'autre,  sans  le  rapporter  à  la 
personne;  c'est  de  dire,  par  exemple  :  la  divinité  a  souffert,  a  été  crucifiée,  est 
morte,  ou  :  l'humanité  est  la  divinité,  au  lieu  de  dire  :  Dieu  a  souffert,  ce  qui  est 
exact  et  signifie  que  la  personne  qui  est  Dieu  et  homme  a  souffert  en  tant  qu'elle 
est  homme,  ou  selon  la  nature  humaine. 

Si,  vers  648-6-19,  le  synode  réuni  à  Tovin  rejeta  les  conditions  d'union  propo- 
sées par  Constant  II,  il  obéit  à  la  direction  non  de  Nersès  III  Schinogh,  mais  du 
général  Théodore  Rechdouni;  et  les  circonstances  politiques  expliquent  en  grande 
partie  cette  attitude.  Depuis  huit  ans,  la  prépondérance  politique  des  Grecs  en 
Arménie  était  très  fortement  contrebalancée,  non  plus  par  le  roi  de  Perse  qui 
allait  disparaître  en  652,  en  la  personne  du  dernier  des  Sassanides,  Yezde- 
dgerd  III,  mais  par  les  khalifes  arabes  Omar  I  et  Othman  I.  Vers  640,  le  conqué- 
rant de  la  Mésopotamie,  Ijad  ibn  Ganm,  avait  pris  Arzen,  avait  imposé  à  chaque 
famille  le  tribut  d'un  dinar  par  an,  s'était  acheminé,  probablement  par  le  défilé  de 
Bitlis-tschaï,  vers  Bitlis  et  avait  soumis  le  prince  d'AivLATH  (Belâdouri,  écrivain 
musulman  d'origine  persane,  mort  en  279  =  892,  Le  Livre  de  la  conquête  des 
pays,  en  arabe,  éd.  de  Goeje,  Leycle,  1866,  p.  176;  Tabari  f  932,  Livres  des  pro- 
phètes et  des  rois,  Leyde,  1879-1893,  en  arabe,  1, 2, 506).  Jean  Mamigonian(/ft'stoïr<? 
de  Baron,  57-58),  dont  nous  avons  suivi  ailleurs  le  récit  quelque  peu  suspect, 
place  un  peu  trop  tôt,  vers  636,  la  première  invasion  des  Arabes  dans  le  district 
de  Daron.  En  642,  d'après  Tabari  (1,  2666),  Moukhair  avait  conquis  le  pays  de 
Moughan  et  exigé  de  chaque  homme  l'impôt  annuel  d'un  dinar  (p.  61,  266-67). 
En  644,  selon  Ghevond  (ch.  2),  les  Arabes  avaient  ravagé  les  districts  de  Goghtn, 
de  Nakhchévan,  traîné  en  captivité  beaucoup  de  personnes,  surtout  de  femmes 
et  d'enfants,  et  taillé  en  pièces  l'armée  grecque  de  Procope  dans  le  district  de 
Gokovid(  région  de  Bayazid).  —  En  645-46,  d'après  les  écrivains  arabes,  sur  l'ordre 
de  Moawiia,  gouverneur  de  Syrie,  Habib  ibn  Maslama,  qui  avait  déjà  con- 
quis Schimschat  (Samosate,  dans  la  IVe  Arménie),  assiégeait  à  la  tête  de 
6.000  hommes  et  prenait  Kalikala,  marchait  vers  le  lac  de  Van,  tournait  ensuite 
vers  le  nord  en  longeant  le  mont  Siphan,  entre  Akhlath  et  Ardjisch  dont  ils'em- 


180  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

ressuscité  le  samedi  à  six  heures;  et,  en  signe  de  réjouissance, 
ils  usent  d'œufs  et  de  fromage,  le  soir  du  même  jour  (a.  27)  ; 
avant  de  parvenir  à  la  droite  de  son  Père,  le  Christ  aurait  passé 


parait,  recevait  la  soumission  de  Vardik,  surnommé  Aknik,  prince  de  Mogfa 
(entre  Van  et  la  Gordyène),  subjuguait  et  rançonnait  le  district  d'Abahouniq, 
franchissait,  près  d'Ardaschad,  le  Mezamor  (Achad  ou  Azad-libre),  affluent  de  l'A- 
raxe,  et  dressait  ses  catapultes  contre  les  murs  de  Tovin,  qui  après  une  courte 
résistance  s'engageait  à  payer  un  double  tribut  personnel  et  foncier  (l'écrit  ga- 
rantissant la  sécurité  des  habitants,  chrétiens,  mages  et  juifs,  est  dans  Belàdouri, 
200).  Ensuite,  Habib  soumettait  le  prince  de  Schirag  et  de  Pakrevant  (aujour- 
d'hui Alaschgherd,  sur  l'Arsanias  supérieur),  district  gouverné  par  les  Gamsa- 
ragam  jusqu'au  vin0  siècle,  puis  par  les  Pagratides  (Pakradouni);  dans  le  Vas- 
bouragan  et  le  Sissagan,  peu  ou  point  de  résistance.  Tiflis,  en  Géorgie,  acceptait 
aussi  les  conditions  ordinaires  imposées  partout  par  le  vainqueur  :  garantie 
accordée  aux  habitants  pour  leur  personne  et  leurs  biens,  moyennant  l'impôt 
annuel  d'un  dinar  par  famille,  sauf  le  cas  de  conversion  à  l'Islam.  Le  rescrit  de 
capitulation  les  obligeait  en  outre  à  prêter  aide  et  conseil  aux  musulmans  contre 
leurs  ennemis,  à  servir  aux  voyageurs  musulmans  des  mets  autorisés  par  le 
Coran,  à  les  héberger  une  nuit,  à  les  guider  en  cas  de  besoin  vers  le  poste 
arabe  le  plus  proche  (Belàdouri,  201  ;  Tabari,  I,  2,  674).  —  Telles  sont  les  clauses 
qui  avaient  été  acceptées  des  provinces  de  Koukark,  d'Artsakh, de  l'Oudi  (entre 
l'Arzakh  et  le  Kour),  du  Daikh,  dans  la  vallée  du  Tchorokh,  après  la  capitulation 
des  capitales  de  l'Arménie,  de  la  Géorgie  et  de  l'Albanie  :  Tovin,  Titlis  et  Bar- 
daa  (Bardav).  Voir  Ghazarian,  Arménien  u.  d.  arab...,  ch.  u,  17-37. 

Au  dire  de  Ghevond,  Tovin  fut  prise  la  2°  année  de  Constant  (613);  l'armée 
arabe  venait  de  la  Mésopotamie;  elle  avait  suivi  la  vallée  de  l'Euphrate  inférieur 
(Arsanias)  ou  la  vallée  de  Bitlis-tchaï  (au  sud-ouest  du  lac  de  Van),  pris  Daron, 
Pznouniq  (Klath),  Aghiovid  (nord-est  de  Klath,  aujourd'hui  Badnotz),  Pergri  et 
Gokovid  (Bayazid).  La  prise  de  Tovin  est  reculée  par  quelques  auteurs  jusqu'à 
l'an  647  (Açoghig,  p.  87)  et  avancée  par  d'autres  jusqu'à  l'an  639  (Weil,  Gesch. 
d.  Kalifen,  I,  294,  anm.  3).  La  ville  fut  probablement  prise  en  642.  Cette  date  est 
plus  probable  que  celle  de  640  que  nous  avions  jadis  indiquée;  elle  est  donnée 
par  Sebêos  (c.  30),  l'auteur  le  plus  rapproché  des  événements.  Pendant  que  les 
Arabes  s'en  retournaient,  chargés  de  butin,  emmenant  des  milliers  de  captifs, 
Théodore  Rechdouni  les  attaqua  dans  le  district  de  Gokovid,  mais  avec  plus  de 
courage  que  de  succès.  Cet  acte  d'audace,  et  plus  encore  la  recommandation  de 
Nersès  Schinogh  qui  venait  d'être  élu  catholicos,  valut  à  Théodore  la  faveur  de 
l'empereur:  il  fut  nommé  patrice  et  général  en  chef  des  Arméniens;  le  10  août 
de  l'année  suivante,  à  la  tête  de  600  hommes,  il  surprit  et  massacra  la  troupe 
de  HArabe  Okba,  qui  venait  de  s'emparer  d'Artsaph,  au  district  de  Gokovid,  et 
qui  sans  souci  se  livrait  à  la  débauche  (Ghevond,  c.  3).  Accusé  plus  tard  par  le  gou- 
verneur grec  Thouma,  puis  enchaîné  et  mené  à  Constantinople,  Théodore  avait 
de  nouveau,  sur  la  recommandation  de  Nersès  et  de  Théodore  Wahévouni,  re- 
pris son  poste  vers  646,  peu  de  temps  après  que  Varazdirots,  naguère  disgracié' 
comme  lui,  redevenait  gouverneur  de  l'Arménie  grecque  et  patrice.  A  l'époque 
du  synode,  la  fidélité  de  Théodore  était  suspecte  :  il  allait  s'allier  aux  Arabes  et 
rester  désormais  l'adversaire  irréconciliable  de  l'union  religieuse  et  politique 
avec  les  Grecs,  et  aussi  l'ennemi  du  catholicos  et  du  parti  important  qui  devait 
accepter  bientôt  la  communion  avec  les  Byzantins  (Sebêos,  c.  35). 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  181 

un  jour  avec  chacun  des  neuf  chœurs  des  anges  (a.  33);  à  la  fin 
des  temps,  il  jugera  seulement  sous  sa  forme  humaine  (a.  104); 
quelques-uns  admettent,  en  outre,  une  croyance  fort  bizarre 
touchant  la  circoncision  de  Jésus  (a.  113). 

VI.  Tradùcianisme.  —  Presque  tous  les  habitants  du  dis- 
trict d'Ardjèsch  croient,  d'après  renseignement  de  leur  varta- 
bed  Mekhitar,  que  l'âme  de  l'enfant  vient  de  celle  de  son  père, 
par  une  sorte  de  génération  spirituelle,  comme  la  lumière  est 
propagée  par  la  lumière;  ainsi  en  est-il  des  anges  (a.  5),  sur 
la  création  et  la  chute  desquels  certains  Arméniens  ont  émis 
des  opinions  extravagantes  (a.   16). 

[A  suivre.) 

F.    TOURNEBIZE. 


ANALYSE 

DE  L'HISTOIRE 
DU    COUVENT    DE    SABRISO    DE    BEITII    QOQA 


Tous  les  amis  de  l'histoire  et  de  la  littérature  orientales  ont 
pu  y  apercevoir  —  comme  dans  le  reste  de  l'histoire  de  l'Église 
—  l'importance  et  le  rôle  du  monachisme.  C'est  encore  une 
mine  à  explorer,  malgré  les  travaux  considérables  déjà  publiés, 
comme  l'histoire  de  Thomas  de  Marga,  le  livre  de  la  Chasteté, 
l'histoire  de  Joseph  Bossnaya.  L'ouvrage  dont  nous  présentons 
un  résumé  à  nos  lecteurs  peut  prétendre  apporter  une  contri- 
bution à  ces  travaux,  car  il  nous  trace  l'histoire  durant  deux 
siècles  (commencement  du  vne  et  fin  du  vine)  d'un  célèbre  cou- 
vent nestorien.  Les  ruines  du  couvent  de  Mar  Sabrisô  se  voient 
encore  tout  près  du  grand  zab,  à  sept  heures  à  l'ouest  (ÏA)-bèle. 

Il  y  a  trois  mss.  de  cette  histoire  :  un  à  la  bibliothèque  du 
couvent  chaldéen  de  Notice-Dame  des  Semences,  écrit  en  -2007 
des  Grecs  (1690),  par  un  certain  Ablahad  fils  de  Hormezd; 
les  deux  autres  à  l'église  de  Kerkuk  et  à  notre  bibliothèque 
de  Séert  (1),  mais  incomplets,  n'allant  que  jusqu'au  n°  7  de  ce 
résumé. 

L'histoire  a  pour  titre  :  _;.*>  m-^  \^.  iNn-.m^  ^...m»  ^i^ojll  i^*> 

o;_3;o   ov-3  Q-Ootl/»    )  «, i  ..oV   .-.oio  t->;  voovV.j    pjojoi.    !S_|_j!S-oo    ov^>  C^-./o    (_oa_o    K_«_3>  \xojt_.;  -iro 

.ipooi-i  ovjljo  u^i  ju|  v!  ov^o»  .i^o^^,  «  Discours  historique,  qui 
contient  en  abrégé  l'histoire  de  Mar  Sabrièo'  de  Beith  Qoqa 
et  qui  renferme  encore  en  partie  le  souvenir  de  ses  enfants 
spirituels,  qui  l'imitèrent  et  dirigèrent  le  couvent.  (Ce  discours 
a  été)  composé  par  un  (moine)  étranger  habitant  le  même 
couvent  ». 

C'est  tout  ce  que  nous  savons  sur  l'auteur.  Nous  pouvons 
seulement  affirmer  que  cette  histoire  fut  écrite  au  couvent  de 

(1)  A.  Scher.  Calai,  des  mss.  etc.,  11"  117,  3°. 


HISTOIRE    DU    COUVENT    DE    SABRISO.  183 

Mar  Sabriëô  d'après  le  titre  et  les  expressions  souvent  répé- 
tées :  vint  ici  au  couvent  ...  ce  couvenl,  etc. 

Quant  à  la  date,  nous  pouvons  la  porter  au  commencement 
du  ix"  siècle.  En  effet  le  dernier  supérieur  du  couvent  que  l'au- 
teur mentionne,  est  Sabrisô  Bar  Israël;  or  Yohannan  zab- 
diqaya,  prédécesseur  de  ce  Sabriëô,  était  contemporain  de 
Mai-an  ' Aiiuneh  et  de  Nestorius,  métropolitains  diArbèle;  le 
premier  fut  promu .  au  siège  métropolitain  par  Jacques  pa- 
triarche (1)  (754-773),  et  le  dernier  fut  témoin  en  700  de  la 
rétractation  que  fit  Nestorius,  évèque  de  Èeith  Nouhadra, 
accusé  de  Messalianisme  (2). 

Cette  histoire  est  écrite  en  vers  de  douze  syllabes  au  nombre 
rie  1230.  La  rime  en  est  totalement  exclue;  le  style  est  pur  et 
correct. 

Nous  avons  divisé  cette  analyse  en  numéros  et  y  avons 
ajouté  des  titres  pour  donner  plus  de  clarté  à  notre  travail. 

I.    —    PRÉFACE. 

Toute  bouche  et  toute  langue  doit  glorifier  Dieu  le  Père, 
le  Fils  et  le  Saint-Esprit,  qui,  par  sa  bonté,  créa  les  créatures, 
afin  qu'elles  le  connussent.  Il  créa  l'homme 'à  son  image  e1 
à  sa  ressemblance;  et,  l'ayant  placé  dans  un  jardin  de  délices, 
il  le  brida  par  la  défense  de  manger  d'un  arbre.  Mais,  la  bride 
avant  été  brisée,  l'homme  devint  esclave  du  démon,  de  la  mort 
et  du  péché.  C'est  donc  pour  affranchir  le  genre  humain  de 
l'esclavage,  que  Dieu  le  Verbe  s'incarna  et  souffrit  la  mort. 
Les  apôtres,  embrasés  par  l'amour  de  leur  divin  Maître,  subi- 
rent eux  aussi  toutes  sortes  de  souffrances;  leurs  disciples 
marchèrent  sur  leurs  traces;  les  moines  et  les  anachorètes  quit- 
tèrent même  le  monde,  pour  mieux  servir  Dieu  dans  les  déserts 
et  les  montagnes.  Antoine  est  admirable:  Paul  le  grand  est 
('■tonnant;  Arsène  est  sublime;  les  labeurs  de  Macaire  sont 
surprenants;  les  vertus  d'Evagrius  et  de  Pacôme  sont  au- 
dessus  de  tout  éloge;  Mar  Awgin  (Eugène)  et  Mar  Abraham 
s'adonnèrent  à  la  pratique  des  vertus  les  plus  extraordinaires. 


(1)  Thomas  de  Marga,  lib.  III,  cap.  8. 

(2)  Syriodicon  Orientale,  éd.  Chabot,  p.  608.  n°  3. 


184  REVUE   DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN, 


II.    —    SABRISO    (1)    LE    FONDATEUR    DU    COUVENT. 

C'est  ce  divin  chemin  que  suivit  Mar  Sabriêô,  dont  nous 
allons  raconter  les  œuvres  glorieuses.  Il  était  originaire  de  la 
ville  de  Aiuana  dans  le  district  de  Tarihan  (2).  Ses  parents 
étaient  pieux  et  justes.  Il  fit  ses  études  dans  son  pays  natal; 
il  se  rendit  ensuite  à  Arbèle,  pour  visiter  les  moines.  Les 
chrétiens  à"1  Arbèle,  ayant  éprouvé  sa  science  et  sa  piété,  le 
prièrent  d'ouvrir  chez  eux  une  école.  Sabriso  exauça  leur 
prière.  Il  disputait  avec  les  mages  et  les  réfutait.  Son  père, 
ayant  appris  qu'il  était  à  Arbèle,  s'y  rendit  aussitôt.  Le  Saint 
pourvoyait  à  son  entretien  et  distribuait  le  reste  de  son  gain 
aux  pauvres  et  aux  indigents.  Il  portait  surtout  ses  secours 
au  vase  choisi  Bô  Sabran  (3)  et  à  ses  compagnons,  qui  étaient 
emprisonnés  à  Arbèle  (4);  il  entrait  souvent  en  prison  et 
baisait  leurs  chaînes.  Un  jour,  un  mage,  l'ayant  vu  chez  eux, 
le  fit  charger  de  chaînes.  Le  saint  tressaillit  de  joie,  pensant 
que  bientôt  son  désir  serait  accompli,  en  recevant  la  palme 
du  martyre.  Mais  Bô  Sabran  lui  prédit  qu'il  serait  martyr 
vivant  (5)  et  le  père  des  moines.  En  effet  les  chrétiens,  ayant 
appris  sa  détention,  vinrent  le  voir  et  parvinrent  à  le  délivrer. 

Sabrisô,  voyant  qu'il  ne  pourrait  point  obtenir  la  couronne 
du  martyre,  se  hâta  d'érchapper  —  à  l'instar  d'un  oiseau  — 
des  pièges  de  ce  monde  et  se  rendit  aux  coteaux  du  grand  zab, 
où  il  rencontra  une  place  convenable  et  s'y  fixa.  Il  y  avait 
aux  environs  de  sa  demeure  un  martyriou,  et  aux  environs 
du  martyrion  une  cellule,  où  habitait  un  anachorète,  nommé 
Hormezdad  (6).  Sabriêô  se  fit  son  disciple  et  prit  de  ses 
mains  l'habit  monastique.  Il  s'éloigna  ensuite  de  ce  maître 
spirituel   et   s'enferma   dans   une    grotte,  où    il   passa  qua- 


(1)  >a.Qj^;-lm  i.  e.  Jésus  spes  mea. 

(2)  Tarihan  était  au-dessus  de  Tagrit. 

(3)  v;-vmvn.  =  Jésus  spes  nostra. 

(-1)  Isô   Sabran  et  ses  compagnons  auraient  été  emprisonnés  à  Arbèle  depuis 
005  jusqu'à  620  (cf.  J.-B.  Chabot,  Vie  de  Jésus-Sabran,  Paris,  1897,  p.  501). 

(5)  |^o;   \1>   );ovœ. 

(6)  j»po>o),  pers.  i^y*  »  «  llormez  dédit  ». 


HISTOIRE    DU    COUVENT    DE    SABRISO.  185 

torze  ans  (1),  se  livrant  à  toutes  les  rigueurs  de  la  mortifica- 
tion. Nous  n'avons  pas  pu  savoir  quelle  était  sa  nourriture 
pendant  tout  cet  espace  de  temps  :  car  personne  ne  le  vit,  et 
lui-même  ne  raconta  rien  sur  son  genre  de  vie.  Seulement  on 
l'entendit  dire  une  fois  :  «  Je  participais  de  temps  en  temps 
par  la  communion  au  saint  sacrifice,  clans  quelque  monastère, 
mais  sans  être  connu  de  personne.  »  Les  Arabes  avaient 
déjà  commencé  à  paraître;  une  avant-garde  étant  arrivée  jus- 
qu'à la  grotte  du  saint  solitaire,  la  Providence  divine  les  en 
écarta.  Mais  Dieu  ne  voulut  pas  que  son  fidèle  serviteur  restât 
à  travailler  ainsi  pour  son  propre  avantage.  Il  révéla  donc 
le  lieu  de  sa  retraite  à  son  maître  Hormezdad.  Celui-ci  vint 
le  trouver;  et  se  tenant  au-dessus  de  sa  grotte  :  «  Notre-Sei- 
gneur,  lui  dit-il  deux  fois,  vous  ordonne  de  quitter  votre  re- 
traite et  d'hériter  toute  la  terre.  »  Sabrisô  obéit  à  la  volonté 
divine. 

En  peu  de  temps  sa  renommée  se  répandit  partout.  De  nom- 
breux frères  vinrent  se  grouper  autour  de  lui,  et  le  prièrent  de 
prendre  leur  direction.  Comme  il  n'acceptait  pas,  ils  s'adres- 
sèrent au  métropolitain  d'Arbèle  (2),  qui  le  contraignit  d'y 
consentir.  La  charge  du  supérieur  ne.  lui  fit  rien  changer  à  ses 
mortifications  et  à  ses  labeurs  ardus  et  difficiles.  Son  aménité 
était  admirable  :  il  s'abstenait  de  parler  aux  moines  sur  un 
ton  d'autorité;  il  était  aussi  humble  que  Moïse,  qui  était  le 
plus  humble  de  tous  les  hommes  (3).  Ainsi  Sabrisô  s'élevait 
de  degré  en  degré  jusqu'à  ce  qu'il  parvint  à  un  sublime  degré 
de  perfection.  La  lumière  de  ses  vertus  éclaira  tout  le  pays; 
les  miracles  qu'il  opérait  le  rendirent  encore  plus  illustre.  On 
lui  amenait  de  toutes  parts  des  malades.  Le  couvent  fut  très 
florissant;  il  enseignait  à  ses  moines  à  conserver  leur  foi;  il 
faisait  les  éloges  de  Diodore  (4),  de  Théodore  (5)  et  de  Nesto- 
rius,  docteurs  de  l'orthodoxie;  il  ne  voulait  pas  écouter  les 

(1)  Gabriel  de  Mossoul  (ver.s  1281)  dans  son  poème  sur  ce  même  Sabrisô  et 
Isodnah  de  Bassorah  dans  le  Livre  de  la  Chasteté  (n°  59)  disent  qu'il  passa  12  ans 
dans  la  grotte. 

(2)  Ce  serait  Isoyahb  d'Adjabène  qui  fut  promu  au  patriarcat  en  650  (voir  ci- 
dessous,  p.  18?). 

.  (3)  Num.,  xn,  3. 
(1)  Diodore  de  Tarse. 
(•"'>)  Théodore  de  Mopsueste. 


186  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRETIEN. 

blasphèmes  des  hérétiques.  Un  jour,  un  païen,  qui  avait  épousé 
une  femme  monophysite,  vint  le  visiter  et  lui  demanda  de 
prier  pour  sa  femme,  qui  était  stérile.  Dieu  exauça  les  prières 
de  Mar  SàbrUô  et  la  femme  eut  deux  enfants.  Alors  le  saint 
recommanda  au  père  de  ne  pas  faire  baptiser  ses  enfants  par 
les  Sévériens.  Mais  celui-ci,  ayant  agi  contre  l'ordre  du  saint, 
perdit  ses  deux  enfants. 

Lors  de  l'incursion  des  Arabes  dans  le  pays,  les  moines  se 
réfugièrent  au  village  de  Beith  Hniq;  les  Arabes  ayant  assiégé 
la  forteresse,  les  assiégés  allaient  se  rendre,  car  ils  n'avaient 
pas  d'eau  à  boire;  mais  les  prières  de  Sahrisô  firent  augmenter 
l'eau  et  écartèrent  les  assiégeants. 

Un  noble  jeune  homme  le  pria  un  jour  de  le  recevoir  dans 
le  couvent.  Le  Saint  lui  déclara  qu'il  en  était  indigne.  Malgré 
cet  avertissement,  le  jeune  homme  se  fit  moine;  mais  il  brisa 
ensuite  le  joug  et  s'enfuit. 

Les  Arabes  demandaient  tous  ses  biens  à  un  marzaban 
qu'ils  avaient  fait  arrêter;  il  eut  recours  à  Mar  Sabriëô;  celui- 
ci  lui  fit  dire  que,  s'il  se  convertissait,  il  pourrait  être  délivré; 
sinon,  lui  seul  serait  massacré,  tandis  que  tous  les  siens  se- 
raient sains  et  saufs.  Cette  prédiction  s'accomplit  :  le  marzaban 
seul  fut  massacré. 

Il  guérit  aussi  une  femme  persane,  qui  était  possédée  du 
démon;  il  délivra  un  autre  démoniaque,  que  Sabriëô  (1),  mé- 
tropolitain de  Karkha  de  Beith  Slokh,  lui  avait  envoyé.  Il 
délivra  le  pays  du  fléau  des  sauterelles;  une  autre  fois  il  en 
détourna  un  orage  de  grêle.  Il  réconcilia  les  notables  du  pays 
qui  se  faisaient  la  guerre. 

Chose  admirable!  étant  si  plein  de  la  vertu  divine,  il  n'en- 
treprenait rien  sans  avoir  sollicité  les  prières  des  moines;  lui, 
qui  donnait  la  guérison  à  tant  de  malades,  s'abstint  de  se 
guérir  d'une  maladie  secrète  qu'il  avait;  il  se  jetait  aux  pieds 
des  vieillards  et  les  servait  ;  il  ne  mangeait  que  deux  fois  par 
semaine  :  un  peu  de  pain  et  de  sel;  il  passait  les  nuits  à  prier 
et  à  faire  des  prosternations  (2)  ;  il  ne  se  coucha  jamais  à  terre; 
mais,  étant  assis,  il  prenait  un  peu  de  sommeil. 

(1)  Sur  ce  Sabriso  voir  le  Livre  de  la  Chasteté,  éd.  Bodjan,  n°  93. 

(2)  ^uo£oo  ({tetâvota)  signifie  :  prosternation  faite  la  face  contre  terre. 


HISTOIRE    DU    COUVENT    DE    SABRISO.  187 

Le  démon,  voyant  que  les  moines  vivaient  en  paix,  sema 
parmi  eux  la  zizanie.  Un  moine,  qui  prétendait  à  la  prophétie, 
vint  habiter  le  couvent  de  Mar  Abraham  Nathpraya  (1),  qui 
était  tout  près  de  celui  de  Mar  Sabriso;  il  séduisit  beaucoup 
de  moines.  Mais  Mar  Hoyahb  (III)  (2)  patriarche,  qui  était  alors 
métropolitain  cYArbê/c,  excommunia  le  faux  prophète  et  le  fit 
chasser  du  couvent. 

Mar  Sabriso  opéra  encore  beaucoup  d'autres  miracles.  Pen- 
dant l'invasion  des  Arabes,  tous  les  habitants  des  villages  se 
retirèrent  dans  les  îles  et  les  forêts  du  Zab.  Une  nuit,  le  fleuve, 
ayant  débordé  subitement,  allait  les  engloutir  tous,  quand  tout 
d'un  coup  le  saint  parut  sur  la  rive,  accompagné  de  dix  moines, 
et  délivra  par  ses  prières  tous  les  villageois. 

Sa  miséricorde  surpassait  tout  éloge.  Quelques  jours  avant 
le  Carême,  un  pauvre  vint  lui  demander  de  la  nourriture  pour 
ses  malheureux  enfants,  qui  n'avaient  rien  à  manger.  N'ayant 
rien  à  lui  donner,  il  lui  ordonna  d'aller  prendre  un  cerf  et 
de  l'égorger.  Le  pauvre  obéit;  les  cerfs  ne  s'enfuirent  pas.  Il 
en  égorgea  un  et  l'apporta  pour  ses  enfants  affamés  (3). 

Hoyahb,  métropolitain  (ÏArbèle,  ayant  été  élevé  au  patriar- 
cat, tous  les  notables  (ÏArbèle  et  les  évêques  demandèrent 
Sabriso  pour  métropolitain.  Le  patriarche  le  fit  donc  mander 
et  le  pria  d'accepter  cette  charge.  Sabriso  n'y  consentit  pas. 
Et,  comme  le  patriarche  le  pressait  beaucoup,  il  lui  dit  : 
«  Seigneur!  l'heure  de  ma  mort  est  proche,  je  vous  prie  donc 
de  ne  pas  vous  fatiguer.  »  Alors  le  patriarche  le  congédia; 
vingt-cinq  jours  après  Sabriso  tomba  gravement  malade  et 
mourut  le  premier  dimanche  du  Carême  (4). 

III.    —    LES    DISCIPLES    DE    MAR    SABRlsu. 

Mar  Sabriso  eut  le  bonheur  de  voir  beaucoup  de  ses  enfants 
marcher  sur  ses  traces  dans  le  chemin  de  la  perfection.  L'un 
d'eux  avoua  à  l'heure  de  sa  mort  que  pendant  soixante  ans  il 

(I)  Sur  ce  moine  voir  le  Livre  de  la  Chasteté,  éd.  Bedjan,  n°  43. 

(i)  Ce  nom  signifie  :  Jésus  dédit  : 

(3)  [Même  histoire  parmi  les  récits  inédits  du  moine  Anastase,  Paris,  1902]. 

(  1)  Sabriso  serait  mort  en  650,  année  à  laquelle  Isoyahb  d'Adjabène  devint 
patriarche.  Voir  encore  sur  Sabriso  le  poème  de  Gabriel  de  Mossoul.  le  Livre 
de  la  Chasteté^  n°  65. 


188  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

ne  s'était  jamais  couché  à  terre.  C'était  Joseph  le  grand,  du 
village  de  Gapita  dans  le  pays  de  Marga.  Celui-ci,  avec  son 
frère  Abraham,  avait  embrassé  la  vie  monastique  dans  le  cou- 
vent de  Beith  'Abé  (1);  ils  se  retirèrent  ensuite  dans  la  mon- 
tagne de  Zinaï,  où  ils  restèrent  quinze  ans,  sans  s'être  jamais 
vus  l'un  l'autre.  Ayant  entendu  la  renommée  de  Mai*  Sabrisô, 
ils  vinrent  vivre  sous  ses  ordres.  Joseph  opéra  de  nombreux 
miracles.  Un  jour,  ayant  été  interrogé  comment  le  moine  devait 
terminer  sa  prière  :  «  Il  est  blâmable,  répondit-il,  le  moine  qui 
termine  sa  prière.  »  Il  mourut  du  vivant  de  Mar  Sabriëô. 
Quant  à  son  frère,  il  parvint  à  une  extrême  vieillesse. 

Un  autre  de  ses  disciples  ne  mangeait  qu'une  fois  par  se- 
maine, le  dimanche.  —  Qui  ne  connaît  le  vieillard  Habib  (2), 
qui,  ayant  guéri  tant  de  malades,  ne  voulut  point  se  guérir 
de  l'hydropisie  dont  il  était  affligé.  Le  vieillard  Hounein,  qui 
affaiblit  son  corps  par  toutes  sortes  de  mortifications,  était 
au-dessus  de  tout  éloge.  —  Zwanarsè  (3)  était  admirable  dans 
ses  œuvres.  —  Ahroun,  le  grand,  métropolitain  de  Raziqayé, 
brilla  comme  une  lampe  dans  la  Congrégation  de  notre  Père. 

Rostam  (4)  le  grand,  du  village  de  H  rem,  écrivit  l'histoire 
de  Mar  Sabrisô  (5).  David,  évêque  (6),  écrivit  en  deux  volumes 
l'histoire  des  moines  de  notre  couvent.  C'est  ici  encore  qu'em- 
brassa la  vie  monastique  Yozadaq  auteur  de  la  vie  de  Soubhal- 
maran.  Ils  sont  encore  très  nombreux  les  héritiers  de  Mar 
Sabrisô;  nous  n'en  avons  mentionné  qu'en  petit  nombre. 


IV.    —    HNANISO,    DEUXIEME    SUPERIEUR    DU    COUVENT. 

Après  la  mort  de  Sabrisô,  aucun  de  ses  disciples  n'osa  oc- 
cuper sa  place.  Les  frères  se  dispersèrent.  Ce  fut  en  ce  temps- 


(1)  Cf.    Thomas  de  Marga,  lib.  I,  cap.  32;  le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  65, 

(2)  Ce  nom  signifie  :  Bien-Aimé. 

(3)  Ce  nom  serait  composé  d'un  mot  persan  signifiant  langue  et  du  nom  de 
Narsès. 

(4)  Ce  nom  est  persan  et  signifie  :  vaillant  en  tout. 

(5)  Comparer  encore  Liber  Superiorum  de  Thomas  de  Marga,  lib.  II,  cap.  17. 

(6)  Comparer  Lib.  Super.,  lib.  II,  cap.  20  et  24.  Il  semble  que  l'auteur  men- 
tionne ici  même  ceux  îles  moines  qui  se  rendirent  célèbres  bien  après  la  mort 
de  Sabrisô. 


HISTOIRE    DU    COUVENT    DU    SABR1SO.  189 

là  que  Qoqa  (1),  un  des  plus  notables  d'Àrbèle,  s'étant  baigné 
à.  la  fontaine  du  couvent,  fut  purifié  de  sa  lèpre  ;  il  se  fit  moine 
et  donna  tous  ses  terrains  au  couvent,  qui  depuis  a  été  connu 
par  son  nom. 

Il  arriva  que  Mar  Guiwarguis,  patriarche  (661-681),  vint  en 
ce  temps-là  au  couvent;  l'ayant  vu  sans  supérieur,  il  contrai- 
gnit Hnaniêô  de  succéder  à  son  maître  Sabrisô. 

Hnàniëô  (2)  était  du  village  de  NaMirwan  dans  le  pays 
cYAdjabène,  ses  parents  étaient  pieux;  dès  sa  tendre  jeunesse, 
il  fréquentait  l'église;  il  fut  instruit  dans  les  sciences  ecclésias- 
tiques. Il  devint  disciple  de  Mar  Sabrisà;  il  nourrissait  les 
pauvres  du  prix  des  paniers  et  des  corbeilles  qu'il  tressait.  Il 
occupa  dignement  la  charge  de  portier.  Il  se  retira  ensuite  au 
désert  pour  y  vivre  dans  la  solitude.  Ce  fut  de  là  que  Guiwar- 
guis (Georges),  patriarche,  l'appela  et  lui  enjoignit  de  se  sou- 
mettre et  de  diriger  le  couvent. 

Hnaniëô  opéra  de  nombreux  miracles  :  il  obtint  la  guérison 
de  plusieurs  démoniaques  et  paralytiques;  il  guérit  par  le 
signe  de  la  croix  un  homme  qui  était  atteint  de  graves  mala- 
dies; il  ressuscita  une  fille  morte  :  «  Je  vis,  raconta  un  vieil- 
lard, plusieurs  troupes  de  cerfs  et  d'autres  bêtes  sauvages  venir 
paître  aux  environs  de  sa  cellule,  et  le  saint  approcher  d'eux 
et  les  caresser.  »  On  vit  une  fois  sa  cellule  toute  pleine  de 
lumière;  une  autre  fois  on  le  vit  briller  comme  une  colonne  de 
lumière. 

Le  nombre  des  moines  se  multiplia  durant  sa  vie  et  le  cou- 
vent grandit  et  fut  florissant  comme  Jérusalem  du  temps  de 
Salomon.  Avant  sa  mort  il  réunit  tous  les  frères,  leur  donna 
d'utiles  instructions  et  désigna  pour  son  successeur  Rabban 
Yohannan.  Son  corps  fut  déposé  à  côté  de  Mar  Sabrisô  (3). 

V.     —   YOHANNAN,    TROISIÈME    SUPÉRIEUR    DU    COUVENT. 

yohannan  (Jean)  était  originaire  de  Hazza  (4);  il  fut  archer 

(1)  Gabriel  de  Mossoul  dans  son  poème  sur  Sabrisô  rapporte  ce  fait  au  temps 
de  Sabrisô  lui-même. 

(2)  Ce  nom  signifie  :  misericordia  Jesu. 

(3)  Sur  Hnanisô  voir  encore  le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  62. 

(4)  Village  situé  à  trois  heures  au  sud  d'Arbèle. 


190  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

du  roi  Chosrau  fils  de  Hormezd  (1);  mais  il  quitta  ensuite  son 
emploi  pour  pouvoir  mieux  servir  Dieu.  Ayant  été  mené  en 
captivité  par  les  Délamites  (2),  il  fut  délivré  par  un  miracle  (3). 
Il  résolut  alors  d'embrasser  la  vie  monastique,  et,  après  avoir 
étudié  les  sciences  divines,  il  se  retira  auprès  de  Mar  SabrUô, 
qui  l'accueillit  avec  joie,  et  prit  soin  lui-même  de  sa  direction. 
Yohannan,  après  avoir  mené  la  vie  cénobitique,  se  réfugia 
dans  une  cellule,  où  il  parvint  au  comble  de  la  perfection.  Ce 
fut  en  lui  que  s'accomplit  ce  qui  a  été  dit  touchant  Safomon  : 
qu'il  n'y  en  a  eu  de  pareil  ni  avant  lui  ni  après  lui,  qui  lui 
fût  semblable  (4).  Il  se  retira  ensuite  dans  la  montagne,  pour 
visiter  les  moines  solitaires,  et  de  là  il  alla  au  mont  Bar 
Toura  (5),  où  il  mena  le  genre  de  vie  des  anges,  autant  qu'il 
est  possible  aux  êtres  corporels  de  le  faire.  N'ayant  pas  pu 
supporter  la  douleur  de  voir  sécher  un  figuier  qui  était  dans 
sa  cellule,  il  résolut  de  revenir  au  couvent  de  son  père  Mar 
Sabrisô.  Étant  arrivé  au  Tigre,  il  le  passa  à  sec  miraculeuse- 
ment. Il  décida  quelques-uns  de  ses  parents  à  porter  eux  aussi 
le  joug  monastique.  Son  frère  Gausisô  (G)  et  son  neveu  Nesto- 
rius  s'illustrèrent  par  leurs  sublimes  et  divines  vertus. 

Yohannan,  devenu  supérieur  du  couvent,  s'adonna  de  plus 
en  plus  aux  exercices  du  plus  sévère  ascétisme.  Suivant  le  pen- 
chant qu'il  avait  pour  la  solitude,  il  se  retira  dans  une  cellule, 
qui  était  éloignée  du  couvent  d'environ  un  mille.  Lui  aussi, 
comme  ses  prédécesseurs,  opéra  bien  des  prodiges;  ses  mi- 
racles le  firent  honorer  des  chefs  arabes;  il  guérit  plusieurs 
démoniaques;  il  rendit  l'ouïe  à  un  moine,  et  par  ses  prières, 
une  femme  stérile  du  village  de  Hessa  devint  féconde.  L'invo- 
cation de  son  nom  sauva  beaucoup  de  personnes  des  naufra- 
ges. On  peut  apprendre  ses  autres  actions  glorieuses  en  lisant 
son   histoire.  Jacques   Eazzaya   (7),   disciple    de    Apnima- 


(1)  Ce  roi  do  Perse  régna  depuis  590  jusqu'à  028. 

(2)  Peuple  voisin  de  la  mer  Caspienne. 

(3)  L'auteur  n'aurait-il  pas  identifié  ici  la  captivité  de  ce  Yohannan  avec  celle 
de  Yohannan  Daïlomaya,  mentionné  par  Thomas  de  Marga?  (lib.  II,  cap.  23, 
24,  25).' 

(1)  I  Rois,  m,  12. 

(5)  Montagne  tout  près  de  Singar. 

(6)  Ce  nom  signifie  :  Jésus  praesidium  meum. 

(?)  Ce  mot  signifie  :  voyant.  Ce  Jacques  serait  le- même  Jacques  Hazzaya  que 


HISTOIRE    DU    COUVENT    DE    SABRISO.  191 

ran  (1),  avait  déjà  prédit  sa  grandeur.  Il  termina  sa  carrière 
le  jour  de  Noël  (2).  Abba  Siméon  de  Senna  (3)  pressentit 
l'heure  de  sa  mort  et  il  la  déclara  à  ses  disciples. 

VI.  —  SOUBHALMARAN,  QUATRIÈME  SUPÉRIEUR  DU  COUVENT. 

Le  successeur  de  Yohannan,  Soubhalmaran  (4),  était  du 
village  de  Sisoh;  il  fut  soigneusement  élevé  par  ses  parents. 
Il  se  rendit  au  couvent  de  Mar  Sabriëô  du  temps  de  Yohannan. 
Après  la  mort  de  celui-ci,  pressé  par  les  frères  de  prendre  le 
soin  de  la  direction  du  couvent,  il  n'y  consentit  que  malgré 
lui.  Ne  pouvant  raconter  ici  tous  les  détails  de  sa  vie,  nous  di- 
rons seulement  qu'il  imita  en  tout  ses  illustres  prédécesseurs. 
Bien  des  fois  par  ses  miracles  et  ses  prières,  il  empêcha  les 
Arabes  et  les  brigands  de  piller  le  couvent.  Il  était  doué  aussi 
du  don  de  prédiction;  il  obtint  la  guérison  de  plusieurs  ma- 
lades; on  le  vit  deux  fois  environné  d'une  lumière  éclatante.  Il 
dirigea  le  couvent  pendant  trente-six  ans  (5).  Ayant  vu  sa  mort 
approcher,  il  convoqua  les  frères;  il  leur  donna  de  salutaires 
instructions  et  désigna,  comme  successeur,  Rabban  France. 
Il  mourut  le  2  Ab  (août),  1040  des  Grecs  (729),  et  fut  enseveli 
à  côté  de  ses  prédécesseurs  (6). 

VII.  —  FRANCE,   CINQUIÈME    SUPÉRIEUR    DU    COUVENT. 

Rabban  France  (7)   était  originaire  du  village  de  H  rein, 


mentionne  le  Livre  de  la  Chasteté  (n°  140);  mais  Isodnah  dit,  de  lui  qu'il  était 
disciple  de  Rabban  Isoyahb;  il  pourrait  avoir  été  successivement  disciple  de 
R.  Apnimaran  et  de  R.  Isoyahb.  Mais  Thomas  de  Marga  (lib.  II,  cap.  2)  dit 
qu'Apnimaran  et  Jacques  étaient  tous  les  deux  disciples  de  R.  Qamisô  au  cou- 
vent de  Beith  'Abé,  et  ce  ne  fut  qu'après  la  mort  de  R.  Isoyahb  que  Jacques 
alla  à  son  couvent,  où  il  lui  succéda  dans  la  direction  des  moines. 

(1)  Ce  nom  signifie  :  Reduxit  Dominus  noster.  Voir  sur  ce  moine  le  Livre  de 
la  Chasteté,  n°94;  et  Thomas  de  Marga,  lib.  II,  cap.  3. 

(2)  lohannan  serait  mort  en  629/3,  son  successeur  étant  mort  en  729,  après 
une  direction.de  36  ans  (voir  le  numéro  suivant;  sur  Mar  lohannan,  voir  encore 
le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  63). 

(3)  Ibidem,  n°  68. 

(4)  Ce  nom  signifie  :  Gloria  Domino  nostro. 

(5)  Le  Livre  de  la  Chasteté  (n°  64)  dit  :  trente-cinq  ans. 

(6)  Voir  encore  sur  Soubhalmaran  le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  64. 

(?)  Nom  composé  de  deux  motspersans(  j"  et  U),  qui  signifient  :  semblable 
à  la  constellation  des  Pléiades.  ^' 


192  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

dans  YAdjabène;  ses  parents  étaient  riches;  les  ayant  perdus, 
dès  l'âge  le  plus  tendre,  il  fut  élevé  avec  son  frère  par  son  oncle 
maternel.  Ils  firent  leurs  études  dans  l'école  de  leur  village. 
Son  frère  se  fit  moine  dans  le  couvent  de  Rabban  Job  (1). 
Quant  à  lui,  il  resta  encore  quelque  temps  à  l'école;  puis  il  vint 
au  couvent  de  Mar  Sabrisô,  où  il  prit  le  saint  habit  du  mona 
chisme.  Les  œuvres  qu'il  accomplit  dans  sa  vie  commune  et 
dans  sa  vie  solitaire  sont  si  admirables  qu'elles  sont  au-dessus 
de  tout  éloge.  Mar  Yohannan,  métropolitain  d'Arbèle  (2),  le 
demanda  pour  diriger  le  couvent  de  Mar  Nestorius  (3)  ;  mais 
Soubhalmaran,  qui  était  alors  supérieur,  refusa  sa  demande, 
disant  que  son  propre  couvent  en  avait  grand  besoin. 

A  la  mort  de  Soubhalmaran,  Rabban  France  lui  fut  donné 
malgré  lui  pour  successeur.  Le  métropolitain  (d'Arbèle)  et  les 
notables  du  pays,  qui  se  trouvaient  alors  au  couvent,  pour 
l'empêcher  de  s'enfuir,  firent  en  sorte  qu'il  fût  gardé  par  dix 
moines;  mais,  malgré  leur  surveillance,  Rabban  France  put 
s'enfuir,  sept  semaines  après,  et  se  retirer  au  couvent  de  Mar 
Razqyel  (4),  où  il  se  mit  à  paître  les  ânes  de  la  congrégation. 
Un  miracle  opéré  par  le  saint,  le  trahit.  Les  moines  de  son 
couvent  allèrent  aussitôt  le  chercher.  Il  s'enfuit  une  seconde 
fois  et  se  cacha  dans  la  montagne;  mais  étant  tombé  malade, 
il  dut  revenir  au  couvent  qu'il  dirigea  jusqu'à  sa  mort. 

Rabban  France  était  le  plus  humble,  le  plus  zélé  et  le  plus 
bienveillant  de  son  temps.  Sa  renommée  se  répandit  partout; 
il  fut  élu  métropolitain  d'Arbèle  (5),  mais  il  n'accepta  pas  cette 
charge.  Les  miracles  qu'il  opéra  sont  nombreux  :  il  s'opposa 
aux  ennemis  du  couvent  et  les  empêcha  de  lui  causer  du  mal; 
ses  prières  rendirent  fécondes  les  femmes  stériles,  délivrèrent 
de  la  peste  bien  des  personnes  et  guérirent  plusieurs  démo- 
li) Sur  ce  couvent  voir  le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  43  et  44. 

(2)  Yohannan  fut  promu  au  siège  métropolitain  par  Sliba  Zkha,  patriarche 
(714-727);  il  vécut  jusqu'à  l'époque  de  Mar  Aba  II  (742-752)  :  voir  Thomas  de 
Marga,  lib.  II,  cap.  30  et  36. 

(3)  Sur  ce  couvent  voir  le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  48. 

(4)  Ce  couvent  se  trouvait  à  Daqoq,  à  neuf  heures  au  sud  de  Kerkuk  ;  l'histoire 
de  Hazqyel  (Ezéchiel)  se  trouve  à  la  bibliothèque  de  l'église  de  Kerkuk.  Voir 
encore  sur  le  susdit  couvent  le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  85. 

(5)  Sans  doute  à  la  mort  de  Yohannan  qui  eut  lieu  au  commencement  du 
pontificat  de  Mar  Aba  II,  à  savoir  vers  742/3  (voir  Thomas  de  Marga,  lib.  II. 
cap.  36). 


HISTOIRE    DU    COUVENT    DE    SABRISO.  193 

iliaques,  sourds  et  boiteux.  Il  était  favorisé  aussi  de  visions 
spirituelles.  Il  mourut  le  7  Sbat  (février)  1059  des  Grecs  (748), 
après  avoir  dirigé  le  couvent  vingt-deux  ans  (1).  Son  histoire 
a  été  écrite  par  Soubhalmaran,  métropolitain. 

VIII.   —  QNOBAYA,    SIXIÈME    SUPÉRIEUR    DU    COUVENT. 

Après  la  mort  de  Rabban  France,  quelques-uns  de  ses 
disciples  dirigèrent  le  couvent  pendant  un  certain  temps;  mais, 
étant  trop  faibles  pour  pouvoir  accomplir  dignement  leur 
charge,  ils  l'abandonnèrent  et  s'enfuirent  successivement.  Alors 
les  méchants  se  mirent  à  molester  les  moines  et  à  confisquer 
les  biens  et  les  terrains  du  couvent.  Mais  Dieu  leur  envoya, 
pour  les  diriger  et  les  secourir,  un  saint  personnage,  appelé 
Qnobaya.  Celui-ci  eut  quelque  succès;  il  fit  même  rendre  les 
terrains  confisqués;  mais  il  eut  aussi  beaucoup  à  souffrir  de 
la  haine  des  ennemis  du  couvent,  et  il  fut  lapidé  cruellement 
par  les  habitants  du  village  de  '  Aïna  Sritha  (2). 

IX.   —  MARAN    'àMMEH,    SEPTIÈME    SUPÉRIEUR    DU    COUVENT. 

Peu  de  temps  après  le  martyre  de  Mar  Qnobaya,  vint  au 
couvent  l'admirable  Maran  lAmmeh  (3),  appelé  Bar  z-inayé(4). 
Il  fut  élu  supérieur;  à  l'instar  de  ses  anciens  prédécesseurs, 
il  fit  fleurir  le  couvent  et  opéra  bien  des  prodiges. 

Maran  tAmmeh  était  du  village  de  Zinaï  (5),  d'où  il  tira  son 
nom.  Il  se  fit  disciple  des  moines  pénitents  (6)  du  mont  Zamar, 
qui  venaient  fréquemment  à  son  village  pour  y  participer  aux 
saints  mystères.  Il  se  transporta  ensuite  au  couvent  de  Raï- 

(1)  Il  3r  a  ici  une  faute  du  copiste  :  Soubhalmaran  mourut  en  729;  si  donc 
Rabban  France  avait  dirigé  les  moines  pendant  22  ans,  sa  mort  aurait  eu  lieu 
en  751  et  non  en  748;  au  lieu  de  22  il  faut  donc  lire  19. 

(2)  Ce  village  devait  se  trouver  probablement  tout  près  du  couvent;  son  nom 
signifie  :  fontaine  puante. 

(3)  Ce  nom  signifie  :  Notre-Seigneur  est  avec  lui. 

(1)  Ce  nom  signifie  :  issu  de  parents  originaires  du  village  de  Zinaï. 

(5)  Village  dans  le  pays  de  Marga.  au  pied  d'une  montagne  qui  porte  le 
même  nom. 

(C.)  juj>;  signifie  :  lugens;  on  l'appelait  ainsi,  parce  qu'il  était  toujours  en 
deuil  pour  ses  péchés  et  les  péchés  du  monde 

ORIENT    CHIŒTIEN.  13 


194  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

qana  (1)  près  du  vieillard  lia  'Ammeh  (2);  celui-ci  l'envoya  au 
couvent  d'Abba  Joseph  (3),  près  de  Balad  (1),  où  il  reçut  la 
tonsure  et  accomplit  le  temps  de  la  vie  commune;  puis  il  revint 
au  couvent  de  Raïqana,  près  de  son  directeur,  qui  lui  prescri- 
vit de  pratiquer  de  nouveau  la  vie  commune.  Maran  lAmmeh 
lui  obéit,  et  mena  cette  vie  de  façon  telle  qu'il  fut  un  objet  d'ad- 
miration pour  tous  les  moines;  il  se  retira  ensuite  dans  une 
cellule,  où  il  s'adonna  à  toutes  sortes  de  mortifications;  il  ne 
prenait  pendant  toute  la  journée  que  six  bouchées  de  pain; 
chaque  jour  il  récitait  deux  fois  le  psautier,  et  faisait  trois 
mille  prosternations. 

La  renommée  de  Maran  lAmmeh  brilla,  comme  un  éclair, 
clans  tout  le  pays  ;  il  fut  le  refuge  des  malades  et  des  affligés, 
qui  recouraient  à  lui.  Pour  éviter  la  vaine  gloire  il  s'enfuit 
pendant  la  nuit  à  la  montagne  de  Ziaaï.  Ayant  été  découvert, 
il  alla  au  couvent  de  Beith  Margana  (5);  mais  là  aussi  il  fut 
connu;  il  se  retira  alors  à  Beith  Samona  (6)  et  de  là  au  couvent 
de  Rêki  (7)  dans  le  pays  de  Marga.  Ce  fut  là  qu'il  ressuscita 
le  fils  d'un  prêtre,  appelé  Daniel.  Ayant  commencé  à  vieillir, 
il  alla  habiter  près  d'un  village,  nommé  Kaukab,  où  il  con- 
vertit un  aveugle  hérétique  et  le  guérit.  Il  retourna  ensuite 
à  Beith  Margana,  où  il  opéra  aussi  beaucoup  de  miracles. 

Ayant  désiré  être  plus  en  silence,  il  se  retira  au  couvent  de 
Mar  Sabrisô;  tous  les  moines  l'acueillirent  avec  une  joie  inex- 
primable et  le  regardèrent  comme  leur  père  et  leur  directeur. 
Le  chef  du  pays,  Sabrisô  (8)  fils  de  Nekhwar  le  grand  (9),  vint 
le  visiter;  il  était  accompagné  de  tous  ses  frères  et  de  tous  ses 
parents.  Le  couvent  de  Sabriëô  fut  lui  aussi  témoin  de  ses 
miracles  :  il  ouvrit  les  yeux  d'un  aveugle  de  la  ville  de  Hdat- 

(1)  Sur  la  place  de  ce  couvent  voir  le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  123. 

(2)  Ce  nom  signifie  :  Jésus  est  avec  lui. 

(3)  Voir  le  Liv.  de  la  ChasU,  n"  111. 

(4)  Petite  ville  sur  le  Tigre  à  6  heures  au  nord-ouest  de  Mossoul. 

(5)  Sur  ce  couvent  voir  le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  119. 

(G)  Sur  ce  couvent  voir  le  Livre  de  la  Chasteté,  nos  25  et  51. 

(7)  Voir  sur  ce  couvent  Thomas  de  Marga,  lib.  VI,  cap.  1,  éd.  Bedjan,  p.  346. 

(8)  Ce  serait  probablement  le  père  de  Hassan,  gouverneur  d'Adjabene  et  d'As- 
syrie, sur  la  demande  duquel  Thomas  de  Marga  écrivit  le  livre  III  de  son  his- 
toire (voir  lib.  III,  cap.  1). 

(9)  Ce  nom  est  persan;  il  serait  composé  de    -3  qui  signifie  .-  armée;  et  de  ,  „ 

..  > v 

qui  veut  dire  :  maître  ou  qui  a. 


HISTOIRE    DU    COUVENT    DE    SABRISO.  195 

tha  (1);  il  délivra  de  la  mort  le  prêtre  Addaï;  il  guérit  plu- 
sieurs démoniaques,  entre  autres  :  la  fille  de  Jacques,  le  fils 
(Ylsaac  et  le  fils  de  Hormezd  de  Deilh  Rèbay.  Le  vieillard 
Qoznta  en  a  rendu  ce  témoignage  que  rien  ne  pouvait  lui  être 
caché;  il  déclara  même  que  Notre-Seigneur  Jésus  lui  parla 
face  à  face  de  l'image  (2)  qui  était  dans  sa  cellule.  Vannait, 
frère  de  Qozma,  a  dit  lui  aussi  qu'il  avait  vu  une  fois  Maran 
' Ammeh  tout  resplendissant  de  lumière.  Ces  deux  rejetons, 
qui  étaient  sortis  des  tiges  de  la  vigne  de  Mar  Sabriëô,  se 
rendirent  eux  aussi  très  célèbres  par  leurs  vertus. 

Maran  l  Ammeh  se  retira  ensuite  pour  quelque  temps  à 
Beith  Raïqana  sur  le  bord  du  Tigre;  mais  ayant  pressenti 
sa  mort,  il  se  hâta  de  revenir  à  son  couvent;  il  convoqua  tous 
les  frères;  il  les  munit  de  divines  instructions  et  désigna, 
comme  successeur,  Mar  Yoljannan  Zabdiqaya.  Son  corps  fut 
déposé  dans  le  martyrion,  à  côté  de  Mar  SabrUà,  et  de  ses 
enfants.  Il  vécut  cent  quinze  ans,  dont  quatre-vingt-cinq  dans 
le  monachisme.  Son  histoire  a  été  écrite  par  Paul,  évêque. 

X.    —  YOHANNAN   ZABDIQAYA,    HUITIÈME    SUPÉRIEUR    DU    COUVENT. 

Yoljannan  Zabdiqaya  fut  l'image  vivante  de  Maran  'Am- 
meh, et  dirigea  assez  longtemps  le  couvent.  Il  avait  vécu 
vingt  ans  dans  la  pénitence  (3).  Et,  comme  il  n'avait  accepté 
la  charge  de  supérieur  que  pour  se  soumettre  à  l'ordre  de 
Maran  'Ammeh,  métropolitain  (YArbèle  (1),  il  s'enfuit  bientôt 
au  couvent  de  Rabban  Ahroun  (5);  mais  Nestorius,  métropo- 
litain (G),  le  fit  revenir.  Il  vieillit  dans  les  vertus  et  les  labeurs; 
après  sa  mort  son  corps  fut  déposé  dans  le  martyrion.  On 
rapporte  que,  depuis  qu'il  embrassa  la  vie  monastique,  il  ne 
but  ni  mangea  avant  le  coucher  du  soleil,  et  que  quelquefois  il 

(1)  Ville  sur  la  rive  droite  du  Tigre  outre  Mossoul  et  Tarihan. 

(•2)  pLûo-  (Eîxtôv)  :  les  Nestoriens  rendaient  donc  un  culte  spécial  aux  imagés. 

(3)  jL^sf  Loo)  (voir  ci-dessus,  ix,  note  6). 

(4)  Maran  'Ammeh  d'Arbèle  était  contemporain  de  Jacques  patriarche  (754- 
773);  voir  ci-dessus,  p.  183. 

(5)  Sur  ce  couvent  voir  le  Livre  de  In  Chasteté,  n°  lis. 

(6)  Nestorius  avait  succédé  (vers  789,  voir  ci-dessus,  p.  183)  à  Isoyahb  II,  qui 
lui-même  axait  succédé  à  Maran  'Ammeh  en  ?8<J  (voir  Thomas  de  Marga, 
lib.  IV.  cap.   !). 


196  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

ne  prenait  sa  nourriture  qu'une  fois  chaque  deux  jours;  quel- 
quefois même  il  se  passait  de  pain  et  ne  prenait  que  des 
légumes. 


XI.   —  SABRISO    FILS    D  ISRAËL,    NEUVIEME    SUPERIEUR   DU    COUVENT. 

Après  la  mort  de  Mar  Yohannan  Zabdiqaya,  Mar  Sabrisn, 
fils  d' 'Israël,  fut  établi  chef  et  directeur  du  couvent;  il  marcha 
sur  les  traces  de  son  saint  prédécesseur  et  excella  beaucoup 
dans  la  pratique  des  vertus.  Dès  qu'il  eut  sa  provision  toute 
faite,  il  se  transporta  au  ciel. 

C'est  ici  que  s'adonnèrent  à  la  pratique  de  la  vertu  Habiba  (1) 
Bar  Sennayé  (2)  et  son  frère  Joseph.  C'est  d'ici  encore,  de  la 
vigne  de  notre  père,  que  sortirent  et  donnèrent  des  fruits  : 
Rabban  Hormezd  et  Khoudawi  (3),  qui  terminèrent  leur  vie 
dans  la  montagne  de  Zinaï.  Le  thaumaturge  Rabban  Sliha  (1) 
est  le  fils  de  notre  père  :  c'est  près  de  lui  qu'il  fut  élevé  et 
dirigé,  et  qu'il  mourut.  Dnahmaran  (5),  évoque  de  Rebtoun  (6), 
était  lui  aussi  de  notre  congrégation. 

Après  la  mort  de  Mar  Sabrisô  bar  Israël ,  le  couvent  fut 
encore  détruit  et  toute  la  Congrégation  se  dispersa;  mais  il  fut 
bientôt  restauré  et  repeuplé  par  l'intermédiaire  de  pieuses 
personnes,  qu'il  serait  très  difficile  d'énumérer  ici. 

Gabriel,  évèque  de  Salakh  (7),  qui  était  lui  aussi  de  notre 
couvent,  à  l'instar  de  Nèhémie,  répara  nos  brèches,  restaura 
nos  ruines  et  .rebâtit  au  Seigneur  un  magnifique  temple;  ce 
lut  ici  qu'il  monta  sur  la  tour  de  la  vertu  et  mérita  que  son 
corps  fût  déposé  dans  le  martyrion.  Il  vécut  environ  cent  vingt 
ans,  dont  environ  quatre-vingt-dix  dans  le  monachisme.  Le 
défunt  Rabban  Petros  l'égala;  ses  vertus  et  ses  labeurs  sont 
au-dessus  de  notre  parole. 


(1)  Ce  nom  signifie  :  Bien-Aimé. 

(2)  Ce  nom  signifie  :  issu  de  parents  qui  étaient  de  la  ville  de  Senna. 

(3)  Nom  persan  qui  signifie  :  divin. 
(1)  Ce  nom  signifie  :  Apôtre. 

(5)  Ce  nom  signifie  :  exortus  est  Dominus  noster. 

(li)  voNju-  ou  vois^u-,  dans  l'Adjabène,  sur  la  rive  gauche  du  grand  Zab. 

(?)  Dans  le  diocèse  de  l'Adjabène,  aux  environs  de  Rawandouz. 


HISTOIRE    DU    COUVENT    DE    SABRISO.  197 

Les  enfants  de  Mar  Sabriëô  qui  ont  excellé  dans  la  pratique 
de  la  vertu  sont  nombreux;  le  Seigneur  seul  connaît  leurs  noms. 


XII.    —    FIN. 

Telle  est  l'histoire  abrégée  de  Mar  Sabriso  et  de  ses  enfants, 
qui  marchèrent  sur  ses  traces.  Les  choses  que  j'ai  laissées  de 
côté  sont  bien  plus  nombreuses  que  celles  que  je  viens  d'écrire  : 
car  ma  parole  n'a  pas  pu  les  contenir  toutes.  Tout  ce  que  j'ai 
écrit  touchant  ces  saints  est  authentique;  car  c'est  de  leurs 
biographies  que  je  l'ai  recueilli. 

Que  vous  êtes  grand,  ô  Sabrisôl  1<>ute  la  terre  vous  a  été 
donnée;  et  le  filet  de  votre  prédication  a  pris  du  poisson  et 
dans  la  mer  et  sur  la  terre. 

Que  vous  êtes  grand,  ô  Père!  même  après  votre  mort,  vous 
avez  engendré  beaucoup  d'enfants. 

Heureuses  sont  les  troupes  que  vous  a  données  votre  Sei- 
gneur; ayant  été  marquées  du  signe  de  la  croix,  elles  sont 
multipliées  d'une  manière  admirable. 

Il  y  a  dans  votre  troupe  des  moines,  des  solitaires,  des  péni- 
tents, des  martyrs,  des  confesseurs,  des  prophètes,  des  doc- 
teurs, des  écrivains,  des  restaurateurs  de  temples  et  des  prélats. 
Vous  êtes  à  la  tête  ce  que  le  cerveau  est  au  crâne  :  vous  faites 
circuler  sans  cesse  la  vie  dans  toutes  les  parties  du  corps. 

L'auteur,  s'adressant  toujours  à  Mar  Sabriso,  retrace  ensuite 
sommairement  le  tableau  de  ses  œuvres  et  de  ses  vertus  et  de 
celles  de  ses  disciples,  et  termine  son  poème  par  une  prière 
pour  l'Église  et  pour  le  couvent. 

f   A.    SCHER, 
Archevêque  cliaklëen  de  Séert. 


MÉLANGES 


NOTES 

SUR  LES  MOTS  nOAITIKOS  ET  OOAITEÏOMENOS 

ET  SUR  PLUSIEURS  TEXTES  GRECS  RELATIFS  A  SAINT  ETIENNE 


I 

Le  mot  vokmxàç  désigne  les  habitants  d'Alexandrie  par 
opposition  aux  habitants  de  l'Egypte.  Aux  exemples  cités  par 
le  R.  P.  S.  Pétridès  (Échos  d'Orient,  janvier  1904,  p.  19-20)  (1), 
je  veux  ajouter  un  texte  d'époque  indéterminée  qui  donne  un 
sens  analogue  et  de  plus,  de  manière  1res  explicite,  le  sens  de 
«  condamné  politique  ». 

Ces  quelques  lignes  sont  tirées  de  la  compilation  de  Paul 
Euergétinos  (SuvaY^v-}]  twv  8eo©8ÔYT(<l)V  pTJ^a^wv  x,al  SiSaarxaÀwov... 
a'JvaOpctsOsîcja...  zapà  IlaiiXou  tcj  ôfflSTarou  \j,cvy.yz%..  .Athènes,  1901); 

il  rapporte  l'histoire  suivante  empruntée  au  Géronticon  (page 
15)  : 

AiàxoviçTiç  vjv  bvc[),x7-zq  àv  x,oivoj§itp  ty;ç  A'.yJzTiu'  tIç  es  ftoXiT£u6[Ae- 
vsç,  tjyouv  ^y-  ~*U  îCÔXçwç  Ofxoy.i;j.îv;;  j-b  too  à'p-/ov7Cç,  ^X0£  [j.sti  rcavTQÇ 
t;j  oïxcu  ajTCj  s'.ç  to  itoivoêiov,  xal  s;  ÈTriQpsCaç  t;j  5ia86X:u  ETieirev  5  §*.«- 

(1)  Sur  un  papyrus  de  l'an  l'25,  les  tcoXitixoî  sont  opposés  aux  MOfuxoi  et  ces  der- 
niers sont  oï  àiro  x/j;  Aipiitrou.  L'un  des  saints  Macaire  est  appelé  iroXtxixo;  «  parce 
qu'il  était  alexandrin  ».  De  même  dans  la  vie  de  S.  Pacôrae,  certain  Théodore 
est  qualifié  de  wAiwcbç  parce  qu'il  était  d'Alexandrie,  pour  le  distinguer  d'un 
homonyme  qui  était  de  Tlièbes.  De  même  pour  un  certain  Héron.  Cf.  Sozomène, 
Hist.  eccl.,  III,  1 1  ;  Acta  SS.,  Mai,  t.  III,  p.  39*  D,  43*  B,  34*  F,  etc.,  43*  B.  L'argumen- 
tation du  père  Pétridès  ne  laisse  donc  place  à  aucun  doute,  du  ne  au  ve  siècle.  le 
mot  TtoXtTty.6;  désignait  entailles  habitants  d'Alexandrie  par  opposition  aux  Égyp- 
tiens. Sozomène,  //.  E.,  III,  14  écrit  :  ô  oà  ttoXitixoç,  mç  àtrrbç,  w'/ouâÇs-ro,  vjv  yào  ro> 
yévet  'A).eÇavSpEO;. 


MÉLANGES.  199 

y.ivoç  \j.zSy.  Yuvatxbç  tûv  ÈXSouaôv  [/stà  tcj  tcoXixixou,  x,al  Ysycvs  ttSt'.v 
y-lc/ûv^,  YV.wffôevîoç toÏÏ  7:paY;j-aTc^. 

La  traduction  latine  de  ce  récit  se  trouve  dans  les  FzVae 
Patrum,  Migne,  t.  LXXIII,  col.  880,  mais  elle  ne  contient  pas 
Tinterprétation  ci-dessus  du  mot  tuoXit£u6(ji.£voç  :  «  c'est-à-dire 
chassé  de  la  ville  (d'Alexandrie?)  par  le  gouverneur  »  (1);  le 
texte  grec  original  que  nous  avons  trouvé  aussi  dans  deux  ma- 
nuscrits est  conforme  au  latin  et  ne  renferme  pas  cette  inter- 
prétation qui  serait  donc  de  Paul  Euergétinos,  à  moins  qu'elle 
ne  se  soit  trouvée  dans  le  ms.  utilisé  par  lui,  auquel  cas  elle  se 
placerait  du  ve  au  ixe  siècle.  Ce  texte  a  du  moins  l'avantage  de 
montrer  que  si  M.  Harnack  «  voulait  peut-être  traduire  »  rr,v 
KoXmvtfiv  par  «  condamnée  politique  »  (2),  il  n'était  pas  le  pre- 
mier à  entrer  dans  cette  voie,  car  c'est  le  sens  que  Paul  Euer- 
gétinos ou  des  copistes  de  manuscrits  ses  prédécesseurs  don- 
naient déjà  à  un  mot  de  même  racine. 

Notons  enfin  que  l'adjectif  Kokneubpevôq  s'applique  à  ceux  qui 
mènent  la  vie  parfaite  (comme  %okixda.  désigne  la  vie  ascétique). 
Cf.  Vie  de  S.  Pacôme,  Acta  SS.,  Mai,  t.  III,  p.  48%  E  :  0-èp  toùç 

âV.pOJÇ     VUV     TS/aTSO0[A£V0'JÇ      î'JpcOYJSSVTaU..      ^SM-3'JûVTai...     à[jA[J~Xh)q 


II 

1°  Sur  une  phrase  ajoutée  à  la  Vie  d'Isaac.  —  2'  Sur  une  prétendue  translation 
à  Constantinople.  —  3°  Sur  une  première  rédaction  du  martyre  de  saint 
Etienne  et  sur  la  version  syriaque  du  récit  de  l'invention.  —  4°  Sur  le  marty- 
rium  bâti  par  Alexandre.  — 5°  Sur  une  rédaction  métaphrastique  du  martyre. 
—  6^  Résumé. 

1°  Nous  avons  trouvé  dans  un  ms.  une  petite  phrase  incidente 
ajoutée  de  manière  analogue  par  un  copiste,  et  qui  présuppose 
une  translation  du  corps  de  S.  Etienne  à  Constantinople  anté- 

(1)  Les  mots  suivants:  «  de  ceux  qui  accompagnaient  le  7to).iTtxbv  »  peuvent 
aussi  se  traduire  :  «  de  ceux  qui  accompagnaient  l'exilé  ou  le  citadin  ».  En  gé- 
néral on  traduit  TtoXiTeyôjievoi;  par  «  magistrat  ».  Cf.  Butler,  The  Lausiac  Hiatory, 
II,  Cambridge,  1904,  p.  274  et  58.  Le  traducteur  syriaque  n'a  pas  compris  le  mot 
ici  et  l'a  simplement  transcrit,  cf.  édition  Budge,  p.  266.  Les  Bollandistes  l'ont 
traduit  par  «  urbis  incolam  »,  Paralipomena  de  S.  Pachomio,  p.  49*  et  339,  n"21. 
Nous  avons  déjà  écrit  que  rcoXiTixô;  du  n*  au  ve  siècle  désignait  plus  spécialement 
les  habitants  d'Alexandrie. 

(2)  Cf.  S.  Pétridès,  loc.  cil. 


200  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

rieure  à  l'an  383,  c'est-à-dire  antérieure  de  beaucoup  à  l'an  1 1  r> 
où  on  l'aurait  découvert  pour  la  première  fois  à  Kefar  Gamala. 

Cette  phrase  incidente  figure  dans  la  Vie  d'Isaac  conservée 
dans  le  ms.  grec  de  Paris  n°  1 153,  fol.  22.V-226,  et  ne  se  trouve 
pas  dans  deux  Vies  du  même  Isaac  éditées  par  les  Bollandistes, 
Acta  SS-,  Maii  t.  VII,  p.  247  et  258.  L'auteur  de  cette  Vie  ra- 
conte en  effet  qu'Isaac  mourut  le  30  août,  sous  le  consulat  de  Méro- 
baudos  et  de  Satorninos,  c'est-à-dire  en  383  (1).  Après  sa  mort, 
l'empereur  Théodose  le  Grand  envoya  une  litière  pour  porter 
son  corps  à  la  grande  église  où  on  le  veilla  toute  la  nuit,  puis, 
dès  l'aurore,  l'évêque  Nectaire  avec  son  clergé  et  le  peuple  de  la 
ville  sortirent  en  procession,  en  chantant  des  psaumes, des  hym- 
nes et  des  cantiques  spirituels  pour  le  conduire  à  son  tombeau. 

«  Mais  un  homme  illustre,  nommé  Aurélianos  (2),  avait 
construit  en  face  et  au  sud  du  monastère  d'Isaac  un  marty- 
rion  sous  le  vocable  du  saint  premier  martyr  Etienne  [pour 
y  déposer  son  saint  corps  apporté  de  Jérusalem,  puis,  ne 
V ayant  pas  obtenu  —  car,  par  la  permission  divine,  il  fut 
placé  èv  KwvcTavTiavaïç  —  il  forma  le  projet  de  mettre  à  sa 
place  le  corps  du  bienheureux  Isaac~]  (3). 

«  Au  moment  où  on  l'enterrait,  il  plaça  donc  une  troupe 
(Po^Osiav),  un  grand  nombre  d'hommes,  près  du  chemin  qui 
conduisait  au  monastère,  afin  d'enlever  le  corps  au  moment  où 
il  passerait  et  de  le  porter  dans  l'oratoire  susdit;  ce  qu'ils  firent 
avec  la  permission  du  Christ  notre  Dieu  qui  dirige  tout.  Ainsi 
son  saint  corps  dut  être  placé  dans  le  temple  du  saint  premier 
martyr  Etienne,  à  droite  de  la  sainte  table,  à  l'intérieur  du 
chœur  (4).  » 


(1)  Le  26  mai  (383)  on  le  six  avant  les  calendes  d'avril,  d'après  les  Acla,  p.  258 
et  260. 

(2)  Sic  Acta,  p.  258.  Les  éditeurs  des  Acla  SS,  supposent  qu'il  peut  s'agir  d'Au- 
rélien,  consul  avec  Stilicon  en  l'an  400. 

(3)  Voici  le  texte  du  ms.  1453,  fol.  220.  La  partie  entre  crochets  manque  dans 
les  Acta  SS.  : 

'Aëpt),),tavô;  8é  Tiç,  eï;  ttliv  ÉvôoHwv àvêpwv  tô>v  àvcùTÈpto  TCpofivYipwvEuOÉvTùov,  àvTtxpù  xoù 
[/.ovasTYiptov  ToO  'laaav.tou  xaxà  [LE.nr^êçia.v  hmae  (xaprûpiov  en'  ovôfxatt  to0  àytou  npu>- 
TOfJKxptupoc  Ixscpàvou  [irpbç  to  àTioTEÔrjvai  tô  ayiov  aÙToO  /.sidiavov  è&/_q|j.evov  ành  'Ispou- 
cra>.r,(x,  xai  t'outov  aTioTuy/bv  —  evooxîa  yàp  6soû  xaiEiéÔr,  Èv  KwvffTavTiavaïç  —  [iovïw 
Pou^E-JEtai  ïva  àvu'  aùroù  to  toù  |i.axapiû-j  ÀEÎ'|/avov  xaTETÉOr,  'Iiraaxt'ou  eùXoyi'a;  y.âpiv,  o 
xai  yÉyovEv]. 

(4)  'Ev  tû  vaûJtoù  âyiou  7:pa)TO(jàpT\jpoç  Iteçâvou  èx  ÔEÏt'aç  tîj;  âyiai;  TpaîtéÇïjç   Ivoov 


MÉLANGES.  201 

2°  Ce  récit,  s'il  était  du  premier  biographe  cl'Isaac,  aurait 
bien  des  chances  d'être  exact,  car  les  traditions  purent  se  con- 
server assez  facilement  au  monastère  de  Dalniate  (1);  mais  il  est 
à  craindre  qu'il  ait  été  interpolé  sous  l'influence  d'un  ancien  récit 
antérieur  àMétaphraste,  qui  raconte,  avec  divers  anachronismes, 
la  translation  de  S.  Etienne  à  Constantinople  sous  Constantin, 
fils  du  grand  Constantin.  Ce  récit  signalé  par  Montfaucon  comme 
antérieur  au  Métaphraste  dans  le  ms.  de  Paris  suppl.  241  (2)  et 
publié  d'après  ce  manuscrit  par  Banduri  (3)  était  déjà  connu 
par  un  résumé  de  Nicéphore  Cal  liste  (xiv,  9)  (4)  et  par  une  tra- 
duction latine  d'Anastase reproduite  par  Migne,Patr.  lat.,t.  XLI, 
col.  817-822.  En  voici  le  commencement  et  le  résumé  d'après 
les  mss.  de  Paris  518  et  1586,  du  xie  et  du  xn°  siècle. 

Mvjvl  tm  a'jxw  (3  (5).  'H  sjsavôSoç  ~oj  Xei^avou  to3  àytou  za;.  èvâoljou 
TrpwToSiaxovou  (6)  xai  -po>-c;j.âp-:upc^  Sirsçàvou  k~  cIspc<70AÛ[j.wv  IvKwv- 
trravuvouxéXei,  èv  rl[j.épy.'.q  Kupi'XXou  ixia-y.i-su  'IepotroXti^wv  y.a'.  èv 
Yj|/.épaiç  EùaeSsîou  (7)  k-t.7y.b~0u  KtoVcTav-ivsuxiXîo)?  ,  Iv  ùxa-st'a  tcj 
eùa-eêecrraTOU  (3aarXéu)ç  Kwvcravuvou  ikou  toj  ^syaXou  KtdvatavTtvou  (8) 
to   ox~(oxat§éy.aTov . 

E-fEVSto  [j.îxà  to  etraoïuffOiJvai.  to  Xefdiavov  tcj  àyiou  Eteçavou  tcj 
7i:pa>TO[/,aptupoç  iv  'Iîpca-îA'jy.s'.ç  Iv  tyj  àvta  Siwv,  èv  YJ[AÉpatç  Iwavvou 
è-tsxoTrcu  'IspsffoX'jij.wv,  AXs!;av§p£ç  tiç  <ru*ptXY}Tixbç  auvëôSTO  èv  ty)  aÙTCu 
ctavsîa  XT^cai  eùxTYjptov  oixovtou  àf'oo  —  Tîçàvcu... 

Jean,  évêque  de  Jérusalem,  mit  le  corps  de  S.  Etienne  dans 
l'oratoire  construit  (à  Jérusalem)  par  Alexandre  :  ceci  eut  lieu 

toù  6y?ia<7TY]piûu.  La  construction  d'Aurélien  est  mentionnée  par  Tillemont,  d'a- 
près Ducange,  cf.  Mémoires,  2"  éd.,  170-1,  t.  II,  p.  468. 

(1)  Isaac,  né  en  Mésopotamie  de  Syrie,  passa  22  ans  à  Constantinople  (361-383). 
Son  successeur  Dahnate  fut  supérieur  du  monastère  durant  55  ans  (383-438)  ;  en- 
fin Fauste,  fils  de  Dahnate,  lui  succéda.  —  Dalmate  vécut  85  ans.  Vie  de  Dalmate, 
ms.  1453,  fol.  232%  237v,  238.  —  Notons  que  la  Vie  de  Dalmate  va  jusqu'au  folio 
239  et  ne  se  termine  pas  au  fol.  236,  comme  pourrait  le  faire  croire  le  catalogue 
des  mss.  grecs  de  Paris,  car  la  lettre  de  S.  Cyrille  en  fait  partie  intégrante. 

(2)  Montfaucon,  Palaeogr.  graeca,  p.  273. 

(3)  Imperium  orientale,  II,  p.  646-647. 

(4)  Nous  constatons  encore  ici  —  nous  l'avons  déjà  constaté  pour  Constantin  et 
sainte  Hélène  et  dans  d'autres  cas  —  que  Nicéphore  Calliste  fait  grand  usage  des 
Ménologes  dans  son  Histoire  ecclésiastique. 

(5)  Le  deux  août. 

(6)  IIpU)TO[A!XpTUpO:,  1586. 

(7)  Le  ms.  548  ajoute  en  marge  :  'Aptdcvov. 

(8)  'Ev   VTt.    KtoVOT.  TOÙ  £U<7.  (3a<7.    1586. 


202  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

le  1  i  décembre,  indiction  cinquième,  sous  le  dixième  consulat 
de  Constantin  Auguste. 

Cinq  ans  après  mourut  Alexandre,  et  sa  femme  Julienne  mit 
son  cercueil  près  de  celui  de  S.  Etienne.  Huit  ans  plus  tard  elle 
demanda  à  l'évêque  Cyrille  la  permission  de  transporter  le 
corps  de  son  mari  à  Byzance.  Cyrille  refusa  d'abord,  mais  Ju- 
lienne obtint  une  lettre  (dàxpocv)  de  l'empereur  et  elle  prit  le 
corps  de  S.  Etienne  croyant  prendre  le  corps  de  son  mari.  Après 
divers  miracles  on  arriva  aux  détroits,  à  Chalcédoine,  à  Sosas  et 
enfin  à  Byzance  (1).  Eusèbe,  archevêque  de  Constantinople,  et 
Constantin  envoient  un  juif  pour  lire  l'inscription  et  des  mules 
pour  amener  le  corps  du  saint  à  Byzance;  on  le  met  sur  un  char, 
mais,  arrivées  à  l'endroit  nommé  b  KtovrravTiavatç,  les  mules 
refusent  d'avancer  et  l'on  doit  y  laisser  le  corps  de  S.  Etienne. 

Voici  maintenant  le  résumé  de  l'invention  du  corps  en 
l'an  415  (2)  : 

Gamaliel  apparut  en  songe  à  diverses  reprises  au  prêtre  Lu- 
cien et  lui  révéla  l'endroit  où  il  était  enterré  en  compagnie  de 
«  son  frère  »  (3  Nicodème,  de  son  plus  jeune  fils  Habib  et  de 
S.  Etienne.  Ces  corps  furent  découverts  près  de  Kefar  Gamala 
en  115,  et  celui  de  S.  Etienne  fut  porté  à  Jérusalem  dans  l'église 
de  Sion  le  26  (ou  14)  décembre  de  cette  même  année,  à  l'excep- 
tion de  quelques  parcelles  que  Lucien  donna  ou  vendit  au 
prêtre  espagnol  Avitus.  Celui-ci,  en  témoignage  d'authenticité, 
demanda  à  Lucien  de  rédiger  le  récit  de  l'invention  du  corps  de 
S.  Etienne,  puis  il  le  traduisit  en  latin  et  l'adressa  en  Espagne 
avec  les  reliques. 

La  comparaison  des  récits  nous  montre  que  le  premier  sup- 
pose le  corps  de  S.  Etienne  transporté  dans  l'église  de  Sion  à 
Jérusalem;  il  suppose  donc  le  second  récit,  ou  du  moins  une 
invention  antérieure  dont  on  n'a  pas  de  trace. 

De  plus,  le  second  récit,  celui  du  prêtre  Lucien,  nous  est  con- 
firmé par  des  témoignages  presque  contemporains,  car  S.  Au- 

(1)  ...  J7ti  ta  creva,  y_aXi<7avTs;  ôiàxov  àp/ovta  toû  <jtf.voû  (cette  phrase  n'a  pas  et''' 
comprise  du  traducteur)...  ij).8o{i£i  ei%  -û>go.;...  r^.Oo^îv  èv  tyj  7i6X£i  èv  tw  crraupûp. 

(2)  Migne,  P.L.,  t.  XLI,  col.  807  à818.  Cf.  infra,  ppj  205-209. 

(3)  Sic  la  version  syriaque.  Cf.  Land,  Anecdola  syriaca,  III,  p.  78,  1.  12. 


MÉLANGES.  203 

gustin  l'a  déjà  connu  (1),  tandis  que  l'époque  où  fut  rédigé  le 
récit  de  la  translation  à  Constantinople  semble  être  postérieure 
de  beaucoup  à  la  translation  supposée  (2). 

Enfin,  le  récit  de  la  translation  à  Constantinople  est  chargé 
d'invraisemblances,  tandis  que  les  noms  trouvés  sur  les  cer- 
cueils et  le  nom  du  village  ont  pu  conduire  facilement  à  identi- 
fier les  corps  trouvés  avec  coux  de  S.  Etienne,  de  Nicodèmeet  de 
Gamaliel  (3),  et  on  comprend  qu'il  a  été  facile  au  prêtre  Lucien, 
quelques  années  plus  tard,  de  dramatiser  cette  découverte. 

3°  Le  trait  d'union  entre  les  deux  récits  nous  est  fourni  par 
une  rédaction  grecque  inédite  du  «  martyre  de  saint  Etienne  » 
qui  semble  se  donner  comme  la  rédaction  originale  du  prêtre 
Lucien  traduite  en  latin  par  Avitus,  mais  est  en  réalité  une 
compilation  des  Actes  des  Apôtres  et  de  la  lettre  de  Lucien. 
Tl  faut  du  moins  admettre,  à  cause  de  la  conformité  du  grec 
avec  le  latin  et  le  syriaque,  que  le  compilateur  a  inséré  tex- 

(  1)  Cf.  Migne,  /-\  L.,  t.  XLI,  col.  8i>7.  —  L'invention  à  Kefar  Gamala  est  racontée 
par  Basile  de  Séleucie,  P.  G.,  t.  LXXXV,  col.  468-469. 

(2)  On  ne  trouve,  pas  trace  d'invention  du  corps  de  S.  Etienne  dans  S.  Jean 
Chrysostome,  P.  £.,  t.  LIX,  col.  699-702  et  t.  LX.  col.  145-147.  ni  dans  S.  Gré- 
goire de  Nysse,  P.  G.,  t.  XLVI,  701-721  et  721-736,  ni  dans  Proclus,  P.  G.,  t.  LXV, 
eol.  809-817.  Il  ne  semble  donc  pas  y  avoir  trace  ancienne  d'une  invention  du 
corps  antérieure  à  l'an  415. 

(3)  Voici  ces  noms  et  leur  étymologie  :  1°  Caphar  Gamala  (quod  interpretatur 
villa  Gamalielis),  Migne,  P.  L.,  t.  XLI,  col.  809.  C'est  plutôt  (l*x^  ;aa  ou  «  le  bourg 
du  chameau  ou  du  chamelier  ».  Telle  pourrait  d'ailleurs  être  Pétymologie  du 
nom  de  Gamaliel  puisque  la  terminaison  el  peut  s'ajouter  ou  se  supprimer  à 
volonté  comme  nous  allons  le  voir  pour  S.  Etienne.  2°  Le  nom  de  S.  Etienne  est 
écrit  :  <•  Keayea  Celiel,  quod  interpretatur  servus  Dei,  col.  815  »  ou  «  Celiel, 
quod  interpretatur  Stephanus  Dei,  Ibid  »,  ou  «  Celeliel.  Stephanus  quidem  dici- 
tur,  col.  810  »  ou  enfin  «  Cheliel,  Ibid  »,  Tillemont  dérivait  Cheliel  de  l'hébreu 
T?D,  danser,  se  réjouir,  loc.  cit.,  p.  467.  En  réalité  il  faut  voir  dans  ce  mot  le 
syriaque  jlûj»  qui  signifie  «  couronne  »  et  qui  a  conduit  aussitôt  au  nom  d'É- 
tienne  (irrÉ;pavoç)  puisque  Ja  signification  est  la  même.  Il  est  exact  de  traduire 
Celeliel  par  «  couronne  de  Dieu  »  ;  la  terminaison  el  s'ajoutait  souvent  après  les 
noms  propres.  3"  Delagabra  et  Debatalia  quod  interpretatur  possessio  virorum 
Dei  sive  bellatorum  et  àvopôiv  «YaOûv  nous  conduisent  aux  transcriptions  Iv^v 
=  collis  ou  tumulus  virorum  et  p^,  (3^,  =  bonorum  juvenum.  4"  Enfin  il  suffit 
de  rapprocher  Nasuam  de  y^.  (— o,j  (^>oo)  triumphator  populi,  pour  com- 
prendre qu'on  y  ait  vu  facilement  une  traduction  de  Nicodème  (Nîxyi  ôy|[j.ou).  La 
traduction  de  ces  inscriptions  suffisait  donc  à  elle  seule  pour  affirmer  que  l'on 
avait  trouvé  les  corps  de  S.  Etienne  et  de  Nicodème.  Les  archéologues  modernes 
eux-mêmes  se  contente'nt  souvent  de  moins.  Cf.  infra,  p.  -J06-208. 


204  REVUE   DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

tuellement  dans  son  récit  la  •  rédaction  grecque  originale  du 
prêtre  Lucien  et  nous  l'a  ainsi  conservée. 

Nous  résumons  cette  rédaction  inédite  en  tâchant  de  n'o- 
mettre aucun  détail  onomastique  ou  topographique  intéressant. 

L'auteur  commence  par  transcrire  les  Actes  des  Apôtres 
(vi,  8  à  vin,  2).  Son  texte  s'écarte  peu  du  texte  de  Yeditio 
major  de  Tischendorf.  Lorsqu'il  s'en  écarte  en  quelque  détail, 
il  est  remarquable  qu'il  se  rapproche  le  plus  souvent  des  mss. 
DE,  par  exemple  vi,  9,  -%:  XeYo^évYjç  ;  —  vil,  1,  û  àpa;  —  6,  aù-coùç 
(1.  a-rrb);  —  7,  eïicev  h  8eôç; —  13,  toy  'Iwsr,?; —  18,  omet  à-' 
A;.'yu-tcv  et  porte  i^rqdir,  zciï  'Iw  ;  —  19,  TCOisïv  ëxÔETa;  —  20  et 
25  ajoute  xjtsu;  27  ■/ji/.aç;  28  ajoute  xupfou,  etc.  Ses  particularités 
les  plus  remarquables  sont  :  une  omission  de  vi,  11  sîç  à  13 
pV/aTa,  puis  VU,  21,  èxTsftévTa  ce  «citov  iv  tyj  8i6y;  ;  —  26  ày<XKT,v 
(au  lieu  de  etpYjvrjv)  etc.  Arrivé  au  chapitre  vin,  2,  l'auteur 
«  prépare  »  la  découverte  des  reliques  de  saint  Etienne  en  ra- 
contant que  les  fidèles  l'enterrèrent  une  première  fois,  puis 
Gamaliel  le  transporta  dans  son  village  et  l'y  enterra  de  nou- 
veau. Ce  passage  est  évidemment  inspiré  par  la  lettre  de  Lu- 
cien qui  suit. 

Voici  le  commencement  de  ce  texte  de  transition  : 

(Actes,  VIII,  1)  'EyÉvcTO  ce  èv  Ixsivifi  Tfl  rt\).£pz  cia)v;/sr  péfctç  èrcî 
tyjv  èxxXïjatav  tyjv  èv  'IepoffoXii^oiç'  rcavreç  os  SiecncapKjtjav  xata  Ta; 
yûpxç  'Iouâataç  xat  SajAapeiaç  tûXyjv  tôv  à-coTiXwv.  (Actes,  VIII,  2) 
SuvexofÀYjaav  xe  tsv  à'yiov  7upa>TOjji.apTUpa  —  TÉçavsv ,  â'vSpsç  sùXa6etç 
xat  èttofyffav  YXa><i<jôxojjt,ov  ïulpaivov,  xat  xaTÉOsvTO  airrbv  èx  ?:X:xyiaç  tou 
jâouvoy  (1),  Ypcc(lavT£ç  xat  titXov,  êêpatxorç  vpx;j.;j.ao-iv"  XiXiyjX,  àxb 
tïjç  Suptaxîjç  (3{6Xow  (2),  xat  hçot'ijcrav  (3)  xoxe-cbv  jiiYa*  è-'  ocÙtû  I  I 
xat  t'jt:tovt£ç  éauxôv  xà   ctt^Oï]    (5)   ÛTcéVrpsçov   eiç    lepoucraXiQjA. 

(1)  to-j  pw(xoû  B.  —  Ce  lieu  serait  à  identifier  et  pourrait  être  rapproché  d'a- 
près ce  texte  de  la  <•  colline  de  l'Ascension  ».  Cf.  Échos  d'Orient,  1905,  p.  82.  — 
Mais  il  est  probable  que  le  rédacteur  a  tiré  les  idées  présentes  de  la  lettre  de 
Lucien  et  qu'il  se  trompe  donc  en  supposant  un  enterrement  provisoire  au  lieu 
de  la  lapidation,  puis  une  translation  à  Kefargamala,  car  d'après  la  lettre  de 
Lucien,  saint  Etienne  a  été  porté  directement  à  Kefargamala.  Le  pouvfo  ne 
serait  donc  autre  que  le  tumulus  de  Kefargamala  où  les  recherches  de  Lucien 
se  sont  égarées  tout  d'abord. 

(2)  yXtôaffri;  B. 

(3)  £7lOlYi<jaVTG  A. 

(  1)  aÙTÔv  C. 
(5)  <7t£6ei  A. 


MÉLANGES.  205 

ra[/.aXtv)X  M  tiç  ...  ffuvsôouXsuo-EV  —  orarEVEYxai  eîç  to  ïStov  yupicv 
to  sw'  ovè[/.aTt  aÙToU  xXïjôsv.  Kai  xaTa  to  st0i<r[Jt.svov  (1)  aÙTOtç  û-b  (2) 
xorJ  v£[J,ou  èweTéXeffav  Y)|jipaç  Taaaapày.svTa ,  xai.  ^à  ÛTxèp  toj  xotustou 
àvaXto*x6[Jt.£va,  èx  ty;.;  xot)  Fa;.».aXiï]X  SairavYjç  èooôv;,  xat  oGtw*;  ocutcv 
'/.xtsOôvto  èv  tû  xaivô  aùxou  ^VYjfAStq)  tw  [j/^oîVotî  TeXeitoÔÉVu  èx  oiaat^- 
;j.aT:.-;  (3)  tyjç  tcôXewç  àicb  sIxoittoû  CTQ[Jteibu  (i). 

A  cette  nouvelle,  Nicodème,  cousin  germain  de  Gamaliel, 
se  fait  baptiser  par  Pierre  et  Jean.  Les  juifs  veulent  le  mettre 
à  mort  comme  ils  l'avaient  fait  pour  saint  Etienne.  Ils  n'accom- 
plissent pas  leur  dessein  à  cause  de  Gamaliel,  mais  du  moins 
ils  arrêtent  Nicodème,  le  flagellent,  confisquent  ses  biens  et  le 
chassent  de  la  ville.  Il  se  réfugie  au  village  de  Gamaliel,  y 
meurt  et  est  enterré  près  de  saint  Etienne  (5). 

Enfin  Abib  (6),  âgé  de  vingt  ans,  est  enterré  auprès  d'eux. 

Vient  ensuite  sans  transition  le  récit  de  Lucien  (7). 

'O  Se  3r;aÛbç  7,3.1  çtXav&pwJuoç  Ôsbç  èri  [AaXXov  ù'ioxjai  ^odXojxevoç  to 
xépaç  toD  XpwToQ  aÙToG,  toutéVciv  to  xYjpuvixa  -zzX>  EÙa^eXiou,  ejSÔxyj- 
(jev  où  -ftz  ïy-r,:  âv.txavÔTYjTOç  (S),  i%  Èa^aTcov  twv  TJfXspûv,  à-cxa- 
Xûd>ai  toùç  àyCouç  aÙToO  SoûXouç  Xé^w  oy; —  SuvÉê1/]  [fe  xaôeuSovTa  (9) 

ÈV     TCO    àçtEpO[JLÉV«i)    OI'XO)    TOJ     ©omOTYjpiOU,    EVÔa     0?     TTUpy((yy.Ot    TWV    â";Î0)7 

7.s'.;r/;X(tov    ûnçôxeivïai,   YjjAÉpaç   Tcapacxsu^ç   cixçpaoôffYjç  v^-iç   sari    TpiTïj 
{xrtvoq,  r-.\z  èortv  Aexep.6pioo. 
«  À  la  troisième  heure  de  la  nuit,  à  la  dixième  indiction  (10) 

(1)  f|6ï)(7(J.£VûV  B,   r)8l(7[I.£VOV  C. 

(2)  A  oui.  û'ïïà; 

(3)  BC  aj.  ôvtwç. 

(1)  B  oui.  tw  [AY)ô.  tsX.  et  place  la  suite  (èx  oiotffT.  outw;  tîjî  ar,p..)  après  y}.rfié-/.  Le 
synaxaire  de  Oonstantinople,  sans  doute  d'après  le  présent  récit,  suppose  aussi 
un  double  enterrement.  Au  lieu  de  ex  it),ay£a;  to-j  pouvo-j  (alias  (iwjAoO)  il  écrit 
èx  7t^ayt'wv  toO  vaov.  Éd.  Delehaye,  Bruxelles,  1902,  col.  349-350. 

(5)  C  seul  porte  ô  8s  Fa^aXiriX  xat  toûtov  7rpo(j).aëâ[jievo;  Iv  tù  ocOtoû  y.wpîw  èv  w 
Aouxtavo;  ÈîÙripwiTEv  to  jrpEaoVTÉptov. 

(6)  Écrit  ici  'AêsXêo-j;  (sic  BC  et  le  synaxaire  de  Constant.,  col.  350)  et  plus  bas 
constamment  "Aêiëoç  dans  A. 

(?)  La  version  syriaque  commence  ici.  Elle  est  conforme  au  grec.  Cf.  Land, 
Anecdota  syridca,  t.  III,  p.  76  :  nn.m->;=>->  —  èv  ta.ïç  upà^aiv  tû>v  à7too-T6).wv.  — 
l^isNjLs»  =  èv  ty)  YPa?^-  —  l^sCo  (J;  =  èv  SE  xoZç,  àypacpoïç.  —  (1£-CD/!  I»-^1*5/  =  t« 
Yâ[xata  (<7To5àjç).  Cf.  Bedjan.  Acta  Mari.,  III,  188.  Le  ras.  C  dont  le  texte  est  con- 
forme à  A  ajoute  le  titre  :  «  Découverte  du  corps  de  saint  Etienne. 

(8)  Sià  tîjç  aÙToù  x«Ptt0?  B. 

(9)  (/.ai  xocOeûôovti  C 

(10)  Le  syriaque  porte  avec  raison  :  Le  trois  du  premier  Conoun  (Décembre), 
quatorzième  indiction.  C  est  conforme  à  A. 


206  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

sous  le  dixième  consulat  d'Honorius  et  le  troisième  de  Théo- 
dose, un  homme...  m'apparut  [tout  ce  récit  est  au  style 
direct]  (1)  et  me  dit  :  Va  demander  à  Jean,  évêque  de  Jérusa- 
lem, jusqu'à  quand  nous  resterons  enfermés....  »  Gamaliel  fait 
ensuite  connaître  ses  compagnons. 

'0  es  ctjv  èfjtox  *et|ASVOç ,  ocÙtoç  èotiv  b  xûptç  STÉçavoç  5  XtOo- 
6oÀYj8eîç  ûtco  tôv  Iouâaîwv  èv  IspoùcjaWjfJi,  %oà  T.zvrpaq  vu-/Or(;xspcv 
ip;'.;j.£v;ç,  eîç  -y.  è;(o-jAa  TVJÇ  ftôXewç,  toç  i%\  tyjv  KïjSàp  àTusp^o^eOà, 
;j.y;  Qa'âTÔl/.evoç ,  y.a-rà  tyjv  xéAsociv  :wv  TYjvixauta  ivi;j,wv  (2)  *$>'/}'-- 
pstov,  oia7a;a;j.£v<ov  xaTa6pa)6r]vat  aÙTbv  6-b  :wv  ôrjpiwv  y.ai  û-b  twv 
ôpvéwv  (3).  Gamaliel  durant  la  nuit  chercha  des  hommes  pieux 
et  les  décida  à  porter  le  corps  au  bourg  qui  portait  son  nom,  à 
KawapYixaXa  (4),  et  à  y  célébrer  ses  funérailles  durant  quarante 
jours.  Ce  village  était  à  vingt-deux  milles  de  la  ville  (5). 

Nous  trouvons  ici  une  nouvelle  contradiction  avec  ce  qui 
précède.  D'après  le  commencement,  les  quarante  jours  de  deuil 
furent  célébrés  au  lieu  de  la  lapidation  près  de  la  colline  (de 
l'Ascension).  D'après  la  narration  de  Lucien  les  funérailles 
furent  célébrées  à  Kefargamala.  Nous  devons  préférer  le  récit 
de  Lucien  à  l'autre,  mais  il  est  remarquable  qu'il  place  aussi 
le  lieu  de  la  lapidation  dans  la  vallée  du  Cédron  (ou  vallée 
de  Josaphat).  Il  en  est  .de  mémo  dans  la  version  syriaque  (6) 

(1)  On  trouve  par  exemple  :  'Eyw  |o3v  TtâXtv  o  xarceivèç  Aouxiavà;  ripauYiaa  aùxôv. 
Dans  le  ms.  B  les  dates  qui  précèdent  manquent,  par  contre  on  trouve  la  for- 
mule d'envoi  de  Lucien  :  Toi;  xaxà  iroXiv  xai  xwpav  àyiw-àto'.;  -/.ai  SeoffeêeffToaatç 
-/.ai  ÈvapÉToc;  s  m  5-/.  6  7101;  -/.ai  upecêurÉpoi;  xaî  Staxâvotç  £v  Xpioxw  '\y\ao\)  ire7ttffTeux6- 
ffiv  xArjptxoï;  te  -/.ai  àSîXçoïç,  Tiapà  Aouxiavoù  y.ai  ÈXayJoTOU  Èv  Xptcrw  yaîpsiv.  Il  y  a 
aussi  trois  apparitions,  mais  c'est  saint  Etienne  et  non  Gamaliel  qui  apparaît. 
—  C  est  conforme  à  A.  L'exemplaire  lu  par  Photius  (end.  171)  était  aussi  con- 
forme à  AC  et  portait  que  Gamaliel  (et  non  saint  Etienne)  était  apparu  à 
Lucien. 

(2)  7rapavd|Aa>v  C. 

(3)  ûito  tiôv  ôpv.  -/.ai  6v,p.  C. 

(  1)  Ka7tapyàaaXa  C.  —  |L*^va.:> ',  dans  le  latin  Caphargamala.  Dans  1!,  saint  Etienne 
dit  :  eï  poûXï)  rjaà;  eOpeîv  £iTY]<rov  r,u.à;  èv  tû  X'0!'"?  Ttt>  X=yo|j.Eva>  ouptaTeï'  Aayày 
'Aêpaàij.  oreep  Épixsve'jETa'.  /wpiov  Oeoù.  B  prend  souvent  le  style  indirect  au  sujet 
de  Lucien. 

(5)  Vingt  milles  et  demi  d'après  le  syriaque.  Un  a  trouvé  plus  haut  vingt  milles. 
Tout  ceci  manque  en  B  puisque  dans  ce  ms.  c'est  saint  Etienne  qui  parie.  Un 
trouve  aussi  la  vision  des  quatre  corbeilles.  En  somme  1!  est  une  révision  de  C. 
La  distance  manque  dans  B. 

(6)  poi^a  ^>_sVj    p^oos   ^_.(   •>«-°!  l"-»o)-s    )OuL.,_ào  ^io    ;^   ),_&    ,j  .  p^\o   |_ia-ia>/    )o»,o 

«  Il  passa  un  jour  et  une  nuit,  gisant  en   dehors   de  la  ville,  dans   le  chemin 


MÉLANGES.  207 

et  celle-ci  est  tirée  d'un  manuscrit  de  la  fin  du  vie  ou  du 
commencement  du  vne  siècle  (1).  La  tradition  qui  place  la 
lapidation  de  saint  Etienne  dans  la  vallée  du  Cédron  n'est  donc- 
pas  seulement  du  xne  ou  du  xmr  siècle  (Échos  d'Orient,  1905, 
p.  86);  elle  est  antérieure  au  vne  et  elle  est  peut-être  même 
consignée  dans  la  rédaction  originale  de  la  lettre  de  Lucien, 
puisqu'elle  figure  dans  notre  texte  grec  et  aussi  dans  le  sy- 
riaque du  viie  siècle  qui  se  donne  comme  un  extrait  des  lettres 
de  Lucien  (2). 

Gamaliel  raconte  ensuite  l'histoire  de  Nicodème  et  de  son 
plus  jeune  fils  Abib.  L'auteur  a  déjà  placé  ces  histoires  plus 
haut  en  s'inspirant  de  ce  qui  est  dit  ici.  La  femme  de  Gamaliel 
se  nomme  "ESva  et  son  fils  aîné  'EXs-j-tac  (3);  ils  vont  mourir 
tous  deux  à  KapTcawra^v  (1).  Lucien  demande  à  Gamaliel  où 
il  faut  le  chercher  et  celui-ci  répond  :  Zt/jtyjctov  ■r^.y.ç,  èv  :w  èjjtu 

/Mpito  AsAeya5p(a  rjTOi  <\y.\j.y-yJJ.y.  (5)  QTîep  àorttv  [XcOsp^vs'ji^svov 
tcov  tsu  Oecj  àvSpôv,  r,~ci  xwv  àvopaYaOwv  (6). 

Lucien  demande  d'autres  visions  et,  le  vendredi  suivant,  il 
voit  à  nouveau  Gamaliel  qui  lui  commande  encore  d'aller 
trouver  l'évèque  Jean  et  lui  montre  en  témoignage  quatre  cor- 
beilles remplies  de  Heurs  miraculeuses.  Viennent  encore  deux 
visions,  puis  Gamaliel  lui  répète  comme  ci-dessus  :  ZVjtïjccv  etc., 
dans  les  mêmes  termes  (7).  Lucien  voit  un   tumuius  qui  lui 


il'  Céddr,  selon  Tordre  des  princes  des  prêtres....  >•  Land,  loc.  ri!.,  III.  p.   77, 
1.  27-28. 

(1)  Wright,  Catal.  of  syr.  mss.,  page  1046.  Il  est  donc  inexact  que  le  nom  de 
saint  Etienne  ait  été  prononcé  pour  la  première  fois  vers  sus  à  l'occasion  de  la 
vallée  de  Josaphat.  Revue  Biblique,  III,  p.  4£8. 

(2)  ^oai^soi.»  |iv^J  ^ào.  Land,  III,  p.  70,  1.  12-13. 

(3)  Le  syriaque  chez  Land  porte  une  interversion,  |i.v\\\  est  le  nom  non  pas  de  la 
femme  mais  jtlu  fils  =  l-oo^x.  Notons  que  la  leçon  du  manuscrit  :  6  npwrÔToxôc;  aow  u; 
è).£[j.'.cx;  a  pu  conduire  facilement  au  nom  propre  Sélémias  qui  figure  dans  le  la- 
tin. Il  suffit  de  joindre  le  a  de  u[îô]<7  au  mot  suivant. 

(4)  Ka7iapxT<x[j.rjv  C.  Dans  le  syriaque  :  \-^*  ^-  Dans  le  latin  :  Cal'arsemalia 
qui  pourrait  correspondre  à  P^cut  ^. 

(5)  Dans  le  latin  :  Delangabria  sivc  Debathalia,  quod  interpretatur  possessio 
virorum  Dei  sive  bellatorum;  et  plus  loin  :  Debatalia  quod  interpretatur  in 
graeco  àvopwv  àyaOûv,  cf.  su/>r<t,  p.  203,  note  :!. 

(li)  Ceci  manque  dans  le  syriaque;  voir  supra,  page  206,  note  4.  AeXayaêpia,  ^tci 
A£[/.axa).£a.   C. 

(7)  Ici  on   a  :  Sap.aXca  A.   Le  syriaque  porte  :  4'^^,?  M-"  l-o-ts!^*!»  |_£as.  N^j.  Si 


208  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

semble  devoir  couvrir  les  cercueils,  il  va  à  Jérusalem  et  raconte 
ses  visions  à  des  prêtres,  puis  à  l'évêque  qui  lui  prescrit  de 
rechercher  saint  Etienne. 

Lucien  convoque  les  habitants  pour  fouiller  le  tumulus,  mais 
Gamaliel  (1)  lui  apprend  encore  qu'il  fait  fausse  route. 

UpzjCJ-zpi.  [J.r,  6eXr,ff£iç  sic  tov  fîeyvov  y.ocjxe'tv^  où  yap  èqj.Èv  (2) 
èxsî,  àXXà  \xovbv  c  (3ouvoç  l~ibrt  èîutjxapTÙpia  t;j  èv.sï  cruvTeXeffôé'vTOç 
Tfjjjiïv  7.;-£toj,  âXXà  icpoç  35??av  tcù  ywpb'j  Çtqtyjctov  YjjJtaç  à— b  tîjç 
5Sou  (3),  x.aTa(ji.eTp^oraç  ex,  (4)  t:j  (3ouvgîj  ~V/£l?  TèTpaxcaioui;  è68o[Jt.Yj- 
•/.ovTaxs'vTî  (5). 

Gamaliel  apparaît  encore  à  Msvéôwç  (6)  et  lui  dit  aussi  de 
le  chercher  au  nord  du  bourg;  on  persiste  cependant  à  fouiller 
le  tumulus  et  on  trouve  une  stèle  monolithe  sur  laquelle  il 
était  écrit  en  caractères  hébreux  :  Tou-o  to  -/wptiv  xotktoS 
Sixaiwv  (7).  On  cherche  donc  à  l'endroit  indiqué  et  on  trouve 
les  cercueils  avec  les  inscriptions. 

Kal  xo  £7:{-;pa[j.;xx  aÙTÔv  è'ywv  outwç'  XiXiyjX,  Nacwà^,  Y  y.\).y'Kvr^k 
xaî  A6i6oç  5  u;.br  «jtoj.  EpfjwjveusTai  5è  ô  XiXdjX  èx  t"?;ç  cupiaxvjç 
STÉçavôç,  xa'î  c  Nacwà;j.,  Nix6Bïjp.oç   (8). 

Il  y  eut  un  tremblement  de  terre  et  un  parfum  suave  fut  perçu 
à  dix  milles  à  l'entour,  soixante-treize  malades  furent  guéris.... 

on  lit  !-v^  au  lieu  de  l-"^>  (sic  Bedjan),  on  rapproche  ainsi  le  premier  nom  de 
Delegabria,  mais  M->  ne  semble  pas  dériver  du  grec.  Est-ce  |in~? 

(1)  Dans  B,  c*est  encore  saint  Etienne. 

(2)  e![Ù  B. 

(3)  B  aj.  xâTwôîv. 

(4)  àirô  B. 

(5)  7iyjxei;  £êoo(j.r|XovraEvv£a  B.  Le  syriaque  porte  aussi  :  ••  Cherche-nous  au 
nord  du  village,  à  côté  du  chemin,  el  mesure,  depuis  le  tumulus,  475  coudées.  •> 

(6)  Syriaque  :'~^œis^o  qui  est  facile  à  changer  en  -m-Cs^a»  (sic  Bedjan).  Le 
nom   propre  manque  dans  B. 

(7)  r,  ypaf/j  aÙTY]  toù  ^wpîou.  toOtou  o'jtw;  èç^ir^tds.xai  xottîtô;  or/.aîuv,  Ôprjvo;  âytwv 
B. 

1.8)  Il  y  a  grande  variété  dans  les  deux  rédactions  latines  et  leurs  manus- 
crits. On  trouve  :  Keayea  Celiel  quod  interpretatur  servus  Dei,  et  Apaan  Dar- 
dan,  quod  interpretatur  Nicodemus  et  Gamaliel;  ou  bien  :  Celiel  quod  inter- 
pretatur Stephanus  Dei  et  Nordam  quod  interpretatur  Nicodemus;  ou  encore  : 
Celeliel,  Nasoon,  Gamaliel,  Abbibabel.  hebraïca  quidem  verba,  litteris  autem 
graecis.  Interpretatio  vero  nominum  haec  est,  Celeliel  Stephanus  quidem  dici- 
tur,  Nasoon  vero  Nicodemus,  Abibabel  filium  Gamalielis  significat;  et  enfin  : 
Cheliel,  Nasuam,  Gamaliel.  Abbiba.  Cette  dernière  transcription  fournie  par  un 
manuscrit  est  la  plus  correcte.  —  XtXiX^(t,  Nocaaouàjj.,  'AëeXêoù;,  ô  ôà  'AëE/êov;  ulô, 
£pjj.Y]vsOeTai'  êpjJLr,vîU£Tat  ôà  ô  XiXiX/j|i,  oltzô  to-j  Iupt<jTixo-j,  ô  àyio;  Stéçccvoç,  à  Tipwxo- 
{iâptu;  tov  Xpiffroù,  xaî  ô  'Avotatrovàqi.  (sic)  Nix66'.(ao?  B.  Cf.  supra,  p.  203,  note  3. 


MÉLANGES.  200 

Voici  maintenant  la  fin  du  récit  qui  raconte  la  translation  à 
Sion,  puis  au  martyrium  bâti  par  Alexandre  le  sénateur  dans 
lequel  celui-ci  fut  également  enterré.  C'est  cette  finale  qui  a 
pu  servir  de  point  d'attache  à  la  translation  de  saint  Etienne 
à  Constantinople. 

Tots  7zapxyp?li).x  èâVjXaxra  tÇ>  STuay.ô-o) ,  o:  è£  aùxrjç  Yjy.sv  ;j.îtz 
ETÉpwv  oûo  STCiffxoTCWVj  oÏtiveç  £'.7eX0ovTs?  '  'Iwâvvvjç  'IspocoXiij/.wv,  */.a'. 
Eutôvwç  5  SsêacTYjç,  xat  EXeuôspioç  5  'Ispi^ouvTojv.  'A;j.œ6~£pct  iici- 
ay.o-oi,  [/.etaÇù  tcocvtwv  tcov  xXvj-pixâv  ,  àv£Xa6ov  Ta  (7£XTa  hzvbxvx  toîj 
àyiou  ^tsçxvc'j,  àrcox.oiMcravTEÇ  èv  -w  ciay.oviy.o)  tyj»;  àyîa;  Siwv.  SuvGs- 
jjtiyou  (i)  aÙTÔ  [xapTiipiov  xti'Çsiv  'AXe^avSpou  toD  a-uyy.XY-jTr/.ou ,  y.ai 
7:oXXa  SsY)8etç  ;w  Ituiuxottco  Iwàvvvj,  l'va  xaTaTeGetTb  Xeiti^vov  toj  âyiou 
SfEçavou,  tots  5  lîaaxoîroç  y.aTÉOîTO  to  yXooo-ut/.o^ov,  y.ar.  tov  titXcv 
if)Xwo,aVT£ç  é'^môev,  à-eOsv-ro  tov  aywv  STÉçavov  tov  7:ptoTo;j.àpTopa  tcU 
Xpiarou.,  ;j.£Ta  tûoXXyjç  àcrçaXefaç,  jjlyjvc  Asxs[/.6pi(i)  T£G"0,ap£G-y.ai0£y.:2TY; 
tvSixTiôvoç  s,  ûxaTiaç  toj  oîo-ôtou  yj^wv  KwvaravTivou  to  SsxaTOV  aù- 
Toy.paTopoç  a'jyoùffTOU  (2).  Ka:  [A£Ta  tsvtî  ïtyj,  àppwaTta  Trspi^eaœv 
'AXÉçavSpoç  5  Suy^ï)tix,oç  ,  SiaÔYjxYjv  8ia6£|/.svoç  s'.ç  tyjv  èxxXYjaiav, 
y.ai  etç  tyjv  ociitou  ou[j.Siov,  y.ai  eîç  toj^  tctw^ouç  èvop[ji.Yja£V  Xs^wV  tov 
6sbv    6[uv    èàv  àrroGàvo)"  ttoiYjaaTS    yX(o:7oôy.o|j.ov  Tcépaivov,    y.ai    O^ts    ;j.s 

TïXYJfflOV    TOJ    ày'0U    TCpWTOfJMZpTUpOÇ     StEÇOVOU     (3),    E7TS10YJ    TOV    OlV.OV    £VO) 

a)y.oS6[ATja,a  è*/.  tyj*;  £[J-y;?  oùuiaç,  y.ai  tojto   s'.ttwv  exoi^Ot]. 

Tyj  os  eiuiouot]  ^[xÉpa  Tapwv  o  £-{o"/.otto?  ày.a  to)  tcXyjOei  toj  Xaou 
ffUVEXOfJLYjaav  y.al  aoTOV  o  y.al  à-£6£VTO  tXyjg-îov  toîj  xyiou  Tpa)TC[xapT'jpoç 
Steçûcvou  (4),  $'.;  oo^av  toO  y.uptou  yj'j.cov  'Iyjg-cîj  XpiaTOu  vGv  y.al  xtl  y.ai 
Etç  toù^  a'.ôyaç  tôv  atiovojv.  'A;j.yjv. 

(1)  Tout  ceci  est  abrégé  dans  B  :  Kod  ovtw;  ÈosîXwo-av  :w  èmaxônq)  xat  eùOém; 
îtapsyévexo  (aet*  oûo  0"uv£îUffxÔ7ta)v,  xai  9ôao-â[ji.Evoi,  /)YaXXiâo-avTo  o~  sôopa,  xai  ÈicéXsuffev 
àvev£-/6^vat  tô  Xeî'1/avov  toù  àyiou  xai  lv3ô?ou  TrpcùTOfxàpTypoç  ST£çâvou  Èv  'kpoo-.  èv  t^ 
àyia  £;wv.  ^jvôïpi.  aÙTW  (A   :  to). 

(2)  Tel  est  l'anachronisme  qui  a  passé  dans  le  récit  de  la  translation  à  Cons- 
tantinople et  qui  a  conduit  à  supposer  un  discours  de  Métrophane  lors  de  cette 
translation,  car  le  dixième  consulat  de  Constantin  (pris  au  sens  de  dixième  année 
de  son  règne)  et  la  cinquième  indiction  nous  conduiraient  en  l'année  317. 

(3)  Voici  le  texte  correspondant  dans  le  récit  de  la  translation  (ms.  548  et 
1586)  :  M£Tàoôv  £TY]7iiVt£,  àppo)3TÎ!jcu£pi7teffwv  'A)iEav5po;  6  luyxXYixixô;  3ca8r)y.r]v  xaTé- 
6£to  elç  ty;v  àytav  ÈxxXiqo'îav  y.ai  et;  xoù;  titw/où;  xat  £tç  Tf,v  aÙToù  aû^ëtov  'IouXtavôv, 
Èvopxwaa;  tov  ÈncGXOTt'jV  'Iwâvvriv  xaxà  toû  xupi'ou  rjjjKov  'Iy](joO  XptaToO  otzmç,  \>.z-zà.  Trjv 
teXe'jtyiv  [xoù,  çv)atv,  y£v/)Tai  YXwo-o-ôxopiov  uEpaïvov  (TCEp(7£tvov,  1586),  xai  xaTaôîTÉ  p.£ 
EYYtaxa  toù  XsuJ'avou  toO  àyîou  irptoto^âpTupo;  Ix£^àvou.  C'est,  semble-t-il,  un  léger 
remaniement  de  A. 

(1)  Ce  qui  précède  est  encore  abrégé  et  modifié  eh  1!.  Les  mss.  BC  ajoutent 

OIUENT   CHRÉTIEN.  14 


210  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

Le  syriaque  abrège  beaucoup  toute  cette  finale  et  porte  seule- 
ment (1)  : 

«  Après  que  j'eus  envoyé  vers  l'évêque,  je  demeurai  près 
des  ossements  des  saints.  Quand  il  vint,  il  se  réjouit  dans  le 
Seigneur  et  ordonna  de  porter  le  saint  et  illustre  Mar  Etienne 
à  Jérusalem  et  de  le  placer  à  Sion  (2).  Et  il  promit  de  bâtir 
un  martyrium  où  il  avait  été  trouvé  et  un  autre  dans  la  ville 
où  reposeraient  les  os  du  saint  et  du  pieux  (3). 

«  Aussi  je  vous  demande,  à  vous  tous  qui  entendez,  de  vous 
souvenir  de  moi  dans  vos  prières  saintes  et  agréables  à  Dieu. 
(Je  vous  demande)  aussi  de  vous  associer  et  de  prêter  secours 
aux  frères  qui  peinent  au  martyrium  du  saint,  pour  l'honneur 
et  la  gloire  de  Notre-Seigneur  et  pour  le  repos  des  ossements 
saints  et  authentiques  (4)  du  premier  martyr,  de  l'illustre  Mar 
Etienne.  Quant  à  ses  fils  qui  accourent  près  de  lui  pour  par- 
ticiper au  martyrium  de  Kefargamala,  (je  demande)  qu'ils  aient 
de  bons  fruits  dans  le  Messie  Jésus  Notre-Seigneur,  auquel 
gloire  et  honneur  dans  les  siècles.  Amen.  —  Fin  du  chapitre 
huit.  » 

On  ne  peut  pas  affirmer  que  les  phrases  omises  dans  le  sy- 
riaque sont  une  addition  postérieure,  car  le  syriaque  a  pour 
titre  non  pas  «  Lettre  de  Lucien  »  mais  «  Des  lettres  de  Lu- 
cien »,  ce  qui  semble  indiquer  un  extrait.  Cette  version  sy- 
riaque est  cependant  capitale,  car  elle  est  conservée  dans  un 
manuscrit  du  yie  au  vu0  siècle  et  les  fautes  qu'elle  eontient 
nous  permettent  de  supposer  qu'il  y  a  eu  plusieurs  transcrip- 
tions antérieures.  Il  est  donc  très  remarquable  que  cette 
si  ancienne  version  nous  annonce  aussi  deux  martyria  dédiés 
à  saint  Etienne,  l'un  à  Kefar  Gamala  et  l'autre  à  Jérusalem. 

par  contre  tout  le  récit  de  la  translation  à  Constantinople  en  commençant  par 
Ale-cà  ôè  ety]  ôxtû  y)  yuvï)  aytoû  e'jOujr^aajiivy]  èv  éaux^.  Les  bœufs  s'arrêtent  aussi 
èv  Ku)v<TTavxtàvan;  ;  en  cinq  mois  on  y  construit  un  eùxtyjpiov  et  l'évèque  Mé- 
trophane  l'y  dépose  le  deux  août.  Suit  dans  B  (fol.  283')  et  C  un  discours  de 
Métrophane  qui  aurait  été  prononcé  à  cette  occasion.  Cf.  infra,  p.  213. 

(1)  Land,  III,  p.  83.  Le  texte  Bedjan  diffère  en  plusieurs  détails. 

(2)  Il  y  a  ici  huit  points  dans  le  syriaque  qui  peuvent  indiquer  ou  une  finale 
ou  une  omission. 

(4)  Nous  lisons  ^..«.»n  et  lr*r». 


MÉLANGES.  211 

Rien  ne  nous  empêche  de  supposer  que  ce  dernier,  au  lieu  d'être 
bâti  par  l'évêque,  Ta  été  par  le  sénateur  Alexandre  dont  on 
aura  été  heureux  d'utiliser  le  généreux  concours. 

Peut-être  est-il  permis  d'aller  encore  plus  loin  et  d'attri- 
buer la  finale  du  syriaque  au  prêtre  Lucien,  car  le  syriaque  a 
traduit  fidèlement  jusque-là,  il  est  donc  permis  de  croire 
qu'il  continue  à  traduire;  de  plus,  on  comprend  très  bien  dans 
ce  cas  la  réclame  finale  en  faveur  du  martyrium  de  Kefar 
Gamala,  car  il  est  tout  naturel  que  Lucien,  curé  de  cette  pa- 
roisse, demande  des  secours  pour  sa  paroisse  et  ses  œuvres; 
dans  ce  cas  nous  aurions  là  un  témoignage  du  commencement 
du  Ve  siècle  en  faveur  de  la  construction  d'un  martyrium  à 
Jérusalem  et  nous  comprendrions  très  bien  pourquoi  saint 
Etienne  fut  déposé  seulement  «  à  la  sacristie  »  de  l'église  de 
Sion.  Cette  déposition,  peu  honorable,  était  purement  tempo- 
raire: on  attendait  qu'Alexandre  eût  terminé  son  martyrium 
pour  y  transporter  le  corps  du  saint. 

4°  Cherchons  à  localiser  ce  martyrium  bâti  par  Alexandre. 
Il  peut  sans  doute  être  identifié  avec  «  l'église,  le  martyrium, 
ou  le  temple  »  dédié  à  saint  Etienne  clans  la  vallée  de  Josa- 
phat  (ou  du  Cédron)  rencontré  déjà  par  le  R.  P.  Lagrange  et 
mis  magistralement  en  relief  par  le  R.  P.  Siméon  Vailhé(l). 

Il  est  signalé  dans  un  itinéraire  de  vers  l'an  808,  dans  un 
récit  consacré  au  patriarche  Amos  [Orient  chrétien,  1903, 
pages  92-93)  et  dans  les  Plérophories(2)  écrites  vers  515  et  con- 
signant une  histoire  antérieure  au  concile  de  Chalcédoine.  Nous 
l'avons  vu  mentionné  plusieurs  fois  dans  les  récits  ci-dessus. 

Le  texte  consacré  au  patriarche  Amos  mentionne  en  face  du 
temple  de  saint  Etienne  un  temple  de  saint  Jean  Baptiste,  les 
Plérophories  semblent  ne  connaître  qu'un  martyrium  consacré 
à  la  fois  aux  deux  saints  (3)  ;  on  peut  cependant  les  traduire  : 
«  Fréquemment  elle  venait  au  martyrium  de  saint  Etienne  et 
[à  celui]  de  saint  Jean  Baptiste  et  elle  y  veillait  »  (  1)  ;  d'autant  que 

(1)  Échos  d'Orient,  1905,  pp.  81-86. 

(2)  ROC,  1898,  p.  381. 

(3)  Car  on  lit  |»ov^o  t^>  et  non  JLojou»  N-^>. 

(4)  ^oto    .(.J^as^o    vjl-q_.     (-JL^OJO    i£0&i.a^.£0{     J.JL.J.OJ      )jov-co    1S.*.3\     lOO)    \.A\      H-|  m  ■  -s^r. 

.Looj  |>ov» 


212  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

le  pluriel  qui  nous  manque  ijci  se  trouve  plus  bas  :  «  et  quand 
fut  arrivé  le  concile  de  Chalcédoine,  elle  hésitait  si,  selon  sa 
coutume,  elle  irait  aux  martyria  (1)  et  prierait  avec  les  oppres- 
seurs »  (2).  Enfin  saint  Etienne  lui  apparaît  seul,  sans  doute 
parce  qu'elle  était  alors  dans  son  martyriurn  et  non  dans  celui 
de  saint  Jean  Baptiste. 

Comment  expliquer  maintenant  que  le  patriarche  Amos  ait 
construit  un  temple  (va6ç)  à  saint  Jean  Baptiste  en  face  du 
temple  de  saint  Etienne  vers  la  fin  du  vie  siècle,  si,  d'après  les 
Plérophories,  le  temple  existait  déjà  avant  451?  —  Faisons 
d'abord  remarquer  que  s'il  y  a  contradiction  entre  les  deux 
anecdotes,  c'est  celle  des  Plérophories  qui  doit  être  retenue,  car 
l'anecdote  sur  Amos  est  isolée,  étrange  et  provient  d'une  source 
inconnue,  mais  il  est  facile  de  concilier  les  deux  récits  en 
supposant  qu'Amos  a  remplacé  le  martyriurn  par  un  beau 
temple  comme  cela  résulte  d'ailleurs  de  la  fin  de  son  récit  (3). 

5°  Ajoutons  un  dernier  mot  sur  la  rédaction  métaphrastique 
conservée  dans  deux  manuscrits  de  Paris,  1176  et  1179,  du 
xir  et  du  xie  siècle,  déjà  utilisés  par  nous  et  désignés  par  les 
lettres  B  et  C.  L'auteur  de  cette  rédaction  semble  s'être  proposé 
de  réunir  ensemble  tous  les  récits  relatifs  à  saint  Etienne.  On 
trouve  donc  d'abord  le  martyre  de  saint  Etienne  que  nous 
venons  de  faire  connaître  d'après  le  ms.  881,  depuis  la  citation 
des  Actes  des  Apôtres  jusqu'à  la  mort  du  sénateur  Alexandre. 
Vient  ensuite  le  récit  de  la  translation  à  Constantinople  que 
nous  avons  aussi  fait  connaître  plus  haut,  et  enfin  cette  rédac- 
tion ajoute  que  la  déposition  de  saint  Etienne  dans  l'oratoire 
bâti  à  Constantinople  eut  lieu  le  deux  août  [ce  qui  nous  fournit 
l'origine  de  la  fête  de  saint  Etienne  fixée  à  cette  date  dans 
l'Église  de  Constantinople]  et  reproduit  un  prétendu  discours 
prononcé  à  cette  occasion  par  l'évêque  Métrophane.  Comme 
nous  ne  trouvons   qu'un  évoque  de  Byzance  nommé  Métro- 

(1)  J'ai  traduit  jadis  par  le  singulier  «  à  l'église  »  comme  dans  le  premier  pas- 
sade, mais  il  semble  qu'il  faille  faire  l'inverse  et  mettre  les  deux  passages  au 
pluriel  comme  le  dernier. 

[2       )L6>01XD     *■  -  ~>\     lll     0),_0.     *-.(»     \>.«-»V>     lOOj     l^JLStOO     pO^Aûi^J     ^CDO^JQ.OD    lOO)    Vh-Oj    ^30 

(3)  ...  •/.aTa-/oa[Arja,avTo;  y.atà  rcavra  TpÔTtov  et  xa;  à/.),où;  ujvte  vaoù;  XTtasi;   (xoi 

ou  extumç  ^Ei'Çova; ROC,  VMS,  p.  93. 


MÉLANGES.  213 

phane  et  que  cet  évêque  vivait  vers  l'an  320,  nous  voyons  que 
Fauteur  de  la  rédaction  métaphrastique  ajoute  encore  aux 
anachronismes  que  contient  le  récit;  de  la  translation  à  Cons- 
tantinople.  Il  suppose  avec  certains  mss.  (sic  158G)  que  la 
translation  eut  lieu  sous  Constantin  le  Grand  et  oublie  qu'il 
vient  de  placer  l'invention  (antérieure  à  la  translation)  au 
temps  de  l'évêque  Jean  (385-417)  (1  ).  Voici  le  texte  de  transition 
avec  le  commencement  et  la  fin  du  discours  de  Métrophane  : 

Tîts  b  stcioxotcoç  ■rçpsv  -o  yXM7GÔ'/.o\KO^  àxb  Tfjç  Kapcû^aç  (2)  xal 
y.aTsOsTO  aùxb,  icoti^ffaç  xb  eùxT^piov  i~\  \)<rtvzq  -£vts  ,  i:apa{/.e(vavTOç 
ajTOj  ^£Tà  tcoXXvjç  àfTcpaXsiaç  -/.xtsOsto  aùxov  b  ij.ax.zpi;;  ï-'.iv,o~oç, 
M'^-pb^i'/r^  [j.'^vi  AùycuaTW  (3),  tâcsiç  os  xaï  ouvâjj.s^  sy{vcv70  èict 
twv  àffôîvojv-wv  lv  xalq  ri\).ipy.iz  èx,£tvatç  èiù  xbv  Xabv  xbv  Tïapa^si- 
vovxa  ètu!  tbv  vabv  toj  âyîou  Htôçxvou  to3  luptoTO^àpTupo^. 

'0  oè  sTCiaxoTroç  MirjTpoçaviqç  êTtusv  Tupoç  tov  Xaôv" 

'Ay.ou(Ta-£  xai  truviete  oï  TcapajJiévovTeç  sici  xbv  à'yiov  Sxsçavov  xbv 
TîpwTOjji.àpTupa'  èv  Trâv-t,  xaipcp  twv  jj.apTopr/.wv  àyo'mov  o;.  tuovoi  vea- 
Çovtsç  ....  Cette  homélie  ne  renferme  d'ailleurs  aucune  allusion 
à  l'invention  des  reliques  ni  à  leur  translation,  elle  se  borne  à 
commenter  le  texte  des  Actes.  En  voici  la  tin  :  ...  çuXa§o*[/.£v  tyjv 
îcapeY^eXtav  xoO  §£<tt:otou  tTj^ôv  'iYjaoÛ'XpiaTOîi,  xbv  pu6[j.îvov  •/j|J.5ç  à-b 
toj  ux,6touç,  /.ai  xxXfiav-a  yj;j.$;  eiç  xrjv  èzoupayiov  (3<fcnXs(av,  au 
a'jxcu  ècTtv  rj  cô;a  etc. 

Notons  encore  que  les  deux  mss.  de  la  rédaction  métaphras- 
tique ne  sont  pas  identiques.  Le  ms.  1179,  du  xie  siècle  (C), 
transcrit  fidèlement  le  texte  de  A  (ou  de  Lucien)  pour  la  décou- 
verte du  corps  de  saint  Etienne  (4),  tandis  que  le  ms.  1176  (B) 
en  est  un  remaniement.  Ce  ms.  B  résume  ou  modifie  le  récit  et 
surtout  remplace  Gamaliel  par  saint  Etienne,  car  c'est  celui-ci 
qui  apparaît  trois  fois  et  qui  fait  connaître  à  Lucien  le  lieu  de 
sa  sépulture.  Les  variantes  que  nous  avons  relevées  suffiront  à 
le  montrer. 

(1)  Exactement  en  415  comme  nous  l'avons  dit. 

(2)  Ceci  a  lieu  à  Constantinople,  lorsque  les  bœufs  refusent  d'avancer  et  obli- 
gent à  déposer  le  corps  de  saint  Etienne  èv  KwvdxavTtàvai;. 

(3)  Le  ms.  1176  porte  :  «  le  deux  août  ». 

(4)  Le  manuscrit  C  ne  donne  pas  le  nom  de  l'épouse  d'Alexandre.  Il  la  désigne 
par  •/]  âXeuSépa.  Le  ms.  B  l'appelle  Julienne.  —  D'après  C  l'empereur  Constantin, 
autocrate  Auguste,  écrit  la  lettre  à  Cyrille,  évêque  de  Jérusalem,  le  14  janvier, 
troisième  indiction. 


'214  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

La  rédaction  du  ms.  B  (117G>  semble  avoir  servi  de  base  au 
résumé  du  synaxaire  de  Constantinople  (1),  car  celui-ci  suppose 
comme  le  ms.  B  que  c'est  saint  Etienne  et  non  Gamaliel  qui  a 
apparu  à  Lucien.  Le  synaxaire  raconte  aussi  l'invention  par  le 

prêtre  Lucien,  le  transfert  à  Sion.  puis  au  martyrium  d'Alexan- 
dre, puis  le  transfert  à  Constantinople  qu'il  place  aussi  sous 
Pévêque  Métrophane,  mais  il  ne  fait  pas  allusion  au  discours 
que  B  et  C  prêtent  à  ce  dernier. 

6°  Il  nous  reste  à  synthétiser  cette  longue  note  :  Nous  avons 
fait  connaître  une  note  inédite  ajoutée  sur  un  ms.  de  la  Vie 
d'Isaac  (ms.  1453)  et  trois  rédactions  inédites  du  martyre  de 
saint  Etienne.  La  première  (A),  contenue  dans  le  ms.  881  du 
xie  siècle,  nous  a  paru  contenir  le  texte  grec  original  de  la  lettre 
de  Lucien  traduite  en  latin  par  Avitus  [P.  L.,  t.  XLI,  col.  807- 
817),  car  elle  peut  passer  pour  l'original  de  la  version  syriaque 
qui  est  conservée  dans  un  ms.  du  vic  au  vn°  siècle  et  qui  a  été 
éditée  par  Land  (Aneed.  syr..  t.  III).  La  seconde  (C),  contenue 
dans  le  ms.  117!»  du  xr  siècle,  commence  par  transcrire  A.  puis 
ajoute  le  récit  de  la  translation  a  Constantinople  traduit  déjà 
par  Anastase  [P.  L.,  t.  XLI,  col.  81 7-822 1  et  le  fait  suivre  d'une 
homélie  de  Métrophane  qui  aurait  été  prononcée  à  cette  oc- 
casion. Enfin  la  troisième  (B).  contenue  dans  le  ms.  11 70  du 
xiie  siècle,  n'est  qu'un  remaniement  de  la  précédente  mais  a 
passé  dans  le  synaxaire.  Des  passages  sont  écourtéset  modifiés: 
en  particulier  ce  n'est  plus  Gamaliel  qui  apparaît  au  prêtre 
Lucien,  mais  c'est  saint  Etienne  lui-même. 

Le  fait  capital  mis  ici  en  relief  pour  la  première  fois, 
croyons-nous,  est  que,  dès  le  vie  siècle,  une  tradition  localisait 
le  martyre  de  saint  Etienne  dans  la  vallée  du  Cédron  (ou  de 
Josaphat)  supra,  206)  et  racontait  que  l'évèque  Jean  avait 
voulu  bâtir  deux  martyria.  l'un  au  lieu  de  l'invention  (à  Kefar- 
gamala)  et  l'autre  à  Jérusalem,  pour  y  mettre  ses  reliques 
[supra,  p.  -210).  Toutes  les  rédactions  grecques  mentionnent  un 
martyrium.  bâti  par  le  sénateur  Alexandre,  dans  lequel  on  mit 
les  reliques  de  saint  Etienne.  Nous  avons  été  ainsi  amené  à 
rattacher  ensemble  le  lieu  de  la  lapidation  (vallée  du  Cédron 
ou  de  Josaphat),  le  martyrium  projeté  par  Jean  et  construit 

(1)  Édition  Delehaye,  Bruxelles,  190-2,  col.  861-864. 


MELANGES. 


215 


par  Alexandre,  el  le  martyrium  de  la  vallée  de  Josaphat  qui 
apparaît  avant  le  concile  de  Chalcédoine  et  qui  fut  sans  doute 
changé  en  église  par  le  patriarche  Amos. 

On  peut  donc  se  demander  avec  quelque  raison  si  l'ancienne 
tradition  n'est  pas  favorable  à  la  vallée  du  Çédron  et  si  ce 
n'est  pas  la  basilique  construite  par  Eudoxie  et  mentionnée 
par  Evagrius  qui  aurait  pu  produire  une  déviation  de  la  tradi- 
tion.  Théodose  écrit  de  manière  très  formelle  que  «  saint 
Etienne  fut  lapidé  en  dehors  de  la  porte  de  Galilée  où  se  trouve 
son  église  bâtie  par  Eudoxie  épouse  de  l'empereur  Théo- 
dose (1),  »  mais  cette  notice  peut  avoir  été  suggérée,  comme 
nous  le  disions,  par  une  église  construite  au  nord  de  Jérusalem 
et  dédiée  à  saint  Etienne,  sans  compter  que  le  texte  de  Théodose 
qui  embrasse  l'Asie  Mineure,  l'Arabie,  l'Egypte,  la  Phénieie,  la 
Mésopotamie,  le  Sinaï  aussi  bien  que  la  Palestine,  est  sujet  à 
caution.  Le  dernier  éditeur,  après  avoir  amélioré  le  texte  reçu 
jusqu'à  lui,  nous  avertit  encore  que  «  l'opuscule  ne  comprenait 
pas  à  l'origine  les  trente-deux  chapitres  qu'il  publie  dans  son 
édition,  mais  qu'il  est  évident,  à  première  vue,  que  l'ouvrage 
de  Théodose  a  été  peu  à  peu  augmenté  »  (2). 

Voici  donc  le  lien  que  nous  proposons  d'établir  entre  les 
divers  textes  cités  ou  visés  dans  cet  article  :  En  415  découverte 
du  corps  de  saint  Etienne  à  Kefar  Gamala  racontée  par  le  prêtre 
Lucien,  translation  dans  la  sacristie  de  Sion,  puis  au  martyrium 
bâti  par  Alexandre  [dans  la  vallée  du  Cédronj.  Sur  ce  récit 
vient  s'embrancher  une  prétendue  translation  à  Constant inople. 
Il  reste  à  déterminer  si  cette  légende  correspond  à  une  trans- 
lation partielle  ou  totale,  réelle  ou  imaginaire.  Supposons-la 
partielle  pour  l'instant,  car  ses  anachronismes  et  ses  inconsé- 
quences la  rendent  des  plus  suspectes  (3).  Cette  translation  fut 

(1)  Geyer,  Itinera  Hierosol.,  Vienne,  1898- 

(2)  Loc.  cit.,  p.  xxv.  —  Il  n"est  pas  évident  que  Théodose  place  la  porte  Saint- 
Étienne  au  nord,  car  il  vient  décrire  que  saint  Etienne  fut  lapidé  en  dehors  di- 
la  porte  «  de  Galilée  »  et  non  «  de  Saint-Étiênne  ».  Il  s'agit  en  effet  p.  148 
d'une  pierre  que  l'on  veut  transporter  de  Bethléhem  à  Constantinople.  Avant 
d'arriver  à  la  porte  Saint-Étienne  les  bœufs  refusent  d'avancer  et  on  laiss*-  la 
pierre  au  saint  Sépulcre  où  on  en  fait  un  autel.  Il  s'agirait  donc  plutôt  de  la 
porte  de  Jaffa,  car  cette  pierre  devait  sans  doute  être  transportée  par  mer  et  de 
plus  la  porte  de  Jaffa  est  près  du  saint  Sépulcre,  mais  nous  préférerions  tra- 
duire :  «  avant  d'arriver  à  la  hauteur  de  la  porte  de  Saint-Étienne  ». 

(3)  Il  y  eut  une  translation  partielle  à  Constantinople  sous  Théodose  le  jeune. 


216  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

admise  par  l'Église  grecque  et,  sous  son  influence,  un  rédac- 
teur (ou  un  copiste)  de  la  Vie  d'Isaac  supposa  qu'Aurélianos 
avait  construit  un  martyrium  à  Byzance  pour  recevoir  le  corps 
de  saint  Etienne,  mais  qu'il  dut  se  contenter  d'y  mettre  le  corps 
d'Isaac  en  383.  Cet  Aurélianos  semble  bien  n'être  qu'une 
imitation  d'Alexandre  (1).  Enfin  un  rédacteur  métaphrastique 
groupa  bout  à  bout  tous  les  récits  relatifs  à  saint  Élienne,  y 
compris  une  prétendue  homélie  de  Métrophane,  et  un  second 
rédacteur  métaphrastique  reprit  ce  travail  après  en  avoir  re- 
manié plusieurs  points. 

Ce  sujet  a  occupé  et  charmé  nos  loisirs  pendant  quelques 
mois,  mais  nous  savons  qu'il  est  possible  de  mieux  faire  et 
nous  ne  proposons  donc  nos  hypothèses  que  sous  toutes  réserves, 
comme  un  premier  essai  de  synthèse.  Il  nous  suffit  d'avoir 
signalé  et  mis  en  relief  de  nouveaux  documents,  nous  laissons 
aux  spécialistes  de  fixer  leur  valeur  exacte  et  leur  classification 
définitive. 

F.  Nau. 


Cf.  Nicéphore  Calliste,  xiv,  9.  Il  est  vraisemblable  que  cette  translation  partielle 
mal  comprise  (ou  transformée  par  l'orgueil  national)  put  faire  imaginer  la  trans- 
lation totale   racontée  plus  haut  au  2°  et  fêtée  le  deux  août. 

(1)  La  tradition  qui  le  concerne  est  cependant  très  ancienne,  Cf.   Ducange, 
Conslantinopolischrisliana,  Paris,  1680,  p.  138-139. 


BIBLIOGRAPHIE 


M&  Joseph  Darian,  vicaire  patriarcal  maronite,  archevêque  titulaire  de 
Tarse.  —  Kelab  el-etqan  fi  tsarf  loghat  al-serian  .(Morphologie  de  la  lan- 
gue syriaque),  chez  l'auteur,  à  Bikerki,  par  Beyrout,  8°,  446  pages;  prix  : 
2  fr.  75  franco  (relié,  3  fr.  25). 

M^1"  Darian  ne  traite  dans  cet  ouvrage,  composé  entièrement  en  arabe, 
que  de  la  morphologie  de  la  langue  syriaque  ou  des  éléments  du  discours 
considérés  en  eux-mêmes.  Il  laisse  la  syntaxe,  ou  l'étude  des  constructions 
de  phrases,  pour  un  autre  volume. 

L'auteur  traite  en  trois  chapitres  :  1°  du  nom  (substantif  et  adjectif); 
2°  du  verbe  (des  verbes  primitifs  trilittères  ou  quadrilittères  et  de  leurs 
modifications;  des  verbes  dérivés  et  de  leurs  formes;  des  paradigmes). 
Ce  chapitre  est  suivi  de  deux  longs  appendices  sur  les  noms  qui  dérivent 
des  verbes  ou  qui  donnent  naissance  à  des  verbes  et  sur  l'addition  des 
suffixes  pronominaux;  3°  des  particules  et  de  leurs  suffixes. 

J'ajoute  que  M?r  Darian  a  su  donner  un  aspect  tout  personnel  à  son 
ouvrage,  car  il  n'a  pas  craint  de  s'écarter  des  méthodes  et  des  conclusions 
de  ses  devanciers  lorsque  les  unes  ou  les  autres  ne  lui  semblaient  pas 
fondées.  Il  s'est  appliqué  aussi  à  synthétiser  les  règles  de  la  grammaire 
et  à  les  rattacher  les  unes  aux  autres  autant  qu'il  l'a  pu  à  l'aide  de  la 
méthode  historique  et  critique.  Il  indique  avec  soin  les  divergences  entre 
les  Syriens  orientaux  et  occidentaux  et  ne  craint  pas  d'emprunter  aux 
grammairiens  arabes  les  mots  techniques  dont  il  a  besoin. 

Son  ouvrage  savant  et  précis  rendra  grand  service  aux  étudiants  et  je 
souhaite  qu'il  trouve  chez  les  syrologues  occidentaux  le  même  bon  accueil 
qu'il  a  trouvé  en  Orient.  Je  remercie  aussi  M.  Nau  de  m'avoir  remis  un 
exemplaire  de  cet  ouvrage  pour  l'annoncer  aux  lecteurs  de  VOrient  chré- 
tien et  de  me  donner  ainsi  occasion  d'exprimer  publiquement  à  son 
auteur  la  haute  estime  et  la  vénération  que  m'inspirent  sa  science  et  son 

caractère. 

P.  Dm. 

F.  Crawiord  Burkitt.  —  Early  eastern  Christianity.  Londres,  Mur- 
ray,  1904,  vin-228  pages  in-8".  Reliure  anglaise;  prix  :  6  sh. 

Sous  le  titre  assez  général  de  Early  eastern  Christianity,  M.  Burkitt 
publie   six  conférences  qu'il  a  faites,  en  1904,  à  l'église  Sainte-Marguerite 


•218  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

(St.  Margueret's)  de  Westminster,  sur  l'histoire  de  l'Eglise  syrienne  depuis 
ses  origines  jusqu'au  concile  de  Chalcédoine.  Ces  conférences,  où  l'auteur 
s'est  mis  à  la  portée  du  grand  public,  ont  pour  sujet  :  les  premiers  évêques 
d'Édesse  (I),  la  Bible  syriaque  (II),  l'ancienne  théologie  syrienne  (III),  le 
mariage  et  les  sacrements  (IV),  Bardesane  et  ses  disciples  (V),  les  actes 
de  Thomas  et  l'hymne  de  l'âme  (VI).  Un  rapide  résumé  des  deux  premières 
permettra  aux  lecteurs  de  la  Revue  de  se  faire  une  idée  de  l'excellent  tra- 
vail de  vulgarisation  de  M.  Burkitt. 

Le  christianisme  fut  prêché  à  Edesse  par  Addai,  un  Juif  de-  Palestine, 
vers  le  milieu  du  second  siècle  de  notre  ère.  Composée  d'abord  de  la  ma- 
jeure partie  des  juifs  de  la  ville,  la  première  communauté  chrétienne 
d'Édesse  ne  tarda  pas  à  attirer  à  elle  un  certain  nombre  de  païens  éclairés. 
Addai  mourut  paisiblement  à  Edesse;  par  contre,  son  successeur  Aggai  fut 
martyrisé.  La  communauté  chrétienne  continua  néanmoins  à  prospérer 
sous  le  successeur  d'Aggai,  Hystaspe,  et  elle  sut  même  s'attacher  Bardesane, 
l'un  des  plus  nobles  esprits,  aux  yeux  de  M.  Burkitt,  du  monde  syrien. 
L'Église  d'Édesse  manqua  toutefois,  sous  'Aqai,  le  successeur  d'Hystaspe, 
du  prestige  nécessaire  pour  retenir  Bardesane  dans  son  sein.  Vers  l'an  200 
de  notre  ère,  l'ancien  état  de  choses  changea  complètement  à  Edesse  :  la 
ville  passa  sous  la  domination  romaine  et  son  église  fut  soumise  à  l'autorité 
de  l'évêque  d'Antioche.  Le  nouvel  évèque  d'Édesse,  Palout.  fut  ordonné 
par  Sérapion  d'Antioche.  Il  eut  pour  successeur  'Abshelama,  auquel  suc- 
céda Barsamya.  qui  souffrit  le  martyre  sous  Décius  ou  sous  Valérien  (250- 
200). Trente  ans  plus  tard,  Edesse  avait  comme  évéque  Qônâ,  qui  vit  la  fin 
des  persécutions  païennes.  Pendant  son  épiscopat,  Edesse  eut  encore  trois 
martyrs  au  moins  :  Schamouna  et  Gouria  qui  furent  décapités  au  début  de 
la  persécution  de  Dioclétien  (en  297),  et  Habbib  qui  subit  le  supplice  du 
bûcher  sous  le  consulat  de  Licinius  (en  309).  Les  actes  fie  ces  martyrs 
reflètent,  en  plusieurs  endroits,  d'après  M.  Burkitt,  des  souvenirs  person- 
nels de  leur  rédacteur.  A  partir  de  Qonâ  qui  mourut  en  313,  l'obscurité 
qui  enveloppait  jusqu'ici  les  noms  de  divers  évêques  d'Édesse  disparait,  et 
l'on  entre  en  pleine  lumière  historique.  Huit  évêques  succédèrent,  avant 
Rabboula,  à  Qônâ;  l'un  d'eux,  Aitalàha,  assista  au  grand  concile  de  Nicée 
de  355.  Rabboula  joua  un  rôle  capital  dans  l'histoire  de  l'Église  syrienne. 
Son  épiscopat  (412-435)  marque,  au  point  de  vue  du  rituel  et  de  la  disci- 
pline, le  commencement  d'une  nouvelle  période. 

Voici,  d'autre  part,  les  grandes  lignes  de  la  thèse  de  M.  Burkitt  sur  la 
Bible  syriaque. 

La  colonie  juive  établie  à  Edesse  se  dota,  à  une  époque  que  M.  Burkitt 
ne  détermine  pas,  d'une  traduction  de  la  Bible  hébraïque.  La  communauté 
chrétienne  fondée  à  Edesse  par  Addai  n'eut  pas,  dans  les  premiers  temps, 
de  Nouveau  Testament.  La  Loi  et  les  Prophètes,  interprétés  à  la  lumière 
nouvelle,  lui  suffisait.  Une  génération  après  l'établissement  du  christia- 
nisme à  Edesse,  le  philosophe  Tatien,  disciple  de  Justin  le  Martyr,  ve- 
nant de  Rome  en  Mésopotamie,  son  pays  natal,  vers  170,  traduisit  en  sy- 
riaque son  Harmonie  des  Évangiles,  c'est-à-dire  le  Diatessaron.  Le 
Diatessaron  n'ayant  pas  de  rival  en  pays  syrien,  eut  un  succès  immédiat 


BIBLIOGRAPHIE.  '219 

et  continu.  Après  l'an  200  de  notre  ère,  lorsque  l'Église  d'Edesse  fut  entrée 
dans  la  communion  du  catholicisme  grec  avec  Palout,  elle  reçut  de  cet 
évêque  une  version  du  Nouveau  Testament,  c'est-à-dire  des  quatre  Evan- 
giles, des  Actes  et  des  quatorze  épîtres  Paulines,  en  même  temps  qu'une 
nouvelle  édition  de  la  version  de  l'Ancien  Testament,  édition  revue  sur 
le  texte  grec  et  enrichie  de  la  traduction  d'un  certain  nombre  d'apocryphes 
de  la  Bible  grecque.  La  version  syriaque  des  quatre  Évangiles  fut  reçue 
et  étudiée  dans  les  écoles,  mais  le  Diatessaron  continua  à  être  lu  dans  les 
églises  jusqu'à  l'épiscopat  de  Rabboula.  Rabboula  supprima  le  Diatessaron, 
et  substitua  à  sa  place  une  revision  de  la  version  des  quatre  Évangiles, 
rendue  conforme  au  texte  grec  lu  à  Antioche  au  Ve  siècle.  A  la  même 
époque,  le  Nouveau  Testament  syriaque  s'accrut  de  la  traduction  delà  pre- 
mière épître  de  saint  Pierre,  de  la  première  épître  de  saint  Jean  et  de 
l'épître  de  saint  Jacques  ;  d'autre  part,  la  version  des  Actes  et  des  épîtres 
Paulines  fut  revisée.  Le  texte  qui  se  trouve  à  la  base  du  Diatessaron  sy- 
riaque est  le  texte  grec  qui  était  lu  à  Rome  vers  l'an  170  de  notre  ère.  Le 
texte  des  Évangiles,  dans  l'ancienne  version  syriaque,  représente,  là  où 
il  diffère  du  Diatessaron,  le  texte  grec  lu  à  Antioche  vers  l'an  200.  Enfin, 
le  texte  de  la  version  revisée  par  Rabboula,  c'est-à-dire  celui  de  la  Pe- 
shitta  ou  Vulgate  syriaque,  représente,  partout  où  il  s'écarte  du  Diatessaron 
et  de  l'ancienne  version  syriaque,  le  texte  grec  lu  à  Antioche  vers 
l'an  400. 

Notons  pour  terminer  que  M.  Burkitt  est  d'une  sévérité  extrême  pour 
saint  Éphrem.  Il  n'hésite  pas  à  déclarer  qu'il  est  difficile  de  dire  ce  qui  a 
pu  valoir  au  plus  célèbre  des  Pères  de  l'Église  syrienne  sa  magnifique  ré- 
putation (p.  17). 

M. -A.  KUGENER. 


C.  Brockelmaw.  —  Syrische  Grammatik  mit  Paraâigmen,  Literatur, 
Chrestomathie  und  Glossar  (t.  V  de  la  Porta  linguarum  oriental  ium),  2e 
édition,  Berlin,  Reuther  et  Reichard,  1905;  prix  :  8  m.  broché,  8  m.  80 
relié. 

Je  ne  dirai  que  quelques  mots  de  la  grammaire  syriaque  de  M.  Brockel- 
mann.  Elle  ne  répond  pas  au  but  de  la  Porta  linguarum  orientalium,  en 
d'autres  termes,  elle  n'est  pas  faite  pour  des  débutants.  L'exposé  gram- 
matical s'égare  dans  des  subtilités  linguistiques  d'une  certitude  et  d'une 
utilité  problématiques,  et  le  glossaire,  qui  devrait  faciliter  à  l'élève  l'intel- 
ligence des  textes  de  la  chrestomathie,  laisse  tellement  à  désirer  qu'il 
ne  lui  est  pour  ainsi  dire  d'aucune  utilité.  Un  grand  nombre  de  mots 
sont  ou  omis  ou  expliqués  insuffisamment,  et  la  plupart  des  renvois  aux 
paragraphes  de  la  grammaire  sont  fautifs.  Nous  voilà  loin  de  la  deutsche 
Grundlichkeit  ! 

M.-A.  KUGENER. 


220  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 


Livres  nouveaux 

I.  Francisco  Maria  Esteves  Pereira.  —  Historia  de  Vespasiano, 
Imperador  de  Roma,  conforme  a  edicao  de  1496.  8",  116  pages; 
Lisbonne,  1905. 

Cette  histoire  légendaire  suppose  que  l'empereur  Vespasien,  atteint  de 
lèpre  maligne,  fut  guéri  par  la  vertu  de  l'image  du  Sauveur,  imprimée 
sur  la  toile  de  sainte  Véronique,  puis  raconte  le  siège  et  la  destruction  de 
Jérusalem  par  Vespasien  et  Titus  soi-disant  pour  venger  la  mort  de  Jésus- 
(  lirist  et  enfin  la  punition  de  Pilate. 

Cette  légende  existe  en  castillan,  en  français,  en  portugais  et  en  pro- 
vençal et  elle  fut  imprimée  dans  toutes  ces  langues  (hors  en  provençal). 

De  l'édition  portugaise  donnée  en  149G  il  n'existe  plus  qu'un  seul  vo- 
lume connu,  qui  est  conservé  à  la  Bibliothèque  nationale  de  Lisbonne.  Ce 
volume  est  un  précieux  monument  de  l'ancienne  langue  portugaise  et 
M.  Pereira  lui  emprunte  l'histoire  de  Vespasien  qu'il  reproduit  telle 
quelle  ou  peu  s'en  faut  (cf.  p.  27-29).  Il  reproduit  en  appendice  le  com- 
mencement de  la  version  française  imprimée  à  Paris  en  1501  et  de  la 
version  castillane  imprimée  à  Séville  en  1499. 

II.  Antoine  Dard.  —  Chez  les  ennemis  d'Israël  (Amorrhéens-Philis- 
tins),  petit  8".  334  pages;  Paris,  Lecoffre,  1906,  3  fr.  50. 

Le  volume  de  M.  Dard  est  le  résultat  d'un  voyage  d'études  fait,  en  com- 
pagnie de  plusieurs  pères  de  l'Ecole  biblique  de  Jérusalem,  au  pays  de 
Huss  et  des  Philistins. 

L'auteur  a  su  combiner,  en  juste  mesure,  les  récits  de  la  Bible,  les 
hypothèses  et  les  découvertes  des  archéologues  avec  l'aspect  actuel  des 
pays  qu'il  parcourait  ;  son  ouvrage  est  donc  un  petit  manuel  de  science 
informée  et  discrète  en  même  temps  qu'un  récit  des  petites  péripéties  qui 
amusent  ou  chagrinent  tous  les  voyageurs.  Le  lecteur,  dont  l'attention  est 
d'ailleurs  soutenue  par  le  tour  alerte  et  pittoresque  de  la  narration, 
trouvera'  encore  deux  cartes  et  quelques  photographies  hors  texte  qui 
l'aideront  à  suivre  l'explorateur  (1). 

III.  Gustaf  Karlberg.  —  Den  langa  historiska  Inskriften  i  Ramses 
III's  tempel  i  Medînet-habu,  Akademisk  Afhandling,  Uppsala,  1903, 
vin  et  52  pages. 

Ce  travail  comprend  après  l'introduction  le  texte,  hiéroglyphes  et 
transcription  de  la  plus  longue  inscription  du  temple  de  Medînet-Habu 


(l)  Signalons  à  l'imprimeur  une  faute  de  mise  en  pages,  p.  G-2,  1.  18-10,  et  une  laute 
d'impression,  p.  135,  «  Mussaud  »  pour  «  Dussaud  ». 


BIBLIOGRAPHIE.  221 

relative  à  Ramsès  III,  roi  égyptien  de  la  vingtième  dynastie.  En  face  de 
la  transcription  se  trouve  la  traduction,  et  la  fin  de  l'ouvrage  est  consacrée 
à  des  remarques  (p.  28-52). 

IV.  E.  Andersson.  —  Ausgewâklte  Bemerkungen  ûber  den  Bohai- 
rischenDialect  im  Pentateuch  Koptisch,  Akademische  Abhandlung, 
Uppsala,  1904,  8",  vin  et  144  pages. 

M.  E.  Andersson  avait  en  projet  de  publier  —  pour  obtenir  le  doctorat 
en  pbilosopbie  à  l'Université  d'Upsal  —  une  collection  de  textes  en  hiéro- 
glypbes  qui  auraient  servi  de  contribution,  pour  une  certaine  période,  à 
la  connaissance  de  la  langue  des  anciens  Égyptiens.  La  perte  de  ses 
matériaux  l'obligea  à  se  contenter  du  sujet  plus  modeste  dont  nous  venons 
de  donner  le  titre.  Il  débute  par  quelques  remarques  générales  sur  les 
formes  sahidiques  qui  figurent  dans  le  Pentateuque  bohaïrique  ou  de  la 
basse  Egypte,  sur  quelques  irrégularités  que  l'on  peut  regarder  comme 
des  versions  mot  à  mot  du  texte  grec  original  et  sur  quelques  complé- 
ments à  ajouter  à  la  grammaire  de  Stern.  Il  suit  après  cela  page  par  page 
l'édition  donnée  par  de  Lagarde,  et  nous  fait  part  des  remarques  que  ce 
texte  lui  a  suggérées. 

V.  G.  0.  F.  Feruling.  —  Fôrsta  Kapitlet  of  Misnatraktaten  Pi- 
reke  Abot...,  Akademisk  Afhandling,  Uppsala,  1904,  8",  lxxii,  80  et 
34  pages. 

L'auteur,  après  une  longue  introduction  destinée  à  nous  faire  connaître 
les  études  scripturaires  juives  après  la  captivité,  avec  le  Targoum,  le  Mi- 
drasch,la  Mischna,  le  Talmud  et  enfin  le  traité  particulier  de  la  Mischna 
qui  est  intitulé  Pirekè  'Abot,  nous  donne  le  texte  hébreu  du  premier  cha- 
pitre de  ce  traité  avec  des  commentaires  tirés  des  Midraschim,  de  la 
Mischna  et  du  Talmud.  A  une  ligne  de  texte  correspondent  souvent  plus 
de  vingt  lignes  de  commentaires.  Enfin  l'auteur  traduit  le  tout  (p.  1-38) 
et  ajoute  des  remarques  (p.  39-80). 

VI.  JosuÉ  de  Decker.  —  Contribution  à  l'étude  des  Vies  de  Paul  de 
Thèbes.  Recueil  de  travaux  publiés  par  la  Faculté  de  philosophie  et 
lettres  de  Gand,  8",  88  pages;  Gand,  1905. 

Ce  travail  de  longue  patience  et  de  grande  minutie  est  un  complément 
donné  à  la  publication  suivante  de  M.  Bidez  :  Deux  versions  grecques 
inédites  de  la  Vie  de  Paul  de  Thèbes,  8°,  Gand,  1900.  Le  premier  chapitre 
est  consacré  à  la  défense  de  la  théorie  de  M.  Bidez  d'après  laquelle  le 
texte  latin  de  saint  Jérôme  est  le  texte  original  de  la  Vie  de  saint  Paul  de 
Thèbes  d'où  découlent  tous  les  textes  connus  ou  à  connaître  :  «  Par  une 
lettre  de  son  ami  Rufin,  qui  voyageait  en  Egypte  et  avait  pénétré  jusqu'à 
la  demeure  du  bienheureux  Macaire,  ou  bien  par  la  rumeur  publique,  il 
obtint  des  renseignements  plus  ou  moins  vagues  sur  un  certain  Paul, 


222  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

qui,  même  avant  Antoine,  aurait  vécu  dans  le  désert  de  la  Thébaïde  » 
(p.  81-82).  Dans  cette  hypothèse  la  valeur  historique  de  la  composition  de 
saint  Jérôme  se  réduit  à  rien  pour  M.  Weingarten  (p.  83,  note  1)  et  à  peu 
de  chose  pour  M.  J.  de  Decker  :  «  Celui  qui  devait  s'illustrer  plus  tard  par 
de  si  nombreux  écrits,  eut  l'idée  d'une  œuvre  originale  et  il  se  mit  à  com- 
poser une  Vie  romanesque  de  Paul  de  Thèbes,  le  premier  ermite,  Vie  dont 
un  des  seuls  éléments  historiques  est  peut-être  cette  phrase  du  début  : 
Amathas  vero  et  Macarius  discipuli  Antonii,  e  quibus  superior  magistri 
corpus  sepelivit(l)...  »  (p.  82). 

Dans  le  corps  de  l'ouvrage,  M.  J.  de  Decker  nous  fait  connaître  trois 
nouveaux  mss.  du  texte  grec,  l'un  (Vatican  2000)  est  un  bon  exemplaire 
du  texte  b,  le  second  (Messine  42)  en  est  une  réduction,  le  troisième 
(Paris  910)  est  un  remaniement  de  la  version  a  destiné  à  lui  donner  la 
forme  d'un  apophthegme  placé  dans  la  bouche  de  saint  Antoine.  Bien  des 
auteurs  arrangeaient  le  contenu  des  mss.  selon  leur  goût  ou  leur  but 
spécial,  c'est  ce  que  font  encore  aujourd'hui  nos  auteurs  des  Vies  des  sa  i  ni  s 
pour  chaque  jour  de  l'année,  mais  il  est  exagéré  d'écrire:  «  autant  de  copis- 
tes grecs  un  peu  intelligents,  autant  d'adaptations  plus  ou  moins  person- 
nelles «  (p.  83),  car  la  Vie  métaphrastique  se  trouve  dans  un  grand  nom- 
bre de  mss.  qui  se  reproduisent  cependant  avec  grande  fidélité.  Les 
hypothèses  de  M.  J.  de  Decker  (2)  nous  encouragent  du  moins  à  en  émettre 
une  nous  aussi.  Les  mss.  du  texte  grec  b  (qui  représenterait  actuellement, 
d'après  "SI.  Nau.  le  texte  original)  portent  à  la  fin  le  nom  de  S.  Jérôme;  on  lit 
par  exemple  :  «  Et  moi,  Jérôme  le  pécheur,  je  demande  à  tous  ceux  qui 
lisent  ce  livre  de  prier  pour  moi  ».  Cette  finale  est  la  principale  raison 
qui  conduit  à  faire  dériver  ce  texte  du  latin;  or  si  nous  partons  de  ce  pre- 
mier fait  que  cette  finale  a  exactement  la  forme  des  colophons  ajoutés  par 
les  scribes  (et  non  par  les  auteurs)  sur  les  manuscrits,  et  de  ce  second 
tait  que  saint  Jérôme  à  Chalcis,  en  374,  au  moment  même  où  il  écrivait  la 
Vie  de  Paul,  formait  une  école  de  transcripteurs,  c'est-à-dire  transcrivait  et 
enseignait  à  transcrire  des  mss.  (3),  nous  demandons  la  permission  d'é- 
mettre l'hypothèse  que  parmi  les  mss.  transcrits  s'est  trouvée  la  Vie 
grecque  b  et  que  saint  Jérôme  copiste  et  non  auteur  y  a  ajouté  un  co- 
lophon  (4).  Ceci  nous  expliquerait  même  par  ailleurs  d'autres  fausses 
attributions    dont   saint   Jérôme  est   coutumier,   mais   nous  avous  aussi 


(1)  Il  esl  à  remarquer  que  ce  texte  est  pour  M.  Nau  l'un  des  plus  douteux,  car  il  est 
en  contradiction  avec  un  autre  d'après  lequel  saint  Antoine  aurait  été  enseveli  par 
Macaire  (Migne,P.  A.,  t.LXXIII,  col.  107)  et  de  plus  Amatlias  n'est  connu  que  par  saint  Jé- 
rôme et  par  un  texte  de  Pallade  qui  dépend  de  saint  .lérôme.  II  croit  donc  qu'Amatlias  a 
été  introduit  ici  grâce  à  une  mauvaise  lecture  du  texte  grec  original. 

(2)  Par  exemple,  lorsqu'il  suppose  que  Rufin  a  écrit  à  saint  Jérôme  au  sujet  de  saint 
Paul  (p.  8>J). 

(3)  Cf.  Lilt.  ad  Florentium.  Migne,  P.  L.,  XXII,  col.  337.  11  demande  et  offre  des  trans- 
criptions de  mss.  Il  ajoute  :  «  Hal>eo  alumnos  qui  antiquariae  arti  serviunt  ».  Il  rappelle 
aussi  qu'a  Trêves  il  avait  déjà  transcrit  divers  mss. 

i   II  a  même  pu,  comme  c'était  la  coutume,  faire  ou  faire  faire  plusieurs  copies  et 
ajouter  ain^i  plusieurs  «  colophons  »  un  peu  différents. 


BIBLIOGRAPHIE.  223 

le  droit  d'émettre  une  hypothèse  surtout  laquelle  est  basée  sur  deux  faits 
qui  la  contiennent  presque  en  entier. 

En  somme  il  y  a  intérêt  à  séparer  les  questions  suivantes  :  1"  saint  Jé- 
rôme et  ses  contemporains  —  mieux  placés  que  nous  pour  en  juger  — 
ont-ils  cru  à  l'historicité  de  saint  Paul  de  Thèbes?  2°  saint  Jérôme  a-t-il 
dû  utiliser  des  sources  écrites"?  3"  Le  texte  grec  b  n'est-il  pas  antérieur  au 
texte  grec  «?  4"  Le  texte  grec  b  n'a-t-iï  pas  de  nombreux  caractères  qui  le 
désignent  comme  le  texte  original?  La  Revue  a  publié  (PJ05,  p.  387-417) 
les  idées  de  M.  Nau  sur  ces  divers  points. 

Terminons  en  disant  que  le  travail  de  M.  J.  de  Decker  est  le  complé- 
ment indispensable  du  travail  de  M.  Bidez  et  que  le  soin  mis  par  lui  à  dé- 
crire et  à  collationner  les  nouveaux  mss.  rendra  grand  service  au  futur 
éditeur  (s'il  s'en  trouve  un)  du  texte  grec  b. 


Sommaire  des  Revues 

1.  Analecta  Bollandiana,  t.  XXIV,  fasc.  4.  H.  Moretus,  Catalogus  co- 
dicum hagiographicorum  latinorum  bibliothecae  Bollandianae. —  H.  Dele- 
iiaye,  Hesychii  Hierosolymorum  presbyteri  laudatio  sàncti  Procopii  Per- 

sae.  —  A.  Poncelet,  Une  source  de  la  Vie  de  saint  Malo  par  Bill  ;  —  Bulletin 
des  publications  hagiographiques.  —  Indices.  —  Appendix.  A.  Poncelet. 
Càtatogus  codicum  hagiographicorum  latinorum  bibliotheearum  Romanarum 
praeterquam  Yalicanae.  II,  codices  archivi  capituli  sancti  johannis  in  La- 
terano.  III,  codices  archivi  capituli  sarictae  Mariae  Maioris.  —  t.  XXV,  fasc.  1 . 
Le  R.  P.  Louis  Petit,  des  Augustins  de  l'Assomption,  Vie  de  saint  Atha- 
nase  Vathonite.  —  II.  Delehaye,  Saint  Expedit  et  le  martyrologe  hiéro- 
nymien.  —  Bulletin  des  publications  hagiographiques.  —  Appendix.  A. 
Poncelet,  Catalogus  codicum  hagiographicorum  latinorum...  IV  codices 
bibl.  Nationalis  dictae  a  Victorio  Emmanuele. 

2.  Revue  Biblique,  octobre  l'JOo.  R.  P.  Lagrange,  Notes  sur  le  messia- 
nisme au  temps  de  Jésus.  —  M.  H.  Hyvernat,  Le  langage  de  la  Massore. 
Lexique  Massorélique.  —  M.  P.  Lvdeuze,  Transposition  accidentelle  dans 
In  IIA  Pétri.  —  Unité  de  Vépître.  —  Mélanges.  —  Chronique.  —  Recen 
sions.  —  Bulletin.  —  Table  des  matières.  —  Janvier  1906.  E.  Le  Roy,  Sur 
lu  notion  de  dogme.  Réponse  à  M.  l'abbé  Wehrlé.  —  R.  P.  H.  Vincent, 
Les  cilles  cananéennes.  —  R.  P.  Lagrange,  Notes  sur  les  prophéties  mes- 
sianiques des  derniers  prophètes.  Mélanges,  Chronique,  Fouilles  anglaises 
de  Gézer,  Recensions,  Bulletin. 

3.  Byzantinische  Zeitschrift,  t.  XV,  Cahiers  (  et  2,  27  février  1906.  — 
I  (p.  1-284).  Paul  Maas,  Die  Chronologie  der  Hymnen  des  Romanos.  —  J.  B. 
Burv,  The  Oracle  in  Procopius,  B.  G.  I,  24.  —  R.  Vari,  Zur  JJeberlieferunrj 
mittelgriechischer  Taktiker.  —  Theodor  Buttneh-Worst,  Die  anlage  der 
historischen  Eneyklopàdie  des  Konstantinos  Porphyrogennetos.  —  A.  IIa7:aoû- 
7ïou/.o;-KspapiEÔi;,  Et;  IuovaTavrîvov  M'e)A6v.  —  J.  B.  ASMUS,  Die  Ethopoie  des 
Nikephoros  Chrysoberges  ùber  Julians  Rhetorenedikt.  —  Paul  Marc,  Bessa- 


224 


REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 


rion  und  Joseph  von  Methone;  JSeue  Handschriften  desPorikologos.  —  J.  Dra- 
seke,  Neuplatonisches  in  des  Gregorios  von  Nazianz  Trinitatslehre.  —  Louis 
Bréhiiïr,  L'origine  des  titres  impériaux  à  Byzanee.  —  N.  Jorga,  Latins  et 
Grecs  d'Orient  et  rétablissement  des  Turcs  en  Europe  (1342-1362).  —  Jean 
Ebersolt,  Un  itinéraire  de  Chypre  en  Perse  d'après  le  Parasinus  1712.  — 
V.  Gardthausen,  National  und  Provinzialschriften.  —  E.  von  Dobschutz, 
Eine  Sammelhandschrift  des  16  Iahrhunderts.  —  ïïa::aos7:ov>Xoç-Kspx(jisûç,  'E^(- 
ypajjLjAa  tïov  BXayspvâiv.  ■ — ■  FI.  N.  IL,  Ai6p0waiç  yiopîou  ypâ[jL[i.xToç  toU  'Hpa/Xda; 
0cOtpâvou;  —  IIa7:ao67:ouXo;-KEpafjL£Ûç.  Aûo  •/upuzà  ywpfa.  ■ —  II.  N.  II.,  StaoXov  ôpoç 
vuv  -/.ouffivâç;  7ï£p\  t%  Ir.iypaorii.  B.  Z. ,  XIV.  35,  38.  —  ClermONT-GaNNEAU, 
Observations  sur  les  «  înschriften  ans  Syrien  ».  —  II  (p.  285-342).  Comptes 
rendus.  —  III  (p.  343-516).  Bibliographische  Notizen  und  kleinere  Mittei- 
lunyen  (indication  et  souvent  analyse  des  publications  récentes  disposées  par 
lieux  communs). 


Le  Directeur-Gérant  : 
F.  Charmetant. 


Typographie  Firmin-Dulot  et  C,e.  —  Paris. 


IPatrologia  orientâtes 

Suite  [voir  page  4  de  la  couverture). 

Tome  IV.  —  Fasc.  1.  —  Les  Homélies  de  Sévère  d'Antioche,  texte  syriaque 
inédit,  traduction  française  par  R.  Duval  et  M.- A.  Kugener,  avec  le  concours 
de  E.-W.  Brooks.  Fasc.  1,  par  Rubens  Duval. 

Fasc.  2.  —  Recueil  de  monographies.  —  II.  Histoire  de  S.  Pacôme, 
texte  grec  inédit  des  ras.  de  Paris  881  et  suppl.  480,  avec  une  traduction  fran- 
çaise de  la  version  syriaque  et  une  nouvelle  classification  des  sources  grecques. 
—  III.  Histoire  d'Olympias,  texte  grec  inédit,  traduction  française  par  J.  Bous- 
quet, vice-recteur  et  professeur  de  grec  à  l'Institut  catholique  de  Paris,  et  F.  Nau. 

Fasc.  3.  —  La  Cause  de  la  fondation  des  écoles,  par  Mar  Hadbeschabba. 
Arbaia,  évêque  de  Halwan,  publié,  traduit  et  annoté  par  M»r  AddaïScher,  arche- 
vêque chaldéen  de  Séert. 

Fasc.  4.  —  Histoire  des  patriarches  d'Alexandrie  {suite),  par  B.Evetts. 

Fasc.  5.  —  The  hymns  of  Severus  of  Antioch  and  others  in  the  syriac 
version  of  Paul  of  Edessa  as  revised  by  James  of  Edessa  ;  texte  syria- 
que, traduction  anglaise  par  E.-W.  Brooks. 


DE  NOMBREUX  OUVRAaES  SONT  EN  PREPARATION.  Mention 


nons  : 


Les  différentes  rédactions  de  YEpilome  :  I.  La  Chronique  du  manuscrit  grec 
de  Paris  n°  1712,  texte  grec,  traduction  française  par  J.  Bousquet  et  D.  Ser- 
ruys,  avec  le  concours  de  MM.  Boudreaux,  Ebersalt  et  Franel. 

L'Oraison  funèbre  de  Basile  le  Macédonien,  texte  grec,  traduction  française 
par  D.  Serruys. 

Les  Apocryphes  Coptes  (fascicule  2),  par  E.  Revillout. 

Vies  de  Sévère,  introduction,  commentaire,  index  et  tables,  par  M.-A.  Kuuener. 

Chronique  de  Mahboub  ('Ayaîïtoç)  le  Grec,  fils  de  Constantin,  évêque  de 
Menbidj  (xe  siècle),  texte  arabe,  traduction  française  par  A. -A.  Vasiliev,  pro- 
fesseur à  l'Université  de  Dorpat  (IOpbeBt). 

Texte  grec  et  versions  d'ouvrages  apocryphes  attribués  aux  apôtres,  etc.,  etc. 
Coptic  Texts  relating  to  Ecclesiastical  history  (mostly  unpublished),  edited 
with  English  translation,  by  W.  E.  Crum. 

Les  versions  arabes  des  Apocryphes  Apostoliques  !  —  I.LeTestamentum 
D.  N.  J.  C.  Texte  arabe  inédit,  traduction  française  par  S.  B.  M^r  Rahmani,  L. 
Desnoyers  et  P.  Dib.  —  II.  Les  Canons  des  Apôtres,  texte  arabe  en  majeure 
partie  inédit,  traduction  française  par  MM.  J.  Périer  et  J.-B.  Périer.  —  La  Di- 
dascalie,  texte  arabe  inédit,  traduction  française  par  P.  Chébli. 

Les  versions  éthiopiennes  des  Apocryphes  du  Nouveau  Testament  : 
—  I.  Le  Testamentum  D.  N.  J.  C,  texte  éthiopien  inédit,  traduction  fran- 
çaise par  M.  l'abbé  Guerrier.  —  II.  Apocryphes  attribués  à  St  Clément, 
texte  éthiopien  inédit,  traduction  française  par  M.  l'abbé  Grébaut.  —  III.  Le 
Fekârê  Iyasus  et  la  vision  d'Abbâ  Sinoda,  texte  éthiopien  inédit,  traduc- 
tion italienne  par  M.  C.  Conti-Rossini. 

L'Histoire  des  conciles  de  Sévère  ibn-al-Moqafifa',  texte  arabe  inédit,  traduc- 
tion française  par  M.  L.  Leroy. 

Mélanges  de  Théologie  jacobite  :  Les  Lettres  encycliques  et  les  Profes- 
sions de  foi  des  évêques  jacobites,  texte  syriaque,  traduction  française  par 
F.  Nau. 

(Demander  tous  renseignements  et  adresser  les  souscriptions    à   la   librairie 
FIRMIN-DIDOT,  56,  rue  Jacob,  Paris.) 


R.  GRAFFIN.  -  F.  NAU 

PROFESSEURS     A    L 'INSTITUT     CATHOLIQUE    DE     PARIS 

Patrologia  orientalis 

Tome  I.  —  Fasc.  1.  —  Le  livre  des  mystères  du  ciel  et  de  la  terre,  texte 
éthiopien,  traduction  française  par  J.  Perruciion  et  I.  Guioi.  Prix:  6  fr.  50  ; 
franco,  7  fr.  (pour  les  souscripteurs  :  4  fr.;  franco,  4  fr.  50). 

—  Fasc.  2.  —  History  of  the  Patriarchs  of  the  Coptic  Church  of  Alexan- 

dria,  texte  arabe,  traduction  anglaise  par  B.  Evetts,  I.  Prix:  7  fr.  ;  franco, 

7  fr.  50  (pour  les  souscripteurs  :  4  fr.  35  ;  franco,  4  fr.  85). 

—  Fasc.  3.  —  Le  Synaxaire  arabe  jacobite,  texte  arabe  inédit,  traduction 
française  par  René  Basset  (Tout  et  Babeh).  Prix  :  10  fr.;  franco,  10  fr.  65  (pour 
les  souscripteurs  :  6  fr.  30;  franco,  6  fr.  95). 

—  Fasc.    4.  —  History  of  the-  Patriarchs,   etc.  (Évite,  de  300  à  661).  Prix  : 

8  fr.  35;  franco,  8  fr.  95  (pour  les  souscripteurs  :  5fr.  25;  franco,  5  fr.  85). 

Tome  II.  —  Fasc.  1.  —  Vie  de  Sévère  par  Zacharie  le  Scholastique,  texte 
syriaque,  traduction  française  par  M. -A.  Kucever.  Prix  :  7  fr.  ;  franco,  7  fr.  50 
(pour  les  souscripteurs  :  4  fr.  30;  franco,  4  fr.  80). 

—  Fasc.  2.  —  Les  apocryphes  coptes.  I.  Les  Évangiles  des  douze  apôtres 
et  de  saint  Barthélémy,  texte  copte,  traduction  française  par  E.  Revii.lout. 
Prix  :  o  fr.  :  franco,  5  fr.  40  (pour  les  souscripteurs  :  3  fr.  15  ;  franco,  3  fr.  55). 

—  Fasc.  3.  —  Vie  de  Sévère  par  Jean,  supérieur  du  monastère  de 
Beith  Aphthonia,  suivie  d'un  recueil  de  fragments  historiques  syriaques, 
grecs,  latins  et  arabes  relatifs  à  Sévère,  par  M. -A.  Kugener.  Prix  :  11  fr.  90; 
franco,  12  fr.  65  (pour  les  souscripteurs  :  7  fr.  50;  franco,  8  fr.  25). 

—  Fasc.  4.  —  Les  Versions  grecques  des  Actes  des  martyrs  persans 
sous  Sapor  II,  par  H.  Delehaye,  Bollandiste.  Prix  :  9  fr.  50:  franco,  10  fr.  20 
(pour  les  souscripteurs  :  6  fr.  :  franco,  6  fr.  70). 

Tome  III.  —  Fasc.  1.  —  Recueil  de  monographies.  —  I.  Les  histoires  d'A- 
houdemmeh  et  de  Marouta.  primats  jacobites  de  Tagrit  et  de  l'Orient  (vie- 
vir  siècle),  suivies  du  traité  d'Ahoudeinmeh  sur  l'homme,  texte  syriaque  inédit, 
traduction  française  par  F.  NÀ0>  Prix  :  7  fr.  15  ;  franco.  7  fr.  65 '(pour  les  sous- 
cripteurs :  4  fr.  50:  franco,  5  francs). 

VONT  PARAITRE: 

Tome  I.  —  Fasc.  5.  —  Le  Synaxaire  éthiopien,  par  René  Basset,  Conti-Ros- 
SiNi,  I.  Guidi  et  L.  Hackspill.  I.  Le  mois  de  Sanè.  texte  éthiopien,  traduction 
française  par  I.  Guidi. 

Tome  II.  —  Fasc.  5.  —  Le  Livre  de  Job,  texte  éthiopien  inédit,  traduction  fran- 
çaise par  E.  Pereira. 

Tome  III.  —  Fasc.  2.  —  Réfutation  de  Saîd  Ibn  Batriq  (Eutychiusi,  par 
Sévère  Ibn-al-Moqaffa\  évêque  d'Aschmounaïn,  texte  arabe,  traduction 
française  par  P.  Ciiébli.  prêtre  maronite.  Prix  :  7  fr.  40;  franco.  7  fr.  95  (pour 
les  souscripteurs  :  4  fr.  65:  franco,  5  fr.  20).  Para. 

Fasc.  3.  —  Papyrus  grecs  relatifs  à  l'antiquité  chrétienne,  publiés  et 
traduits  en  français  par  le  Dr  C.  \Yessely,  conservateur  de  la  Bibliothèque 
impériale  de  Vienne. 

Fasc.  4.  —  Le  Synaxaire  arabe  jacobite  (suite).,  par  René  Basset. 

Fasc.  5.  —  The  Life  of  Severus,  patriarch  of  Antioch,  by  Athanasius, 
texte  éthiopien  inédit,  traduction  anglaise  par  E.-J.  Goodsped. 

(Voir  la  suite  à  la  paye  3  de  la  couverture.) 


REVUE 


DE 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


DEUXIÈME  SÉRIE,  Tome  I  (XI)  —   1906.  —  N°  3 


SOMMAIRE 


Pages. 

I.       —  J.  Bousquet.  —  Vie  d'Olympias  la  diaconesse 225 

IL  —  M.  Asin  y  Palacios.  —  Description  d'un  manuscrit  arabe- 
chrétien  de  la  bibliothèque  de  M.  Codera  (le  poète  'Isàel- 
Hazâr) 251 

III.  —  F.  Tournebize.  —  Les  cent  dix-sept  accusations  présentées 

à  Benoît  XII  contre  les  Arméniens  (suite) 274 

IV.  —  L.  Delaporte.  —  Le  Pasteur  d'Hermas.  Nouveaux  fragments 

sahidiques.  —  Note  sur  deux  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
Nationale  de  Paris  qui  renferment  le  rite  copte  de  la  prise 
d'habit 301 

V.  —  Mélanges  : 

I.  F.  Nau.  —  Note  sur  un  manuscrit  syriaque  (commentaire 
des  Psaumes  d'après  Théodore  de  Mopsueste)  appartenant 

à  M.  Delaporte 313 

II.  Amédée   Gastoué.  —  Curieuses  annotations  de  quelques 

manuscrits  byzantins 317 

III.  F.  Nau.  —  Note  sur  les  manuscrits  de  Paris  qui  renfer- 

ment lanotice  biographique  d'Antiochus,  moine  de S.-Sabba.  327 

VI.  —  Bibliographie.  —  F.  Martin.  Le  livre  d'Hénoch  traduit  sur  le 

texte  éthiopien  (F.  Nau).  —  Paul  Maas.  Die  chronologie 
der  Hymnen  des  Romanos  (/.  Bousquet).  —  A.  Cartellieri. 
Philipp  II  August,  Kœnig  von  Frankreich  (F.  Nau).  —  Dom 

H.  Leclercq.  Les  Martyrs  (Dom  Placide  de  Meester) 331 

Livres  nouveaux 335 


PARIS 


BUREAUX 
DES   ŒUVRES   D'ORIENT 

RUE    DU    REGARD,    20 

LEIPZIG 

OTTO  HARRASSOWITZ 


LIBRAIRIE 
A.    PICARD   ET    FILS 

RUE   BONAPARTE,    82 

LONDRES 

WILLIAM  ET  NORGATE 


Recueil  trimestriel.  —  Prix  de  l'abonnement  :  12  fr.  —  Étranger  :  il  Er. 


La  Revue  de  l'Orient  chrétien  (recueil  trimestriel) 
paraît  en  avril,  juillet,  octobre  et  janvier  par  fascicules  formant 
chaque  année  un  volume  de  près  de  500  pages  in-8°. 

Prix  de  l'abonnement:  12  francs.  —  Étranger  :  14  francs. 
Prix  de  la  livraison  :  3  francs  net. 


Les  communications  relatives  à  la  rédaction  doivent  être  adressées 

à  M.    le  Secrétaire  de  la  Revue  de  l'Orient  chrétien 

A   LA    LIBRAIRIE    PICARD 

RUE   BONAPARTE,   82,    PARIS. 

Il  sera  rendu  compte  de  tout  ouvrage  relatif  à  l'Orient  dont  on  enverra 
un  exemplaire  à  la  précédente  adresse. 


COMITÉ  DIRECTEUR  : 

M^  Charmetant  (•&),  protonotaire  apostolique,  Directeur  des  Œuvres  d'O- 
rient, président.  —  M.  l'abbé  Bousquet,  vice-recteur  et  professeur  de  grec 
à  l'Institut  catbolique  de  Paris.  —  M*1  Graffin  ($*),  prélat  de  Sa  Sain- 
teté, professeur  d'hébreu  et  de  syriaque  à  l'Institut  catholique  de  Paris. — 
M.  l'abbé  Leroy,  professeur  d'arabe  et  d'Egyptologie  à  l'Institut  catho- 
lique d'Angers.  —  M.  l'abbé  Mangenot,  professeur  d'Ecriture  sainte  à  l'Ins- 
titut catholique  de  Paris.  —  M.  l'abbé  Nau,  professeur  de  mathématiques 
à  l'Institut  catholique  de  Paris. 

Le  Comité  est  assuré  du  concours  de  spécialistes  compétents  :  pour  l'A  r- 
mënien,  M.  Basmadjian,  directeur  de  la  revue  «  Banasêr  »,  et  le  R.  P. 
Peeters,  Bollandiste  ;  pour  l'Assyrien,  etc.,  le  P.  Scheil,  professeur  à 
l'Ecole  des  Hautes  Études  ;  pour  le  Copte,  le  R.  P.  Mallox,  professeur  à 
l'Université  de  Beyrouth  ;  pour  l'Éthiopien,  M.  I.  Guidi,  professeur  à  l'Uni- 
versité de  Rome,  M.  l'abbé  F.  Martin,  professeur  à  l'Institut  catholique  de 
Paris,  et  M.  E.  Pereira  ;  pour  le  Mongol  et  le  Persan,  M.  Blociiet,  attaché 
à  la  Bibliothèque  Nationale. 

En  dépit  du  contrôle  qui  sera  exercé  par  ces  divers  savants,  chaque 
auteur  conserve  l'entière  responsabilité  de  ses  articles. 


VIE  D'OLYMPIAS  LA  DIACONESSE 


INTRODUCTION 

Le  manuscrit  grec  1453  de  la  Bibliothèque  nationale  ren- 
ferme deux  documents  intéressants  qui  ont  été  édités  pour  la 
première  fois,  il  y  a  quelques  années,  dans  les  Analecta  Bol- 
landiana  (tome  XV,  p.  400,  et  tome  XVI,  p.  11).  Ayant  eu  à 
nous  occuper  de  ce  manuscrit,  nous  avons  pu  constater  avec 
quel  soin  et  quelle  perfection  les  deux  documents  en  cause  ont 
été  édités,  et  il  n'y  a  guère  que  deux  ou  trois  points  de  détail 
sur  lesquels  nous  ne  serions  pas  tout  à  fait  d'accord  avec  l'édi- 
teur. 

Nous  désirons  donner  aujourd'hui,  en  raccompagnant  des 
explications  nécessaires,  la  traduction  du  premier  de  ces  do- 
cuments, qui  est,  sans  nom  d'auteur,  la  Vie  de  sainte  Olym- 
pias,  diaconesse  de  Constantinople  (née  entre  360  et  370, 
morte  en  408).  Cette  Vie,  dans  le  manuscrit  1453,  occupe  les 
pages  200  v  à  207  r. 

Le  même  document  se  trouve  encore  dans  un  manuscrit 
de  la  bibliothèque  de  Florence,,  sur  lequel  on  peut  lire,  dans  les 
Anal.  Boll.,  t.  XV,  p.  406,  de  précieuses  indications.  Le  ma- 
nuscrit de  Florence  contient  même  une  finale  qui  manque  dans 
le  manuscrit  de  Paris.  L'éditeur  des  Anal.  Boll.  l'a  repro 
duite,  et  nous  la  traduirons  également. 

Quant  au  second  document,  qui  est  un  Récit  de  la  transla- 
tion des  restes  de  sainte  Olympias  par  Sergia,  supérieure  du 
monastère  fondé  sous  le  patronage  de  cette  sainte,  à  Constan- 
tantinople,  nous  en  parlerons  et  en  donnerons  la  traduction 
dans  un  prochain  numéro. 

ORIENT    CHRÉTIEN.  15 


22G  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

Aujourd'hui  donc,  nous  traduisons  le  texte  de  la  Vie  d'O- 
lympias, et,  sauf  avis  contraire,  tel  qu'il  est  édité  au  tome  XV 
des  Anal.  Boll.,pp.    109-123. 

Il  nous  parait  utile  de  faire  précéder  cette  traduction  d'un 
mot  sur  Olympias,  et  d'une  brève  étude  sur  le  mode,  le  lieu 
et  la  date  probable  de  la  composition  de  cette  biographie  ano- 
nyme. 


Quand  saint  Jean  Chrysostome  fut  élevé  au  siège  de  Constanti- 
nople,  il  trouva,  parmi  les  personnages  importants  de  sa  ville 
épiscopale,  une  jeune  veuve  du  nom  d'Olympias,  que  son  prédé- 
cesseur Nectaire  avait  consacrée  diaconesse,  malgré  son  jeune 
âge,  et  tenait  pour  une  ci  mseillère  digne  de  toute  confiance  même 
dans  les  affaires  ecclésiastiques,  wç  xas  èv  -cXq  èxKXiqoriaaTMoïç  aùtïj 
7ceiÔE<r0at  (Palladii  Dialogus  de  Vita  Chrysostomi,  P.  G., 
t.  XLVII,  col.  61).  Cette  Olympias  descendait  d'Ablabios,  qui  fut 
consul  en  331  et  que  nous  trouvons  préfet  du  prétoire  pour  l'Orient 
en  326,  330,  331  et  333  (1).  Elle  appartenait  donc  à  une  famille 
illustre,  qui  n'était  même  pas  sans  alliances  avec  les  familles 
impériales  ou  royales  (cf.  Am.miex  Màrcellin,  XX,  11  ;  et  ci-des- 
sous, Fie,  ch.  m  [2]).  Elle  était  née  au  plus  tôt  en  361,  puisqu'elle 
n'avait  pas  encore  trente  ans  en  390  (cf.  Vie,  iv),  et  au  plus  tard 
vers  370,  puisqu'elle  fut  mariée  en  384  ou  383  (d'après Vie,  n). 

Saint  Grégoire  de  Nazianze,  qui  avait,  quelques  années  aupa- 
ravant, en  381,  quitté  Constantinople  et  son  siège  épiscopal, 
fut  invité  à  ce  mariage.  Il  ne  se  rendit  pas  à  l'invitation,  mais 
s'en  excusa  par  une  lettre  qui  est  sans  doute  la  lettre  CXCIII 
dans  le  recueil  de  la  P.  G.,  t.  XXXVII,  col.  315,  et  envoya  à  la 
jeune  mariée,  comme  présent  de  noces,  un  gracieux  poème  de 
cent  onze  vers,  pleins  de  délicatesse  et  de  bons  conseils  (P.  G., 
t.  XXXVII,  col.  1542  et  suiv.). 

Le  veuvage  prématuré  d'Olympias,  sa  résolution  de  consacrer 
toute  sa  vie  à  Dieu  et  toute  sa  fortune  aux  bonnes  œuvres,  les 
obstacles  qui  contrarièrent  d'abord  son  dessein,  voilà  ce  que 

(1)  Cf.  Godefkoy,  C'ud.  Theodos.,  Prosopographia  (Ed.  Ritter,  t.  VI,  2e  p.,  p.  27) 

(2)  La  division  en  chapitres  appartient  aux  Anal.  Bail.  Nous  la  conservons  dans 
notre  traduction  pour  la  commodité  de  la  lecture  et  des  références. 


vie  d'olympias  la  diaconesse.  227 

nous  raconte  l'auteur  anonyme  de  la  Vie.  Ce  qu'il  ne  nous  dit 
pas,  c'est  que  la  fortune  et  la  charité  d'Olympias  étant  aussi 
immenses  Tune  que  l'autre,  il  ne  manqua  pas  de  gens  avides  pour 
en  tirer  parti.  Chrysostome,  à  peine  installé  à  Constantinople, 
fut  indigné  de  cette  odieuse  exploitation,  et  crut  devoir  mettre 
la  jeune  veuve  en  garde  contre  les  quémandeurs  indélicats.  11 
sut  même  y  intéresser  sa  eonseience,  en  lui  disant:  «  Une  sage 
('•(•( momie  est  nécessaire  à  qui  veut  être  parfait.  Enrichir  les 
riches,  cela  ne  vaut  pas  mieux  que  de  jeter  ses  biens  dans  la 
mer.  Ne  sais-tu  pas  qu'en  consacrant  ta  fortune  aux  indigents, 
tu  en  as  perdu  la  propriété?  tu  n'as  plus  qu'à  l'administrer,  et 
tu  rendras  compte  de  ton  administration.  Mesure  donc  tes  dons 
aux  besoins  de  ceux  qui  te  sollicitent  (l).  » 

Olympias  se  laissa  désormais  guider  par  le  saint  évêque.  La 
disgrâce  et  l'exil  de  Chrysostome  ne  la  détachèrent  pas  de  lui. 
Elle  ne  se  laissa  pas  intimider  quand  le  préfet  de  la  ville  la  fit 
comparaître,  l'accusant  de  l'incendie  de  la  Grande-Église  qui 
suivit  le  départ  de  saint  Jean,  et  elle  refusa  énergiquement  de 
communiquer  avec  l'évêque  intrus  Arsakios  (2). 

Saint  Jean  Chrysostome  la  félicita  de  son  courage,  et  conti- 
nua, pendant  ses  trois  années  d'exil,  à  recevoir  d'elle  des  secours, 
tandis  que  lui-même  la  réconfortait  et  la  dirigeait  par  ses  let- 
tres. Il  nous  reste,  de  cette  précieuse  correspondance,  dix-sept 
lettres  que  l'on  trouve  au  tome  LU  de  la  P.  G.,  p.  549  et  suiv. 

Obligée  aussi  de  quitter  Constantinople,  Olympias  mourut  en 
exil,  probablement  à  Nicomédie,  le  25  juillet  408,  quelques  mois 
seulement  après  saint  Jean  Chrysostome.  Le  Ménologe  de 
Basile  lui  consacre  une  notice,  au  jour  anniversaire  de  sa  mort. 
Le  Martyrologe  romain  en  fait  mention  le  17  décembre.  Le 
Récit  de  Sergia,  dont  nous  donnerons  prochainement  la  tra- 
duction, nous  apprend  de  quelle  réputation  elle  jouissait  en- 
core, plus  de  deux  cents  ans  après  sa  mort. 


L'historien  Nicéphore  Caliiste,  au  xive  siècle,  connaissait  bien 
nos  deux  documents,  dont  il  se  servit  pour  parler  de  sainte 

(1)  Sozomène,  VIII,  9  (P.  G.,  t.  LXVII,  col.  1540  A). 

(2)  Sozomène,  VIII,  24  (col.  1577  C). 


28  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Olympia»  (Hist.  eccL,  XIII,  21  ;  P.  G.,  t.  CXLVI,  col.  1010-101 1)  ; 
mais  il  les  confondit  en  un  seul,  qu'il  attribua  à  Sergïa,  l'au- 
teur incontestable  du  second.  Cette  confusion  est  possible  à 
première  vue,  le  Récit  de  Sergia  se  rattachant  étroitement  à  la 
Vie  d'Olympias. 

Mais  ce  n'en  est  pas  moins  une  confusion,  comme  l'a  très 
bien  montré  le  critique  des  Anal.  Boll.  (t.  XV,  p.  402). 

Dès  le  début  du  Récit,  Sergia  annonce  qu'elle  veut,  aux  ren- 
seignements déjà  connus,  ajouter  quelque  chose  de  ce  qu'elle 
a  pu  elle-même  recueillir.  Plusieurs  fois,  elle  renvoie  évidem- 
ment à  la  Vie  d'Olympias,  comme  à  une  œuvre  antérieure, 
à  laquelle  elle  ne  revendique  aucune  part  :  ûç  TrpcosoYjXunai 
[Récit,  ch.   iv)   ...   â)ç    yivaxr/.sTc,  àvonépa)  TrpooscTjXwTsa  (ch.  VIIl). 

Elle  ne  manque  pas,  au  contraire,  de  se  mettre  naïvement  en 
scène  chaque  fois  qu'elle  apporte  un  nouveau  détail,  qu'elle 
explique  une  circonstance,  qu'elle  énonce  sa  pensée  :  Boû\o\jm 
lyw  r,  à;j.ap-o)Acç  Jù&pyia,  (ch.  i)  ...  §ia§s|oc[Ji,évY]ç  tyjv  Y)yo'j[j.svtav  Ijjiou 
tyjç  à[j.apTO)Aou  vm  àvaçtaç  Hsp'/iaç  (ch.  IV)  ...  ^aOoDca  lyw  'ô  à'J.ap- 
twAoç  liai  àva^'a  Sepyîa  (ch.  v)  ...  TuareôffaTS  cùv  j/oi  ~fi  àOXu  xal 
à|j.apTwAà)  SepY»'a  (ch.  Vil),  etc. 

Voilà  donc  une  distinction  réelle  et  déclarée  entre  Sergia  et 
l'auteur  de  la  Vie.  Mais  ces  déclarations  mêmes  de  Sergia  font 
pressentir  une  grande  différence  de  style  entre  les  deux  mor- 
ceaux. Nous  aurons,  en  étudiant  spécialement  le  Récit  de  Ser- 
gia, à  revenir  sur  quelques  détails;  dès  maintenant,  on  voit 
l'opposition  entre  la  manière  toute  personnelle  de  Sergia  et  le 
ton  absolument  impersonnel  de  l'auteur  de  la  Vie.  Non  seule- 
ment il  n'a  pas  signé  son  œuvre;  mais  s'il  parle  de  lui-même, 
dans  cette  finale  {Vie,  xvm),  qui  manque  au  manuscrit  de  Paris, 
c'est  de  la  façon  la  plus  vague  :  è-fù  b  àpoipxwikbq  b  ym  ypa^aç,  et 
nous  n'apprenons  sur  lui  rien  de  plus. 

A  la  fin  du  chapitre  xv  (1),  notre  auteur  se  donne  bien  sans 
doute  comme  témoin  oculaire  :  auToxtirjv  yeyewfliêvov  v.al  6cw- 
pouvxa.  Mais  ces  mots  appartiennent  à  un  passage  presque  tex- 
tuellement tiré  d'une  autre  œuvre,  comme  nous  allons  le  dire  : 
ils  n'ont  donc  ici  aucune  autorité. 

(1)  De  notre  traduction.  C'est  par  erreur  sans  doute  que  les  Anal.  Boll.  pas- 
sent du  chapitre  xv  au  chapitre  xvii,  en  omettant  le  chiffre  xvi.  Nous  faisons 
commencer  le  chapitre  xvi  aux  mots  Avt?i  xoivuv  (Anal.  Boll.,  t.  XV,  p.  422). 


vie  d'olympias  la  diaconesse.  229 

Tout  à  fait  impersonnel,  l'auteur  de  la  Vie  est  beaucoup 
moins  diffus,  se  répète  beaucoup  moins  que  Sergia;  si  Ton  ex- 
cepte les  énumérations  des  chapitres  xm  et  xv,  qui  ne  sont  pas 
de  lui,  il  accumule  moins  les  éloges  vagues;  il  préfère  don- 
ner des  renseignements  précis,  topographiques  ou  historiques  : 
vo}^ez  spécialement  la  fin  du  chapitre  v,  et  les  cinq  chapitres 
suivants,  qui  sont  certainement  de  lui. 

Autre  différence  :  à  l'exception  du  chapitre  xi,  l'auteur  de  la 
Vie  ne  raconte  ni  n'insinue  aucun  prodige  extérieur;  la  bonne 
Sergia,  agira,  tout  autrement.  Quant  à  ce  chapitre  xi,  nous  en 
parlerons  tout  à  l'heure,  lorsque  nous  proposerons  nos  conclu- 
sions sur  la  composition  du  dialogue. 


Notre  auteur  est  donc  distinct  de  Sergia  et  lui  est  antérieur. 
Mais  il  a  certainement  connu  deux  ouvrages  auxquels  il  a  em- 
prunté, à  peu  près  textuellement,  ce  qu'ils  renfermaient  sur  le 
compte  d'Olympias  :  le  Dialogue  de  Palladios  sur  la  Vie  de 
saint  Jean  Chrysostome,  et'  Y  Histoire  Lausiaque,  dont  l'au- 
teur s'appelle  également  Palladios.  Ces  deux  Palladios  n'en  font- 
ils  qu'un?  La.  question  est  longuement  étudiée  dans  les  Acùa 
Sanctorum,  t.  XLIV  (Septembre  IV),  p.  100-105  :  nous  n'avons 
pas  à  nous  en  occuper  ici.  Mais  il  est  certain  que  plusieurs  cha- 
pitres de  notre  Vie  reproduisent  des  morceaux  entiers  de  ces 
deux  ouvrages,  comme  on  le  verra  indiqué  en  détail  dans  notre 
traduction. 

Ces  morceaux  n'ont  pas  été  ajoutés  après  coup  :  car  sans  eux 
l'histoire  d'Olympias  serait  tout  à  fait  incomplète,  et  la  Vie  in- 
intelligible (cf.  spécialement  les  chap.  ii-v;  dans  ce  dernier,  les 
nuits  par  lesquels  reprend  la  rédaction  propre  à  notre  auteur  : 
eàQéwç  ouv  y.sToi  xb  à.TtoXuOî}vai. . .  sont  la  suite  naturelle  de  la 
première  phrase  du  chapitre  ;  la  seconde  phrase  seule 
pourrait,  avoir  été  interpolée).  Mais  d'autre  part,  il  est  impos- 
sible que  les  auteurs  de  VHistoire  Lausiaque  et  du  Dialogue 
soient  venus  chercher  dans  notre  Vie  les  éléments  de  leur 
propre  ouvrage.  Cela  est  impossible  pour  de  bonnes  raisons 
données  par  les  Anal.  Boll.,  t.  XV,  p.  404;  et  ce  qui  le  prouve, 
a  posteriori,  c'est  que,  premièrement,  les  passages  communs  à 


230  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

notre  Vie  et  à  l'un  des  deux  autres  ouvrages  ne  se  ressemblent 
pas  du  tout,  suivant  qu'ils  appartiennent  au  Dialogue,  qui 
raconte  des  faits  et  les  apprécie,  ou  à  ÏHist.  Laus.,  qui  procède 
uniquement  par  énumérations  :  il  n'y  aurait  pas  cette  différence 
entre  les  deux  groupes  s'ils  étaient  deux  dérivés  d'une  même 
source.  En  second  lieu,  ces  passages  communs  offrent  souvent, 
dans  notre  Vie,  des  épithètes,  des  explications  en  plus,  et 
plus  ou  moins  adroites,  où  se  reconnaît  très  bien  ce  qui  est 
ajouté  :  dans  notre  traduction,  la  simple  vue  des  caractères  du 
texte  en  signalera  de  nombreux  exemples. 

C'est  la  présente  Vie  d'Olympias,  par  conséquent,  qui  dépend 
des  deux  autres  ouvrages  et  leur  a  fait  de  larges  emprunts. 

Elle  leur  est  même  notablement  postérieure.  Elle  l'est  surtout 
au  Dialogue,  qui  fut  composé,  comme  on  le  sait,  fort  peu  de 
temps  après  la  mort  de  Chrysostome,  et  suppose  Olympias 
encore  vivante  :  Xévexai  TrapOsvcç  u-âp^siv  (P.  G.,  t.  XL VII-, 
col.  60  B);  àxéxetai..,  icdra^ei.'..  xarafiafojsi  (col.  61  A).  Ces  présents 
sont,  dans  notre  manuscrit,  changés  en  passés  :  ots?uXcr/8ï; 
(ch.  il,  fin);  ocizeiyjTOy'éizoiaye,  auy%oczê6awev  (ch.  XIII,  fin). 

L'auteur  de  YHist.  Laus.  n'écrit,' lui,  qu'après  la  mort  d'Olym- 
pias :  TrëXeuffaaffa  (P.  G.,  t.  XXXIV,  col.  1250  A)  ;  mais  il  déclare 
avoir  été  un  des  témoins  de  ses  vertus,  un  des  exécuteurs  de  ses 
libéralités  (col.  1249  D-1250  A).  Ce  passage,  il  est  vrai,  se  trouve 
reproduit  à  sa  place  dans  notre  Vie,  mais  rien  n'autorise  à 
l'appliquer  à  notre  auteur  anonyme.  Celui-ci,  au  contraire,  a 
écrit  assez  longtemps  après  la  mort  d'Olympias  pour  connaître 
les  deux  supérieures  qui  ont  succédé  à  la  sainte,  sa  filleule 
Marina  et  ensuite  sa  parente  Elisanthia  (ch.  xn). 

Il  ne  paraît  pas  très  sûr  de  sa  chronologie  :  tout  en  repro- 
duisant (ch.  xiv)  le  passage  du  Dialogue  qui  mentionne  les  rap- 
ports d'Olympias  avec  le  patriarche  Nectaire,  prédécesseur  de 
saint  Jean  Chrysostome,  et  en  ajoutant  même  que  Nectaire 
était  archevêque  de  Constantinople,  il  paraît  supposer  (ch.  îv 
et  v)  que  Chrysostome  était  déjà  à  Constantinople  quand 
Olympias  devint  veuve  et  commença  ses  pratiques  d'ascétisme; 
et  c'est  après  avoir  déjà  parlé  de  ses  rapports  avec  Jean  qu'il 
raconte  (ch.  vi)  sa  consécration  en  qualité  de  diaconesse.  Autant 
d'anachronismes,  puisque  Olympias  fut  veuve  en  386,  affranchie 
du  séquestre  après  la  guerre  contre  Maxime,  c'est-à-dire  en  391, 


VIE  D'O'LYMPIAS  la  diaconesse.  231 

et  ordonnée  diaconesse  par  Nectaire  qui  ne  mourut  qu'à  la  fin 
de  307;  l'épiscopat  de  Jean  ne  devait  commencer  qu'en  398. 

Voici  enfin  un  autre  indice  :  les  mots  •Kùnpiâpxm  et  «p^iexf- 
œxotcoç  sont  également  inconnus  du  Dial.  et  de  VHist.  Laus... 
Notre  Vie  présente  quatre  fois  le  terme  rcaTpiapxïjç  (ch.  iv,  vu, 
ix,  xm),  et  trois  fois  âp^iëiciraoïcoç  (ch.  v,  et  deux  fois  au  ch.  xiv). 
Or  ces  titres  ne  sonl  pas  donnés  à  l'évêque  de  Constantinople 
avant  le  milieu  du  ve  siècle.  Un  document  inséré  au  milieu  des 
œuvres  de  saint  Athanase  (P.  G.,  t.  XXV,  col.  377)  contient 
bien  déjà  le  mot  âp^iexfejwjcoç  ;  saint  Epiphane  donne  deux  ou 
trois  fois  ce  titre  à  Pierre  d'Alexandrie  (P.  G-,  t.  XLII,  col. 
185,  188);  dans  les  actes  du  concile  d'Éphèse  (Mansi,  t.  IV, 
col.  1124,  1110),  on  le  trouve  appliqué  au  pape  Célestin  et  à 
Cyrille  d'Alexandrie;  le  conciliabule  d'Ephèse  en  gratifie  son 
chef,  Jean  d'Antioche  (Mansi,  t.  IV,  col.  12G1,  1261);  mais  c'est 
seulement  au  concile  de  Chalcédoine,  tenu  en  451,  que  l'évêque 
de  Constantinople,  Anatole,  nommé  à  la  suite  du  pape  Léon, 
est,  comme  lui,  qualifié  d'àp^teicfaxoicoç  (Mansi,  t.  VI,  col.  566  B) 
et  enfin  de  luaiptap^ç  (col.  909  A). 

Pour  tous  ces  motifs  réunis,  nous  pouvons  penser  que  la 
Vie  d'Olympias  n'a  pas  été  composée  avant  le  milieu  du 
ve  siècle. 

Mais  je  ne  crois  pas  que  nous  puissions  faire  descendre  beau- 
coup plus  la  date  de  composition  de  cette  biographie  :  le  saint 
patriarche  que  l'on  y  vénère  tant  n'y  est  jamais  nommé  Chry- 
sostome;  et  pourtant  ce  surnom  élogieux,  déjà  peut-être  employé 
par  Théodoret,  et  par  les  Pères  du  concile  de  Chalcédoine  (1), 
était  connu  de  tous  avant  le  milieu  du  vi°  siècle.  Ephrem  d'An- 
tioche, mort  en  515,  écrivait  'Iwavvrjç  6  Xpu<7iaTC[j.oç,  ~o  y.a-à. 
'IwcévvYjv  âvaTCTtJcjo-wv  Eùay^eXiov,  dans  une  phrase  que  nous  a 
conservée  Photius  (P.  G.,  t.  CIII,  col.  993);  et  dès  la  même 
époque,  en  Italie,  Cassiodore  usait  de  la  même  appellation, 
au  chap.  vin  du  de  Institutione  (P.  L.,  t.  LXX,  col.  1121  C)  : 
Epistolae  a  Joanne  Cfirysostomd exppsitae... 

(1)  Nous  disons  «  peut-être  »,  parce  que  les  deux  passages  de  Théodoret  où  l'on  a 
pu  relever  cette  épithète  sont  suspects,  u'étantque  des  titres  :  Hist.,  V,  titredu cha- 
pitre xxxiv,  et  Dial.  a,  titre  d'un  fragment  cité.  De  même,  la  mention  toù  (j/axapîou 
'Iwàwou  toù  XpuTouTÔ^ou  s.x  toù  xotrà  'ItoâvvTjv  n'est  que  le  litre  d'une  citation  in- 
sérée dans  l'adresse  des  Évêques  du  concile  de  Chalcédoine  à  l'empereur  Marcien 
«Mansi,  t.  VU,  col.  469  C).' 


"232  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

D'autre  port,  nous  savons  que  la  Grande-Église  et  le  monas- 
tère d'Olympias,  qui  y  attenait  (Vie,  vm),  furent  complètement 
détruits  par  un  incendie  lors  de  la  sédition  dite  N(xa,  en  532 
(Récit  de  Sergia,  ri).  Notre  auteur  n'y  fait  pas  la  plus  petite  allu- 
sion, et  parle  au  contraire  des  détails  de  l'édifice,  des  bâtiments 
donnés  par  Olympias  (Vie,  v),  comme  de  choses  actuelles  e1 
bien  connues  de  ses  lecteurs.  Il  est  vrai  que  l'imparfait  se 
trouve  employé  dans  une  phrase  descriptive  du  chapitre  vm  : 
oùcè  r.okb  yjv  to  Gtsîpycv  [xsxa^ù  tou  ts  èictaxoTceiou  xai  toj  [j.ovauT^ptou, 
la  distance  n'était  pas  grande  de  Vévêché  au  monastère.  Mais 
cette  réflexion  est  encadrée  dans  une  phrase  narrative  qui  est 
nécessairement  au  passé,  et  il  est  tout  naturel  que  la  descrip- 
tion elle-même  ait  été  mise  au  même  temps  :  on  n'en  peut 
rien  conclure  pour  l'état  des  lieux  contemporain  de  l'auteur.  Si 
quelqu'un  écrit  :  «  Chateaubriand  se  rendait  tous  les  jours  chez 
Mme  Récamier,  car  la  distance  n'était  pas  grande  de  la  rue  du 
Bac  à  l'Abbaye  aux  Bois  »,  faudra-t-il  en  conclure  que  cette 
phrase  est  nécessairement  écrite  après  la  destruction  de  l'Ab- 
baye aux  Bois?  Telle  est  la  valeur  exacte  du  passage  de  la  Vie 
qui  pourrait  suggérer  quelque  objection. 

Rappelons  enfin  que  l'auteur  ne  semble  connaître  que  deux 
supérieures  à  la  suite  d'Olympias;  et  nous  aurons  quelque 
raison  de  placer  peu  de  temps  après  le  milieu  du  Ve  siècle  la 
composition  de  ce  morceau,  au  moins  dans  son  ensemble. 


Nous  avons  déjà  éliminé,  en  effet,  les  parties  plus  anciennes 
empruntées  au  Dialogue  et  à  l' Histoire  Lausiaque.  Il  en  est 
une  autre,  au  contraire,  qui  pourrait  bien  être  plus  récente;  je 
veux  parler  du  chapitre  xi,  qui  nous  raconte  les  apparitions 
de  sainte  Olympias,  la  translation  merveilleuse  de  ses  restes, 
et  les  guérisons  obtenues  à  cette  occasion.  Ce  passage  évidem- 
ment tranche  sur  le  reste  :  le  ton  n'est  plus  le  même,  puisque 
c'est  le  seul  endroit  où  il  soit  question  de  prodiges.  La  nature 
des  faits  racontés  amène  un  vocabulaire  différent  :  on  ne  trouve 
que  là  ces  mots  spéciaux  comme  -pz-v/.r,  (répété  trois  fois), 
\).yyzx>yj.ia,  etc.,  le  terme  ^r^po-o'/J-r,;,  le  nom  du  monastère 
Hoj;j.5  tou  èv  Rp6-/8ct;.  De  plus,  ce  chapitre  interrompt  la  nar- 


vie  d'olympias  la  diaconesse.  233 

ration  :   la  suite  naturelle  du  chapitre  x,  qui  énonce  la  mort 
d'Olympias,  se  trouve  au  commencement  du  chapitre  xti  :  y.zxy. 

TYjV    aÙT/jÇ   TcXsUTTjV... 

Par  contre,  ce  hors-d'œuvre  du  chapitre  xi  amorce  parfaite- 
ment les  récits  de  Sergia  :  c'est  l'histoire  du  culte  d'Olympias 
qui  commence,  la  justification  du  lieu  où  l'on  célèbre  sa  fête,  et 
du  jour  aussi,  puisque] la  dernière  phrase  de  ce  chapitre  nous 
apprend,  d'une  façon  bien  inattendue,  qu'elle  est  morte  le 
25  juillet. 

Le  monastère  de  Saint-Thomas  àv  Bps/Oc.ç  ne  sera  plus  guère 
nommé  que  par  Sergia,  et  par  Nicéphore  à  sa  suite. 

Ce  chapitre  paraît  donc  être  un  document  postérieur,  une 
note  rédigée  par  quelque  supérieure  du  monastère  de  Sainte 
Olympias,  analogue  aux  récits  que  devaitécrire  plus  tard  Sergia, 
et  plus  ou  moins  habilement  insérée  clans  la  Vie  de  notre  Bien- 
heureuse. 

Ce  qui  resterait  en  propre  à  notre  auteur,  ce  serait  donc,  entre 
les  lieux  communs  du  début  (ch.  i  moins  la  dernière  phrase)  et 
de  la  conclusion  (ch.  xvn  et  xvm),  le  morceau  qui  s'étend  de  la 
troisième  phrase  du  chapitre  v  au  chapitre  x  inclusivement,  et 
le  chapitre  xu,  c'est-à-dire  tout  ce  qui  concerne  les  donations  ou 
fondations  d'Olympias,  l'organisation  de  son  monastère,  et  la 
manière  dont  elle  pourvoit  au  gouvernement  des  religieuses 
lorsqu'elle  est  elle-même  persécutée.  Cet  auteur  devait  donc 
vivre  à  Constantinople,  connaître  parfaitement  les  lieux  et  l'his- 
toire du  monastère.  Au  Dialogue  de  Palladios  il  a  emprunté 
surtout  l'histoire  extérieure  d'Olympias,  à  YHistoire  Lausia- 
qite,  avec  quelques  indications  généalogiques,  de  longues  énu- 
mérations  de  vertus  et  de  mérites,  sans  aucun  caractère  de 
précision.  La  conclusion  et  le  début,  n'ayant  aucune  marque  per- 
sonnelle, peuvent  être  de  lui  ou  d'un  autre  :  cela  est  sans  impor- 
tance, et  l'on  trouve  le  même  genre  de  développement  au  com- 
mencement ou  à  la  fin  de  beaucoup  d'œuvres  analogues. 

Pour  faciliter  la  lecture,  nous  avons  fait  imprimer  en  ca- 
ractères italiques,  dans  notre  traduction,  les  passages  em- 
pruntés à  YHistoire  Lausiaque,  et  en  caractères  gras  ceux  qui 
proviennent  du  Dialogue.  Tout  le  reste  pourra  être  attribué  à 
notre  auteur,  sauf  sans  doute,  comme  nous  l'avons  vu,  le  cha- 
pitre onzième. 


TRADUCTION 

Vie  ou  conduite  (l^et  actions  de  la  pieuse,  bienheureuse 
et  juste  Olympias,  qui  fut  diaconesse  de  la  très  sainte 
Grande-Église  de  Constantinople. 

Bénis,  Père, 

I.  —  La  royauté  de  notre  .Sauveur  Jésus-Christ,  quiexisteavant 
201  r  a.  les  siècles,  et  dont  l'éclat  s'étend  jusqu'aux  siècles  sans  fin, 
établit  dans  l'immortalité  ceux  qui  ont  combattu  pour  elle,  qui 
ont  achevé  leur  course,  et  qui  ont  conservé  jusqu'au  bout,  sans 
tache  et  sans  défaillance,  leur  foi  en  Dieu  (2).  Les  uns  ont  pra- 
tiqué l'hospitalité,  qui  est  le  couronnement  des  perfections, 
comme  le  saint  ancêtre  Abraham  et  son  neveu  Lot  ;  d'autres 
ont  lutté  pour  la  chasteté,  comme  le  saint  Joseph;  d'autres  ont 
soutenu  avec  patience  le  choc  des  épreuves,  comme  le  bienheu- 
reux Job;  d'autres  ont  livré  leur  corps  au  feu  et  aux  tourments 
pour  recevoir  la  couronne  d'incorruptibilité,  et  ils  n'ont  pas 
craint  les  brutalités  des  tyrans;  mais,  lutteurs  courageux,  ils 
ont  foulé  aux  pieds  le  démon,  et  se  sont  montrés  les  héritiers 
du  royaume  céleste.  Parmi  eux  fut  Thècle,  qui  règne  aujour- 
d'hui dans  le  ciel  ;  qui  remporta  par  de  nombreux  combats  la 
victoire  du  martyre;  qui,  sainte  entre  toutes  les  femmes,  mé- 
prisa les  richesses,  et  détesta  les  plaisirs  éphémères  et  funestes 
de  ce  monde.  Elle  refusa  un  riche  mariage  et  déclara  qu'elle  se 
201  r  b.  présenterait  vierge  sans  tache  au  véritable  Époux;  ayant  suivi 
les  enseignements  de  Paul,  l'apôtre  béni,  et  ayant  embrassé 
dans  son  cœur  les  Écritures  divinement  inspirées,  elle  reçut  la 
couronne  d'incorruptibilité  de  notre  Maître  et  Sauveur  Jésus- 
Christ  ;  et,  pour  les  siècles  sans  fin,  elle  jouit  du  repos  avec  tous 
les  saints  qui,  depuis  l'origine  des  temps,  ont  plu  au  Seigneur 

(1)  noXtxeioc,  conversatio,  terme  consacré  pour  désigner  la  vie  ascétique.  Il  va 
sans  dire  que  dans  toute  cette  traduction  nous  sacrifions  l'élégance  à  l'exactitude, 
et  reproduisons,  s'il  le  faut,  les  longueurs  et  lourdeurs  du  texte  original. 

(2)  t'ï.  11  77w..  iv.  7. 


vie  d'olympias  la  diaconesse.  235 

Jésus-Christ.  Sur  les  (rares  de  cette  sainte(l),  et  suivant  toute 
la  perfection  de  la  vie  divine  (2),  marcha  Olympias,  la  très 
vénérable,  très  zélée  pour  la  voie  qui  mène  au  ciel  :  en  toutes 
choses,  elle  se  conforma  à  ta  doctrine  des  divines  Écritures, 
et  trouva  ainsi  la  perfection  (3). 

II.  —  Fille  selon  la  chair  deSeleukos  (  1),  un  des  «  comités  », 
elle  était,  selon  F  esprit,  véritable  enfant  de  Dieu.  Elle  des- 
cendait, dit-on,  d'Ablabios  (5),  qui  fut  préfet,  et  elle  fut  pour 
quelques  jours  (<>)  réponse  de  Nebridios  (7),  préfet  de  Conslan- 
tinople;  niais  en  réalité  elle  ne  partagea  la  couche  de  per- 
sonne. Car,  assure-t-on,  elle  mourut  dans  l'intégrité  virgi- 
nale, ayant  donné  sa  vie  à  la  divine  Parole,  son  corps  (8)  à  f.  201  v  a. 
toute  vraie  humilité,  compagne  et  servantede  la  sainte  Eglise 
de  Dieu,  catholique  et  apostolique  (9).  Demeurée  orpheline, 
Olympias  fut  engagée  dans  le  mariage;  mais  par  la 
bonté  de  Dieu,  elle  fut  préservée  de  toute  souillure  dans 
sa  chair  et  dans  son  esprit.  Car  le  Dieu  qui  veille  sur 
toutes  choses  (10).  qui  prévoit  les  résultats  des  événements 
humains,  ne  laissa  pas  vivre  avec  elle  une  année  entière 


(1)  Taûtrr,  xax'  ï/voç...  Dans  VHist.  Lausiaque,  à  laquelle  est  emprunté  ce  pas- 
sage {P.  G.,  t.  XXXIV,  col.  D241  D),  tooityi;  désigne  sainte  Salvia. 

('2)  Hist.  Laus.  :  tv);  èvOéou  jcvsu[j«tix^ç  itoXtTetaç. 

(3)  Ces  derniers  mots  (âv  aùtoT;  sxE>>etw0Y))  manquent  dans  Hist.  Laus. 

(1)  De  Sekoundos  d'après  le  Synaxaire  de  Sirmond,  au  "21  juillet;  Akoundos 
dans  le  Ménbloge  de  Basile,  au  25  juillet. 

(5)  Cf.  Y  Introduction. 

(G)  Ainsi  dit  VHist.  Laus.  :  7tpôç  oXiyac  Y]|jipa;.  D'après  l'auteur  du  Dialogue  sur 
la  vie  de  saint  Jean  Chrysostume,  Olympias  aurait  été  mariée  <•  moins  de  vingt 
mois  »,  oùô'  eïxoai  pivot;  (P.  G.,  t.  XLV1I,  col.  60).  Le  Palladios  de  VHist.  Laus.  et  le 
Palladio*  du  Dial.  ne  semblent  donc  pas  d*accord  sur  la  durée  de  cette  union. 
C'est  pour  atténuer  la  différence,  sans  doute,  que  l'auteur  de  la  présente  Vie, 
reproduisant  le  Dial.  quelques  lignes  plus  bas,  a  remplacé  oùô'  eïxoci  pjjvaç  par 
oùô'  ÈvtauTÔv. 

(?)  Le  nom  de  Nebridios  figure  en  tête  d'une  loi  de  l'an  3S6.  Cf.  Cod.  Theodos., 
111».  III,  lit.  iv,  de  xdititiis  actionibus,  loi  unique. 

(8)  Nous   essa3rons  de  rendre  ainsi  les  métaphores  du  texte  :  aùyfjioz,  ctûveuvo:. 

(9)  Hist.  Laus.  (col.  1249  A)  :  xoivwvôç  ôè  xoù  ôiàxovoç  tkxvtwv  twv  ôeojxévwv.  Les 
métaphores  se  suivent  ainsi  plus  naturellement.  Les  Anal.  Boll.  (t.  XV, p.  404) 
voient  avec  raison  dans  ce  passage  une  preuve  do  la  dépendance  de  notre  nls. 
a  l'égard  de  VHist.  Laus.  — ■  La  suite,  jusqu'à  la  première  phrase  du  ehap.  v, 
est  reproduite  du  Dial.  {P.  G.,  t.  XLYIL  col.  60  D),  avec  quelques  variantes 
dont,  la  plus  importante  a  été  signalée  plus  haut  (n.  (>)  .-  oùô'  eïxoii  py/a?  Dial., 
oùô'  èvtavTÔv  ms. 

(10)  navTS7r67TTOu.  Dial.  :  TrpovvaxrTOU. 


236  .  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

celui  qui  fut  son  mari  pour  un  temps;  mais  il  lui  fit 
prématurément  payer  la  dette  de  la  nature.  Pour  elle, 
elle  demeura  jusqu'à  la  fin  parfaitement  vierge  (1). 

III.  —  Redevenue  libre,  elle  aurait  pu  user  de  la  règle 
donnée  par  l'Apôtre  en  ces  termes  :  «  Je  veux  que  les 
jeunes  veuves  se  marient,  dirigent  une  maison  (2),  »  mais 
elle  n'y  consentit  pas.  En  vain  la  naissance,  la  richesse, 
une  instruction  où  rien  ne  fut  épargné,  les  talents  na- 
turels, la  jeunesse  en  sa  fleur  se  réunissaient  pour  l'em- 
bellir :  comme  une  gazelle,  elle  sauta  intrépidement  par- 
dessus le  piège  des  secondes  noces.  «  Ce  n'est  pas  pour 
le  juste,  en  effet,  que  la  règle  est  faite,  mais  pour  les  re- 
belles, les  profanes  (3)  »  et  les  intempérants.  Or  il  arriva, 
f.  201  v  B.  par  une  jalousie  de  Satan,  que  son  veuvage  prématuré 
fut  l'objet  d'une  délation  ;  on  l'accusa,  auprès  de  l'em- 
pereur Théodose,  de  manquer  d'ordre  et  de  gaspiller  sa  for- 
tune :  Théodose,  comme  elle  était  sa  parente  (4),  fit  tous  ses 
efforts  en  vue  de  l'unir  en  mariage  à  un  certain  Elpi- 
dios,  Espagnol,  parent  de  l'empereur  même  (5).  Malgré  de 
nombreuses  instances  auprès  de  la  veuve  (6),  il  échoua  et 
en  fut  mécontent.  Mais  la  pieuse  Olympias  s'expliqua 
ainsi  devant  l'empereur  Théodose  :  «  Si  mon  roi,  le 
Seigneur  Jésus-Christ,  voulait  que  je  vécusse  avec  un 
homme,  il  ne  m'aurait  pas  enlevé  sur  l'heure  mon  pre- 
mier mari;  mais  m'ayant  reconnue  impropre  à  la  vie  du 

(1)  Dial.  :  Asyexat  8s  uapôÉvo?  ûrcàp-/Eiv,  au  présent,  ce  qui  semble  faire  supposer 
qu'elle  vivait  encore  au  moment  de  la  composition  du  Dialogue. 

(2)  I  Tim.,x,  11.  Nous  ne  croyons  pas  devoir  séparer  le  mot  oIkûôs<77ioteÎv  de 
la  citation,  puisqu'il  fait  partie  du  texte  de  saint  Paul. 

(3)  I  Tim,,  i,  9. 

(4)  'ETiEiôr)  ouyyevî;  aùxoO  Û7irip-/ev.  En  quoi  consistait  au  juste  cette  parenté,  il 
nous  a  été  impossible  de  le  découvrir.  Mais  elle  n'a  rien  d'invraisemblable  :  Am- 
inii'ii  Marcellin,  XX,  11,  nous  raconte  qu'une  autre  Olympias,  fille  d'Ablabios  et 
apparemment  tante  (?)  de  notre  Sainte,  aurait,  été  mariée,  ou  au  moins  fiancée, 
à  l'empereur  Constant  :  «  Constautius  Olympiada  Ablabii  filiam,  praefecli  quoû- 
iliu/t  praetorio,ei(=  Arsaci,  Ârmeniae  régi) copulaverat  conjugem,  sponsam  fralris 
sui  Constantis.  » 

(5)  Notre  ms.  présente  ici  une  longue  phrase,  alourdie  et  obscurcie  par  d'assez 
malencontreuses  additions.  Le  texte  du  Dial.  était  plus  simple  et  plus  satisfai- 
sant :  "ETvy_E  ...  ô/)),aTOp£u0ïjvai  TauTYjç  ty]v  âwpov   ^Yjpeîav  et;  xàç  àxoà;  OeoSoctiov  toù 

.  patfùéw;,  8;  ËTneuasv  aùtrjv  'EXirioîio  tivî  ouyyevei  Éauxoù  L-rcâvu)  oruvà^ai  e!ç  yâ.\x.ov.  — 
L'éditeur  des  Anal.  Boll.  préfère  lire  d7tavw  =  imberbe,  jeune  ;  uTiâvtp  est  l'ortho- 
graphe très  nette  de  notre  ms. 

(6)  Dial.  : t^v  âv8pw7rov,  difficile  à  traduire  littéralement.  Le  ms.  atov  âvOpconov. 
qui  rend  le  récit  tout  à  fait  inintelligible. 


vie  d'olympias  la  diaconesse.  237 

mariage,  comme  incapable  de  plaire  à  mon  mari,  il  l'a 
délivré,  lui,  de  cette  chaîne,  et  m'a  moi-même  affran- 
chie de  ce  joug  si  pesant  et  de  la  servitude  maritale, 
ayant  imposé  à  mon  cœur  le  joug  salutaire  de  la  conti- 
nence. » 

IV.  —  Voilà  ce  qu'elle  déclara  devant  l'empereur  Théodose, 
ii vaut  le  temps  des  machinations  dirigées  contre  Jean,  le  très 
saint  patriarche  de  Constantinople  (1).  Ayant  entendu  ce  que  lui 
déclarait  la  pieuse  Olympias,  l'empereur  ordonne  au  préfet  f.  202  r  \. 
de  la  ville,  qui  était  alors  Klementinos  (2),  de  prendre  sous 
sa  tutelle  les  biens  de  la  veuve,  jusqu'à  ce  qu'elle  ait  ac- 
compli sa  trentième  année,  c'est-à-dire  son  plein  dévelop- 
nient  physique  (3).  Le  préfet,  ayant  reçu  ce  mandat  de 
l'empereur,  la  persécutait  tellement,  à  l'instigation 
d'Elpidios,  qu'il  ne  lui  laissait  le  moyen  ni  de  s'entre- 
tenir avec  les  illustres  évêques  ni  de  fréquenter  l'é- 
glise. Ainsi  comprimée  par  l'ennui,  elle  en  viendrait 
peut-être  à  préférer  le  mariage.  Mais  Olympias,  encore 
plus  reconnaissante  à  Dieu,  répondit  à  ces  mesures  par 
cette  déclaration  :  «  Tu  as  montré  envers  mon  humble 
personne,  Seigneur  souverain  (1),  une  bonté  digne  d'un  roi 
et  qui  serait  à  sa  place  chez  un  évêque,  en  faisant 
mettre  en  sûreté  mon  très  pesant  fardeau,  dont  l'ad- 
ministration me  donnait  du  souci.  Tu  feras  mieux  en- 
core en  ordonnant  qu'il  soit  distribué  aux  pauvres  et 
aux  églises  :  car  j'ai  souvent  prié  pour  éloigner  la  vaine 
gloire  qui  peut  naître  de  cette  distribution,  craignant  f  202  r  b. 
de  négliger  les  richesses  véritables  en  me  prenant  aux 
attaches  de  la  matière.  » 


(1)  Cette  phrase,  dont  la  première  partie  fait  double  emploi  avec  le  commence- 
ment de  la  phrase  suivante,  a  été  ajoutée  au  texte  du  Dial.  Elle  ne  date  que  très 
vaguement  la  conversation  d'OIympias  avec  Théodose,  car  celui-ci  devait  mourir 
non  seulement  avant  les  machinations  dirigées  contre  le  patriarche,  mais  en  39.j, 
c'est-à-dire  trois  ans  même  avant  que  saint  Jean  ne  fût  appelé  à  l'épiscopat. 
L'auteur  de  notre  Vie  semble  bien  croire  que  Théodose  le  Grand  et  Jean  Chrysos- 
tome  vécurent  ensemble  à  Constantinople  (cf.  surtout  le  chapitre  suivant).  Cet 
anachronisme  montre  avec  évidence  que  la  Vie  est  postérieure  au  Dial.  comme 
à  l'Hist.  Laits.  Voyez  l' Introduction. 

(2)  Ce  nom  ne  se  trouve  pas  dans  le  Dial.  ;  il  n'est  mentionné  nulle  part. 

(3)  Tôv  TpiaxovraETrj  ypovov,  tout'  e<m  xr)v  toù  <îa>fi.aToç  ïjXixfav.  Ici  encore,  le  texte 
du  Dial.  est  plus  simple  ;  il  porte  seulement  tptâxovTa  lvr\  tï)v  toù  <rw[AaTo;  j)Xtx(av. 

(4)  Ce  vocatif  n'est  pas  dans  le  Dial. 


238  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

V.  —  A  son  retour  de  la  guerre  contre  Maxime  (1),  l'em- 
pereur lui  fit  rendre  la  disposition  de  ses  biens;  car  il 
avait  appris  quelle  perfection  elle  pratiquait.  Celle-ci, 
distribuant  toute  cette  infinie  et  incommensurable  richesse, 
subvint  aux  besoins  de  tous,  simplementet  indistinctement  (2)  : 
elle  surpassa  à  bien  des  titres  ce  Samaritain  que  les 
saints  Évangiles  mettent  en  scène  et  qui,  un  jour,  ayant 
trouvé  ce  voyageur  que  des  brigands  avaient  laissé 
tout  meurtri  et  demi-mort  sur  la  descente  de  Jéricho, 
le  fit  monter  sur  sa  propre  bête  et  le  mena  jusqu'à  l'hô- 
tellerie :  puis  ayant  mêlé  l'huile  de  la  charité  au  vin 
tonifiant,  il  guérit  ses  tumeurs. 

Aussitôt  donc  que  la  libre  disposition  de  ses  biens  lui  eut  été 
rendue  et  que  les  scellés  furent  levés,  ravivant  en  elle-même 
l'amour  divin,  elle  se  réfugie  au  port  du  salut,  dans  la  sainte 
f.  202  v  a.  Église  de  Dieu,  la  Grande-Église  catholique  et  apostolique  de 
cette  ville  royale;  elle  suit  dans  tout  leur  esprit  et  toute  leur 
pureté  les  enseignements,  divinement  inspirés,  du  très  saint 
archevêque  de  cette  sainte  Église,  Jean  (3),  et  elle  lui  donne 
pour  cette  sainte  Église  —  imitant  encore  en  cela  ces  ardents 
amants  et  disciples  du  Christ,  qui  au  commencement  de  la 
prédication  évangélique  apportaient  aux  pieds  des  apôtres  tout 
ce  qu'ils  possédaient  —  elle  lui  donne  dix  mille  livres  d'or, 
cent  mille  livres  d'argent,  et  toutes  les  propriétés  immobi- 
lières qui  lui  revenaient,  situées  çà  et  là  dans  les  provinces  de 
Thrace,  de  Galatie,  de  la  Cappadoce  première  et  de  Bithynie; 
de  plus,  elle  lui  donne  encore  les  maisons  qu'elles  possédait  dans 
la  capitale,  celle  qui,  proche  de  la  très  sainte  Grande-Église, 
s'appelait  «  chez  Olympias  (4)   »,  avec  (5)  la  maison  du  tri- 


(1)  L'an  391,  sept  ans  avant  l'élection  de  saint  Jean  Chrysostomc. 

(2)  Ce  début  de  phrase  est  tiré  de  VHist.  Laus.,  col.  1249  A.  Le  reste  de  la 
même  phrase  provient  du  Dial.,  col.  60  A,  avec  une  différence  dans  le  groupe- 
ment des  mots  et  la  substitution  d'-jnspëaXoOaa  à  [L\.y.v\<7(x\i.évr\. 

(3)  C'est  seulement  sept  ans  plus  tard,  en  398,  que  Jean  fut  installé  à  Constan- 
tinople. 

(4)  Tûv  'OXuE/jciâûoi;,  littéralement  «  des  propriétés  ou  des  terrains  d'Olym- 
pias  ».  Le  nom  du  propriétaire  principal  ou  primitif,  précédé  du  pluriel  neutre 
de  l'article,  servait  ainsi  souvent  à  désigner  un  immeuble,  un  pâté  de  maisons, 
un  quartier.  On  trouvera  plus  bas  xwv  Eûdcvôpou.  Cf.  Anliquit.  Constanlinop.  (P. 
G.,  t.  CXXII,  col.  1208  B)  :  Ta  ôè  Aaûcou  olxoç  rjv  Aaûcrou   7toapixiov. 

(5)  Zûv,  qui  est  ici  suivi  de  plusieurs  génitifs.  Cette  construction  n'est  pas  in- 


VIE    D'OLYMPIAS    LA    DIACONESSE.  239 

bunal  (1),  rétablissement  de  bains  complet,  et  tous  les  bâtiments 
situés  à  côté,  ainsi  que  le  Silignarion  (2);  puis,  près  des  bains  f-  202  v  b. 
publics  de  Constance  (3),  la  maison  qui  lui  appartenait  et  dans 
laquelle  elle  demeurait,  et  enfin  cette  autre  maison  à  elle  qu'on 
appelait  «  chez  Evandre  (4)  »,  ainsi  que  tontes  ses  propriétés 
des  faubourgs. 

VI.  —  Par  la  volonté  divine,  elle  est  ordonnée  diaconesse  (5) 
de  cette  sainte  Grande-Eglise  de  Dieu,  et  elle  bâtit  un  monastère 
à  l'angle  méridional  de  l'église  :  toutes  les  maisons  situées  au- 
près de  la  sainte  Église,  et  tous  les  ateliers  qui  se  trouvaient  au 
dit  angle  méridional  lui  appartenaient  en  effet.  Puis  elle  cons- 
truit le  passage  qui  monte  du  même  monastère  au  porche  de 
la  sainte  Église. 

Elle  fait  entrer  dans  ce  monastère,  en  première  ligne,  ses 
chambrières  au  nombre  de  cinquante,  qui  toutes  avaient  vécu 
dans  la  pureté  et  la  virginité.  Ce  fut  ensuite  sa  parente  Éli- 
santhiaqui,  ayant  vu  l'œuvre  bonne  et  agréable  à  Dieu  que  la 
grâce  divine  l'avait  aidée  à  accomplir,  comme  elle  était  vierge 

connue  du  grec  post-classique.  On  lit  clans  C.  I.  G.,  2114  c  et  cl,  deux  fois  ctùv 
■pvatxd;;  2131  b,  crùv  àôeXçîj;. 

(1)  Tptêouvapîoy  ras.  Tous  les  lexiques  donnent  TpiêouvâXiov.  Est-ce  une  erreur 
de  copiste,  influencé  par  le  mot  ffiXiyvapîou  de  la  ligne  suivante?  Il  est  plus  vrai- 
semblable que,  dans  la  langue  vulgaire,  le  suffixe  grec  âpiov  se  substituait  tout 
naturellement  au  suffixe  âXiov  d'origine  latine,  par  analogie  avec  les  mots  si 
connus  7to6âptov,  uXoiàpiov,  titcbiov,  wSàptov,  etc..  La  substitution  de  p  au  X  est 
d'ailleurs,  en  certains  cas,  un  phénomène  ordinaire  du  grec  moderne  :  cf.  àSspçôÇ 
=  àSeXcpôç,  Y)p8s  =  rjXQe,  etc. 

(2)  Nous  n'avons  trouvé  ce  mot  dans  aucun  lexique.  En  le  rapprochant  de 
crîXiYviç  =  fleur  de  farine,  de  aùxyvivtfc  &?toc,  (Galien,  VI,  483),  de  a-iXîyvia  {Hist. 
Laus.,  XIV;  P.  G.,  t.  XXXIV,  col.  1035  C),  nous  pensons  qu'il  doit  s'entendre 
d'un  moulin,  ou  d'un  dépôt  soit  de  farine,  soit  de  pain,  de  première  qualité. 

(3)  KwvffTavuavûv.  On  trouve  dans  les  auteurs  généralement  Kwvo-Tavnavaî  et 
quelquefois  KwyaTavxiviavac  (suppl.  0ep[xa£).  Voyez  à  ce  sujet  Du  Cange,  Cons- 
tantin. Chrisliana,  lib.  I,  xxvu,  5,  p.  91.  Ces  bains  de  Constance  (ou  de  Constan- 
tin) se  trouvaient  dans  la  10e  région  de  la  ville,  près  de  l'église  des  SS. -Apôtres. 
Ils  sont  mentionnés,  comme  le  lieu  où  se  réfugia  S.  Jean  Chrysostome,  chassé 
de  son  église,  dans  le  Dial.  sur  sa  vie,  col.  33  (P.  G.,  t.  XLVII)  ;  à  propos  du 
même  fait,  par  Socrate,  VI,  18  (P.  G.,  t.  LXVII,  col.  721  A)  et  par  Sozomène,  VIII, 
21  (ibid.,  col.  1569  C).  Dans  ce  dernier  passage,  ils  sont  qualifiés  de  XoÛTpw  ttoXu- 
X«prJTW  |j.âXa,  KwvoravTiou  toù  paatXewç  È7ca)vû[i,C(). 

(4)  Cf.  note  4  de  la  page  précédente. 

(5)  Cette  consécration  fut  faite  par  l'évèque  Nectaire,  comme  le  dit  en  toutes 
lettres  Sozomène,  VIII,  9  (P.  G.,  t.  LXVII,  col.  1540  A)  :  twStïiv...  Sidbcovov  èy_eipo- 
TovYiae  NexTdtptoç.  Une  intéressante  note  de  Valois  accompagne  ce  texte.  Cf.,  pour 
les  lois  sur  les  diaconesses,  Cod.  Thcod.,  XVI,  u,  27,  28. 


240  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

elle-même,  voulut  imiter  son  zèle  divin  et  renonça  à  tous  les 
f.  203  r  a.  intérêts  vains  et  éphémères  de  la  vie,  avec  Martyria  et  Palladia 
ses  sœurs,  vierges  comme  elle  (1).  Toutes  trois  donc,  elles 
rentrent  avec  les  autres,  après  avoir  assuré  d'avance  au 
même  vénérable  monastère  tout  ce  qui  leur  appartenait.  Il  en 
fut  de  même  d'Olympia,  nièce  de  notre  sainte  Olympias  :  avec 
plusieurs  autres  femmes  de  famille  sénatoriale,  suivant  la  grâce 
et  le  bon  plaisir  du  Dieu  qui  veut  le  salut  de  tous,  ayant  déve- 
loppé en  elles  l'amour  divin,  elles  choisirent  pour  elles  le 
royaume  des  cieux,  pleines  de  mépris  pour  toutes  ces  choses 
basses  et  abjectes;  elles  rentrent  donc,  elles  aussi,  avec  les  au- 
tres, si  bien  que  le  nombre  des  femmes  rassemblées  selon  la 
grâce  de  Dieu  dans  ce  saint  bercail  (2)  du  Christ  s'éleva  à  deux- 
cent  cinquante,  toutes  ornées  de  la  couronne  de  la  virginité  et 
pratiquant  la  vie  sublime  qui  convient  aux  saints. 
VIL  —  Les  choses  en  étant  arrivées  à  ce  point  par  le  concours 
;.  20?  r  b.  divin,  la  vraie  servante  de  Dieu  Olympias  remet  encore  à  la 
sainte  Eglise  déjà  dite,  par-  les  mains  du  très  saint  patriarche 
Jean,  toutes  ses  autres  propriétés  immobilières  dispersées  dans 
toutes  les  provinces,  et  les  droits  qu'elle  possède  sur  les  appro- 
visionnements publics  (3).  Alors  il  ordonne  aussi  diaconesses 
de  la  sainte  Église  ses  trois  parentes,  Élisanthia  (4),  Martyria 
et  Palladia,  afin  que  les  quatre  services  de  diaconesses  se  suc- 
cèdent sans  interruption  dans  le  saint  monastère  établi  par  elle. 
VIII.  —  Il  y  a  certaines  choses  qu'on  ne  pouvait  voir  sans  éton- 
nement  dans  la  sainte  troupe  et  l'angélique  institution  de  ces 
saintes  femmes  ;  leur  abstinence  et  leurs  veilles  non  interrom- 
pues,   la  continuité  de  leurs  louanges  et  de  leurs  actions  de 

(1)  Nous  n'avons  aucun  autre  renseignement  sur  ces  parentes  d'Olympias. 

(2)  Mâvôpa.  Le  mot  a  été  employé  do  bonne  heure  au  sens  figuré.  Eviph.,  Haer., 
LXXX,G^P.(r.,t.XLII,  col.765C):Èv  ;iovaffTY)pîoiç{mâp7_ovT£i;Ek<jiJV[j.âvGpaiç  xa>ov(jtivaiç. 

(3)  rioXuiy.où;  àpTouç,  ce  qu'on  appelait  en  latin  annonae  civicae  ou  civiles, 
panes  gradiles.  Lire  à  ce  sujet  le  Cod.  Théod.,  et  le  commentaire  de  Godefroy 
(éd.  Rittcr,  t.  V,  pp.  218  et  suiv.).  Ces  7to).iuxoi  âptot  constituaient  une  sorte  de 
rente  dont  le  coupon  se  touchait  en  nature. 

Cette  rente  d'une  espèce  particulière,  qui  existait  précédemment  à  Rome,  avait 
été  établie  à  Constantinople  par  Constantin  et  confirmée  par  ses  successeurs,  en 
faveur  de  ceux  qui  y  faisaient  construire  ou  y  possédaient  des  maisons  (Cod. 
Theod.,  1.  XIV,  tit.  xvu,  lois  11,  12,  13);  on  ne  pouvait  la  conserver  quand  on 
vendait  la  maison  à  laquelle  elle  était  attachée  (ibid.,  loi  1  :  cf.  le  commentaire); 
mais  on  pouvait  la  transmettre  par  héritage  ou  par  donation  (lois  10  et  12). 

(4)  Ms.  'E>,i7tav(Kav,  qui  est  évidemment  une  erreur. 


vie  d'olympias  la  diaconesse.  241 

grâces  en  l'honneur  de  Dieu,  leur  «  charité,  qui  est  le  lien  de  la 
perfection  (1)  »,  leur  tranquillité  :  il  n'était  permis  à  personne 
du  dehors,  homme  ou  femme,  de  venir  les  voir,  sauf  seulement 
au  très  saint  patriarche  Jean,  qui  venait  continuellement  et 
les  soutenait  de  ses  très  sages  enseignements.  Ainsi  fortifiées 
chaque  jour  par  ses  enseignements  inspirés  de  Dieu,  elles  al-f.  203  v  a 
lumaient  en  elles  l'amour  divin  à  la  flamme  abondante  de  la 
charité  divine   répandue   sur  lui  (2).   La  pieuse  et  bienheu- 
reuse Olympias,  imitant  encore  en  cela  les  femmes  de  la  suite 
du  Seigneur  qui  le  servaient  à  l'aide  de  leurs  propres  ressour- 
ces, préparait  ce  qui  était  nécessaire  chaque  jour  à  l'entretien 
personnel  de  saint  Jean,  et  l'envoyait  à  l'évêché  :  car  petit  était 
l'intervalle  entre  l'évêché  et  le  monastère,  séparés    seulement 
par  un  mur.  Voilà  ce  qu'elle  fit  pour  lui,  non  seulement  avant 
qu'on  eût  commencé  à  l'attaquer,  mais  encore  après   sa  con- 
damnation à  l'exil  et  jusqu'à  la  fin  de   sa  vie,   lui  fournissant 
tout  ce  qui  lui  était  nécessaire  pour  lui  et  pour  ceux  qui  étaient 
avec  lui  en  exil. 

IX.  —  Mais  le  démon  ne  peut  supporter  la  grande  et  admira- 
ble conduite  de  ces  pieuses  femmes,  telle  que  la  dirige,  après 
la  grâce  de  Dieu,  l'enseignement  ininterrompu  du  saint  patriar-  f  2°3  »'  B- 
che;  il  suscite  donc  des  hommes  pervers,  pleins  de  haine  et 
d'hostilité  contre  saint  Jean,  à  cause  de  sa  fermeté  à  convain- 
cre les  injustes  sans  acception  de  personne;  ce  démon  ennemi 
du  bien  allume  en  eux  le  trait  de  la  calomnie,  et  ils  trament 
leur  diabolique  machination  contre  lui  et  cette  pieuse  femme 
Puis  l'ayant  ainsi  calomnié,  non  seulement  à  propos  d'Olympia  s, 
mais  encore  au  sujet  des  affairés  ecclésiastiques,  ils  réussissent, 
suivant  leur  gré,  à  le  faire  condamner  etexiler.  Mais  ce  héraut  et 
maître  de  la  vérité  reçut  comme  un  noble  athlète  les  attaques 
de  ses  ennemis  et  remporta  le  prix  de  la  victoire,  étant  sorti 
des  tempêtes  de  la  vie  présente  pour  se  transporter  dans  le  calme 
d'en  haut. 

Quant  à  cette  pieuse  femme,  après  l'exil  de  Jean,  comme 
elle  persistait  à  vouloir  faire  agir  tous  les  fonctionnaires  royaux 
ou  ecclésiastiques  en  faveur  de  son  rappel,  elle  se  vit  assaillie 

(1)  Col.,  m,  11. 

(2)  La  construction  <1  i  cette  phrase  est  défectueuse  on  grec  :  (rôïpiÇôpEvat...  xai 
ivaTCTouaxi...  r,  ôiîa  'OXufuiîac... 

ORIENT   CHRÉTIEN.  1G 


242  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

de  mille  maux  par  ses  ennemis,  qui  amassèrent  contre  elle 
toutes  sortes  de  calomnies  et  d'injures  hors  de  propos,  jusqu'au 
jour  où  ils  la  firent  comparaître  devant  le  préfet  de  la  ville, 
pour  être  interrogée  par  lui  (1). 

f.  204  r  a.  X.  —  Voyant  donc  la  franchise  avec  laquelle  elle  défend  la 
vérité,  et  ne  pouvant  supporter  la  générosité  de  son  immuable 
amour  pour  Dieu,  ils  cherchent  à  faire  cesser  l'action  qu'elle 
exerçait  sans  interruption  en  vue  du  rappel  de  saint  Jean,  et 
l'envoient,  elle  aussi,  en  exil,  à  Nicomédie,  la  métropole  de  la 
province  de  Bithynie  (2).  Fortifiée  par  la  grâce  divine,  elle  sup- 
porta avec  générosité  et  courage,  pour  l'amour  de  Dieu,  la 
tempête  d'épreuves  et  de  tribulations  de  toute  sorte  qui  fondit 
sur  elle;  et  tout  le  reste  du  temps  de  sa  vie,  qu'elle  passa  dans 
la  métropole  de  Nicomédie,  elle  accomplit,  là  aussi,  sans  chan- 
gement, ses  exercices  et  sa  règle  de  vie;  victorieuse  dans  le 
bon  combat,  elle  ceignit  la  couronne  de  la  patience,  après  avoir 
remis  son  troupeau  à  sainte  Marina,  de  divine  mémoire  (3),  sa 
parente  et  sa  fille  spirituelle,  qu'elle  avait  tenue  sur  les  fonts 

i.  eoi  r  b.  du  pur  et  salutaire  baptême.  Elle  la  pria  de  s'attacher  aux  âmes 
de  ce  troupeau,  et  de  se  conserver  elle-même  en  toutes  choses  sans 
agitation.  C'est  ce  qu'elle  fit,  non  seulement  pendant  le  reste  du 
temps  que  sainte  Olympias  passa  dans  la  métropole  de  Nico- 
médie, mais  encore  après  sa  mort. 

Quand  la  pieuse  femme  en  effet  fut  sur  le  point  de  rejoindre 
ses  saints  ancêtres,  et  de  quitter  la  vie  présente  pour  être  avec 
le  Christ,  elle  chargea  de  nouveau  par  écrit  ladite  Marina,  de 
divine  mémoire,  de  s'attacher  avec  plus  d'ardeur  encore  à  la 
même  pensée  et  au  même  soin,  confiant  à  elle,  après  Dieu, 
toutes  ses  sœurs  et  le  soin  de  les  garder;  puis,  cela  fait,  elle 

(1)  Cf.  Sozomène,  VIII,  24  (P.  G.,  t.  LXVII,  col.  1577  C). 

(2)  D'après  Sozomène  (VIII,  24;  P.  G.,  col.  1580  A),  Olympias  aurait  été  simple- 
ment se  fixer  àCyzique  :âv  K-jÇi'xco  SircpiëEv.  Les  deux  villes  sont  également  sur  le 
rivage  de  la  Propontide,  et  Cyzique  était  la  métropole  de  la  Petite-Mysie.  comme 
Nicomédie  l'était  de  la  Bithynie.  Les  détails  qui  suivent  conviennent  donc  à  l'une 
aussi  bien  qu'à  l'autre.  Les  deux  traditions  sont  conciliées  dans  Nicéphore  Cali.iste 
(P.  G.,  t.  CXLVI,  col.  1012),  qui  fait  partir  Olympiade  pour  Cyzique  d'abord,  et 
de  là  pour  Nicomédie. 

(3)  'Ev  6eîa  1%  l-rfeu  Cette  locution,  très  usitée  pour  mentionner  les  défunts,  est 
généralement  construite  au  génitif.  Cf.  Chron.  Pasch.,  anno  I  Mauritii  {P.  G., 
t.  XCII,  col.  964  B)  :  [Lzxà.  ÛTiaTeîav  Ttêéptou  KwvuxavTivou  xoù  t7j;  6s;a;  XyjÇeto;.  CofiC. 
cliulr.  (Mansi,  VI,  col.  588  A)  :  sttictoW]  toù  zt,;  6sîaç  XtqËîw;  aÙTOxpâxopo;  0eo8offîo«. 


vie  d'olympias  la  diaconesse.  243 

s'échappa  de  la  tempête  des  affaires   humaines   pour  entrer 
dans  le  port  tranquille  de  nos  âmes,  le  Christ  Dieu. 

XI.  —  Or  avant  qu'on  eût  enseveli  son  saint  corps,  elle  apparut 
en  songe  au  métropolite  de  cette  même  ville  de  Nicomédie  (1), 
et  lui  dit  :  «  Dépose  mes  restes  dans  un  cercueil,  place-le  dans 
une  barque,  et  laisse  aller  cette  barque  à  la  dérive;  puis  là  où 
elle  s'arrêtera,  descendez  à  terre  et  déposez-moi  là.  »  Le  mé-  f-  20*  *  A 
tropolite  fit  ce  qu'elle  lui  avait  dit  dans  cette  vision,  mit  le 
corps  avec  le  cercueil  dans  la  barque  et  laissa  cette  barque 
aller  à  la  dérive;  vers  l'heure  de  minuit,  la  barque  atteint  le 
rivage,  devant  l'abside  (2)  de  la  sainte  maison  du  saint  apôtre 
Thomas  qui  est  a  Brokhthes  (3);  puis  elle  s'arrête,  sans  s'avan- 
cer au  delà.  A  cette  même  heure,  un  ange  du  Seigneur  apparaît 
en  songe  au  supérieur  et  au  portier  (  1)  de  la  même  vénérable 
maison  et  leur  dit  :  «  Réveillez-vous,  et  le  cercueil  que  vous 
aurez  trouvé  dans  la  barque  mouillée  près  du  rivage  devant 
l'abside,  déposez-le  dans  le  sanctuaire,  »  Dès  qu'ils  ont  entendu 
ces  paroles,  ils  voient  toutes  les  grandes  portes  de  l'église 
s'ouvrir  d'elles-mêmes  ;  mais  comme  ils  s'étaient  rendormis, 
ayant  pensé  que  le  fait  n'était  qu'une  illusion,  et  ayant  assujetti  f.  204  0  15. 
de  nouveau  les  grandes  portes,  une  seconde  fois  leur  apparaît 


■  I)  I'ansophios  était  alors  évêque  ck'  Nicoméi  lie,  et  devait  sa  nomination  à  Chry- 
sostome.  Cf.  Sozomèke,  VIII,  6  (P.  G'.,  t.  LXVII,  col.  1532  B). 

c!)  Nous  employons  ce  tonne,  à  défaut  de  mieux,  pour  traduire  le  grec  Tpor.r/.r\ 
que  II.  Estienne  (Thésaurus  linguœ  grœcse)  et  Du  Cànge  (GlossaHum  médise  et  i%- 
fimse  grsecitatîs)  définissent  fort  vaguement  pars  aedificii.  Des  trois  ou  quatre 
passages  où  se  rencontre  ce  mot,  le  plus  concluant  est  celui  du  continuateur  ano- 
nyme de  Théophane,  III,  43  {P.  G.,  t.  CIX,  col.  15ii  C).  D'après  ce  passage,  la 
TpoTuy.r,  (que  le  traducteur  latin  rend  par  apsis)  parait  être  une  sorte  de  tribune 
pratiquée  au  milieu  d'un  amphithéâtre  (fié<rov  àvaêaôfjiwv).  Elle  est  en  marbre 
([/.apiwtpivov  TpoTtnwjv)  et  appuyéd  sur  deux  colonnes  (utto  S-jo  xtôvwv  lart\ai-{\i.bitÇ)  ; 
le  peuple  se  tient  sur  lesgradins,  autour  et  au-dessous,  tandis  qu'elle  est  occupée 
elle-même  par  les  personnages  importants. 

(3)  C'est  le  nom  d'un  faubourg  de  Constantinople,  situé  de  l'autre  côté  du  dé- 
troit :  iripav  èv  (3p6y_6ot?,  lit-on  dans  le  récit  de  Sergia  que  nous  traduirons  prochaine- 
ment (ch.  iv  et  vi).  Le  prieur  du  monastère  de  Saint-Thomas  de  Brokhthes  ligure 
parmi  les  signataires  de  l'adresse  au  patriarche  Menas,  lue  dans  une  des  séances 
du  concile  tenu  à  Constantinople  en  530  (Mansi,  t.  VIII,  col.  1015  E)  :  'Iwâ-,v/i; 
êÀéio  Hsov  TtpeijSûtspo;  xxt  y]yoû[J.svo;  (j.ovfjç  toù  &Ytou  àiro<7i6Xôv  (-Iwpià  Bpoyflwv,  Otto 
<l>wTstvôv  T'i-i  oattÔToctov  èmffxoTuov  (XaXxïiSôvoç),  ûjis'ypx'ia.  On  voit  que  Brokhthes 
relevait  de  l'évèque  de  Chalcédoine. 

(1)  npo<j|j.ovap:w.  Ce  mot  se  trouve  déjà  dans  le  canon  II  du  concile  de  Chalcé- 
doine (Mansi,  t.  VII,  col.  357  D). 


24-1  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

le  même  ange  qu'auparavant,  et  jusqu'à  trois  fois  il  Tes  presse 
avec  beaucoup  d'instances  et  leur  dit  :  «  Sortez  et  prenez  le 
cercueil  de  la  pieuse  Olympias;  car  elle  a  beaucoup  souffert 
pour  Dieu  :  et  déposez-le  dans  le  sanctuaire.  » 

S'étant  alors  levés,  et  de  nouveau  ayant  vu  les  grandes  portes 
de  l'église  ouvertes,  ils  n'hésitèrent  plus  à  croire  :  prenant  les 
saints  Évangiles,  la  croix,  les  chandeliers  avec  les  cierges  et 
l'encens,  ils  sortirent  en  procession  devant  l'abside;  ils  trou- 
vèrent les  saints  restes  d'Olympias  dans  la  barque,  et  ayant 
rassemblé  tous  les  monastères  d'hommes  et  de  femmes,  à  la 
lumière  des  cierges,  au  milieu  des  louanges  et  des  actions  de 
grâces  à  Dieu,  ils  déposèrent  les  saints  restes  dans  le  sanctuaire 
de  ladite  vénérable  maison  du  saint  apôtre  Thomas  à  Brokh- 
Ihes.  De  nombreuses  guérisons  se  produisirentalors  sur  le  saint 
tombeau,  les  esprits  impurs  étant  aussi  chassés  et  beaucoup  de 

f.  205  >•/.  maladies  diverses  s'enfuyant  de  ceux  qu'elles  possédaient.  La 
mort  de  cette  sainte,  pieuse  et  bienheureuse  servante  de  Dieu, 
Olympias,  arriva  au  mois  de  juillet,  le  25,  sous  le  règne  d'Ar- 
kaçlios  le  très  divin  et  très  pieux  empereur  (1)  :  elle  prit  rang 
dans  le  chœur  des  saints  confesseurs  et  règne  pour  les  siècles 
sans  fin  avec  le  roi  immortel,  le  Christ,  notre  Dieu. 

XII.  —  Après  sa  mort,  la  véritable  servante  de  Dieu  Marina, 
cette  amie  du  Christ,  sa  parente  et  sa  fdle  spirituelle  que 
comme  il  a  été  dit,  elle  avait  tenue  sur  les  fonts  du  saint,  pur 
et  salutaire  baptême,  montra  clairement  aux  yeux  de  tous  l'amour 
qu'elle  avait  pour  cette  âme  bienheureuse  :  elle  accomplit  le 
mandat  qu'elle  avait  reçu  d'elle,  et  tout  ce  qui  lui  avait  été 
ordonné   par  la  sainte;  toute  cette  famille,  tout  ce  troupeau 

i.  205  >■  b.  dont,  après  Dieu  et  notre  Dame  la  toute  sainte  mère  de  Dieu, 
elle  avait  reçu  le  dépôt  dans  ses  mains,  elle  l'entoura  de  son 
affection  et  de  ses  soins,  le  gouverna  si  bien  qu'aucune  des 
sœurs  ne  sentit  une  privation  quelconque  après  le  départ  de  la 
Sainte.  Puis  après  la  mort  de  la  pieuse  femme  (-2),  on  élut, 

(1)  l'ai- conséquent  le  25  juillet  408,  l'empereur  Arkadios  devant  mourir  au 
mois  d'août  de  cette  même  année,  et  saint  Jean  Chrysostome,  auquel  survécul 
Olympias  (cf.  eh. vin),  étant  mort  le  14  septembre  107. 

(2)  Sans  doute  de  Marina,  bienque  la  phrase  grecque  ne 'soit  pas  très  claire;  car 
il  semble  qu'ensuite  le  pronom  aÙTîj?  (y|  oojtyj;  <7vyy£V'Ç>  sa  parente)  et  l'expression 
xrç  ôata;  -/ai  [laxapcaç  èxîivYj;  <|/u/rj;  [cette  pieuse  et  bienheureuse  âme)  désignent 
Olympias  elle-même. 


VIE    D'OLYMPIAS    LA   DIACONESSE.  245 

comme  supérieure  de  ce  saint  troupeau  du  Christ,  la  très  chère 
amie  de  Dieu,  nommée  plus  haut,  Elisanthia,  cette  diaconesse  sa 
parente  :  elle  conserva  sans  en  rien  changer  toute  la  règle  qu'elle 
avait  reçue  de  cette  pieuse  et  bienheureuse  âme,  et  suivit  la 
trace  de  toutes  ses  vertus.  iMais  arrêtons-nous  là. 

XIII.  —  J'ai  cru  nécessaire  et  tout  à  fait  utile  d'introduire  dans 
ce  récit  le  détail  des  saintes  vertus  de  cette  véritable  servante 
de  Dieu,  sainte  Olympias,  en  vue  de  l'intérêt  d'un  grand  nombre. 
Aucun  lieu  (1),  aucunpays,  ni  désert,  ni  fie,  ni  endrmtèloi- 
gné  ne  demeura  étranger  aux  largesses  de  relie  femme  glo- 
rieuse ;  elle  secourut  les  églises  en  contribuant  aux  offrandes 
liturgiques,  les  monastères,  les  couvents  et  les  parères  (2),  f.  205  v  a. 
les  prisons  et  les  exilés  ;  en  un  mot,  elle  répandit  ses  au- 
mônes sur  tonte  la  terre;  ainsi  relie  bienheureuse  Olympias 
atteignit  la  limite  suprême  de  Vaumône  et  de  Vhumilité  (3). 

On  ne  saurait  trouver  ce  qu'il  peut  y  avoir  au  delà  :  vie  sans 
vanité,  extérieur  sans  recherche,  caractère  sans  aucune  feinte, 
visage  sans  apprêt,  veilles  sans  aucun  sommeil  (A),  corps 
incorporel,  esprit  sans  frivolité,  intelligence  sans  ténèbres, 
errur  sans  agitation,  ardeur  sans  indiscrétion,  charité  sans 
bornes,  libéralité  incompréhensible,  vêtements  méprisables, 
abstinence  sans  mesure,  rectitude  de  pensée,  espérances  im- 
périssables en  Dieu,  aumônes  incalculables,  richesse  de  tous 
les  humbles;  et  elle  fut  (5)  dignement  honorée  par  le  très 
saint  Patriarche  Jean.  Elle  s'abstenait  de  tout  aliment 
vivant  ;  elle  passait  la  plus  grande  partie  du  temps  sans 
se  baigner;  et  si  la  faiblesse  de  sa  santé,  car  elle  souf- 
frait continuellement  de  l'estomac,  lui  rendait  le  bain 
nécessaire,  elle  ne  descendait  dans  l'eau  qu'avec  une 
tunicelle,  par  respect  pour  elle-même,  comme  l'on  dit. 

XIV.  —  Elle  pourvut  à  l'entretien  de  plusieurs  Pères  et  en  f-  205  v  u 

(1)  Cf.  Hist.  Laus.,  col.  1249  A-B. 

(2)  IlTwyoï;.  L'Hist.  Laus.  porte  Ti-zo)yj>iç?$zioi.:,  qui  est  plus  en  harmonie  avec  les 
mots  voisins  •/.otvoëtotï,  çu).axaï;. 

(3)  ïïj;  Ta7T£ivo^poCT-Jvr,:.  Ce  mot  est  bien  dans  le  ras.,  malgré  l'indication  con- 
traire' des  Anal.  Doit. 

(  1)  "Aùnvo;  àypviTtvb.  se  trouve  un  peu  plus  loin  dans  Hist.  Laus.,  après  àtâpa/.To: 
xapota. 

(5)  Dial.,  c  .01  A-C.  11  est  à  noter  que,  dans  le  Dia/.,  la  phrase  suivante  est 
tout  entière  au  présent  :  i-xéyz-ni,  r^m/v..  xaTa?a{vîi.  Notre  auteur  emploie  au 
contraire  L'imparfait. 


246  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

particulier,  ai-je  dit,  à  celui  du  bienheureux  archevêque 
Jean  ;  et  elle  sut  se  montrer  digne  de  la  vertu  du  pa- 
triarche :  car,  lorsqu'il  eut  été  victime  de  ces  intrigues  et  exilé, 
comme  il  a  été  dit  plus  haut,  la  pieuse  femme  pourvut  sans 
défaillance  (1)  à  ses  besoins  et  à  ceux  de  tous  ses  compagnons. 
Et  ce  n'est  pas  peu  de  chose  pour  des  ouvriers  du  Christ, 
qui  portent  nuit  et  jour  le  souci  des  choses  du  Christ. 
Comme  saint  Paul  (2)  salue  Persis,  Tryphaena,  Tryphôsa, 
Olympïas  elle  aussi,  cette  pieuse  imitatrice  du  Christ,  recul 
sans  doute  la  même  salutation  (3). 

Jesais  que  cette  toute  vertueuseet  inspirée  de  Dieu  Olympias 
servit  aussi  le  bienheureux  Nectaire,  archevêque  de  Cons- 
tant inople  (4),  qui  même  dans  les  affaires  de  l'Église  lui 
obéissait;  et  Amphiloque,  évèque  dlconium  (5);  et  Opti- 
mos  (G),  et  Pierre  (7)  et  Grégoire  (8),  le  frère  de  saint  Ba- 
sile; et  Epiphanios,  archevêque  de  Constance  de  Chypre  (9), 
et  beaucoup  d'autres,  parmi  les  saints  et  divins  (10)  Pères  qui  rési- 
dèrent dans  la  capitale  ;  i  t  auxquels,  est-il  besoin  de  le  dire? 
f.  206  ;  a.  die  donna  des  biens  fonciers  et  de  l'argent. 

Quand  Optimos,  qu'on  vient  de  nommer,  mourut  à 
Constantinople,  de  ses  propres  mains   elle   ferma  les 

(  I  )  Notre  lus.  a  tiré  à  peu  près  ce  mot  (àmpiaizâaTUK-)  du  Dial.  (qui  présente  tô 
à-îf»i(77ra(7Tov).  mais  a  changé  complètement  le  sens  de  la  phrase. 

(2)  Le  nis.  de  Paris  et  celui  de  Florence  ont  ici  w;  âsî  ô  naù/.oç  :  as:  semble  avoir 
été  substitué  à  >iy£i  du  Dial. 

(3)  La  phrase  correspondante  dans  le  Dial.  est  plus  explicite  et  mieux  cons- 
truite :  «  Connue  «lit  Paul,  saluant  Persis  qui  avait  peut-être  soutenu  les  mêmes 
fatigues  qu'Olympias  :  Saluez,  écrit-il,  Persis  la  bieh-aimée  qui  a  beaucoup  souffert 
dans  le  Seigneur  (Rom.,  xvi,  P2).  Car  tous  cherchent  leur  intérêt  et  non  celui  du 
Christ  (Philipp.,  h,  21).  »  Notre  auteur  a  ajouté'  deux  noms  propres  qui  se  trou- 
vent en  effet  en  saint  Paul  dans  la  phrase  précédente,  puis  il  a  résumé  et  bou- 
leversé la  phrase  du  Dial. 

(4)  Prédécesseur  de  saint  Jean,  patriarche  en  381,  mort  en  397. 

(5)  Disciple  et  ami  de  saint  Basile.  évêquéen375. 

(6)  Évèque  d'Antioehe  de  Pisidie,  un  des  signataires  du  premier  concile  géné- 
ral de  Constantinople  en  381. 

(7)  Le  plus  jeune  des  frères  de  saint  Basile,  évèque  de  Sébaste  d'Arménie  en 
379  ou  380. 

(8)  Saint  Grégoire,  évèque  de  Nysse  en  372.  —  Le  Dial.  porte  rpr,vôpiov  xai 
néx-pov  tov  àos).sbv  BaaiXeiou.  L'auteur  de  notre  Vie  aura  peut-être  hésité,  ne  con- 
naissant pas  ce  Pierre. 

(9)  Saint  Épiphane,  évèque  de  367  à  103.  Constance  de  Chypre  est  l'ancienne 
Salamine. 

(Ï0)  Littéralement  :  qui  portent  Dieu,  Ôeoyôpwv. 


vie  d'olympias  la  diaconesse.  247 

yeux  de  ce  grand  personnage.  De  plus,  elle  soulagea  en 
toutes   choses  et  sans    mesure   tous  les  malheureux. 

Elle  soutint  Antiokhos  dePtolémaïs  (1)  et  Akakios,  évèque 
de  Bérœa  (2),  et  le  1res  saint  Sévérien,  évèque  de  Gabala(3), 
et  plus  ou  moins,  en  un  mot,  tous  les  ecclésiastiques  de 
passage,  un  nombre  incalculable  de  moines  et  de  vierges. 

XV.  —  A  cause  de  cette  sympathie  pour  eux  (4),  elle  essuya  de 
nombreuses  épreuves  par  le  fait  du  mal  in  et  de  l'ennemi  du 
bien,  et  soutint  degrands  combatspour  la  vérité  divine,  nuit  et 
jour1,  sans  interruption,  elle  vécût  au  milieu  de  larmes  infinies, 

«  soumise  à  toute  créature  humaine  à  cause  du  Seigneur  (5)  », 
pleine  de  toute  prudence  et  s  inclinant  devant  les  saints,  véné- 
rant les  Ëvêques,  honorant  le  sacerdoce,  respectant  le  clergé,  f.  206  r  b 
accueillant  les  moines,  favorisant  les  vierges,  secourant  les 
veuves  ^élevant  les  orphelins,  protégeant  la  vieillesse,  soutenant 
les  faibles,  compatissant  aux  pécheurs,  guidant  les  égarés, 
ayant  pitié  de  tous,  s' attendrissant  sans  rien  épargner  sur  les 
pauvres,  catéchisant  beaucoup  de  femmes  infidèles,  et  leur 
procurant  les  secours  nécessaires  à  la  vie,  elle  laissa,  par  toute 
sa  conduite,  une  impérissable  réputation  de  bonté;  ayant  ap- 
pelé de  l'esclavage  à  la  liberté  la  nombreuse  troupe  de  ses  ser- 
viteurs, elle  voulut  les  honorera  l'égal  de  sa  propre  noblesse; 
ou  plutôt,  s  il  faut  dire  la  vérité,  ils  paraissaient,  par  leurs 
dehors,  plus  nobles  que  cette  sainte;  car  on  n  aurait  pu  rien 
trouver  qui  fût  plus  simple  que  son  habillement  :  les  plus 
misérables  porteurs  de  haillons  auraient  jugé  indignes 
(Veux  les  vêtements  qui  suffisaient  à  son  héroïque  vertu  (6). 
Elle  conservait  en  elle  une  telle  douceur  qu'elle  dépassait  la 
simplicité  même  des  enfants  :  jamais  aucun  blâme,  même  à 
l'adresse  de  ses  proches,  ne  se  faisait  entendre  chez  cette  véri- 


(1)  Cet  évèque  assistait  au  conciliabule  du  Chêne  (103),  et  faisait  partie  de  la 
majorité  hostile  à  saint  Jean  Chrysostome. 

(2)  En  Syrie.  Cet  Akakios  était  à  la  tête  de  la  délégation  envoyée  à  Rome  vers 
399  par  L'évêque  Flavien,  et  dont  le  retour  termina  définitivement  le  schisme 
d'Antioche. 

(3)  Également  en  Syrie.  L'évêque  Sévérien  vint  souvent  prêcher  à  Constanti- 
nople  sous  le  régne  d'Arcadios,  et  mourut  sous  Théodose  II,  après  408. 

(4)  Hist.  Laus.,  col.  1249  B-1250  A. 

(5)  I  Petr.,  n,  13.  Notre  ms.  porte  çûasi  au  lieu  de  xtioei. 

(6)  Ta  T7jî  âvcpsia;  xaÛTr(ç  GXE7tâ<7|j.aTa.  Hist.  Laus.  :  xà  vffi  ôata;  xaiJTï]ç  ax. 


248  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

f.  206  v  a.  fable  image  du  Christ  (1)  ;  toute  sa  vie,  qui  n'était  pas  une  vie, 
sepassait  dans  la  pénitence  et  dans  un  abondant  écoulement 
de  larmes;  et  il  eût  été  plus  facile  de  voir  tarir,  dans  tes 
canaux  (2),  les  eaux  dérivées  d'une  source,  que  de  voir  ses 
yeux,  toujours  baissés,  et  toujours  fixés  sur  le  Christ,  cesse)' 
un  moment  de  pleurer.  Pourquoi  en  dire  plus  long  ?  quoi 
que  je  puisse  rappeler  à  ma  pensée  pour  raconter  à  loisir  les 
combats  et  les  vertus  de  cette  âme  ardente  (3),  les  paroles  pa- 
raîtront bien  en  arriére  de  ses  œuvres  (4).  Qu'on  ne  croie  pas 
que  je  fasse  œuvre  d'imagination  en  partant  ainsi  de  cette 
inébranlable  O/gmpias,  qui  tout  entière  d'ailleurs  fut  vrai- 
ment le  vase  précieux  du  Saint-Esprit;  mais  j'en  parle  en 
témoin  oculaire  (5),  eu  homme  qui  a  pu  voir  la  vie  de  cette 
bienheureuse  et  sa  conduite  angélique,  comme  étant  son 
véritable  ami  spirituel,  et  intimement  lie  avec  sa  famille, 
par  qui  enfin  fut  faite,  suivant  ses  intentions,  la  distribution 
de  beaucoup  de  ses  biens  (6). 

XVI. —  Cette  divine  et  divinement  inspirée  Olympias,  n'ayant 
plus  aucun  sentiment  charnel, soumise  aux  autorités,  obéis- 

i.  206  v  b.  saule  aux  puissances,  s  inclinant  devant  tes  Églises  (7),  vé- 
nérant les  é vécues  et  les  pré  1res,  honorant  tout  le  clergé, 
fut  donc  trouvée  digne  de  rendre  témoignage  à  la  vérité  et 
fut  assaillie  par  des  tempêtes  d'injustes  diffamations  ;  elle 
est  placée  au  rang  des  Saintes  qui  ont  confessé  ta  foi  par  tous 
les  pieux  habitants  de  Constantinople.  Car  elle  s'exposa  de 
1res  prés  à  la  mort   dans  ses  luttes  pour  la  cause  divine,  et 


(  1)  XciffTO'^ÔpW. 

(2)  'Ev  toï;  <7-/.à!J.[j(.a<7iv.  Le  ms.  de  Florence,  et  l'Hist.  Laits.  :  èv  xoï;  xaO(j.acnv, 
dans  les  grandes  chaleurs  (1). 

(o)  nenupu>(Jt.évY];.  L'écriture  de  ce  mot  est  défectueuse  :  on  pourrait  lire  peut- 
être  TCETrspaffuivr,;,  accomplie.  Hist.  Laus.,  ite7rsTpto{Aévï;ç,  pétrifiée, c.-à-d.  sans  doute 
solide  comme  un  rocher.  Cf.  plus  bas  àiraôecxâTr,;. 

(4)  Uo1:j  -/.atô-tv  ciî  '/.ÔYoï...  C'est  le  texte  d'Hist.  Laits.  Cette  leçon,  qui  nous  pa- 
raît authentique,  est  devenue  dans  notre  ms.  7toX).&i  xcù  xaneivo:  ).6vch,  la  pronon- 
ciation n'étant  guère  différente. 

(5)  C'est  l'auteur  de  YBist.  Laus.,  ne  l'oublions  pas,  qui  nous  fait  cette  décla- 
ratif m. 

(6)  Déjà  obscure  dans  l'Hist.  Laus.,  cette  phrase  est  évidemment  altérée  dans 
le  ms.  Nous  reproduisons,  faute  de  mieux,  l'interprétation  du  traducteur  latin 
{P.  G.,  col.  1247  D). 

(7)  Le  ms.  porte  clairement  ÈxxXY]<naiç. 


vie  d'olympiAs  la  diaconesse.  219 

mourant  au  milieu  de  ces  fuites,  elfe  conquit  la  gloire  des 
bienheureux  avec  la  couronne  éternelle.  Maintenant  elle 
triomphe  dans  les  demeures  immaculées,  où  elle  habite  avec 
les  âmes  pieuses  et  semblables  à  elle,  et  où  elle  demande  avec 
assurance  au  Maître  divin  la  /■(''compense  de  ses  bonnes  œu- 
vres. 

XVII.  —  Demandons-lui  donc  ses  prières  pour  fléchir  le  Dieu 
tout  miséricordieux  et  compatissant,  afin  qu'il  détourne  de  nous 
le  châtiment  de  nos  péchés;  pour  faire  éteindre  la  flamme  ven- 
geresse allumée  par  nos  faute;  pour  revenir  en  esprit  de  pé- 
nitence au  Dieu  dont  le  cœur  se  laisse  toucher,  et  obtenir  de 
lui  l'infinie  pitié. 

La  sainte  et  bienheureuse  femme  nous  adresse  une  exhor- 
tation, à  nous  qui  lisons  ou  entendons  le  récit  de  sa  vie;  elle 
nous  donne  cette  leçon,  dans  le  Christ  Jésus,  par  la  voix  de  f.  207  r  i\. 
saint  Paul,  le  coryphée  des  saints  apôtres  :  «  Conservez  les 
traditions  qu'on  vous  a  apprises  (1)...  Veillez  à  marcher  non 
comme  des  insensés,  mais  comme  des  gens  sages;  rachetez  le 
temps,  car  les  jours  sont  mauvais  (2)...  Car  nous  n'avons  pas 
à  lutter  contre  la  chair  et  le  sang,  mais  contre  les  princes, 
contre  les  puissances,  contre  les  dominateurs  de  ce  monde  de 
ténèbres,  contre  les  esprits  mauvais  répandus  dans  l'air  (3).  » 
Cela  veut  dire  non  seulement  contre  les  hommes,  mais  contre 
les  esprits  impurs,  ceux  qui  suggèrent  à  chacun  de  nous  de 
persister  clans  ses  égarements,  et  ruinent  par-dessous  ceux  qui 
s'élèvent  (4).  «  C'est  pourquoi,  prenez  l'armure  de  Dieu  (5)  », 
c'est-à-dire  la  pureté  de  corps  et  d'esprit,  l'humilité,  la  douceur, 
la  continence.  «  Que  personne  ne  rende  à  autrui  le  mal  pour 
le  mal  ((3)  »  ;  mais  si  tu  vois  ton  frère  faire  quelque  faux  pas  (7), 
ou  sur  le  point  d'être  terrassé  par  le  démon,  ne  le  laisse  pas 
tomber  par  ton  silence,  mais,  suivant  le  précepte  de  la  divine 


(1)  II  Thess.,  11,  15;  et  I  Cor.,  xi,  2. 

(2)  Eph.,  v,  15-16. 

(3)  Eph.,  vi,  12. 

(4)  Ms.  :  ta  ûîtoêiÀXovTa  toù;  TcXivouç  iv5î).£-/£ïv  éxâarco  xai  &mjç6eîpetv  toù;  [Xîtswpouç. 
Nous  proposons  Û7to?8eîpovTa 

(5)  Eph.,  vi,  13. 

(6)  I  Thess.,  v,  15. 

(7)  Cf.  I  Jo.,  v,  10. 


250  REVUE    DE    L'ORIENT  CHRÉTIEN. 

Écriture,  «  avertis,  reprends,  exhorte  (1)...,  veillant  sur  toi 
même  afin  de  n'être  pas  tenté  (2),  »  que  personne  donc  ne  vous 
séduise  par  les  apparences  persuasives  et  flatteuses  des  vaines 
paroles  (3)  ;  mais  conduisez-vous  avec  dignité  «  envers  tous 
et  surtout  envers  les  proches  dans  la  foi  (1)  ».  Voyez  bien  en- 
core ceci  :  si  une  femme,  mariée  à  un  homme  mortel  et  péris- 
sable, se  laisse  corrompre  par  un  autre,  elle  encourt  les  châti- 
ments, les  supplices,  l'exil  :  combien  plus  encore  celui  qui 
s'est  engagé  envers  notre  maître  et  seigneur  Jésus-Christ,  s'il 
l'abandonne  (5)  et  se  livre  à  cette  vie  éphémère  et  vaine,  «  mé- 
ritera-t-il  un  pire  châtiment  (6)  »  !  Que  le  Seigneur  nous  rende 
donc  «  purs  et  irréprochables  devant  lui  dans  son  amour  (7)  », 
f.  2o7  r  b.  Par  l'intercession  de  notre  sainte  et  glorieuse  Dame  Marie,  mère 
de  Dieu  et  toujours  vierge,  et  par  celle  de  la  pieuse  Olympias, 
nous  et  les  lecteurs  et  auditeurs  au  cœur  sincère  !  Daigne  le 
Seigneur  accorder  grâce  et  pitié  au  jour  de  la  justification!  Et 
il  nous  délivrera  (8)  tous  et  toutes  de  toute  action  diabolique, 
dans  le  Christ  Jésus  Notre-Seigneur. 

18  (9).  —  Je  vous  demande,  moi  le  pécheur  qui  ai  écrit  cette 
Vie,  et  je  vous  conjure  au  nom  du  Dieu  charitable  et  tout-puis- 
sant et  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  et  du  Saint-Esprit,  vous 
qui  la  lisez  dans  la  paix  ou  qui  l'écoutez  dans  une  sainte  espé- 
rance, priez  pour  ma  pauvre  âme,  afin  que  la  rémission  des 
péchés  et  l'heureuse  justification  soient  accordées  à  moi  et  à 
tous  les  lecteurs,  par  notre  charitable  Sauveur  Jésus-Christ  le 
Dieu  vrai  et  vivant,  car  à  lui  convient  la  gloire,  l'honneur, 
l'adoration,  avec  le  Père  et  le  Saint-Esprit,  maintenant  et  tou- 
jours et  dans  les  siècles  des  siècles.  Amen. 

Paris.  Joseph  Bousquet, 

agrégé  de  l'Université, 
Vice-recteur  de  l'Institut  catholique. 

(1)  II   Tim.,  iv,  -2. 

(2)  Gai,  vi,  1. 

(3)  Cf.  Col.,  n,  1;  et  Eph.,\,6. 

(4)  Gai.,  vi,  lu. 

(5)  Nous  adoptons  la  leçon  du  ms.  de  Florence  :  âàv  èâcaç  avrbv  xoMyiÔsiy).  Cf. 
plus  haut  èàv...  eûo£8s:yi. 

(G)  Hébr.,  x,  29. 
(7)Eph.,i,   1. 

(8)  "Piatxa.:.  Ce    futur   étonne  un  peu  ;  mais   le  subjonctif  pôcr/ycat  du  ms.  de 
Florence  n'étonne  pas  moins,  après  les  optatifs  7roir;<7ai  et  8(j>ï). 

(9)  Ce  dernier  alinéa  manque  totalement  dans  le  ms.  de  Paris. 


DESCRIPTION  D'UN  MANUSCRIT  ARARE-CHRÉTIEN 

DE  LA  BIBLIOTHÈQUE  DE  M.  CODERA 

(LE  POÈTE    'ISA  el-hazâr) 

M.  Codera,  le  vénérable  maître  des  arabisants  espagnols, 
conserve  depuis  de  longues  années  dans  sa  bibliothèque  (tiroir 
n°  12  des  brochures)  un  petit  cahier  manuscrit  renfermant  une 
collection  de  poésies  arabes  à  la  louange  de  la  sainte  Vierge  et 
de  Jésus-Christ.  Il  ignore  tout  à  fait  la  provenance  et  l'origine 
du  manuscrit;  il  se  souvient  seulement  de  l'avoir  acheté,  il  y  a 
vingt-cinq  ans  environ,  à  Saragosse  chez  un  libraire  de  hasard. 

L'année  dernière,  en  fouillant  dans  ce  tiroir  n°  12  pour  con- 
sulter une  brochure  arabe  qui  m'intéressait,  je  trouvais  occa- 
sionnellement ce  petit  cahier,  et  après  l'avoir  feuilleté  quelques 
fois,  j'ai  fini  par  croire  qu'il  pourrait  intéresser  les  arabisants 
qui  se  préoccupent  de  la  littérature  et  de  l'histoire  chrétienne 
de  l'Orient.  J'ai  fait  part  de  mes  idées  à  mon  savant  ami 
M.  l'abbé  F.  Nau,  et  il  m'a  prié  de  publier  ici  une  petite  note 
descriptive  du  manuscrit.  Mais,  les  études  historiques  et  litté- 
raires au  sujet  de  l'Orient  chrétien  ne  rentrant  pas  dans  le 
cadre  ordinaire  de  mes  études,  je  me  bornerai  à  faire  connaître 
l'ouvrage  à  mes  lecteurs.  Peut-être  quelques-uns  d'entre  eux 
pourront-ils  déduire,  des  données  apportées  par  moi,  quelque 
chose  de  certain  sur  la  personnalité  de  l'auteur  des  poésies 
que  le  manuscrit  renferme.  Je  tâcherai  donc  de  m'acquitter  de 
mon  rôle  en  simple  rapporteur  fidèle  et  concis 

I. 

Le  manuscrit  en  papier  fil,  cousu,  mais  non  relié,  est  com- 
posé de  24  feuillets  de  0m,240  x  0m,095.  Chaque  page  a  au 
maximum  23  lignes,  au  minimum  20.  L'écriture,  en  encre 


•252  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

noire,  est  orientale,  très  élégante  et  soignée.  Il  n'y  a  pas  de 
date(l).  Le  titre  se  trouve  au  verso  du  premier  feuillet  : 


^ 

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J~>.  ^ 

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J~j 

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Lv-* 

J 

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«  Au  nom  du  Père  et  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  un  seul  Dieu. 
Nous  commencerons  avec  l'aide  de  Dieu  (qu'il  est  grand!)  et 
écrirons  quelques  louanges  en  l'honneur  de  la  Sainte  Vierge.  » 
Le  manuscrit  finit  au  recto  du  feuillet  24,  sans  aucune  note. 
J'ignore  donc  s'il  s'agit  d'une  copie  ou  d'un  autographe.  Au 
verso  de  ce  dernier  feuillet,  on  lit  :  N.  61.  —  M.  3.  Est-ce  le 
numéro  d'ordre  du  manuscrit  dans  le  catalogue  de  quelque 
bibliothèque  publique  à  laquelle  il  aurait  appartenu  autrefois? 
Au  premier  coup  d'œil,  cette  hypothèse  semble  raisonnable. 
Mais  les  catalogues  des  bibliothèques  espagnoles  que  j'ai  exa- 
minés, c'est-à-dire  les  ouvrages  de  Casiri,  Derenbourg  et  Gui- 
llén  Robles,  ne  disent  pas  un  mot  sur  notre  petit  cahier.  J'étais 
donc  sur  le  point  de  renoncer  à  toute  recherche  au  sujet  de 
sa  provenance,  quand  M.  Codera  m'a  communiqué  le  texte  sui- 
vant qu'on  lit  dans  le  Glosarîo  de  voces  ibéricàs  y  latinas, 
usadas  entre  los  mozarabes par  F.  J.  Simonet  (Madrid,  1888; 
pag.  xvi i)  :  «  En  la  Biblioteca  Nacional  de  Madrid  existiô  un 
manuscrite  arâbigo  de  época  para  nosotros  desconocida,  que, 
segûn  el  indice,  contenia  unas  Canciones  en  loor  de  Nuestra 
Senora,  escritas  por  cierto  Isa  el  Hazar,  que  â  juzgar  por  la 
lengua  en  que  escribiô  y  por  la  catôlica  devociôn  que  inspirô 
sus  rimas,  debio  ser  un  Mozarabe  espanol.  »  Et  au  bas  de  la 
page,  M.  Simonet  donne  dans  une  note  la  signature  66d.  M.  222. 
comme  propre  du  susdit  manuscrit.  Ce  numéro  d'ordre,  on  le 
voit,  n'est  pas  celui  qu'on  trouve  sur  le  manuscrit  de  M.  Co- 
dera. Et  pourtant,  les  deux  manuscrits  se  ressemblent  parleur 
titre  et,  ce  qui  est  plus  bizarre  encore,  par  le  nom  de  l'au- 

(1)  M.  Blochet,  à  qui  nous  avons  communiqué  la  dernière  feuille  du  manus- 
crit, a  eu  l'amabilité  de  nous  rédiger  la  note  suivante  :  «  Manuscrit  syrien 
écrit  sur  papier  de  fabrication  turque  à  la  fin  du  xvie  ou  tout  au  commence- 
ment du  xvir  siècle.  >• 


DESCRIPTION    D'UN    MANUSCRIT   ARABE-CHRÉTIEN.  253 

teur.  Nous  verrons  plus  loin,  en  effet,  que  l'auteur  du  manus- 
crit de  M.  Codera  est  nommé  à  plusieurs  reprises,  au  milieu 
des  poésies,  'Isa  el-Hazâr.  Or  mettant  de  côté  la  très  hasar- 
deuse conjecture  de  M.  Simonet  sur  la  patrie  de  l'auteur,  qui 
n'a  rien  d'espagnol,  il  faut  conclure  que  le  manuscrit  de  M.  Co- 
dera est  vraisemblablement  celui  auquel  M.  Simonet  fait  allu- 
sion, dans  son  Glosario,  comme  déjà  disparu  de  la  Bibliothè- 
que Nationale  de  Madrid.  Dès  le  commencement  du  xixe  siècle, 
il  y  manquait  déjà.  Le  Indice  de  la  Sala  de  Manuscrites, 
hecho  por  el  E.  S.  IL  Augustin  Duran  à  cette  date,  dit  en 
effet  :  «  M.  222.  Faltaba.  Maria  Virgen.  —  Coleccion  de  can- 
ciones  en  loor  de  Ntra.  Sra.  —  En  arabe.  —  Por  Issa  el  Ha- 
zar.  »  Duran  —  qui  n'était  pas  un  arabisant  —  copie  un  cata- 
logue plus  ancien  que  nous  n'avons  pu  retrouver.  .Simonet 
basa  ses  conjectures  sur  la  phrase  de  Duran.  Ni  l'un  ni  l'autre 
n'ont  vu  le  manuscrit.  Avant  le  xixa  siècle,  tout  autre  rensei- 
gnement sur  notre  manuscrit  fait  défaut,  et,  par  conséquent, 
son  origine  reste  inconnue.  Peut-être  quelqu'un  des  Maronites 
venus  en  Espagne,  au  temps  de  Casiri,  l'aurait-il  apporté  de 
l'Orient.  Je  n'oserais  pas  l'affirmer;  mais  une  chose  restera 
toujours  évidente  :  c'est  que  le  manuscrit  est  du  moins  assez 
antérieur  au  xix°  siècle. 


II 

Le  manuscrit  de  M.  Codera  renferme  dix-neuf  poésies,  dont 
trois  en  l'honneur  de  Jésus-Christ,  quinze  en  l'honneur  de  la 
Sainte  Vierge,  et  une  seulement  destinée  à  chanter  en  ton  élé- 
giaque  la  séparation  de  l'a  me  et  du  corps.  J'en  donne  tout  de 
suite  les  titres  et  les  premier  et  dernier  vers  de  chacune,  afin 
qu'on  puisse  les  reconnaître  si  elles  se  trouvent  encore  dans 
d'autres  manuscrits  ou  dans. des  bréviaires  des  églises  de  l'O- 
rient. Le  manuscrit  de  M.  Codera  n'ayant  aucune  numérotation 
par  feuillets,  je  l'ai  numéroté  au  crayon  pour  faciliter  les  réfé- 
rences. 

lre.  —  Sans   titre.  —  Comm.  :  ^^Ji   Lii.   *jy   ?>'JJ>      <j^ 

,.    CL" 


<&i 


Fin  :  feuillet  3  verso,  ligne  3  inf.  ;  ^îp 


Cette  poésie  est  composée  de  sept  strophes  dont  chacune  ren- 


254  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

ferme  sept  vers,  suivis  d'une  reprise  de  mètre  différent  qui 
finit  toujours  avec  les  mois  kjLJU  J?.^  J^-*- 

or.  _  Titre  :  J^y  J1)=  ^jj  J~  u$j^  J  ***■*•  ^j-  — 
Comm.  :  f.  4,  1.  1  :  3^\  JUf  ^  JLxJ!  Jyi).  -  Fin  :  f.  4  v°, 
1.  6  inf.  :  J^r*3^  d>  ***'—  J^W  ^  !**«*■■  —  Cette  poésie  est 
composée  de  douze  vers  de  différents  mètres,  suivis  de  quatre 
strophes  régulières  dont  chacune  renferme  cinq  vers. 

3e.  —  Titre  :  >£^\  j  à*Ja*  U»>îj.  —  Comm.  :  f.  4  v°,  1.  4 
inf.  :  kjJ!  J  LàJî  ^3*31  ~J-4.  —Fin  :  f.  5  v°,  1.  12  :  *Jil  l#j 
L«a»  s^r-  ,J^-  —  Cette  poésie  est  composée  de  six  strophes 
dont  chacune  renferme  sept  vers,  excepté  la  première  qui  n'en 
contient  que  quatre,  et  la  dernière  cinq. 

4°.  —  Titre  :  ^~^  pj**2  ^-V  «J  *=^J-»  Wj-  —  Comm.  : 

f.  5  v°,  1.  14  :  J.I»  04^'  »jèj  JW  -^r-*?!  ^r^-  —  Fin  : 
f.  6  v°,  1.  7  inf.  :  J,U  ^îj  j»j  ^r^^j  v-£p-J  ^Ls*'  fjrf  J-  — 
Cette  poésie  est  composée  de  neuf  strophes  dont  chacune  de 
différent  mètre. 

5e.  —  Titre  :  JmJ*H  J,  fcrfJu».  —  Comm.  :  f.  6  v°,  1.  5  inf.  : 
_U  U  ÎJi  J  ^xJb  U^  j^1  ~jA  —  Fin  :  f.  7  v°,  1.    1  : 

_L~»=  IjwJJ  4JixJ|  ^&J|  a~J!  Li  J=s.  —  Cette  poésie  est  com- 
C  '  i  " 

posée  de  six  strophes  dont  chacune,  excepté  la  première,  con- 
tient cinq  vers  qui  tous  commencent  et  finissent  par  une  même 
phrase;  ainsi,  p.  ex.  :  J*\y^  o^j  <j^  J^  W  j!^'  ^^j- 
(,e  —  fitre  :  o/  J?;j*M  ^-  J-  ^^--^  —  Comm.  :  f.  7  v°, 
1.  6  :  U^y  Jji  L^  L«J  U  JyJ!  ^}  ^J.  —  Fin  :  f.  8  v°,  1.  8  inf.  : 
LvJWI  .  A±3  Lfk*r>i\  ,J^''  W^-  —  Cette  poésie  est  composée  de 
56  vers. 

7e  _  Titre  :  ^-r^'  (jjj  J~^*~'-  —  Comm.  :  f.  8  v",  1.  6 
inf.  :  _û_w  JUù  V  — JÏ  -!*-.  —Fin  :  f.  10,  1.  6  :  ji*  tjo 
^juaYlj  U.i.  —  Cette  poésie  est  composée  de  56  vers. 

g?  Titre  :  *J\J^  £s£J^  Uwïj.  —  Comm.  :  f.  10,  1.  8  : 

_J!  ,!  l>  ,3,^  U  ïj>a  L».  -  Fin  :  f.  10  v°,  1.  1  inf.  :  ^  *L- 
jwlj  ,5^  «  --c~>.  —  Cette  poésie  est  composée  de  28  vers. 


DESCRIPTOIN    D'UN    MANUSCRIT   ARABE-CHRÉTIEN.  255 

9e  —  Titre  :  ^-^  ^  **^  Wj-  —  Comm.  :  f.  11,  1.  2  : 
.UT  ^  ^  jjj  j^|.  —  Fin  :  f.  11  Vf,  1.  9  :  ,./*W  rJ.L  <'•  - 
Cette  poésie  est  composée  de  20  vers. 

10e  —  Titre  :  ^«3*31  l«-  J  ^-^  ^->L.  -  Comm.  :  f.  11 
v",  I.  11  :  ..IkJî  j^  L&J!  ^jjJI  J.  —  Fin  :  f.  12  v°,  1.  5  : 

s-^l  j.^  ^à~â  ~-\J!  Ur^îj.  —  Cette  poésie  est  composée  de 
sept  strophes  dont  chacune  contient  cinq  vers. 

11e  —  Titre  :  ^  ^1  ^  J*,  j*^\  tjkj  J  j*±  U»& 
x^l  —  Comm.  :  f.  12  v«»,  1.  7  :  k  J-Jiî!  u^l  J!  ^Uj|  ^ 
jS^,.  —  Fin  :  f.  14  v°,  1.  12  :  ^p!  ^^-V.  J^-  ^  ^i 

—  Cette  poésie  est  composée  de  92  vers. 

12e  —  Titre  :  <™^l  ,,b  J-c  »*-  M>  —  Comm.  :  f.  Il 
v°,  1.  15  :  ^f  J  ^tSX^  k^jfl  ^.  -  Fin  :  f.  15,  1.  4  inf.  : 
^jL  Ui  [su  jjJj  Lw.  —  Cette  poésie  est  composée  de  20  vers. 

13°  —  Titre  :  ^l£JI  om1~  ^UdJ  jjj>  J^  >Sj^  J  ^^- 

—  Comm.  :  f.   15,  1.  1  inf.  :  J^  &  ^r^  ~^(.  —  Fin  : 
.Lc-'^n  j.oL,  ^j.  —  Cette  poésie  est  littéralement  identique  au 

n°  9  depuis  le  commencement  jusqu'au  dix-neuvième  ■  vers  ; 
mais,  après  ce  vers,  on  a  interpolé  un  fragment  de  dix-huit 
vers  qui  ne  se  trouvent  pas  dans  la  poésie  neuvième.  Les 
neuf  derniers  vers  sont  aussi  littéralement  identiques  à  ceux 
de  la  poésie  neuvième. 

14e  —  Titre  :  ^Fz  -V^  v_£>^'  ^^i.-Comm.  :  f.  16 
v°,  1.  2  :  ,J»I  &  fW  -  c-  ^.  —  Fin  :  f.  17,  1.  7  inf.  :  J 
ysr5!  ;iï  pj  ^Jl  vjXJJ.  —  Cette  poésie  est  composée  de 
38  vers. 

15e  _  Titre  :  âJ^J!  ^~  ^  ^^  ^.îs-'—  Comm.  :  f.  17, 
1.  5  inf.  :  &À\  j,  J*^l  Jj^Jî  -^  U  —  Fin  :  f.  18,  1.  10  : 
^lk^  iUjj  pic  ^à.  —  Cette  poésie  est  composée  de  sept  stro- 
phes dont  chacune  contient  cinq  vers. 

16e  —  Titre  :  jy  <£^  J?  1=1**.  —  Comm.  :  f.  18,  1.  12  : 
0\J3  yl^  ^Jii  àjtSjA  _j^  y.  —  Fin  :  f.  19,  1.  9  :  *~~3  L>  j^ 
>bLJI  jj>  U  jyâîj.  —  Cette  poésie  est  composée  de  sept  stro- 
phes dont  chacune  contient  cinq  vers. 


256  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

17e  _  Titre  :  *>j*  dy^  ~~  J?  ^J-J-  —  Coram.  :  f.   19, 

1.  11  :  te  '^t-  3y*  y^M  \jl$  x^'  ~  Fin  :  f-  19  v°'  L  7  : 

.Uj  pt  Ji'  ^J  s^-aa.  ^c^y  ^UJ[j. — Cette  poésie  est  composée 

de  16  vers. 

18e  —  Titre  :  faàf  w~J]  ^J  »-V^-  —  Comm.  :  f.  19  v", 

1.  9  :  Uy  J>>-Wî  JU~  J^  ^L.  _  Fin  :  f.  22,  1.  1  inf.  : 
Is^y  ^Lj  ^  ^<*.L)\  je'&à.  Xj.  —  Cette  poésie  est  composée 
de  121  vers. 

19e  —  Titre  :  ^j3  J~  bb^  sjbj  ^y  io^J!  Lu-  ^  ï=r?.J-» 
j,  jyb  J^lj  ^,:i^.  —  Comm.  :  f.  22  V°,  1.  1  :  alj  ^  b^ji  *Jj# 
J*à.  —  Fin  :  f.  24,  1.  1  inf.  :  J/  ^  X"  ^.J!  ^,;^   J*.  - 
Cette  poésie  est  composée  de  73  vers. 


III 

J'ai  dit  plus  haut  que  le  ms.  n'a  pas  de  nom  d'auteur;  cepen- 
dant au  milieu  des  poésies  on  trouve  beaucoup  de  renseigne- 
ments qui  pourront  peut-être  servir  à  l'identifier.  Pour  ce  qui 
concerne  la  langue,  je  suis  sûr  du  moins  qu'elle  ne  peut  pas 
être  très  différente  de  l'arabe  classique  ou  littéraire,  puisque 
je  n'y  ai  pas  trouvé  de  grandes  nouveautés  en  ce  qui  concerne 
le  lexique,  la  morphologie  ou  la  syntaxe,  lorsque  j'ai  tâché 
d'en  traduire  quelques  hymnes.  J'ai  relevé  çà  et  là  quelques 
particularités  orthographiques,  p.  ex.,  une  prolongation  de 
la  voyelle  kesra  à  la  fin  du  mot,  ^-V11  au  lieu  de  "-t£J!  (f.  2, 
1.  4  inf.),  ^  au  lieu  de  <^'^  (f.  2  v°,  1.  1),  ^-r^5'  a«  lieu  de 

:?^sr!  (f.  8,  1.  10);  une  substitution  de  la  consonne  tha  (o) 
au  lieu  de  ta  (o)  :  Jrr'  au  lieu  de  JyJî  (f.  1,  1.  1,  et  pas- 
sim),  s— j'b^  au  lieu  de  ^J<£  (f.  4,  I.  1  inf.)  etc.  Je  laisse  de 
côté  quelques  autres  altérations  orthographiques  qui  pour- 
raient être  considérées  comme  fautes  de  copiste,  p.  ex.  : 
^>}y\  et  v^l  au  lieu  de  j\j\  et  ^s)!  (f.  13,  1.  10  et  13). 
Les  mots  étrangers  à  l'arabe  ne  sont  pas  très  nombreux  :  j'ai 
relevé  çà  et  là  le  titre  d'honneur,  d'origine  syro-chrétienne, 
qu'on  met  devant  les  noms  des  saints,   X?,  p.  ex.  \j^-y^  y* 


DESCRIPTION    D'UN    MANUSCRIT   ARABE-CHRÉTIEN.  257 

(f.  23  passim)  qui  est  transformé  en  <o/  devant  le  nom  de 
la  Sainte  Vierge,  fij^f-  On  peut  donc  soupçonner  que  le 
ms.  ne  doit  pas  être  attribué  à  un  rédacteur  arabe-copte  : 
celui-ci  aurait   sûrement  substitué  les  mots   ,U  et  ô^9  par 

^ji  et  S-J.JÂ.  Au  reste,  le  mot  jL  (f.  3,  1.  3),  signifiant 

apôtre,  vient  ajouter  un  surcroît  de  vraisemblance  sur  la  filia- 
tion syriaque  du  ms.  Cependant  je  n'oserais  pas  donner  de 
conclusion  certaine  sur  ce  sujet  qui  est  étranger  à  mes  études 
habituelles.  Je  me  bornerai  donc  à  mettre  sous  les  yeux  des 
spécialistes  une  liste  des  noms  propres  que  j'ai  relevés  et  qui 
pourront  servir  à  faire  quelques  inductions  sur  les  connais- 
sances hagiographiques  et  géographiques  de  l'auteur  et,  par- 
tant, sur  sa  patrie  : 

f.  2  v.,  1.  9  z~>j>.  Le  prophète  Osée. 

ibidem  ^$~>y  Le  prophète  Moïse. 

f.  2  v.,  1.  10  J-)\  U^>  Saint  Jean. 

f.  2  v.,  1.  1  inf.   fty-ol  Jésus-Christ. 

f.  3,  1.  3  ^1-~M  ly  j^  L'apôtre  saint  Thomas. 

f.  3,  1.  4  -lû^aî!  ^j**^  Simon  Pierre  (l'apôtre). 

f.  3, 1.  5  tëjJj  ....    jj>  Saint  Matthieu  et  saint  Luc. 

f.  4, 1.  4  inf.  JU.5  Le  prophète  Daniel. 

f.  5,  1.  12  ioj^XJ!  ^_sj3UI  Les  rois  perses. 

f.  5,  1.  4  inf.  L^jU3l  sUU!  La  langue  perse. 

f.  8,  1.  10  ^-j^t  Le  Zoroastrien. 

f.  8, 1.  11  ^"2j>\  Le  russe. 

f.  9, 1.  6  f^  C~?  Bethléem. 

f.  9, 1.  7  ^p^o  Sion. 

f.  9,  1.  15  ^^ yè  Le  fleuve  Jourdain. 

f.  11,  1.  6  J-sîj^  L'archange  Gabriel. 

f.  11,  1.  7  (j»jti\  ^jjr^=  Les  rois  Mages. 

f.  12,  1.  11  UUj-*,  Saydnayâ  (1). 

(1)  Ville  dans  le  district  de  Damas,  renommée  par  ses  vignobles  et  son  excel- 
lent vin.  Cf.  Yâqout,  III,  411.  On  y  vénérait  une  statue  miraculeuse  de  la  sainte 
Vierge;  cf.  Aaalecta  Bollandiana,  1906,  p.   137-157.  Ilabib-al-Zayat  a  publié  le 

OUILINT   CHBËT1KN  17 


258  REVUE    DE    LORIENT   CHRÉTIEN. 

f.  17  v.,  1.  9  Jj>~^'  fjf^y.  L'apôtre  saint  Paul. 

f.  19  v.,  1.  2  inf.  J^\  <*-*~$.  Saint  Joseph,  le  charpentier. 

f.  20,  1.  7  inf.  k/j  Zacharie. 

f.  20  v.,  1.  12^  Ramah  (Galilée). 

ibidem  ^^j^>  Hérode  (le  grand). 

f.  20  v.,  1.  14  iyAÎ!  Nazareth  (Galilée). 

f.  20  v.,  1.  3  inf.  Iil3  Cana  (Galilée). 

f.  21,  1.  <àmLj^\  Lazare. 

f.  21,  1.  2  inf.  ^^ui^  pi  dimanche  des  Rameaux. 

f.  21  v.,  1.  6  (j»j^i  Saint  Pierre  (l'apôtre). 

f.  21  v.,  1.  7  ^jt  Judas  (Iscariote). 

f.  21  v.,  1.  11  w^i-^l  3je  Le  bois  de  la  croix. 

f.  21  v.,  1.  12  LjTiJ  (sic)  Simon  de  Cyrène. 

f.  21  v.,  1.  14  iUM  Golgotha. 

f.  22,  1.  5  ^Ut  Le  prophète  Élie. 

f.  22,  1.  7  ^y  **-*ȣ  Joseph  d'Arimathie. 

J'ai  passé  sous  silence  dans  cette  liste  beaucoup  de  noms 
propres  de  saints  qu'on  trouve  dans  la  dernière  poésie  du  ma- 
nuscrit, parce  que  j'ai  cru  devoir  la  publier  en  entier,  à  la  fin 
de  cet  article,  vu  l'importance  des  renseignements  qu'elle  ren- 
ferme. 

IV 

Maintenant  il  me  faut  faire  un  petit  résumé  des  morceaux 
d'hymnes  qui  pourront  nous  renseigner  sur  le  nom,  la  patrie, 
la  date,  la  biographie  et  les  croyances  de  l'auteur  de  ce  ms. 

En  plus  de  dix  endroits  différents  (1)  le  poète  lui-même  nous 

catalogue  des  bibliothèques  de  Sidnaya  (Bibl.  de  Damas  et  des  environs,  Le  Caire, 
1902,8",  vi-246  pages).  Cf.  Échos  d'Orient,  1904,  p.  75  et  79-80.  On  trouve  dans  la 
même  revue  (1904,  p.  211-215)  une  liste  d'évêques  de  Sidnaya. 
(1)  Voici  quelques-uns  : 

f.  4  v.,  1.  9  :  ^T^"   f^i   1^  jW    ^~?  ^ 

c 

Vsâ  el-Hazâr,  doué  d'un  langage  éloquent,  dit. 
f.  5  v.,  1.  10  :  \y^\   ^~z  b!        ^,\  Jjy      Jj 

Et  si  tu  veux  [savoir]  mon  nom,  je  suis  Usa  el-Hazâr. 


DESCRIPTION    D'UN    MANUSCRIT    ARABE-CHRÉTIEN.  259 

donne  son  nom  propre  :  'Isa  el-Hazâr  (jW  v_c-~sc)>  c'est-à- 
dire  «  Jésus  le  Rossignol  ».  Ce  qu'il  ne  dit  jamais,  c'est  le  lieu 
précis  où  il  est  né;  mais  en  revanche  il  déclare  à  plusieurs 
reprises  (1)  que  sa  patrie  ou  au  moins  sa  demeure  habituelle 
était  située  dans  une  région  de  l'Orient  qu'il  appelle  Perse  et 
Syrie.  Dans  une  de  ses  poésies  en  l'honneur  de  Jésus-Christ  (2) 

f.  6.  v.,  i.  12  :  3jtJ\    jîj^M   ^~.s  JU 

V.srT  el-Hazâr,  l'oriental,  dit. 
f.  7,  1.  2  inf.  :  ^j£>   IjJ^iJÎ    .]j^\  ^  bî      <J^6   )jôJj\ 

Récitez-vous  ma  poésie  ;  je  suis  c/s«  el-Hazâr;  récitez  ma  poésie. 

f.   11  v.,  1.8:         .Urhîf  jil—      j    A^J    JJ    Lxaj    ,!^)|   ^~£   1$j  j 

Et  par  Elle  [c'est-à-dire  la  Vierge],  'Isa  el-Hazâr  s'est  réveillé; 
il  a  récité  des  vers  dans  toutes  les  mélodies. 

4'.  15,  1.  5  inf.  :  liw^   J^>    J    ^jj^kz  Jjjj  jjj-^î    ,c*"^ 

c/s«  el-Hazâr  n'a  pas  cessé  de  s'attacher  au  bord  [du  manteau] 
de  ta  miséricorde. 

f.  17,  1.  8  inf.  :  l^sliw  ja^j   ^jJl    .Ij^JI  ^^ 

7*â  el-Hazâr,  celui  qui  espère  l'intercession  d'elle  [de  la  Vierge] 
Au  jour  où  les  tombeaux  s'ouvriront. 

(1)  f.  3,  1.  12  :  *zrxi\    Ji!   ^f   J^-j!   ^y^i   j^JlsîJI  J,! 

Je  me  transporterai  du  district  de  la  Perse  à  la  noble  ville 

de  Jérusalem  ; 
Je  ferai  de  cette  poésie  une  cymbale  et  un  étendard 
Et  je  la  suspendrai  sur  le  temple,  devant  tous  les  peuples. 

f.  3  v.,  1.  9:  ^J-ÂJ-I   IJJ»  J.j     .kj»J\   *W   t-r3  ^'j 

Je  suis  [un]  de  la  totalité  des  Syriens,  et  cette  poésie  est  à  moi. 

f.  24,  1.9:  ^.^    fj»    *^J   ^   ^.U 

Un  Perse  a  composé  cette  poésie. 

(2)  f.  8  v.,  1.  3  :  *ï\    *~=s.    ^jJ>    ^    L>    ^  ^CJb         ^    l> 

Loi    '^!y    lî|   JJI    lïuWl 

...     | ..   jr.      .     | 

ajO»   LaO  à^a£'  f  i-^*^   v^sJ^j  >-L>LjÎ 


260  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

il  émet  des  vœux  pour  son  patriarche  dont  le  nom,  Joachim, 
pourra  peut-être  guider  les  spécialistes  dans  la  recherche  plus 
précise  de  la  patrie  et  de  l'époque  de  notre  poète,  qui  ne  doit 
pas  être  très  reculée,  parce  qu'il  parle  de  la  Russie  comme 
déjà  convertie  à  la  foi  chrétienne  (1).  En  particulier  le  patriar- 
che melkite  d'Antioche  et  de  la  Syrie  en  1583  portait  le  nom 
de  Joachim  (Cf.  Revue  de  VOrient  chrétien,  1898,  p.  4-6).  Ce 
nom  ne  semble  avoir  été  porté  que  par  des  patriarches  d'An- 
tioche. Le  Quien  (Oriens  christianus,  t.  II,  table,  p.  xxm)  en 
énumère  sept  de  ce  nom  qui  semblent  avoir  vécu  depuis  1203 
ou  1214  (Le  Quien,  loc.  cit.,  col.  761)  jusqu'en  1593  (Le  Quien, 
col.  772).  C'est  donc  dans  cet  intervalle  qu'il  faut  sans  doute 
tâcher  de  placer  notre  auteur.  Le  manuscrit  (est-ce  un  auto- 
graphe?) a  d'ailleurs  été  écrit  vers  la  fin  du  xvie  siècle  (Cf. 
supra,  p.  252,  note  1).  Je  soupçonne  qu'4sâ  n'était  pas  un  ec- 
clésiastique; du  moins  il  parle  comme  s'il  ne  l'était  pas;  pour- 
tant son  enthousiasme  ardent  et  son  amour  envers  la  Vierge 
Marie  ne  démérite  point  de  celui  des  poètes  ecclésiastiques, 
dont  il  possède  aussi  l'érudition  hagiographique,  scripturaire 
et  théologique.  Lui-même  se  vante,  très  souvent,  de  la  haute 

0  Maître!  Par  la  Vierge  Marie!  0  toi  qui  t'es  revêtu  du 
corps  d'Adam  ! 

Garde-nous  celui  qui  est  comblé  de  science,  notre  père  Joa- 
chim, notre  père, 

Le  Patriarche  honoré.  Donne-lui  une  vie  aisée 

Et  offre-lui  un  nom  honoré  par  le  nom  de  l'Évangéliste 
fidèle. 

0  Maître!  Garde-nous  sa  vie  et  brise  tous  ses  ennemis. 

11  prie  pour  nous  sa  prière,  à  tous  les  moments  et  à  toute 
heure  : 

Rassemble  [toutes]  les  sectes  des  chrétiens,  et  attire-les  à  la 
droite  du  Père 

Au  jour  du  jugement. 

(i)  f.  8,  i.  io  :         -^3P»JI  J  ç^sî  v*»£j!  .s-^-f3'  cK  si^-r  k 

0  Maîtresse  de  toutes  les  nations  !  Les  zoroastriens  sont  venus 

à  ton  Fils, 
Et  les  Russes  se  sont  inclinés  devant  lui    et  sont  devenus 

croyants. 


DESCRIPTION    D'UN   MANUSCRIT   ARABE-CHRÉTIEN.  261 

célébrité  qu'il  a  acquise  au  moyen  de  ses  poésies  (1).  Il  sem- 
ble probable  que  notre  auteur  en  aurait  écrit  un  grand  nom- 
bre, puisqu'il  assure  à  plusieurs  reprises  avoir  composé  des 
hymnes  dans  toutes  les  mélodies  et  ne  souhaiter  que  mourir 
dans  cette  profession  de  poète  religieux  (2).  Je  n'oserais  pas 
affirmer  qu'il  était  chrétien  de  naissance,  parce  qu'il  semble 
parler  quelquefois  en  converti  par  l'intercession  de  la  Sainte 
Vierge  (3);  cependant  on  pourrait  aussi  interpréter  la  phrase 
Jj~)\  ^  Âj^3  comme  simple  expression  de  la  foi  du  poète 
en  la  Vierge  Marie  considérée  au  point  de  vue  de  la  participa- 

(lj  f.  7,  1.  1  inf.  :  Xs?*\    jp    ~Sj^>   ^5*-'  f^ 

Mon  nom  est  devenu  célèbre  à  cause  de  la  Vierge  glorieuse. 
f.  18,  1.  8  :  j\j^\  vç~rc  l^loj!   J  jU 

^   |>  Jb   l^ 

'Isa  el-Hazàr  reste  stupéfait  [quand  il  tâche  d'en  chanter]  les 

qualités  [c'est-à-dire  de  la  Sainte  Vierge]. 
11  a  acquis  à  cause  d'elle  honneur  et  gloire 
Dans  les  sciences,  les  hymnes  et  les  poésies. 

(2)  f.  12  v.,  1.  I  :  LJl    C^sib   ^  jW^   ^J^  ^~ 

Oh  'Isa  el-Hazâr!  tes  vœux  sont  accomplis 
Dans  la  louange  de  l'Incarné,  et  la  peine  est  finie, 
f.  19,  1.  5  :  jWj  jj\   J  J^~  S  U 

^  JJJî    J    'Jli    Js  ^ 
Pour  moi  il  n'y  a  que  Toi  sur  la  terre  et  les  mers.  ■ 
J'ai  récité  des  vers  en  ton  honneur,  la  nuit  et  le  jour. 

(3)  f.  3  v.,  1.  5  :  ,U_pt   o^   ^    .rr3  \  S*^ 

^\  UT  j;r^\  J,! 

Transmets,  ô  zéphyr!  de  ma  part  des  salutations  respectueuses 

A  la  Vierge,  comme  je  les  exprime.  Je  suis  'Isa  el-Hazâr. 

Tout  mon  esprit  est  occupé  de  ses  louanges  dès  le  moment 
où  le  soleil  se  fait  jour. 

Et  comment  ne  la  louerais-je  pas  dans  ce  moment,  puis- 
qu'elle m'a  délivré  du  feu 

Quand  j'étais  un  des  Syriens?  Cette  poésie  est  à  moi. 


202  REVUE    DE   L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

tion  qu'elle  a  prise  au  mystère  de  la  Rédemption.  Des  rensei- 
gnements sur  le  genre  de  vie  d1 'Isa  manquent  tout  à  fait; 
malgré  le  lyrisme  subjectiviste  de  ses  poésies,  il  ne  parle  de 
lui-même  que  pour  manifester  l'admiration  sincère  qu'il  éprouve 
en  présence  de  la  majesté  de  Jésus-Christ  et  de  la  pureté  virgi- 
nale de  Marie.  Un  seul  désir  semble  avoir  occupé  son  cœur, 
tout  le  long  de  sa  vie  :  celui  de  faire  le  pèlerinage  de  la  Terre 
Sainte  pour  visiter  le  tombeau  de  Jésus-Christ  à  Jérusalem  et 
les  saints  lieux  de  Bethléem,  de  même  que  pour  recevoir  le 
baptême  dans  le  Jourdain  (1).  En  attendant  l'accomplissement 
de  ces  vœux,  il  tâchait  de  s'y  préparer  en  faisant  toutes  les 
années  le  pèlerinage  de  Saydnâyâ,  près  de  Damas,  où  on  trou- 
vait un  sanctuaire  très  visité,  érigé  en  l'honneur  de  la  Sainte 
Vierge.  Ce  sanctuaire  était  entouré  des  chapelles  de  différents 
saints,  dont  'Isa  nous  donne  une  description  très  détaillée  dans 
la  dernière  poésie  du  ms.  C'est  pour  cela  que  j'ai  cru  devoir 
la  publier  en  entier  à  la  fin  de  cet  article.  Elle  servira  de  com- 

(1)  f.  9,  1.  5  :  fcsiptoj   *~-Oi    J,      -^Uw    Ut 

Tout  ce  dont  j'ai  besoin  est  dans  Jérusalem  et  son  tombeau 
Et  Bethléem.  Oh!  quel  lieu  d'adoration, 
Jusqu'au  moment  où  je  verrai  Sion! 

f.  9,  1.  15  :  *a>L»L      ,^,T   rt^J      r*1 

<^  ...  J .  J 

L^.l    f^^flJ    ^UlO    5J.» 

Vraiment  je  désire  le  baptême  dans  le  fleuve  Jourdain  et 

dans  ses  eaux, 
Ainsi  que  le  désire  le  catéchumène. 
Ce  sont  des  lieux  dont  la  terre  a  été  sanctifiée 
Depuis  que  le  Seigneur  incarné  est  venu  là. 

f.  1-i  v.,  1.  8  :  -~C   t>    ^JlJ!    jo.\    JJ    ù\jsÔ\    ^ 

^   J-    dM    ï%    ^    UJ    b 

U.3UI  Jj  ûs.j     jaJ  b 

Mon  cœur  soupire  après  la  terre  de  Jérusalem   :  oh!   quel 

séjour! 
Plût  à  Dieu  qu'elle  fût  ma  patrie  entre  tous  les  peuples  de  Dieu  ! 
Plût  à  Dieu  que  je  puisse  la  visiter  bientôt,  avant  la  mort! 


DESCRIPTION    D'UN    MANUSCRIT   ARABE-CHRÉTIEN.  263 

plémentaux  récentes  publications  du  R.  P.  Cheikho  (Un  docu- 
ment ancien  sur  l'image  de  Sàidnaya,  Al-Machriq,  1905, 
p.  461-468)  et  du  R.  P.  Peeters,  Bollandiste  {La  légende  de 
Saïdania,  Analecta  Bollandiana,  1906,  p.  137-157).  Rappelons 
d'après  ce  dernier  article  que  le  sanctuaire  de  Saydnûya  a  été 
popularisé  en  Occident  dès  le  xn°  siècle  par  les  récits  des  voya- 
geurs et,  en  particulier,  vers  le  xme  siècle,  par  un  petit  poème 
en  vieux  français  intitulé  le  Miracle  de  sainte  Marie  de  Sar- 
denay  (publié  dans  la  Romania,  t.  XI  [1882],  p.  519-537  et 
t.  XIV,  p.  82-93).  Ajoutons  enfin  qu"Isâ  fait  quelques  allusions 
à  ce  sanctuaire  dans  le  cours  de  ses  autres  poésies  (1). 

Pour  déterminer  d'après  ses  poésies  l'église  à  laquelle  appar- 
tenait notre  poète  il  me  faudrait  avoir  des  connaissances  spé- 
ciales sur  les  croyances  et  la  liturgie  des  différentes  églises  de 
l'Orient  chrétien,  et  je  regrette  de  n'en  posséder  qu'une  très 
superficielle  notion.  C'est  pour  cela  que  je  me  suis  borné  à  suivre 
les  indications  de  M.  l'abbé  Nau  qui  m'a  prié  de  citer  des  frag- 
ments d'hymnes  dans  lesquels  on  trouverait  certaines  phrases 
sur  les  dogmes  trinitaires,  christologiques  et  mariologiques  qui 
pourraient  aider  mes  lecteurs  à  déterminer  à  quelle  église  ap- 
partenait l'auteur.  Tout  renseignement  au  sujet  de  la  primauté 
du  pape  y  manque.  Le  dogme  de  la  trinité  des  personnes  dans 
l'unité  de  l'essence  est  affirmé  parfois  (2)  d'une  façon  décisive. 

(1)  f.  12,  1.  3  inf.  :  *J!    ^jô^  J^i  UUa.  j,  ^O 

Laisse-moi  au  lieu  protégé  par  elle  [la  Vierge]  :  j'y  séjour- 
nerai toute  ma  vie. 

f.  19,  1.  11  :  j.Uï    iJ^J    ^3)^  k^Jî    (j£jî    r-^l 

Je  louerai  l'ornement  des  créatures,  la  Vierge  parfaitement 
chaste 

Qui  séjourne  à  Saydnâyâ.  La  salutation  de  ma  part  soit  sur 
elle! 

J'y  suis  resté  tout  le  long  de  cette  nuit,  et  mes  larmes  sem- 
blaient un  torrent. 

(2)  f.  6  v.,  1.  6  :  lAl.y2  ^   ^   <L>J^\      (3  jL~j>   ^ûlaxci    ^o\} 

Et  ma  foi  est  devenue  ferme,  croyant  à  la  Sainte  Trinité 
[des  Personnes]  qui  ne  sont  pas  divisées  [en  l'essence]. 


264  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

On  ne  trouve  pas  un  mot  qui  pourrait  faire  soupçonner  qu"Isfi 
eût  été  jacobite  :  le  dogme  de  l'incarnation  du  Verbe  est  formulé 
en  termes  assez  clairs  (1)  qui  n'ont  rien  de  semblable  aux 
formules  de  la  foi  monophysite.  Cependant,  on  peut  dire  que 
tous  ces  dogmes  sont  exprimés  en  une  phraséologie  vague  et 
obscure,  si  on  la  compare  avec  celle  dont  'Isa  se  sert  pour  affir- 
mer le  dogme  de  l'immaculée  conception  de  la  Sainte  Vierge. 
Presque  toutes  ses  poésies  abondent  en  épithètes  et  en  appella- 
tions élogieuses  à  l'adresse  de  Marie,  parmi  lesquelles  j'en  ai 
relevé  quelques-unes  qui  n'offrent  pas  de  doutes  au  sujet  de  la 
foi  d'Isa  en  la  pureté  et  l'innocence  originale  de  la  Mère  de  Dieu. 
Mettant  de  côté  les  endroits  innombrables  où  Marie  est  appe- 
lée simplement  «  la  pure  Marie  »  (vy  âyslk)!  :  cfr.  f.  1  v.,  1.  5 
et  alibi  passim),  «  la  Vierge  pure  »  (i^J!  vJm^I  :  cfr.  f.  4  v.,  1.  4 

f.  8  v.,  1.  1  inf.  :  ^J^^Jl   ^15   ^,Ui;j 

Trois  Personnes  douées  d'une  essence  unique. 
(1)  f.  8  v.,  I.  3  :  .».>!    *~ow   ,pJ   ^y>  b    +>y>    Xjb    ^ ,.   b 

0  Maître!  Par  la  Vierge  Marie!  0  toi  qui  t'es  revêtu  du  corps 

d'Adam  ! 

f.  8,  l:  11  :  UjjjB   J3    jJJ  Jalij   bUj    A.,..^'   ^J 

S'il  [Jésus]  n'avait  pas  pris  un  corps  et  n'était  pas  venu  à 
nous  et  ne  nous  avait  dirigés  vers  le  chemin. 

1.  8  v.,  1.  2  inf.  :  L.*-^.      y^UJÎ   jjzz   w-JLae 

Les  intelligences  de  tous  les  savants  ont  pensé 

Que  les  Trois  Personnes  d'une  essence  unique  ont  été  mises 

Dans  le  moule   de  l'humanité,  à  la  manière  d'un  homme 

visible. 
Et  que  la  divinité  [y]  a  été  toute  entière  dès  la  nativité. 

f.  9,  1.  5  inf.  :  ^O^sc^l   J~~J!   bl   U 

Quand  le  Seigneur  incarné  est  venu 
Dépouillé  des  pavillons  de  son  trône. 

f.  16,  1.  8  :  *~œ-'j!    bl   Lj^      .~~J! 

1  "  t: 

u  J-?     ^  ■ 

Le  Messie  est  venu  d'elle  [de  la  Vierge].  A-t-il  pris  un  corps? 
Dieu  est  venu  dans  la  forme  de  l'homme. 


DESCRIPTION    D'UN    MANUSCRIT   ARABE-CHRÉTIEN-  265 

inf.  et  passim),  «  la  chose  la  plus  pure  parmi  les  choses  pures  » 
(jI^LYÎ  j^Jsî  :  cfr.  f.  7  v.,  1.  10),  etc.,  et  que  partant  on  pourrait 
interpréter  seulement  comme  expressions  hyperboliques  de  la 
plénitude  des  grâces  dont  Dieu  combla  la  Sainte  Vierge,  et  non 
de  l'exemption  du  péché  originel,  il  y  a  trois  passages  dans  les- 
quels 'Isa  déclare  que  la  Sainte  Vierge  a  été  exempte  de  tout 
péché  et  a  été  élue  parmi  toutes  les  créatures  parce  que  Dieu  l'a 
faite  la  mère  du  Messie  (1).  C'est  pour  cela  aussi  qu'il  semble 
établir  une  différence  énorme,  presque  infinie,  entre  la  création 
d'Adam  et  celle  de  la  Vierge  (2);  mais  je  n'ose  pas  l'affirmer 
comme  une  chose  certaine,  parce  que  je  ne  suis  pas  bien  sûr  du 
contexte  de  ce  dernier  lieu,  attendu  que  les  mots  qui  le  précè- 
dent et  ceux  qui  le  suivent  semblent  se  rapporter  à  Jésus-Christ 
et  non  à  la  Vierge;  il  ne  faut  cependant  pas  oublier  que  la 
phrase  ç&  c^sla»  doit  se  rapporter  à  un  sujet  féminin. 

(1)  f.  5,  1.  2  inf.  :  Sj^si]   v^=J-^   ^jwVsJî   cJli> 

La  Vierge  a  dit  :  Celui  qui  a  le  pouvoir 
M'a  façonnée  en  perle  et  m'a  mise  parmi  les  créatures  comme 
élue. 

f.  6  v.,  1.  3  inf.  :  «LJl   Ji'  ^jLc   ,3,^*)!    yJ^âU 

La  Vierge  est  supérieure  à  toutes  les  femmes, 
La  Vierge  est  supérieure  :  Celui  qui  a  le  pouvoir  l'a  défendue 
du  péché. 

f.  12,  1.  1  :         »  ^r^    F\y»?)   ^  J^    Jsj^ 

^Lp!  Ji*)b  iJàUî  ^  ^ 

Une  Vierge  dans  laquelle  Jésus  le  Messie  est  descendu  pour 
y  habiter, 

Comment  ne  l'aurait-il  pas  élue,  puisque  la  raison  prépon- 
dérante [l'exigea  ainsi]  ? 

(2)  f.  14  v.,  1.  4  inf.  :  n^U   ^  CUaU   \J\â 

Ils  ont  dit  :  Elle  a  été  créée  comme  Adam;  mais  je  leur  ai 

répondu  : 
Combien  est  grande  la  distance  entre  les  Pléiades  et  la  terre  ! 


266  REVUE   DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 


V 


J'ai  dit  plus  haut  qu'il  pourrait  être  intéressant,  pour  les  spé- 
cialistes, afin  de  bien  fixer  la  personnalité  de  notre  poète,  d'édi- 
ter en  entier  la  dernière  poésie  du  ms.  qui  renferme  quelques 
renseignements  remarquables  sur  les  connaissances  hagiogra- 
phiques d"Isâ.  Au  même  titre  j'ai  cru  devoir  publier  aussi  un 
long  fragment  de  la  onzième  poésie  qui  se  rapporte  à  la  liturgie 
des  morts  et  qui  est,  à  mon  avis,  la  mieux  inspirée  de  toute  la 
collection. 


(F.  13,  1.  10.) 
Ji£Jl    *X~i-   U-mJj   Lu!    ^K^k- 


vS*9. 


DESCRIPTION    D'UN    MANUSCRIT   ARABE-CHRÉTIEN.  267 


Après  la  mort,  on  me  dépouillera  de  mes  habits, 
On  fera  chauffer  l'eau  pour  mon  corps,  et  après  cela,  on  le  lavera. 
[Faisant]  une  ablution  pure  qu'on  appelle  ablution  du  linceul. 
Ils  m'habilleront  d'un  habit  nouveau,  au  milieu  d'eux, 
Et  prieront  pour  moi.  Après  cela,  ils  me  ceindront  d'une  ceinture  de  moine 
Et  me  lèveront  sur  les  épaules  de  quatre 
Vers  l'église,  selon  la  loi  rituelle  et  l'usage  ; 
Ils  me  mettront  sur  un  brancard,  ils  se  rassembleront 
Autour  de  moi,  et  pleureront  sur  moi  fies  individus]  de  ma  famille  et  de 

[ma  patrie, 
Le  bienheureux  prêtre  viendra  prier  pour  moi 
Le  Messie  qui  habite  le  trône  [du  ciel]. 
Quand  le  prêtre  aura  déjà  lu  l'Office,  il  aura  été  haussé 
Mon  brancard,  et  derrière  lui  [iront]  tous  ceux  qui  m'accompagneront. 
Ils  se  sont  dirigés  avec  moi  vers  une  demeure  aux  côtés  étroits 
Où  [il  n'y  a  que]  de  la  puanteur,  des  vers  et  de  la  pourriture. 
[Cette  demeure]  deviendra  pour  moi  un  lieu  de  séjour  fixe,  après  avoir 

[vécu  dans  le  voisinage  des  vivants. 
J'y  resterai  tout  le  long  des  siècles  et  du  temps. 
0  mon  frère!  Ils  m'y  ont  déjà  logé,  et  [un  tas  de]  terre  a  été  mis 
Entre  moi  et  eux,  lequel  m'embarrassera  [d'en  sortir]. 
Tous  mes  amis  commenceront,  en  signe  de  pitié, 
A  amonceler  la  poussière  sur  mon  tombeau  pour  le  fermer. 
Si  j'avais  alors  le  pouvoir  de  parler,  je  leur  dirais  : 
Ne  multipliez  pas  sur  moi  les  pierres  qui  m'accablent  ; 
Faites-moi  un  véritable  adieu,  éloignez-vous 
Et  laissez-moi  enseveli  dans  mon  tombeau  étroit. 


268  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Éloge  de  Notre-Dame  la  maîtresse  à  propos  du  pèlerinage  de  Saydnâyâ; 
suivant  le  rythme  de  ce  vers  :  Il  m'a  tyrannisé  et  a  envoyé  me  le  dire. 

* 
#   * 

lli-L^tf   ijjjj  iy^~  l» 

JtO    ^AÎl     Jljl>     U^l» 

Une  Vierge  dont  le  pouvoir  dépasse  son  excellence, 
Elle  a  des  lumières  semblables  à  la  lune  en  éclat. 
0  amis!  Visitez  Saydnâyâ 

[Un  temple]  qui  possède  un  argument  solide  [de  la  protection]  de  celui 

[qui  donne  les  grâces- 
J'ai  prié  Dieu,  le  Créateur  des  créatures, 
De  le  conserver  tout  le  long  des  siècles. 


ç.vji^     *^»ciJi    L^Ac-    Lyo^LL* 
XJkjJ^sjb     ijjb-     jïA^cJl     «_<^>- 

[Lisez  Uj^ApctI  U^«-Vpo   vIjL&Ij  \y~sj 

Elle  [c'est-à-dire  Saydnâyâ]  a  une  grotte  que  les  gens  visitent,  où  il  y  a 

[un  bassin  dans  lequel  l'eau  se  déverse. 
Ses  odeurs  semblent  le  musc  odoriférant. 


DESCRIPTION    D'UN    MANUSCRIT   ARABE-CHRÉTIEN.  269 

Son  minaret,  avec  le  cierge  dessus,  est  allumé. 
Tous  les  gens  viennent  se  dirigeant  vers  elle, 
Et  elle  brille  et  les  yeux  la  voient. 
Il  y  a  là  des  religieuses  à  son  service, 
Et  la  grâce  sur  les  pèlerins  éclate. 


<jslj  *y  tXk>-  t»  "OUI 

C5^"    ^J    f^    <-^    ^*JJ» 


Elle  a  un  lieu  fortifié,  beau  et  élevé, 

Vers  lequel  vont  les  gens. 

Par  Dieu!  ô  mon  ami!  une  troupe  en  compagnie, 

Faisons  le  pèlerinage  toutes  les  années  sans  nous  ennuyer. 


^Jlpj    J^&LS    L~Uas«-    <_£jAc. 

fcjU^Jl     \y^3>u     j\jj\    \y>u 

fcjLalJI    lj,.J2C    <Uj>-j    l     ^Jl 
^J^ià'     <UjtlJlj     *51LJI     ^À> 

La  citadelle  de  la  Vierge  est  haute  et  élevée  : 

Il  n'y  a  dans  la  contrée  aucune  construction  semblable; 

Dieu  l'arrose  des  nuages  qui  font  tomber  une  pluie  à  grosses  gouttes. 

Celui  dont  la  vie  tend  vers  Toi  ne  sera  pas  avili. 

Les  pèlerins  arrivent,  excités  par  le  [désir]  du  pèlerinage. 

Ils  visitent  la  Maîtresse,  aussi  bien  que  les  autres  chapelles. 

[Écoute]-moi,  ô  Pitié  [des  hommes]  !  Que  les  chrétiens  soient  exaucés 

Par  [l'intercession  de]  celle  [qui  habite]  la  grotte,  et  que  la  grâce  éclate. 


270  REVUE    DE    L'ORTENT    CHRÉTIEN. 


^L*    y>-^\     Jj-1»     jUa-^Jl     lyJ 

Le  bien  et  la  sûreté  nous  ont  été  donnés  à  cette  grotte  ; 
Le  Miséricordieux  l'a  protégée  tout  le  long  du  siècle. 
J'ai  prié  Dieu  de  la  conserver  dans  le  temps. 
Et  la  Vierge  [l']a  augmentée  en  pouvoir  et  excellence. 


Et  Maître  (?)  Sharbïl,  ô  mon  ami!  tu  le  verras, 

Dont  les  disciples  brilleront  derrière,  lui. 

Et  Khrïslophoros  tu  le  verras  [aussi]  ; 

Son  visage  [est]  comme  la  nouvelle  lune  quand  elle  commence  à  luire. 


*|b   j**. Si   l5£2£' 


&I.A2»-    [Sjy^j    ijtsJy     j\*J 

(gis  aJIt  ^Ji  ^*jJl  (_s^a>r 


DESCRIPTION    D'UN    MANUSCRIT    ARABE-CHRÉTIEN.  271 

Et  saint  Georges,  toujours  caché  dans  le  mystère, 
Et  saint  Serkîs,  le  vainqueur  de  tout  oppresseur, 
Et  saint  Bacchus,  l'intercesseur  dans  tous  les  mondes, 
Et  saint  Pierre,  dont  les  créneaux  [de  sa  chapelle?]  commencent  à  luire, 
Et  saint  Thomas,  vénérable  à  sa  chapelle, 
Et  saint  Paul,  et  Sophie  vis-à-vis  de  lui  (1); 

A  elle  [c'est-à-dire,  à  sa  chapelle]  la  fête  de  la  Croix,  pour  celui  qui  la 

[voit, 
Est  une  chose  éblouissante  [dont  on  se  souviendra]  toute  sa  vie  et  jus- 
qu'à sa  descendence. 


Et  Jean,  tu  le  verras  à  la  fête  des  lumières. 

Il  y  a  dans  les  Livres  [sacrés]  des  souvenirs  et  des  notices  sur  lui. 
La  voix  [du  ciel]  lui  vint  au  Jourdain  avec  une  déclaration  : 
«  Ce  fils  est  mon  Fils  et  mon  Enfant.  » 


^Lii-    fcjlj    tal  jj^  J^>J 


Et  saint  'Azar,  quand  mon  ami  le  visitera, 

Il  rencontrera  [tout]  ce  qui  peut  rendre  la  santé  au  malade. 

Et  saint  Sabas,  visite-le  également, 

Et  [sainte]  Barbe,  douée  de  pouvoir  et  excellence. 


A^\j    t^j-^i    ô*^*"    ^J^J 
*i±I>   V_^*AJ  CvJI  j*y<; 

(1)  Je  ne  suis  pas  bien  sûr  d'avoir  compris  le  sens  des  deux  vers  qui  suivant. 


272  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

Reviens  à  la  citadelle  de  la  Vierge  et  monte, 

Tu  trouveras  la  Maîtresse  qui  intercède  auprès  du  maître; 

Elle  éloignera  des  enfants  de  l'Eglise  le  mal, 

Son  intercession  auprès  de  Lui  ne  se  lassera  pas. 

j^  j»ys  jù  gjj*s\  je 

Gabriel  l'ange  [la]  salua  et  annonça  la  bonne  nouvelle, 
[Tout  comme]  Isaïe  le  prophète  publia  le  mystère  et  annonça 
Que  la  Vierge  enfanterait  pour  le  Fils  [de  Dieu]  un  révélateur 
Lequel  nous  délivrerait  du  diable  le  trompeur. 

* 
*  * 


L^jY'       (Jf-J'       ^*^^J       ^>EX«J 


Et  Moïse  le  prophète  au  mont  Sinaï 

Et  David  [aussi],  ils  en  avaient  déjà  parlé  depuis  beaucoup  d'années, 

Et  Michéas  et  Jérémias  l'homme  fidèle, 

Et  Habacuc;  et  après,  Élie  le  priant. 


II  y*\e\     «AS      rz.  ..,.>l.<Jl     ^^Loj 

^y>    'UX>    je-    jj-Jol    ^gx^^j 


DESCRIPTION    D'UN    MANUSCRIT  -ARAISE-CHRÉTIEN.  273 

Tous  ceux-ci  nous  avaient  renseigné 

Sur  la  Vierge,  et  à  propos  d'elle  ils  nous  avaient  annoncé  la  bonne 

|  nouvelle 
De  la  nativité  du  Messie  et  nous  en  avaient  instruit. 
Et  le  diable  est  anéanti  par  la  providence  du  Seigneur. 


Un  Perse  a  composé  cet  éloge 

Sur  la  Vierge,  la  Vierge  mère  du  Messie  : 

Sois  donc  son  secours  au  jour  où  il  [te  le]  demandera  en  criant, 

[Parce  que]  je  suis  un  bomme  dépourvu  de  bonnes  œuvres. 


Et  les  auditeurs  préserve-les, 

Et  contre  les  adversités  protège-les, 

Et  au  jour  du  jugement  dernier  mets-les  à  part, 

Et  qu'ils  soient  tous  du  côté  droit. 

Miguel  Asin  y  Palacios, 

Professeur  à  l'Université  de  Madrid. 


ORIENT    CHRETIEN. 


LES  CENT  DIX-SEPT  ACCUSATIONS 

PRÉSENTÉES  A  BENOIT  XII  CONTRE  LES  ARMÉNIENS 

(Suite) 


VII.  Des  Arméniens  suppriment  le  péché  originel;  mais 
à  les  entendre,  le  péché  personnel  d'Adam  et  d'Eve  était  en  lui- 
même  si  grave  qu'il  a  entraîné  tous  leurs  descendants  en  enfer, 
jusqu'au  moment  où  le  Christ,  par  sa  passion,  l'a  entièrement 
détruit,  et  a  supprimé  désormais  pour  l'enfant  toute  cause  de 
condamnation.  Cependant,  la  concupiscence  est  restée  comme 
châtiment  du  péché  personnel  de  nos  premiers  parents  ;  elle  est 
mauvaise  en  elle-même,  comme  l'usage  du  mariage.  Si,  au  con- 
traire, nos  premiers  parents  n'avaient  point  péché,  la  propaga- 
tion de  l'espèce  humaine  aurait  eu  lieu,  comme  celle  des  an- 
ges, conformément  à  la  doctrine  de  Mekhithar  (art.  4, 13, 18, 19). 

VIII.  Quant  au  péché  actuel,  il  serait  impossible  à  notre 
libre  arbitre,  sans  les  suggestions  du  démon  (a.  48). 

IX.  Erreurs  sur  FÉglise.  —  On  enseigne  en  Arménie  que 
l'Église  arménienne  seule  est  la  véritable  Église,  à  l'exclusion 
des  Églises  latine  et  grecque;  et  la  raison  d'une  telle  exclusion, 
c'est  que  les  Grecs  et  les  Latins  admettent  deux  natures  en 
Jésus-Christ,  célèbrent  la  Noël  le  25  décembre  et  non  au  jour 
de  l'Epiphanie,  et  qu'ils  mêlent  de  l'eau  avec  le  vin,  dans  le 
saint  Sacrifice  (1).  Pour  ces  deux  derniers  motifs,  les  démons 
que  le  Christ,  en  descendant  aux  enfers,  avait  enchaînés,  ont 
été  depuis  un  quart  de  siècle  déchaînés  sur  l'Arménie  (art.  32, 

(1)  Ailleurs  (1.  II,  ch.  m,  a.  2,  §  8,  p.  249  et  plus  loin  §  40),  nous  avons  montré 
que  l'emploi  du  vin  pur  chez  les  Grégoriens  s'appuie  sur  une  fausse  interprétation 
d'un  texte  de  Jean  Chrysostome;  on  sait  que  ce  Père  est  très  populaire  chez  les 
Arméniens  pour  avoir,  dans  son  exil,  pris  la  part  la  plus  intime  à  leurs  épreuves 
(Chrysostome,  Epist.  1,  ad  Olymp.;  35, ad  Alph.,ep.b2,  67-69,  127;  Migne,  LU,  ni). 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  275 

34,  35,  3G,  38);  cependant,  observent  les  auteurs  du  Libellus, 
l'Église  d'Arménie  est  loin  d'être  une  :  les  trois  catholicos  qui 
régissent  l'Église  ou  plutôt  les  trois  Églises  d'Arménie  n'ensei- 
gnent pas  la  même  doctrine;  dans  la  Grande-Arménie,  point 
de  crucifix  ni  d'images  de  saints  (1);  le  catholicos  de  l'A- 
ghouanie  et  celui  d'Aghthamar  sont  monophysites,  et  les  trois 
catholicos  s'anathématisent  mutuellement  (2). 


(1)  Parmi  les  motifs  mis  en  avant,  vers  970,  pour  la  déposition  du  catholicos 
Valian  de  Paghk  (dans  la  partie  orientale  de  la  Siounie,  aujourd'hui  Choucha), 
on  allégua  son  zèle  à  introduire  dans  les  églises  arméniennes  les  saintes  images 
(Hisl.de  Siounie ,  par  Brosset,  p.  107  ;  Guiragos,  trad.  Brosset,  p.  40;  notre  His- 
toire, 1.  II.  ch.  ii,  a.  10,  g  (i,  p.  153).  Nersès  (Lettre  au  prince  Alexis;  Guiragos, 
trad.  Brosset,  p.  69)  convenait  qu'une  partie  du  peuple  arménien  rejetait  par 
ignorance  le  culte  des  images.  Nous  voyons  aussi  le  même  culte  condamné  par 
un  Arménien,  dans  une  polémique  contre  Jeschoua  l'Ermite,  dont  nous  parle- 
rons plus  loin. 

(2)  A.  37.  —  L'Église  d'Aghouanie  ou  de  l'Albanie  était  distincte  de  celle  de 
l'Arménie.  Résumons  ici,  en  la  complétant  sur  quelques  points,  l'esquisse  que 
nous  en  avons  donnée.  Nous  laissons  de  côté  la  légende,  d'après  laquelle  Elisée, 
disciple  de  saint  Thaddée,  aurait  prêché  l'évangile  à  Tschol,  dans  l'Oudi,  érigé 
une  église  àtiis  et  fondé  l'Église  d'Aghouanie. 

Si  l'on  en  croit  Moïse  Gaghangatouatsi  (II,  48;  x"  siècle?  Voir  Agop  Manan- 
dian  :  Beitr&ge  zur  tilbanischen  Geschichte,  Leipzig,  18i)7),  le  roi  de  l'Albanie 
Omnair  serait  venu  avec  ses  seigneurs  vers  Tiridate  le  Grand  et  Grégoire  l'illu- 
minateur,  qui  les  aurait  baptisés.  Ils  auraient  en  même  temps  reçu  des  Arméniens 
et  emmené  en  Arménie  un  saint  évêque  consacré  à  Rome  (Air  mi  ieraneli  tser- 
natrial  hebisgobosoulhioun  i  Hrovm  Qaghaqê,  I,  11). 

Ce  dernier  fait,  invraisemblable  au  premier  abord,  pourrait  bien  être  vrai.  Les 
nombreux  témoignages,  qui  nous  parlent  des  rapports  de  l'Arménie  avec  l'an- 
cienne Rome  et  des  liens  politiques  et  religieux  unissant  la  première  à  la  seconde, 
ne  sont  pas  tous  sans  fondement.  Tiridate  avait  été  réintégré  dans  son  royaume 
par  un  général  romain  (par  Carus,  peut-être;  et,  dans  ce  cas,  vers  282,  et  non 
en  232,  comme  il  a  été  dit  par  suite  d'une  faute  d'impression,  à  la  page  50  du 
tirage  à  part).  Pourquoi,  un  peu  plus  tard,  quelques  prêtres  romains  et  même 
quelque  évêque  ordonné  à  Rome  n'auraient-ils  pas  marché  à  la  suite  des  légions 
vers  ces  peuples  alliés?  Cf.  Théodoret  H.  E.,  I,  23;  Socrat.,  I,  20. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'Église  d'Albanie  fut,  dès  son  origine,  étroitement  unie  à 
celle  d'Arménie.  Le  fds  aîné  de  Vertanès,  Cricoris,  consacré  évêque  de  l'Ibérie  et 
de  l'Albanie,  porta  la  foi  jusque  chez  les  peuples  voisins,  les  Massagètes.  Le  vail- 
lant apôtre  ayant  exhorté  le  roi  des  Massagètes,  Sanadroug,  selon  Moïse,  ou  Sa- 
nesan,  selon  Faustus,  à  ne  plus  conduire  ses  hommes  au  pillage,  mais  à  les  faire 
vivre  pacifiquement  de  leur  travail;  le  chef  barbare,  furieux,  feignit  de  croire 
que  Cricoris  était  envoyé  par  le  roi  d'Arménie  pour  soustraire  la  contrée  aux 
rapines  des  Massagètes  :  «  Si  nous  ne  vivons  plus  de  pillage,  dit-il,  de  quoi  vivrons- 
nous?  •>  et,  par  son  ordre,  Cricoris  fut  attaché  à  la  queue  d'un  cheval  fougueux  qui 
le  mit  en  pièces.  L'influence  religieuse  de  l'Arménie  qui  s'était  établie  en  Aghoua- 
nie  par  suite  de  l'apostolat  de  Grégoiie  et  de  Cricoris  ,  fut  bientôt  interrompue 
par  les  querelles  politiques  :  sous  Bab  (3G7-374),  le  roi  aghouan  Ournayr  était  un 


276  REVUE  du  l'orient  chrétien. 

X.  Les  tenants  des  Églises  arméniennes  admettent  généra- 
lement que  la  primauté  n'a  été  conférée  au  pape  que  par  le 

avec  Sapor  II  de  Perse  contre  les  Arméniens.  Mais,  au  siècle  suivant,  la  réconci- 
liation était  déjà  faite,  quand  Mesrob,  l'inventeur  de  l'alphabet  arménien,  vint 
doter  l'Ibérie  et   l'Albanie  d'un  alphabet  distinct   et    hâter  le  développement 
intellectuel  de  ces  deux  peuples;    le  roi  d'Albanie  Arsval  et  l'évêque  Jérémie 
ouvrirent  plusieurs  écoles,  et  les  Saintes  Écritures,  au  témoignage  de  Gorioun, 
ne  tardèrent  pas  être  traduites  en  albanais.  Quelques  années  plus  tard,  l'Albanie, 
menacée  comme    l'Arménie  dans  sa  foi,  appelait  sa  voisine  à  son  aide  contre 
l'ennemie  commune,  la  Perse.  Vartan,  avec  un  détachement  d'Arméniens,  accou- 
rait au  secours  des  Albanais,  et,  selon  le  témoignage  d'Elisée,  remportait  une 
victoire  devant  Khalkhal,  ville  située  sur  la  droite  du  Kour  et  résidence  d'hiver 
du  roi  albanais.  Mais  bientôt,  les  alliés,  déjà  bien  faibles,  furent  réduits  à  l'im- 
puissance par  leurs  divisions  et  isolément  écrasés  par  les  troupes  de  Yezde- 
dgerd.  A  la  mort  de  ce  persécuteur,  le  roi  Vatsché,  neveu  par  sa  mère  des  rois 
Ilormizd  III  et  Pêrôz,  abjura  le  mazdéisme  que  Yezdedgerd  l'avait  forcé  d'em- 
brasser et  se  souleva  contre  la  Perse;  puis,  impuissant  à  défendre  son  trône,  il 
se  retira  dans  un  ermitage.  La  royauté  restavacante  pendant  une  vingtaine  d'an- 
nées (  164-484).  Alors  l'écrasement  de  Pêrôz  par  les  Hephtalites  força  son  succes- 
seur Balasch  (484-488)  à  rendre  la  liberté  religieuse  aux  Aghouanset  à  mettre  sur 
le  trône  le  prince  indigène  Vatchagan  le  Pieux,  neveu  de  Vatsché.  Le  nom  de 
Vatchagan  rappelle  celui  de  Tiridate,  tant  le  prince  aghouan  déploya  de  zèle 
pour  purger  le  pays  du  magisme,  abolir  les  sacrifices  humains,  rétablir  et  ré- 
pandre  le  christianisme  dans  son  royaume  :    d'accord  avec  Chouphaghicho, 
archevêque  d'Aghouanie  (de  Bardav),  il  tint  dans  l'Oudi,  en  sa  résidence  d'été, 
un  synode  connu  sous  le  nom  de  synode  de  Bardav,  auquel    assistèrent  deux 
évêques,  trois  chorévêqucs,  onze  prêtres  et  quelques  seigneurs  (488). 

Les  vingt  et  un  décrets  qui  furent  adoptés  donnent  une  physionomie  expres- 
sive mais  sévère  à  cette  Église  à  peine  relevée  de  ses  ruines  (M.  G.,  I,  26).  Les  pri- 
vilèges du  haut  clergé  y  apparaissent  assez  étendus  : 

1°  Le  prêtre  doit  visiter  deux  fois  l'an  son  évêque  (baiser  la  terre  devant  lui), 
afin  d'être  instruit  par  lui  des  ordonnances  ecclésiastiques;  une  fois  au  moins 
dans  l'année,  il  lui  offrira  un  présent;  2"  Celui  qui  est  ordonné  doit  payer  quatre 
drachmes  pour  la  prêtrise,  deux  pour  le  diaconat;  3°  Tout  homme  de  condition 
libre  (azad)  ou  de  race  royale,  doit,  dans  l'intérêt  de  son  âme,  donner  de  son 
vivant,  au  moins  un  cheval  sellé  et  bridé;  si,  à  sa  mort,  il  ne  s'est  point  acquitté 
de  ce  devoir,  sa  famille  est  tenue  d'y  pourvoir  ;  4°  On  prélèvera  sur  le  peuple  en 
faveur  des  prêtres,  quatre  boisseaux  de  blé,  six  d'orge,  seize  cruches  de  moût;  le 
pauvre  donnera  la  moitié  d'un  pain  et  autant  de  vin  qu'il  pourra.  Mais  à  celui  qui 
n'a  ni  champ,  ni  vigne,  on  ne  demandera  rien...  Celui  qui  voudra,  dans  l'intérêt 
de  son  âme,  ajouter  à  ces  dons,  fera  bien...  Celui  qui  a  des  brebis  donnera  une 
brebis,  trois  toisons  et  un  fromage;  celui  qui  a  des  chevaux  donnera  un  poulain; 
celui  qui  a  des  vaches  donnera  un  veau;  5°  Nul,  qu'il  soit  de  condition  libre, 
paysan  ou  autre,  ne  doit  négliger  de  faire  célébrer  chaque  année  une  messe  poul- 
ies défunts.  On  doit  faire  bénéficier  les  défunts  de  tout  ce  qu'on  a  acquis.  On 
offrira  en  mémoire  du  mort  la  victime  dont  il  a  été  convenu,  que  ce  soit  un  che- 
val ou  une  brebis;  8°  C'est  l'évêque  qui  punit,  d'après  les  lois,  les  chrétiens  que- 
relleurs ou  ceux  qui  répandent  le  sang.  —  Le  clergé  bénéficie  encore  de  quelques 
amendes  ou  punitions,  qui  frappent  les  violateurs  des  sévères  lois  ecclésias- 
tiques, concernant  le  jeûne   et  l'abstinence.  Celui  qui    se  nourrit  d'un  animal 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  277 

concile  de  Nicée,  et  qu'il  Va  perdue  en  souscrivant  aux  actes 
du  concile  de  Chalcédoine  (a.  78,  79,  81,  85,  87,  96,  115-117). 

mort,  ou  mange  <le  la  viande  aux  époques  du  grand  jeu  no,  ou  accomplît  quelque 
autre  travail  le  dimanche  et  ne  se  rend  pas  à  l'église,  sera  puni  parle  prêtre  et  le 
peuple  {13).  Celui  qui  ne  s'abstient  pas  de  viande,  le  mercredi  et  le  vendredi, 
jeûnera  une  semaine  avant  le  grand  jeûne;  et  si  quelqu'un  vient  certifier  au 
prêtre  que  l'homme  incriminé  n'a  point  accompli  sa  pénitence,  le  plus  ancien  du 
village  enlèvera  au  délinquant  un  bœuf,  pour  l'offrir  au  prêtre  (14).  Le  canon  7 
est  avantageux  aux  religieux,  tant  prêtres  que  laïques  :  si  deux  couvents  ont  l'un 
beaucoup  de  prêtres,  et  peu  de  fidèles  qui  en  dépendent,  l'autre  peu  de  prêtres 
et  beaucoup  de  (idoles  à  l'entour,  une  partie  de  ceux-ci  doit  être  donnée  au  pre- 
mier couvent. 

Au  milieu  d'un  peuple  encore  à  demi  barbare,  l'inviolabilité  du  mariage  chré- 
tien ne  pouvait  être  maintenue  que  par  des  mesures  rigoureuses.  Le  canon 
dixième,  interdisant  seulement  le  mariage  au  troisième  degré  de  parenté  et  entre 
beau-frère  el  belle-sœur,  peut  paraître  très  modéré;  mais  le  suivant  ne  pèche 
certes  pas  par  indulgence  :  «  Celui  qui  abandonne  son  épouse  sans  raison,  ou 
s'unit  à  une  femme  en  dehors  du  mariage,  de  même  que  l'impie,  l'assassin,  ou 
celui  qui  consulte  les  magiciens,  celui-là  sera  enchaîné,  conduit  à  la  cour 
royale  et  mis  à  mort  ».  Afin  de  retrancher  les  marques  vraies  ou  feintes  de 
désespoir  et  l'étalage  de  douleur  qui,  surtout  dans  l'Orient  païen,  ont  toujours 
accompagné  les  cérémonies  funèbres,  les  Pères  ne  craignent  pas  de  proscrire 
ce  que  la  religion  elle-même  n'interdit  pas  :  •<  Pleure-t-on  les  morts,  que  le 
maître  de  la  maison  et  les  pleureurs  soient  arrêtés,  menés  à  la  cour  royale  et 
punis;  une  famille  ne  doit  point  verser  des  larmes  sur  les  défunts  (12).  Il  faut 
dire,  toutefois,  que  Strabon  (XI)  mentionne  une  coutume  particulière  à  certaines 
peuplades  du  Caucase,  tout  à  fait  analogue  à  la  prescription  synodale. 

Si  le  synode  confirme  les  privilèges  du  clergé,  il  lui  rappelle  aussi  ses  devoirs  ; 
le  prêtre  qui  a  le  soin  d'un  grand  village  ne  doit  point  prendre  la  charge  d'un 
autre.  Si  deux  villages  peu  étendus  sont  proches  l'un  de  l'autre,  il  faut  les  con- 
fier au  même  prêtre;  mais  la  juridiction  spirituelle  île  celui-ci  doit  être  propor- 
tionnée à  ses  forces  (9).  «  Le  prêtre  ou  le  diacre,  qui,  accusé  par  un  laïque, 
avouera  sa  faute,  sera  puni  par  l'évêque  et  accomplira  sa  pénitence  dans  la  soli- 
tude; s'il  ne  se  reconnaît  pas  coupable  et  si  sa  faute  vient  à  être  prouvée,  il 
sera  châtié  conformément  aux  saints  canons  et  chassé  du  village  (15).  »  L'évêque, 
toutefois,  n'est  pas  seul  dépositaire  du  pouvoir  judiciaire  à  l'égard  des  prêtres  : 
«  Si  le  prêtre  est  accusé  par  ses  collègues  et  ses  écoliers  et  si  ceux-ci  sont  dignes 
de  foi,  le  prêtre  se  tiendra  devant  l'autel  et  ses  accusateurs  devant  le  peuple; 
puis  on  dégradera  le  prêtre  et  on  le  chassera  du  village.  Mais  si  les  acolytes  et 
les  collègues  du  prêtre  sont  poussés  par  quelque  désir  de  vengeance,  et  si  le 
peuple  est  informé  qu'il  y  avait  auparavant  conflit  entre  l'accusé  et  les  accusa- 
teurs, il  maudira  ceux-ci  et  les  expulsera.  Si,  toutefois,  ils  avouent  l'injustice  de 
leur  accusation,  on  leur  imposera  une  pénitence,  sans  les  chasser  du  couvent. 
Se  rendent-ils  ensuite  coupables  de  quelque  autre  méfait,  ils  doivent  être  jugés 
selon  les  canons  (16).  »  D'autres  canons  prévoient  les  désordres  extrêmes  qui  péné- 
traient jusque  dans  les  asiles  les  plus  saints.  «  Si  un  abbé  do  couvent,  ou  un 
moine  est  découvert  en  flagrant  délit  d'adultère,  il  faut  que  le  lieu  témoin 
île  son  crime  le  soit  de  son  ignominie;  on  doit  ensuite  le  chasser;  quant  a 
l'enfant,  l'Eglise  l'adoptera.  »  Notons  cependantque  le  terme  k/wsdaghk,  que  la  plu- 
part des  traducteurs  traduisent  par  enfant,  pourrait  également  signifier  biens. 


278  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

XI.  Erreurs  sur  la  grâce  et  les  sacrements  en  général.  — 
D'après  certains  Arméniens,  la  grâce  une  fois  perdue  ne  se 

Los  canons  suivants  ont  pour  objet  do  régler  les  rapports  des  couvents  avec 
l'église  principale.  17°  Les  évoques  et  les  prêtres  s'étaient  plaints  au  roi  de  ce 
que  les  hommes  de  condition  libre  érigeaient  en  couvents  deux  ou  trois  églises 
dans  le  même  village,  et  avaient  passé  sur  ce  point  un  contrat  avec  le  roi.  Le  roi, 
les  évoques  et  les  hommes  libres  sont  tombés  d'accord  pour  no  point  toucher  à 
ces  églises  transformées  on  couvents-,  mais  les  fruits  et  les  revenus  de  ces  églises 
soient  donnés  à  l'église  principale,  18"  Si  les  hommes  libres  payent  la  dîme,  la 
moitié  de  colle-ci  doit  être  pour  l'église  principale,  l'autre  moitié  pour  leur 
propre  église.  10°  Le  dimanche,  le  maître  et  les  serviteurs,  doivent  prier  dans 
ï'église  principale  et  porter  un  présent  à  l'église;  un  étranger  doit  donner 
son  offrande  spirituelle  à  l'église.  "20°  Los  hommes  libres  ne  doivent  point 
renvoyer  de  leurs  possessions  un  prêtre,  sans  l'autorisation  de  l'évêque,  et 
l'évêque  ne  doit  ni  renvoyer  ni  consacrer  un  prêtre  sans  l'assentiment  des 
hommes  libres.  Enfin  le  prêtre  ne  doit  point  s'éloigner  devant  la  menace  d'un 
homme  libre  (soigneur)  ou  du  peuple,  sans  la  permission  de  l'évêque.  21°  Si  un 
homme  libre  (seigneur)  érige  un  autel  dans  son  église,  y  apporte  des  reliques', 
ou  offre  un  sacrifice,  il  est  tenu  de  se  conformer  à  la  direction  de  l'évêque, 
dans  la  mesure  du  possible...,  sous  peine  d'être  exclu  de  l'église  et  condamné  à 
une  amende,  en  rapport  avec  ses  ressources  (Manandian,  p.  48). 

Chouphaghicho,  le  plus  haut  personnage  ecclésiastique  du  synode,  est  désigné 
par  l'historien  (Moïse  Gag.,  I,  26)  sous  le  titre  d'archevêque  de  Barday  (nom  de 
l'ancienne  capitale,  aujourd'hui  simple  village  situé  près  du  Koursur  la  Terter). 
C'est  seulement  au  vie  siècle,  par  exemple  dans  la  lettre  écrite  par  le  catholicos 
arménien  Jean  1  à  Ter-Abbas,  que  celui-ci  est  appelé  catholicos  de  l'Albanie 
(M.  G.,  II.  7;  III,  24),  ou  plus  exactement  catholicos  d'Albanie,  Lepnik  etTschol. 
Comme  si  ce  titre  «lovait  être  la  récompense  dosa  docilité,  Ter-Abbas  adopta  les 
préventions  de  Jean  I  contre  les  dyophysites  et  les  confondit  aussi  avec  les  Nesto- 
riens  qui  admettaient  une  double  hypostase.  A  la  requête  du  catholicos  Jean,  il 
admit  la  formule  ajoutée  au  Trisagion  par  le  synode  II  de  Tovin,  sous  Norsès,  et 
il  chassales  moines  Thomas,  Elias,  l'.not  et  I  bas,  partisans  du  concile  de  Chalcédoine. 
Depuis  quelque  temps,  le  siège  principal  de  l'Albanie  venait  d'être  transféré  de 
Tschol  (Derbend?)  à  Bardav  (au  xn"  siècle  seulement  le  catholicos,  longtemps 
errant,  devait  fixer  son  siégea  Gantzazar).  Quand  l'empereur  Maurice  eut  scindé 
en  deux  le  catholicat  arménien,  les  Albanais  mirent  à  profit  cette  occasion  pour 
se  rendre  indépendants  au  point  de  vue  ecclésiastique.  Leur  catholicos,  au  lieu 
d'être  consacré  par  celui  de  l'Arménie,  le  fut  par  les  évèques  indigènes.  Mais 
l'union  fut  rétablie  au  temps  du  catholicos  arménien  Abraham  (Moïse  G.,  IL  48). 
L'un  des  faits  les  plus  glorieux  pour  l'Albanie  fut  la  conversion  des  Huns,  jusque- 
là  idolâtres  et  polygames.  Ce  peuple  fut  converti  (M.  G.,  II,  xxxix)  par  l'évêque 
albanais  Israël,  envoyé'  vers  l'an  700  enambassade  vers  leur  roi  Lithouer,  résidant 
à  Varatchan.  C'est  aussi  vers  ce  temps  que  le  catholicos  arménien  Eghia  ou  Élie 
fit  conduire  au  khalife  de  Damas  le  catholicos  Nersès  et  la  reine  Sprahm,  attaches 
par  le  pied  à  une  même  chaîne  et  chargés  sur  un  chameau. 

Il  serait  difficile,  dès  lors,  de  décrire  dans  le  détailles  rapports  religieux  des 
Albanais  avec  les  Arméniens.  Ils  suivirent,  comme  du  reste  ceux  des  Arméniens  avec 
les  Grecs,  toutes  les  iluctuations  de  la  politique.  L'Aghouanie, replacée  par  cédule 
royale  sous  l'autorité  d'Élie,  reçut  comme  catholicos  Ter-Siméon.  En  949,  le 
catholicos  arménien  Ananias  (943-964)  vint  en  Albanie  et  destitua  le  catholicos 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  279 

recouvre  jamais  au  même  degré  ;  les  sacrements  ne  confèrent 
pas  la  grâce  sanctifiante  (a.  41,  42);  la  fornication  chez  le 
prêtre,  mais  non  son  infidélité,  rend  nuls  les  sacrements  qu'il 
administre  (a.  G8,  69);  les  évoques  et  les  prêtres  arméniens 
ne  peuvent  recevoir  les  sacrements  que  de  leur  catholicos  res- 
pectif ou  de  ceux  qui  sont  soumis  à  sa  juridiction. 

XII.  Vices  essentiels  et  rites  particuliers  dans  l'adminis- 
tration du  baptême.  —  L'Église  arménienne  ne  reconnaît  pas 
le  baptême  des  autres  Églises  et  rebaptise  ceux  qui  viennent 
à  elle  (a.  36,  38,  56-58,  60,  73,  76,  78)  ;  car,  d'après  ses  adep- 
tes, on  ne  peut  baptiser  validement,  quand  on  admet  le  concile 
de  Chalcédoine,  et  qu'on  emploie  pour  le  saint  sacrifice  l'eau 
sortie  du  côté  du  Sauveur,  et  qui  devait  servir  uniquement 
pour  le  baptême.  Le  catholicos  de  Cilicie  rebaptise  même  ceux 
qui  ont  été  baptisés  par  ses  deux  collègues.  Il  est  des  Armé- 
niens qui  baptisent  avec  du  vin  (dans  le  ressort  du  catholicos 
d'Aghthamar)  ;  d'autres  baptisent  avec  du  lait;  certains  ne 
baptisent  pas  au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  mais 
se  servent  de  formules  sans  appropriation  à  l'acte  qu'ils  accom- 
plissent (a.  59,  67).  Les  Arméniens  ne  confèrent  qu'au  bout  de 
huit  jours  le  baptême  au  nouveau-né  ;  les  évêques  et  les  prê- 
tres seuls  peuvent  l'administrer  (a.  63);  ils  oignent  l'enfant 
avec  le  chrême  et  lui  donnent  une  parcelle  de  la  sainte  hostie 
détrempée  dans  du  vin  et  de  l'eau  ;  ces  deux  conditions  omises, 
ils  considèrent  le  baptême  comme  nul  (a.  58).  Aux  sujets  seuls 
qui  ont  dépassé  la  douzième  année  on  confère  le  baptême  pour 
la  rémission  de  leurs  péchés,  par  la  raison,  qu'avant  cet  âge, 
l'enfant  ne  peut  pécher  contre  la  pureté  (a.  62). 

XIII.  Les  Arméniens  n'attribuent  aucune  efficacité  au  sacre- 
ment de  confirmation,  et  le  catholicos  de  Cilicie  la  laisse 
administrer  par  les  prêtres  (a.  63-65). 

XIV.  Erreurs  touchant  le  sacrement  de  pénitence.  —  Aux 
yeux  des  partisans  de  l'Église  arménienne,  un  Arménien  ne 
peut  espérer,  hors  d'elle,  la  rémission  de  ses  péchés.  Certains 
enseignent  que  le  prêtre  n'influe  sur  la  rémission  des  péchés, 

Ter-Ghaghik,  parce  qu'il  n'avait  point  été  consacré  par  le  catholicos  arménien. 
Encore  que  bien  des  Albanais  rejetassent  les  prétentions  du  catholicos  arménien 
et  prétendissent  que  leur  Eglise  était  plus  ancienne  que  la  sienne,  Ananias  con- 
sacra pourtant  Tér-David  catholicos  de  l'Aghouànie  (958-963). 


28U  REVUE    DE    l/ORIENT   CHRÉTIEN. 

ni  comme  cause  principale,  ni  comme  cause  instrumentale; 
mais  il  parle  au  nom  de  Dieu  qui  seul  remet  les  péchés  ;  cette 
rémission  se  fait  par  la  seule  passion  du  Sauveur  (a.  40, 
41,  42). 

Sacrifices  d'animaux.  — Cependant,  pour  que  la  rémission 
des  péchés  ait  lieu,  l'Église  arménienne  veut  que,  conformé- 
ment à  la  loi  de  Moïse,  on  immole  des  animaux  purs  (brebis, 
chèvres,  bœufs)  ;  ces  sacrifices  ont  lieu  les  jours  de  fête,  et  aussi 
pour  les  funérailles.  Aux  obsèques,  les  victimes  sont  couvertes 
d'étoffes  de  soie  et  conduites  devant  la  porte  de  l'église  ;  le 
prêtre  met  dans  leur  bouche  du  sel  bénit,  les  oint  avec  de 
l'huile  de  lin  ;  on  les  immole  ensuite  et,  la  nuit  suivante,  les 
clercs  en  mangent  la  chair  avec  du  sel  (1). 

Néanmoins,  il  est  des  péchés  que  l'Eglise  arménienne  regarde 
comme  irrémissibles  ;  tels  sont  la  profession  du  dyophysisme 
ou  d'une  double  nature  en  J.-C,  un  second  mariage  contracté 
par  un  prêtre,  certaines  fautes  contre  la  pureté,  ou  celles  dans 
lesquelles  on  est  retombé  après  avoir  reçu  l'absolution  (a.  18, 
55).  De  graves  abus  vicient  d'ailleurs  la  confession  et  l'absolu- 
tion chez  les  Arméniens  :  la  confession  privée  et  détaillée  est 
rare,  car  le  confesseur  viole  le  secret  de  la  confession  et  impose 
de  lourdes  pénitences;  la  forme  de  l'absolution  qu'il  prononce 
est  vague  ou  déprécative;  il  n'exige  pas  du  pénitent  la  contri- 
tion, et  le  prêtre  qui  pèche  avec  son  épouse  n'est  pas  même 
tenu  de  s'en  accuser  (a.  48,  50-03,  82).  Outre  ces  graves  défauts 
dans  l'administration  du  sacrement  de  pénitence,  on  relève  chez 
les  supérieurs  ecclésiastiques  un  emploi  abusif  des  censures  et 
des  excommunications  (a.  51  et  55). 

XV.  Défauts  entachant  (es  ordres  dans  l'Église  d'Arménie, 
les  ordinations,  /'élection  du  catholicos.  —  Les  Arméniens 
n'ont  que  trois  ordres  sacrés  :  Xacolythat,  le  diaconat  et  le 
presbytérat.  En  Cilicie,  un  simple  prêtre  peut  ordonner  le 
diacre.  On  permet  à  celui-ci  d'épouser  une  vierge  avant  d'être 
promu  au  sacerdoce,  et  les  ordres  sacrés  sont  accessibles 
aux  bâtards.  Le  catholicos  de  Cilicie  prétend  avoir  seul  le  pou- 
voir de  consacrer   les  évêques;  cette   consécration  ne  serait 


il)  A.  15.  Le  synode  in  Trullo  do  692  reprochait  déjà  aux  Arméniens  (eau.  99) 
de  faire  bouillir  de  la  viande  à  l'autel  et  d'en  donner  une  part  aux  prêtres. 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  281 

point  regardée  comme  valide,  s'il  ne  posait  sur  leur  tête  le  bras 
de  saint  Grégoire  l'Illuminateur.  L'évêque  ordonne  le  diacre  et  le 
prêtre  en  leur  imposant  les  mains  ;  dans  l'un  et  l'autre  cas,  il 
ne  change  rien  à  la  formule,  sauf  le  nom  de  Tordre  conféré  ;  ni 
porrection  des  instruments  (vases  sacrés),  ni  onction  pour  le 
sacerdoce  ;  point  de  prélats  assistants  pour  le  sacre  des  évo- 
ques. Au  reste,  toutes  ces  ordinations,  comme  l'administration 
de  tous  les  sacrements,  se  font  à  prix  d'argent  (a.  65,  88,  89, 
92-96,  98).  Le  catholicos  dépose  les  évoques  qui  ne  lui  donnent 
pas,  chaque  année,  la  taxe  convenue.  Quant  à  lui,  il  est  confirmé 
dans  la  Grande-Arménie  par  le  Khan  tartare,  qui  le  prive  en- 
suite de  son  siège,  s'il  n'en  reçoit  pas  la  somme  fixée  d'avance. 
Dans  la  Petite-Arménie,  voici  comment  est  élu  le  catholicos  : 
l'épiscopat  présente  trois  évoques  ;  le  roi  fléchit  les  genoux  de- 
vant chacun  des  trois  candidats  ;  puis  il  choisit  le  plus  offrant 
et  le  confirme  en  lui  mettant  au  doigt  un  anneau.  Le  catholicos 
actuel  a  payé,  lors  de  son  élection,  50.000  gros,  et  il  verse 
annuellement  20.000  gros.  Le  roi  choisit  de  même  les  prêtres 
et  les  évêques,  moyennant  argent  (a.  89,  97,  99). 

XVI.  Erreurs  et  incorrections  disciplinaires  au  sujet  du 
Sacrifice  de  la  messe  et  de  l'Eucharistie.  —  Les  partisans  de 
l'Église  arménienne  prétendent  que  le  mélange  de  l'eau  avec  le 
vin,  dans  le  saint  Sacrifice,  est  une  pratique  diabolique,  incom- 
patible avec  la  foi  (a.  32,  34,  71,  73);  ils  attribuent  la  vertu  de 
consacrer,  non  aux  paroles  du  Christ,  hoc  est  corpus  meuin, 
mais  à  l'invocation  qui  les  suit  (épiclèse),  et  dans  laquelle  le 
prêtre  demande  à  Dieu  de  transformer  les  oblats  au  corps  et  au 
sang  de  Jésus-Christ,  par  la  vertu  du  Saint-Esprit.  Au  reste,  ils 
n'admettent  pas  la  transubstantiation.  Leurs  prêtres  ne  célè- 
brent d'ordinaire  la  messe  que  le  samedi  et  le  dimanche,  sur- 
tout pendant  le  carême,  qui  commence  le  dimanche  de  la  Quin- 
quagésime;  parfois,  ils  célèbrent  avec  les  habits  profanes  qu'ils 
portent  d'ordinaire;  ils  sont  seuls  pendant  le  saint  sacrifice,  le 
peuple  restant  hors  de  l'église  dont  les  portes  demeurent 
closes  (a.  66,  67,  70,  80,  81).  —  Non  seulement  ils  rejettent  le 
mystère  de  la  transubstantiation,  mais  à  leurs  yeux  le  sacrement 
de  Y  Eucharistie  n'est  que  le  symbole  du  corps  et  du  sang  du 
Christ.  Ils  méconnaissent  les  effets  spirituels  de  l'eucharistie  et 
lui  en  attribuent  superstitieusement  d'autres,  toul  temporels. 


282  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Voici  une  autre  superstition  qui  a  cours  parmi  eux  :  le  mori- 
bond qui  n'a  pas  la  facilité  de  recevoir  l'Eucharistie  peut  y 
suppléer  en  faisant  une  croix  sur  la  terre  avec  la  main  et  en 
mangeant  un  peu  de  la  terre  placée  ainsi  sous  l'un  des  bras  de 
la  croix  (a.  107).  Enfin,  les  fidèles  ne  communient  que  la  veille 
et  le  jour  de  l'Epiphanie,  parfois  aussi  le  jour  de  la  Cène  et  le 
samedi  saint  (a.  80,  81)  ;  mais,  si  quelqu'un  d'entre  eux  s'avise 
de  communier  chez  les  Grecs  et  les  Latins,  on  le  condamne  au 
jeûne  le  plus  strict,  pendant  cinq  ans  (a.  79). 

XVII.  Erreurs  et  défauts  disciplinaires  concernant  le  ma- 
riage. —  Des  adeptes  de  l'Église  arménienne  taxent  de  péché 
l'usage  du  mariage  (a.  19);  ils  considèrent  comme  un  païen 
celui  qui  se  marie  pour  la  troisième  fois;  et  ils  ne  l'absolvent 
que  s'il  renvoie  son  épouse  et  accepte  une  pénitence  de  quinze 
ans,  durant  lesquels  il  observera  un  jeûne  strict,  en  se  privant 
de  viande,  de  poissons  et  de  laitage  (a.  49).  Ce  rigorisme,  d'ail- 
leurs, contraste  étrangement  avec  le  laxisme  de  l'Église  armé- 
nienne sur  quelques  points  essentiels  :  ainsi,  elle  ne  prescrit 
aucune  formule  déterminée,  exprimant  le  consentement  des 
époux;  ce  consentement  même  n'est  pas  requis  pour  le  ma- 
riage; elle  bénit  les  mariages,  même  en  deçà  du  troisième 
degré,  bien  que,  d'après  les  canons,  ils  soient  interdits  jusqu'au 
septième  degré;  elle  prononce  le  divorce  au  gré  des  époux, 
moyennant  une  rétribution  ;  elle  tolère  la  polygamie  et  admet 
les  bâtards  aux  ordres  sacrés  (a.  100-103). 

XVIII.  Dans  l'Église  arménienne  V extrême-onction  n'est  pas 
en  usage;  mais  les  prêtres,  après  leur  mort,  sont  oints  à  la 
tête,  au  front  et  à  la  main  droite  (a.  65). 

XIX.  Erreurs  et  superstitions  sur  les  fins  dernières,  le  ciel, 
le  purgatoire,  l'enfer  et  la  résurrection.  —  Des  représentants 
de  l'Église  arménienne  prétendent  que  les  âmes  humaines, 
comme  les  noirs  démons,  restent  dans  l'air  ou  sur  la  terre,  au- 
tour du  paradis  terrestre,  avec  les  âmes  que  Jésus  ressuscité 
tira  des  enfers  (1).  Dans  l'Église  arménienne,  on  n'admet  point 
le  purgatoire  ;  on  prie  seulement  d'une  manière  générale  pour 
les  défunts,  afin  qu'ils  parviennent  au  repos  définitif.  Après  la 

(1)  Cette  erreur  rappelle  la  théorie  étrange  de  Tertullien  (De  anima,  m),  d'a- 
près laquelle  les  âmes  des  martyrs  seraient  admises  dans  le  paradis  (distinct, 
semble-t-il,  du  ciel).  Migne,  P.  L...  II,  789. 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES   ARMÉNIENS.  283 

mort,  les  âmes  justes  entrevoient  un  instant  la  gloire  dont  elles 
jouiront  plus  tard;  niais  c'est  seulement  après  la  résurrection 
et  le  jugement  qui  la  suivra,  que  les  âmes  des  enfants  baptisés 
et  des  saints,  comme  celle  par  exemple  du  bon  larron,  entre- 
ront dans  le  royaume  des  cieux;  même  alors,  toutefois,  elles 
ne  contempleront  pas  l'essence  de  Dieu,  mais  seulement,  et  à 
des  degrés  divers,  la  clarté  qui  émane  de  l'essence  divine, 
comme  la  lumière  émane  du  soleil.  Le  paradis  terrestre  recevra 
les  enfants  non  baptisés  et  les  justes  d'une  vertu  non  consom- 
mée; ceux-ci  auront  de  plus  une  auréole  formée  par  le  feu  qui 
aura  embrasé  la  terre,  et  ils  verront  plus  ou  moins  distincte- 
ment la  splendeur  dont  brillera  la  croix.  Les  hommes  ni  bons, 
ni  mauvais,  mediocriter  mali,  comme  les  gens  mariés,  reste- 
ront perpétuellement  sur  la  terre,  mais  ils  n'auront  plus  besoin 
de  réparer  leurs  forces  par  la  nourriture,  et  ils  seront  immor- 
tels. D'ailleurs,  après  la  résurrection,  a  dit  un  catholicos,  la 
distinction  des  sexes  n'existera  plus.  Les  infidèles  et  les  mau- 
vais chrétiens  seront  plongés  dans  l'océan  transformé  en  four- 
naise, et  rempli  de  vers  et  de  dragons;  ou  bien  encore,  selon 
l'opinion  la  plus  commune,  ils  seront  simplement  livrés  à  la 
conscience  de  leurs  propres  péchés,  c'est-à-dire  au  remords 
(a.  7,  8-12,  15,  17,  23,  21,  31,  105,  106). 

XX.  Non  contents  de  ne  point  adopter  certains  rites  et 
usages  latins,  tes  partisans  de  VÉglise  arménienne  les  pros- 
crivent. —  Outre  les  usages  spéciaux  que  nous  avons  relevés  dans 
les  chapitres  précédents,  les  auteurs  du  Libellus  reprochent  aux 
Arméniens  de  fixer  leurs  fêtes  au  samedi,  sauf  l'Assomption 
et  l'Exaltation  de  la  croix  célébrées  le  dimanche  (a.  80,  81); 
ils  leur  font  un  grief  de  leur  manière  de  jeûner;  les  jours  de 
jeûne,  disent-ils,  les  Arméniens  s'abstiennent  de  viande,  de 
poissons,  d'œufs,  de  fromage,  de  beurre,  de  lait,  d'huile;  ils  se 
contentent  de  pain,  d'herbes  et  de  vin,  mais  en  prennent  aussi 
souvent  qu'ils  le  désirent  (a.  47).  —  Enfin,  le  catholicos  interdit 
aux  Arméniens  de  célébrer,  de  jeûner,  de  se  faire  baptiser  d'a- 
près le  rite  latin,  même  d'apprendre  aux  enfants  la  langue  la- 
tine; et  il  dégrade  et  persécute  les  Arméniens  unis  qui  réor- 
donnent ou  rebaptisent  sous  condition  leurs  compatriotes 
(a.  78). 

|  V.  Les  évêques  Arméniens,  représentant  surtout  ta  Ci- 


284  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

licie,  répondent  aux  117  griefs  contenus  dans  le  Libellus. 
La  justification  présentée  par  tes  Pères  du  concile  de  Sis  de 
d3M  (?)  laisse  voir  que  la  plupart  des  erreurs  ou  croyances 
dénoncées  avaient  été  admises,  au  moins  dans  telle  ou  telle 
partie  de  la  Grande- Arménie.  — Évidemment,  le  réquisitoire 
était  trop  sévère.  Mais,  si  l'on  excepte  d'anciens  usages  disci- 
plinaires que  l'Église  arménienne  pouvait  légitimement  con- 
server, les  exagérations  du  Libellus  portaient  beaucoup  moins 
sur  la  nature  et  le  nombre  des  erreurs  ou  des  superstitions  in- 
criminées que  sur  une  tendance  très  marquée  à  généraliser  et 
à  mettre  sur  le  compte  de  l'Église  d'Arménie,  les  errements 
d'un  certain  nombre  de  vartabeds  et  les  superstitions  d'une  ou 
plusieurs  fractions  du  peuple  arménien.  Il  n'y  avait  guère  que 
le  roi  Léon  V  et  une  partie  de  la  noblesse  qui  ne  fussent  point 
attaqués  par  le  Libellus;  et  ils  étaient  mis  hors  de  cause,  pré- 
cisément parce  qu'ils  adhéraient  non  seulement  aux  dogmes  de 
l'Église  catholique,  mais  aussi  aux  principaux  usages  discipli- 
naires des  Latins. 

Le  catholicos  et  surtout  le  roi  furent  très  affectés  des  accu- 
sations portées  contre  les  croyances  et  les  usages  de  l'Église 
arménienne.  Sur  leur  ordre,  le  frère  mineur  Daniel,  lecteur  de 
la  cathédrale  de  Sis  et  vicaire  de  son  Ordre  en  Arménie,  com- 
posa un  mémoire  justificatif  qui  fut  envoyé  au  pape.  Mais 
encore  que  cette  réponse,  conçue  dans  un  esprit  catholique,  fût 
destinée  à  donner  satisfaction  au  souverain  pontife,  elle  ne  pou- 
vait réaliser  pleinement  ses  vues  :  le  pape,  en  effet,  ne  préten- 
dait pas  que  les  cent  dix-sept  articles  du  Libellus  fussent  autant 
d'erreurs  ou  de  pratiques  abusives  enseignées  ou  formellement 
approuvées  par  l'Église  arménienne.  A  ses  yeux,  ces  accusa- 
tions compromettaient  seulement  des  membres  plus  ou  moins 
nombreux  de  cette  Église;  mais  il  désirait  que  les  principaux 
représentants  de  l'Église  arménienne  élevassent  la  voix  pour 
désavouer  et  condamner  tous  les  articles  qu'ils  ne  pouvaient 
expliquer  dans  un  sens  catholique. 

Or,  c'est  ce  qui  eut  lieu  en  1314-1345  (?),  au  concile  de  Sis, 
convoqué,  sur  l'invitation  du  pape,  par  les  soins  du  roi  Cons- 
tantin et  du  catholicos  Mekhithar.  Six  archevêques,  vingt-trois 
évoques,  cinq  docteurs,  dix  abbés  ou  supérieurs  de  couvent  y 
prirent  part.  Les  Pères,  réunis  sous  la  présidence  du  catholicos, 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  285 

répondirent  aux  cent  dix-sept  griefs  du  Libellus.  Leurs  réponses 
ne  dissimulent  pas  qu'un  certain  nombre  de  dissidents  étaient 
réunis  autour  du  catholicos  de  l'Albanie  arménienne  et  du  ca- 
tholicos  d'Aghthamar;  mais,  en  même  temps,  elles  attestent 
que  l'Église  arménienne,  du  moins  en  Cilicie,  professait  la  foi 
catholique,  conservée  à  peu  près  intacte,  depuis  les  derniers 
conciles  de  Sis  et  d'Adana  (1). 


(1)  Comme  les  Pères  du  concile  font,  à  tort  sans  doute,  remonter  la  première 
scission  officielle  au  synode  de  Manazgherd,  il  convient  de  retracer  ici,  en  les 
éclairant  l'un  par  l'autre,  les  principaux  événements  politiques  et  religieux  qui 
le  précédèrent,  événements  auxquels  les  Pères  ne  font  aucune  allusion.  Quand 
le  synode  de  Tovin  (648  649?),  sous  l'influence  de  Théodore  Piechdouni,  rejetait 
les  conditions  d'union  proposées  par  Byzance,  Tovin,  d'après  les  écrivains 
arabes,  était  depuis  trois  ans  incorporée  à  leur  royaume  (depuis  l'an  25  de  l'Hé- 
gire =  645-646).  D'après  les  auteurs  arméniens,  les  Arabes  avaient  pris  la  ville, 
mais  ne  l'occupaient  plus.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  Arméniens  septentrionaux 
voyaient  les  Arabes  à  la  porte  de  leurs  cités,  et  beaucoup  d'entre  eux,  c'est  triste 
à  dire,  croyaient  leur  personne,  leurs  biens,  leur  rite  mieux  garantis  par  le 
khalife  que  par  l'empereur.  «  Les  infidèles  ne  nous  gênent  point  dans  la  mani- 
festation de  notre  foi  »,  répliquaient-ils  à  Constant.  Il  était  facile  de  prévoir  que, 
vraie  ou  apparente,  la  modération  des  Arabes,  soutenue  par  une  puissance  crois- 
sante, allait  attirer  à  eux  la  plus  grande  partie  des  Arméniens  orientaux.  En  653, 
l'armistice  conclu  pour  trois  ans  entre  Constant  et  Moawi'ah  venait  d'expirer;  les 
Arabes  reprirent  les  armes;  et,  aussitôt,  sans  qu'une  goutte  de  sang  eût  été 
versée,  Théodore  Rechdouni,  séduit  par  les  conditions  que  proposait  Moawiah, 
abandonnait  les  Grecs  pour  les  Arabes.  Pendant  trois  ans  (Sebêos,  XXXV,  éd.  de 
S.-Pétersb.),  ou  pendant  sept  ans  (éd.  de  Constantin.),  les  Arméniens  restaient 
exempts  de  tribut;  ils  devaient  seulement  entretenir  chez  eux  15.000  cavaliers  ar- 
méniens; en  retour,  les  Arabes  devaient  les  protéger  contre  les  Grecs  (cf.  Muller, 
Islam,  Berlin,  1885,  I,  261);  Théophane  (Chonogr.,  éd.  de  Boor,  Leipzig,  1883, 
p.  344,  et  dans  Migne,  P.  G.,  CVIII,  701,  1325)  rapporte  ce  traité  à  la  10e  année  du 
règne  de  Constant  (651). 

Exaspéré  par  cette  alliance  des  Arméniens  avec  le  grand  allié  de  l'antéchrist,  — 
le  mot  est  de  Sebêos,  —  Constant  se  porta  sur  Garin,  avec  une  armée  de 
100.000  hommes  (!).  Il  y  fut  rejoint  par  les  soldats  de  la  IVe  Arménie,  du  pays  des 
Rechdounis,  de  Sper,  de  Daranali,  Daïkh,  Passin,  par  les  ischkhans  du  Vanant, 
par  les  princes  Pakradouni  (Pagratides)  et  Mouschegh  Mamigonian.  Nersès  III 
était  aussi  accouru  de  Daïkh,  pour  apaiser  l'empereur.  Celui-ci,  avec  une  escorte, 
évaluée  par  l'historien  à  20.000  hommes,  poursuivit  sa  route  jusqu'à  Tovin.  Là, 
installé  dans  le  palais  du  catholicos,  il  nomma  Mouschegh  généralissime  à  la 
place  de  Théodore  Rechdouni,  dont  il  avait  proclamé  la  déchéance;  il  prescrivit 
ensuite  aux  Arméniens  d'accepter  les  décisions  de  Chalcédoine  et  de  communier 
avec  les  représentants  de  l'Église  grecque.  La  présence  de  l'armée  grecque,  les 
récentes  menaces  de  Constant  contre  les  Arméniens  auraient  sans  doute  achevé, 
s'il  en  eût  été  besoin,  de  déterminer  Nersès  III  à  souscrire  aux  conditions  qui 
lui  étaient  présentées.  Mais  nous  croyons  que,  se  voyant  suffisamment  garanti 
contre  les  violences  de  Théodore  Rechdouni  et  de  ses  partisans,  il  accepta  spon- 
tanément l'accord  religieux  :  «  Nersès  Schinogh,  dit  Sebêos,  avait  été  élevé  chez 


286  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Comme    nous    avons  groupé   sous   un  certain  nombre    de 
chefs  les  117  articles  du  Libellus,  nous  réunirons  sous  le  même 


les  Grecs  et  avait  adopté  avec  conviction  les  doctrines  du  concile  de  Chalcédoine 
et  du  toumar  de  Léon  »  ;  bien  qu'il  fût  vertueux,  pieux,  adonné  au  jeûne,  à  la 
prière,  poursuit  l'historien,  il  avait  caché  ses  sentiments  jusqu'au  moment  de 
sa  conférence  avec  Constant.  Alors,  un  dimanche,  dans  l'église  de  S. -Grégoire, 
le  concile  de  Chalcédoine  fut  proclamé,  la  messe  fut  célébrée  à  la  romaine  (à  la 
grecque)  par  un  prêtre  romain  (grec);  l'empereur,  le  catholicos  et  tous  les  évê- 
ques,  les  uns  de  gré,  les  autres  avec  plus  ou  moins  de  répugnance,  participèrent 
ensemble  aux  saints  mystères  (Sebêos,  III,  c.  35;  Combéfis,  p.  280).  Un  seul  évê- 
que  résista  un  instant;  mais  bientôt,  il  lit  comme  ses  collègues,  et,  pour  se  faire 
pardonner  de  Constant  son  hésitation,  il  lui  déclara  que  Nersès  avait  jadis  lancé 
l'anathème  contre  le  concile  de  Chalcédoine. 

L'empereur  reprit  le  chemin  de  Byzance;  Nersès,  après  l'avoir  accompagné 
jusqu'à  Constantinople,  se  réfugia  vers  la  vallée  du  Tschorokh,  dans  le  Daïkh, 
son  pays  d'origine,  voulant  se  mettre  à  l'abri  de  Théodore  Rechdouni  et  des 
Arabes. 

Théodore,  après  avoir  fait  emprisonner  les  gens  envoyés  par  l'empereur  pour 
l'arrêter,  s'était  enfui  à  Aghthamar.  La  plupart  des  Aghouans,  des  Siouniens  et 
des  Géorgiens  s'étaient  soumis  comme  lui  au  khalife.  Pour  le  moment,  les 
armes  des  Grecs  détachèrent  seulement  les  Géorgiens  des  Arabes.  A  peine,  d'ail- 
leurs, Constant  avait-il  quitté  l'Arménie,  que  les  Arabes  occupaient  le  nord  du 
lac  de  Van.  Avec  leur  aide,  Théodore  repoussa  les  Grecs  jusqu'à  la  nier  Noire 
et  prit  Trébizonde.  Il  se  rendit  ensuite  au  palais  de  Moawiah,  à  Damas,  avec  de 
précieux  présents;  et  ce  gouverneur  le  nomma  marzban  de  l'Arménie,  de  la 
Géorgie  et  de  l'Aghouanie,  en  lui  donnant  pour  tâche  d'achever  de  soumettre 
ces  régions  aux  Arabes.  Habib  reconquit  aisément  le  nord  de  l'Arménie  avec 
Tovin.  Le  gouverneur  grec  Maurianos  reprit  l'avantage  pendant  l'hiver.  Mais 
au  printemps  il  fut  battu  devant  Nakhchévan  et  rejeté  vers  la  Géorgie.  Proba- 
blement Garin  n'était  point  tombée  aux  mains  des  musulmans  en  645,  quoi  qu'en 
disent  les  écrivains  arabes;  mais  alors,  vers  655,  elle  leur  ouvrit  ses  portes  après 
une  courte  résistance.  Peu  de  temps  après,  Théodore  allait  à  Damas  où  il  mourait 
en  656  (Cf.  Hubschmann,  Zur  Gesch.,  p.  42,  n.  1). 

La  guerre  civile  qui  éclata  en  657  entre  Ali  et  Moawiah  obligea  ce  dernier  a 
retirer  ses  troupes  de  l'Arménie  et  à  demander  à  Constant  une  suspension  d'ar- 
mes moyennant  tribut.  L'Arménie  rentra  sous  la  domination  grecque.  Ha- 
maszasp  Mamigonian  fut  nommé  gouverneur  avec  le  titre  de  curopalate.  La 
même  année,  les  Arabes,  irrités  de  se  voir  abandonnés  des  Arméniens,  massacrè- 
rent les  otages.  Il  se  peut  néanmoins  que,  conformément  au  texte  de  Sebêos, 
la  nomination  d'Hamaszasp  et  le  massacre  des  otages  aient  eu  lieu  avant  la 
révolte  de  Moawiah,  c'est-à-dire  vers  651-656  (Voir  notre  Histoire,  1.  II,  a.  5,  S  4, 
p.  97  ;  Sebêos,  III,  c.  38).  Devenu  khalife,  Moawiah  envoya  un  écrit  aux  Arméniens 
les  sommant  de  lui  payer  un  tribut  annuel  de  500  deniers  en  argent,  et  il  recom- 
mença la  guerre  contre  les  Grecs.  Nersès,  qui  depuis  la  mort  de  Théodore  Rech- 
douni était  revenu  à  Tovin,  vit  que  la  plupart  des  princes  et  Mouschegh  lui- 
même  se  ralliaient  aux  Arabes,  que  la  résistance  était  inutile,  et  il  accepta  la 
suzeraineté  du  khalife  (Ghevond,  c.  iv).  Sur  sa  recommandation,  Grégoire  Mami- 
gonian fut  nommé  gouverneur  ;  Grégoire  ayant  été  tué  dans  un  combat  contre 
les  Khazars,  il  eut  pour  successeur  Aschod  Pakradouni.AprèslamortdeMoawiah, 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES     ARMÉNIENS.  287 

nombre  de  titres  les  réponses  des  Pères,  en  sorte  qu'il  soit  aisé 
au  lecteur  de  mettre  en  face  Tune  de  l'autre,  sur  chaque  point, 
l'accusation  et  la  défense. 


les  guerres  civiles  entre  les  prétendants  au  khalifat  furent  misesà  profit  par  Jus- 
tinien  II,  dont  les  armées  envahirent  trois  fois  l'Arménie  et  la  soumirent.  Comme 
toujours,  l'union  religieuse  suivit  l'union  politique  :  elle  fut  conclue,  vers  690, 
parle  catholicoslsaac  (677-703)  (Voir  Ghevond,  c.v  ;  Açoghig,  II,  2  ;  Combéfis,  p.  288 
et  dansMigne,  CXXXII,  1253).  — Alapage  1  :>'.),  nous  avons  par  distraction  attribué 
en  partie  la  rupture  de  l'union  aux  victoires  du  roi  de  l'erse  Chosroès. 
Cette  rupture  religieuse  avec  les  Grecs  ayant  eu  lieu  après  660,  le  lecteur  aura 
facilement  substitué  au  roi  persan  Chosroès  le  khalife  Moawiah  I,  661-680. 

On  raconte,  il  est  vrai  (loco  cit.),  que  Sahag  et  ses  évêques,  au  retour  de  leur 
entrevue  avec  l'empereur,  se  reprochèrent  d'avoir  accepté  la  communion  avec 
les  Romains  (les  Grecs).  Mais,  à  moins  d'admettre  que  tous  ces  hauts  prélats 
n'avaient  ni  fermeté  de  convictions,  ni  force  de  caractère,  on  croira  difficile- 
ment qu'ils  aient  tous  maudit,  aussitôt  après  l'avoir  faite,  une  démarche  à  la- 
quelle rien  ne  les  obligeait.  Ne  faudrait-il  pas  plutôt  conclure  que,  se  retrouvant 
loin  des  Grecs,  dans  ces  provinces  septentrionales  peu  sympathiques  à  Byzance, 
en  face  de  ces  Arabes  qui  reprenaient  l'avantage  contre  l'empereur  et  qui  te- 
naient le  glaive  levé  sur  la  malheureuse  Arménie,  le  catholicos  et  ses  évêques 
redoutèrent  les  conséquences  de  leur  acte  d'union?  En  effet,  Abd-el-Mélek  ayant 
nommégouverneur  son  frère  Mohammed  ibn  Merwan,  lui  avait  ordonné  de  réduire 
l'Arménie  à  une  entière  obéissance.  Mohammed  envahit  deux  fois  le  pays  :  une 
première  fois,  probablement  vers  la  dixième  année  de  Justinien  (694-695, 
Théophanes,  Chron.,  1,368;  Migne,  CVIII,  748).  En  s'éloignant,  Mohammed  laissa 
comme  sous-gouverneur  Abdallah,  dont  la  tyrannie  excita  la  révolte  du  préfet 
Sempad  Pakradouni.  On  sait  que  les  gouverneurs  arméniens  nommés  par  le 
khalife  étaient  dépendants  des  gouverneurs  musulmans  dont  la  juridiction  était 
plus  étendue.  Poursuivi  par  Abdallah,  Sempad  fut  atteint  près  d'Agori,  village 
sur  la  pente  septentrionale  du  Massis,  le  bourg  même  qui  a  été  détruit  par  un 
tremblement  de  terre  en  1840.  Les  Arméniens,  dont  le  nombre  ne  dépassait  guère 
un  millier,  parvinrent  cependant  à  traverser  l'Araxe  et  à  se  fortifier  dans  le  vil- 
lage de  Vartanagherd.  Là,  ayant  puisé  une  énergie  nouvelle  dans  la  prière  et  la 
communion,  ils  taillèrent  en  pièces  les  assaillants  bien  supérieurs  en  nombre, 
mais  paralysés  par  le  froid.  L'Araxe  étantgelé,  les  fuyards  essayèrent  de  le  traver- 
ser ;  plusieurs  furent  engloutis  ;  trois  cents  à  peine  atteignirent  le  fort  d'Erendchag 
et  durent  leur  salut  à  la  généreuse  intercession  de  la  princesse  Schouchan  de 
Siounie  (Ghevond,  ibid.). 

Quant  à  Sempad,  il  envoyait  en  guise  de  trophée  à  Tibère  III  Absimare  (698- 
705),  avec  d'excellents  chevaux  arabes,  les  nez  des  ennemis  tombés  dans  la  bataille  ; 
puis  investi  par  l'empereur  du  titre  de  curopalate,  il  allait  s'établir  dans  la  place 
forte  de  Coukhark,  au  territoire  de  Daïkh.  Vers  ce  même  temps,  un  autre  Sem- 
pad, fils  d'Aschod,  gouverneur  du  Vasbouragan,  écrasait  au  village  de  Kougank, 
canton  de  Rechdouniq,  un  détachement  d'Arabes,  massacrait  les  captifs,  et 
faisait  précipiter  dans  le  lac  de  Van  leur  chef,  auquel  il  avait  promis  de  ne  pas 
le  tuer  :  acte  fort  déloyal  assurément,  mais  malheureusement  très  fréquent 
alors  chez  les  gens  de  guerre  et  par  lequel  ils  prétendaient  concilier  le  devoir 
résultant  de  la  parole  donnée  et  leur  soif  implacable  de  vengeance!  Enfin,  pres- 
que simultanément  avec  ces  défaites,  Abd-el-Mélek   apprenait  que  les  princes 


288  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

I.  Procession  du  Saint-Esprit.  —  L'Église  arménienne,  di- 
sent les  Pères,  enseigne  que  le  Saint-Esprit  procède  aussi  du 
Fils;  et  ils  citent  une  oraison  pour  la  Pentecôte,  où  ce  dogme, 
entendu  dans  le  sens  d'une  procession  éternelle,  est  expressé- 
ment formulé  :  «  in  te  procedens  inscrutabiliter  ex  Pâtre  et 

Gamsaragan  avaient  chassé  les  troupes  d'Oqba  du  Vanant.  C'en  était  trop  aux 
yeux  du  cruel  mais  intrépide  khalife.  Par  son  ordre,  Mohammed  envahit  de  nou- 
veau l'Arménie;  les  princes  arméniens  cessèrent  toute  résistance  et  dépêchè- 
rent le  catholicos  Sahag  vers  le  gouverneur,  alin  de  l'apaiser  en  lui  offrant  l'en- 
tière soumission  de  l'Arménie. 

Est-il  étonnant  que  le  pontife,  chargé  d'un  tel  rôle,  ait  regretté  son  pacte  avec 
les  Grecs?  Parti  avec  quelques  prélats  pour  aller  au-devant  de  Mohammed,  Sahag 
dut  s'arrêter  épuisé  à  Harran.  Se  sentant  mourir,  il  écrivit  sa  requête  et  ordonna 
à  ses  compagnons  de  la  présenter  après  sa  mort  au  général  ennemi.  Dans  cette 
supplique,  il  affirmait  que  les  Arméniens  se  soumettaient  sans  arrière-pensée  au 
chef  sarrasin  et  le  priait  de  se  contenter  d'un  tribut  et  de  ne  point  les  violenter  dans 
leur  foi. 

On  raconte  que  Mohammed,  touché  de  cette  suprême  prière,  voulut  voir 
le  défunt;  l'ayant  salué  par  trois  fois,  il  lui  prit  la  main  et  dit  :  «  Comme  un  bon 
pasteur,  tu  es  venu  arrêter  mon  glaive  déjà  levé  ;  je  ne  l'abaisserai  pas  sur  des 
innocents  (Ghevond.  c.  v,  édit.  Chan".,p.  29).  Cependant*  Sempad  Pakradouni,  re- 
tiré;! Thouqarq  dans  la  vallée  du  Tschoroch,  n'avait  pas  désarmé;  il  attaqua  avec 
le  secours  des  Grecs  une  armée  arabe  dans  le  Vanant,  mais  il  fut  battu;  et  c'est 
après  ce  dernier  événement  que,  par  l'ordre  de  Mohammed,  le  sous-gouverneur 
Qasihm  attira,  sous  prétexte  de  payer  leur  solde,  à  Nakhtchevan,  un  grand 
nombre  de  nobles  et  de  cavaliers  arméniens.  Les  cavaliers,  enfermés  dans  les 
églises  voisines  l'une  de  l'autre  de  Nakhtchevan  et  de  Khram,  y  furent  brûlés 
vivants.  Quant  aux  Nakharars,  ils  furent  pendus,  après  qu'on  les  eut  contraints 
délivrer  tous  leurs  trésors  (Ghevond,  ch.  vi).  Bien  que  Qasihm  ou  Qashm  ne  soit 
point  mentionné  par  les  historiens  arabes,  mais  seulement  son  fils  Khouzaima, 
sous  les  khalifes  Al-Mahdi  et  Haroun-ar-Raschid,  cependant  cette  cruelle  exécu- 
tion est  certaine.  Belàdouri  (205),  Iaqoubi  (II,  225)  la  placent  au  temps  de  la  pre- 
mière invasion  de  Mohammed;  Théophane  (f  818,  chronogr.  de  284  à  813;  dans 
Migne,  CVIII,  756)  la  met  en  la  cinquième  année  de  Tibère  Absimare,  702-703,  et 
Ghevond  vers70ti,  aux  débuts  du  règne  de  Walid  (705-715). 

Le  successeur  de  Sahag  111,  Elias  Artjischetsi  (703-717),  ne  craignit  pas,  pour  main- 
tenir dans  son  obédience  le  catholicos  aghouanien  Nersès,  de  faire  appelaubras 
séculier.  Le  prince  aghouanien  Scheroê  ayant  appris  que  Nersès,  de  concert 
avec  la  princesse  Sprahm,  travaillait  à  faire  accepter  dans  la  région  le  concile 
deChalcédoine,  assembla  quelques  évèques  en  synode.  Là,  une  dénonciation  en 
règle  contre  Nersès  fut  envoyée  à  Elias.  Celui-ci  en  instruisit  aussitôt  le  khalife 
Omar  II  (717-720)  selon  Jean  Catholicos,  ou  plus  probablement  Abd-el-Mélek  (685- 
705),  comme  l'indiquent  Moïse  Gaghangatouatsi,  Açoghig  et  Guiragos.  Investi 
•  par  le  khalife,  des  pouvoirs  nécessaires,  Elias  accourut  à  Bardav  avec  une  es- 
corte de  soldats,  et  leur  livra  Nersès  ainsi  que  la  princesse  Sprahm.  Les  deux  pri- 
sonniers furent  attachés  par  le  pied  à  une  même  chaîne,  mis  sur  un  chameau 
et  menés  à  Damas.  Là,  Nersès  mourut  de  faim  huit  jours  après  son  arrivée. 
Pendant  ce  temps,  Elias  réunissait  un  synode  et  faisait  élire  un  nouveau  ca- 
tholicos pour  l'Albanie  (Moïse  G.,  III,  c.  3-9). 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES  ARMÉNIENS.  289 

Filio,  mirabilia  operans  Spiritus  Sanctus  ».  Ils  nient  même  que 
le  synode  de  Manazgherd  (Manazkert)  ait  contesté  cette  vérité 
(Resp.  ad  art.  1,  etc.).  Aussi,  est-il  tout  naturel  de  la  voir 
très  nettement  exprimée  dans  le  symbole  de  foi  arménien 
qui  fait  suite  aux  actes  du  concile  actuel  (Mansi,  XXV,  1269- 
1270). 

II.  D'après  l'es  Pères  de  Sis,  le  catholicos  de  Colombes  (nom 
donné  au  catholicos  de  l'Aghouanie  ou  Albanie)  ne  dit  pas  que 
les  trois  Personnes  de  la  Sainte  Trinité  aient  été  crucifiées 
[R.  ad  a.  37). 

III.  ^ue  Dieu  soit  immuable  et  véridique,  c'est  une  vérité, 
hors  de  conteste  (R.  ad  1). 

IV.  Les  Pères  réunis  à  Sis  disent  que  le  synode  de  Manaz- 
gherd présidé  par  Jean  Otznetsi  a  condamné  le  concile  de  Chal- 
cédoine,  avec  la  lettre  du  pape  Léon  Ie1',  et  rejeté  la  dualité  des 
natures  en  la  personne  du  Christ.  Mais,  poursuivent-ils,  les 
membres  du  synode  de  Manazgherd  croyaient  répudier  ainsi 
l'hérésie  nestorienne,  qui  divisait  les  deux  natures  jusqu'à  les 
isoler,  au  lieu  de  les  réunir  en  une  personne  sans  les  confondre. 
Comme  ceux  qui  les  avaient  précédés  (Nersès  II,  Abraham, 
etc.),  ils  se  laissèrent  tromper  par  les  détracteurs  de  Chalcé- 
doine,  les  Syriens,  qui  prétendaient  que  ce  concile  avait  confirmé 
le  nestorianisme.  L'ambiguïté  du  terme  pnouthioun,  équivalent 
du  mot  nature,  mais  qui  peut  signifier  aussi  la  personne;  enfin, 
l'interprétation  erronée  de  l'expression  de  saint  Cyrille,  une 
nature  du  Verbe  incarnée,  achevèrent  de  donner  le  change  à 
l'assemblée  de  Manazgherd.  Pour  les  mêmes  raisons,  on  regarda 
Dioscore  comme  un  saint.  Néanmoins,  les  Arméniens  séparés 
de  l'Église  catholique  qui  admirent  une  seule  nature,  adoptèrent 
cette  expression  à  cause  de  l'ineffable  union  (des  deux  natures  en 
une  seule  personne);  car  ils  excluaient,  en  même  temps,  tout 
changement  et  toute  confusion.  Plus  tard,  continuent  les  Pères 
de  Sis,  l'accord  avec  l'Église  romaine,  déjà  préparé  par  plu- 
sieurs rapprochements,  a  été  confirmé  aux  conciles  de  Sis  et 
d'Adana  (1307  et  1316),  plus  importants  que  celui  de  Manaz- 
gherd. Et,  depuis  lors,  au  cantique  en  l'honneur  de  Dioscore, 
les  Arméniens  ont  substitué  celui-ci  :  «  Vous  avez  montré  un 
seul  Dieu,  un  seul  Fils,  un  seul  Christ  (résultant)  des  deux  na- 
tures unies  sans  confusion  ».  L'Église  arménienne  a,  du  même 

ORIENT   CHRÉTIEN.  19 


290  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN1. 

coup,  annulé  les  décisions  des  synodes  séparatistes,  tels  que 
celui  de  Manazgherd... 

Grâce  à  renseignement  de  l'Église  grecque  et  de  l'Église  ro- 
maine, ajoutent  les  Pères,  les  Arméniens  ont  bien  compris  que 
la  nature  divine,  dans  sa  parfaite  intégrité,  et  la  nature  humaine 
s'unissent  en  un  même  Fils,  en  un  même  Christ,  en  une  même 
personne,  sans  division,  sans  confusion,  sans  changement, 
sans  altération;  ils  ont  bien  compris  que  le  Christ,  étant  Dieu 
parfait  et  homme  parfait,  doit  avoir  toutes  les  propriétés  de  la 
nature  divine  et  de  la  nature  humaine,  deux  volontés,  deux 
sortes  d'opérations,  etc.,  ex  duabus  naturis  inconfuse,  osten- 
distis  h n um  Filium,  unum  Christum.  —  Aussi,  les  Pères, 
réunis  en  synode  sur  l'invitation  de  Benoît  XII,  anathématisent- 
ils  ceux  qui  n'admettent  pas  la  doctrine  du  dyophysisme  ainsi 
entendu,  et  ils  rejettent  l'autorité  de  Jean  Otznetsi,  de  Paul  de 
Daron,  de  Michel  le  Syrien;  quant  à  Vartan  de  la  Montagne 
Noire,  cet  homme  querelleur,  vir  amator  rixœ,  les  Pères  ré- 
prouvent expressément  et  condamnent  au  feu  celles  de  ses 
œuvres  qui  sont  en  désaccord  avec  l'enseignement  de  l'Église 
romaine  (1). 

V.  L'opinion  singulière  que  le  Christ  serait  sorti,  le  samedi, 
du  tombeau,  se  rencontre  dans  les  livres  de  quelques  sots, 
disent  les  Pères  de  Sis.  L'Église  arménienne  maintient,  avec 
la  majorité  de  ses  vartabeds,  que  le  Christ  est  ressuscité  le  len- 
demain du  sabbat.  Pourtant,  conformément  à  une  coutume  an- 
tique, elle  commence  à  célébrer  la  fête  dès  la  veille;  c'est  pour- 
quoi les  Arméniens  pouvaient,  le  samedi  soir,  user  de  fromage 
et  d'œufs.  Mais,  depuis  qu'ils  sont  unis  avec  l'Église  romaine, 
surtout  depuis  les  conciles  de  Sis  et  d'Adana,  les  catholicos  leur 
ont  ordonné  de  se  contenter  d'huile  et  de  poissons.  —  Quelques 
auteurs  arméniens  ont  bien  affirmé  que  chacun  des  ordres  des 
anges  fête  l'ascension  de  N.-S.  pendant  un  jour  et  que  le  Christ 
ressuscité  s'arrêta  un  jour  au  milieu  de  chacun  de  ces  chœurs 
angéliques;  mais  ce  n'est  là  qu'une  opinion  singulière,  une  hy- 
pothèse, dont  l'Église  arménienne  n'est  point  solidaire,  surtout 
depuis  qu'elle  est  unie  avec  l'Église  romaine  (R.  ad  33).  Depuis 

1.  Resp,  ad  art.  1.  20,  21,  25,  33,  110,  111, 116.  —  Sur  l'orthodoxie  du  synode  de 
Manazgherd  et  sur  Otznetsi,  voir  ci-après  l'étude  que  nous  avons  ajoutée  à  la 
réponse  des  Pères  aux  griefs  du  chapitre  xx. 


LES    117   ACCUSATIONS  CONTRE   LES  ARMÉNIENS.  291 

cette  union,  l'Église  arménienne  n'a  pas  seulement  réprouvé 
certaines  opinions  bizarres  sur  la  circoncision  de  N.-S.,  par 
exemple,  et  qui  n'étaient  admises  que  d'un  petit  nombre;  elle 
a  fait  disparaître  également  d'autres  opinions  plus  généralement 
reçues,  telles  que  la  négation  des  fonctions  normales  de  désassi- 
milation,  auxquelles  le  Christ,  en  conséquence  de  l'incarnation, 
avait  librement  soumis  son  corps,  d'ailleurs  à  l'abri  de  toute 
maladie  (R.  ad  110,  111). 

VI.  L'Église  arménienne  a  toujours  proscrit  le  traducianisme 
et  enseigné  que  l'âme  est  créée  par  Dieu,  à  l'instant  même  où  elle 
est  unie  au  corps,  quarante  jours  après  la  conception  pour  les 
petits  garçons,  quatre-vingts  jours  pour  les  petites  filles,  comme 
l'affirme  Grégoire  de  Nysse.  (Cette  étrange  distinction  est  une 
hypothèse  aristotélicienne,  depuis  longtemps  démodée.) 

VII.  L'Église  arménienne  proclame  que  le  péché  est  inhérent 
à  la  nature  humaine,  par  suite  du  péché  personnel  de  nos  pre- 
miers parents.  Ce  péché  ne  se  confond  ni  avec  le  péché  actuel 
d'Adam,  ni  avec  les  péchés  actuels  et  personnels  de  ses  descen- 
dants, comme  le  voulaient  les  Pélagiens  :  il  est  transmis  par  le 
corps;  mais  il  a  son  siège  dans  l'âme  (/?.  ad  19).  La  réalité  du 
péché  originel  et  de  ses  conséquences  est  d'ailleurs  attestée  par 
la  liturgie  arménienne,  en  particulier  par  les  prières  pour  le 
baptême,  où  il  est  dit  :  «  Ceux  qui  ne  sont  point  régénérés  par 
l'eau  et  l'Esprit  ne  verront  point  la  vie  éternelle  »...  «  Tous  les 
baptisés  obtiennent,  au  contraire,  la  rémission  des  péchés, 
reçoivent  l'Esprit-Saint  »...  «  Ils  sont  délivrés,  sanctifiés,  jus- 
tifiés, élevés  à  l'honneur  d'enfants  adoptifs  ».  Enfin,  ajoutent 
les  Pères  de  Sis,  le  dogme  du  péché  originel  est  affirmé  dans  le 
symbole  arménien  :  «.  nous  croyons  à  un  seul  baptême  pour  la 
pénitence,  la  propitiation  et  la  rémission  des  péchés  »  (1). 


(1)  Michel  le  Syrien  raconte  que  la  tribu  infidèle  des  Kourdanayé  étant  sur  le 
point  de  massacrer  la  famille  d'Ischaq  fils  d'Aschod  Mesagher,  la  femme  d'Ischaq 
jeta  devant  le  Seigneur  son  petit  enfant  encore  à  la  mamelle  en  disant  :  •<  0 
Christ,  du  moins  à  cause  de  cet  enfant,  dans  lequel  rayonne  l'innocence  bap- 
tismale, sauve  tes  serviteurs  ».  Chronique,  t.  III,  fasc.  I,  p.  51. 

Tout  en  admettant  très  clairement  le  péché  originel,  les  Pères  du  synode  en 
présentent  une  explication  quelque  peu  défectueuse.  A  leurs  yeux,  la  concupis- 
cence en  est  comme  la  source;  ils  observent  toutefois  que  cette  concupiscence 
qui  vicie  le  corps  et  l'àme  vient  du  péché  d'Adam.  Des  théologiens  catholiques, 
dont  l'opinion  nous  parait  satisfaisante,  font  consister  le  péché  originel  dans  la 


292  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN 

VIII.  L'Église  arménienne  affirme  qu'il  est  au  pouvoir  du 
libre  arbitre  de  pécher;  mais  l'homme  choisit  librement  le  bien, 
par  le  secours  de  la  grâce  (actuelle),  et  le  mal,  faute  de  la  grâce 
(efficace)  {R.  ad  43). 

IX.  Les  dissidents,  s'il  en  existe  en  Cilicie,  n'osent,  par  crainte 
de  la  mort  (que  le  roi  leur  ferait  peut-être  subir),  manifester 
leur  opposition  à  l'Église  romaine  (R.  ad  34).  Mais  dans  la 
Grande-Arménie,  certains  Arméniens  obéissent  au  catholicos 
de  l'Albanie  (alnacensis  =  aluacensis)  et  d'Aghthamar  (Archa- 
mar),  rejettent  l'Eglise  grecque  avec  l'Église  romaine,  le  concile 
de  Chalcédoine  avec  la  lettre  du  pape  Léon.  Le  catholicos  de 
l'Albanie  et  celui  d'Aghthamar,  après  avoir  été  soumis  comme 
celui  de  Sis  à  l'Église  romaine,  se  sont  détachés  d'elle;  et, 
aujourd'hui,  ils  diffèrent  du  catholicos  de  Cilicie,  sur  les  points 
suivants  :  Conformément  à  leur  tradition,  ils  ne  mettent  point 
d'eau  clans  le  vin  du  Sacrifice  (1);  ils  célèbrent  la  Nativité  et 
l'Epiphanie,  le  6  janvier  (2);  ils  ne  reconnaissent  qu'une  seule 
nature  d;ins  la  personne  du  Christ,  à  cause  de  l'ineffable  uni' m, 
tout  en  appelant  le  Christ  Dieu  parfait  et  homme  parfait;  ils 
n'admettent  pas  le  concile  de  Chalcédoine,  ils  suppriment  le 
nom  de  purgatoire  et  dénient  la  primauté  réelle  au  pontife  de 
Rome  (R.  ad  37  et  38). 

L'un  des  principaux  griefs  de  ces  Arméniens  non-unis  contre 
les  Arméniens  unis,  c'est  que  les  derniers  célèbrent  la  Nativité 


privation  de  lu  grâce  sanctifiante.  En  d'autres  termes,  par  suite  de  la  prévarica- 
tion dPAdam,  Dieu  refuse  à  ses  descendants  le  don  tout  gratuit  de  grâce  el 
d'adoption  divine,  qui  avant  la  chute  originelle  leur  était  destinée. 

Au  sujet  du  péché  personnel  d'Adam  et  d'Eve,  les  Pères  du  synode  ajoutent  : 
«  C'est  uni'  opinion  particulière  de  prétendre  qu'Adam  et  Eve  succombèrent  le 
jour  même  de  leur  création,  Eve  à  3  heures.  Adam  à  6  heures,  heure  à  laquelle 
le  Christ  devait  être  élevé  sur  la  croix  pour  expier  ce  péché.  •> 

(1)  Il  ne  faut  pas  être  surpris  que  cette  pratique  ait  toujours  été  suspecte  aux' 
yeux  des  catholiques.  Anastase  le  Sinaïte,  dans  son  Guide  ('Oôyiyôç)  composé  vers 
le  milieu  du  vne  siècle,  déclare  que  les  monophysites  emploient  le  vin  sans 
mélange  d'eau,  afin  d'exprimer  que  le  Christ  est  constitué'  par  la  seule  Divinité 
(Migne,  P.  G.,  t.  LXXXIX,  ôStiyôç,  c.  i,  p.  41). 

(2)  Saint  Jean  Chrysostome,  si  justement  admiré  et  aimé  des  représentants  de 
l'Église  arménienne,  les  aurait  probablement  amenés  à  séparer  la  célébration  de 
la  Nativité  et  celle  de  l'Epiphanie,  si,  au  moment  où,  semble-t-il,  il  écrivait  dans 
ce  sens  à .  Isaak  le  Grand,  celui-ci,  combattu  par  imparti  des  nakhararset  banni 
par  le  roi  de  Perse,  n'avait  été  dans  l'impossibilité'  de  faire  adopter  par  son  Église 
la  mesure  proposée  (Voir  Migne,  P.  G.,  t.  CXXXII.) 


LES    117   ACCUSATIONS  CONTRE   LES    ARMÉNIENS.  293 

en  même  temps  que  l'Église  romaine  (R.  ad  32).  Quant  au 
reste,  poursuivent  les  Pères  de  Sis,  les  Arméniens  de  la  Grande- 
Arménie  gardent  la  foi  apostolique  traditionnelle  venue  des  apô- 
tres, comme  l'atteste  leur  symbole;  et  Ton  n'a  point  entendu  dire 
que  ces  Arméniens  revendiquent  pour  eux  seuls  le  titre  d'Église 
catholique  et  apostolique  (R.  ad  34). 

X.  A  l'opposé  des  précédents,  les  Arméniens  unis,  comme 
ceux  qui  sont  présents  au  synode,  reconnaissent  «  la  suprématie 
du  pape  »  ;  néanmoins,  cette  subordination  n'empêche  pas  que 
depuis  les  commencements  de  l'Église,  la  sollicitude  pastorale 
du  catholicos  ne  s'étende  sur  tous  les  Arméniens  (R.  ad  78).  Le 
pape  est  le  successeur  de  Pierre  et  en  a  l'autorité,  comme  le  ca- 
tholicos est  le  successeur  de  saint  Thaddée,  dont  il  garde  aussi 
l'autorité.  Toutefois,  de  ce  rapprochement  le  catholicos  ne  pré- 
tend point  conclure  qu'il  est  l'égal  du  pape  ;  car,  avec  tous  les 
Arméniens  unis,  il  accepte  l'enseignement  des  décrets  et  des 
canons  de  Nicée,  et  ce  concile  a  déclaré  que  l'Église  romaine, 
ayant  le  pape  pour  chef,  est  la  tête  de  toutes  les  autres  Églises, 
et  que  le  pontife  romain  possède  la  prééminence  sur  les  autres 
pontifes  (pontifex  romanus  excellentior  quam  alii  pontiflces)  : 
Que,  même  avant  le  concile  de  Nicée,  l'autorité  du  pape  ait  été 
supérieure  à  celle  des  autres  patriarches,  les  Pères  de  Sis  n'y 
contredisent  pas;  car  ils  n'admettent  pas  seulement  la  primauté 
du  pontife  romain  à  cause  des  décisions  du  concile  de  Nicée; 
ils  y  adhèrent  aussi  parce  que  le  Christ  a  confié  à  Pierre  la 
charge  de  faire  paître  ses  brebis.  Loin  d'eux  la  pensée  que  les 
successeurs  de  Pierre  aient  perdu  sa  prééminence  :  aussi,  ju- 
gent-ils fort  répréhensibles  (valde  reprehensibiles)  les  écrits  de 
Vartan  contre  le  pape;  en  Cilicie,  dès  qu'on  rencontre  ces 
écrits,  on  les  brûle.  Les  Pères  du  synode  réprouvent  également 
les  paroles  de  Vartan  contre  le  légat  pontifical,  paroles  insipides 
et  erronées,  qui,  disent-ils,  ne  plurent  ni  au  roi  Héthoum,  ni  au 
catholicos  Constantin  (R.  ad  85,  86,  89,  90,  91,  116;  Voir  notre 
Hist.,  p.  295  et  suiv.). 

XL  Les  Arméniens  admettent  la  nécessité  de  la  Grâce  :  pas 
de  justification  sans  grâce  sanctifiante  (R.  ad  43);  mais  la  grâce 
perdue  peut  toujours  être  reconquise  par  la  confession  et  la 
pénitence  (R.  ad  40,  48).  Quant  aux  sacrements,  l'Église  ar- 
ménienne, surtout  en  Cilicie,  accepte  tous  ceux  qu'admet  l'Église 


294  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

romaine  ;  elle  ne  repousse  de  sa  communion  aucun  catholique 
(R.  ad  38);  à  ses  yeux,  les  sacrements  ne  sont  pas  seulement 
des  signes  de  la  grâce;  ils  la  confèrent  à  ceux  qui  les  reçoivent 
dignement  (R.  ad  40).  Il  est  vrai  que,  d'après  les  canons,  les 
évoques  et  les  prêtres  publiquement  reconnus  comme  fornica- 
teurs  doivent  être  écartés  de  leurs  fonctions  ;  mais  ils  gardent 
néanmoins  le  pouvoir  de  Y  Ordre  et  peuvent  administrer  valide- 
ment  les  sacrements  (R.  ad  69). 

XII.  L'Église  d'Arménie  ne  conteste  point  la  validité  du 
baptême  et  des  ordinations  conférés  d'après  le  rite  latin.  Elle 
admet  que  les  catéchumènes  arméniens  peuvent  être  baptisés, 
selon  le  gré  des  parents,  soit  dans  l'Église  des  Latins,  soit  dans 
l'Église  des  Arméniens.  Les  membres  du  synode  avouent  que 
des  laïques  et  des  clercs,  rebaptisés  ou  ordonnés  à  nouveau  par 
ceux  qui  admettent  exclusivement  le  rite  latin,  ont  été  punis 
par  le  roi  et  les  prélats  arméniens;  mais  pourquoi?  parce  qu'ils 
soutenaient,  sans  preuve,  que  le  baptême  reçu  d'après  le  rite 
arménien  devait  être  réitéré,  et  prétendaient  ne  point  savoir  si 
le  prêtre  avait  bien  prononcé  la  formule  :  «  Je  te  baptise  au  nom 
du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit  ».  C'est  pour  la  même  raison 
que  le  catholicos  Jacques  censura  les  actes  de  Simon  Begh,  ar- 
chevêque de  Théodosiopolis  (Garin,  Erzeroum)  et  de  Nersès 
Baghon,  évêque  d'Ourmiah,  et  se  disant  évêquede  Manazgherd  : 
ces  prélats  déniaient  toute  valeur  au  baptême  et  aux  ordinations 
conférés  d'après  le  rite  arménien  ;  et  ils  abolissaient  ainsi  ce 
rite  :  il  faudrait,  s'écrient  les  Pères  du  synode,  corriger  avec  le 
feu  ceux  qui  rebaptisent  les  Arméniens,  déjà  baptisés  d'après 
le  rite  arménien  (R.  ad  36,  56,  77,  78,  79).  —  Toute  l'Église 
arménienne  baptise  de  la  même  manière,  avec  de  l'eau,  et  au 
nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit;  elle  ne  souffre  point 
qu'on  baptise  avec  du  vin  ou  du  lait  (R.  ad  37,  59).  Voici  la  ma- 
nière de  baptiser  :  le  prêtre  verse  de  l'eau  sur  la  tête  de  l'en- 
fant placé  au  milieu  des  fonts  baptismaux,  ou  bien  il  l'im- 
merge, en  disant  :  Qu'un  tel  venant  ducatéchuménatau  baptême, 
soit  baptisé  au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  amen. 
Telle  est  la  forme  du  sacrement  (R.  ad  58,  59).  Jusqu'à  ces 
derniers  temps,  l'affusion  ou  l'immersion  était  faite  trois  fois  ; 
et,  chaque  fois,  on  répétait  la  formule  susdite.  Maintenant,  en 
faisant  une  triple  immersion  ou  une  triple  affusion,  c'est-à- 


LES    117    ACCUSATIONS  CONTRE    LES  ARMÉNIENS.  295 

dire  en  plongeant  trois  fois  l'enfant  dans  les  fonts  baptismaux 
ou  en  lui  jetant  trois  fois  de  l'eau,  nous  disons  une  fois  :  Je  te 
baptise  au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  selon  la 
coutume  de  l'Eglise  romaine.  —  Ensuite,  nous  faisons  une 
onction  avec  le  saint  chrême  sur  les  yeux,  les  oreilles,  la  bou- 
che, le  creux  de  la  main,  la  poitrine,  les  épaules  et  la  plante 
des  pieds  (R.  ad  59).  Autant  qu'il  est  possible,  le  prêtre  fait 
les  onctions  avec  le  saint  chrême  et  donne  la  communion  im- 
médiatement après  le  baptême  ;  mais  ni  l'onction  ni  la  com- 
munion ne  sont  essentielles  ou  requises  pour  la  validité  du 
baptême  (B.  ad  58,  59)  (1). 

XIII.  Le  sacrement  de  confirmation  est  en  usage  dans  toute 
l'Arménie.  Il  est  administré  par  l'évêque  ou  le  prêtre,  indiffé- 
remment :  le  ministre  du  sacrement  signe  d'abord  l'enfant  au 
front  avec  le  chrême,  en  disant  :  Que  l'huile  suave,  répandue 
au  nom  de  J.-C.  sur  toi,  soit  le  signe  et  le  gage  divin  des 
dons  célestes,  au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit. 
Depuis  l'union,  plusieurs  évêques  de  la  Petite-Arménie  confir- 
ment d'après  la  manière  de  l'Église  romaine  (R.  ad  63  et  64). 

XIV.  L'Église  arménienne  ne  regarde  aucune  faute  comme 
irrémissible  ou  ne  pouvant  être  remise  par  la  confession  ou  la 
pénitence  ;  il  est  faux  qu'elle  ne  considère  pas  le  prêtre  comme 
la  cause  instrumentale  de  la  rémission  des  péchés  ;  «  ministra- 
biliter  datum  est  a  Deo  ministris  Ecclesiae  dimittere  peccata  ». 
L'intention  du  prêtre  arménien,  en  administrant  le  sacrement 
de  pénitence,  est  aussi  la  même  que  celle  du  prêtre  latin  :  re- 
mettre les  péchés.  Cependant,  autrefois,  le  prêtre  arménien 
n'appliquait  point  parfaitement  la  forme  (les  paroles  de  l'abso- 
lution) et  se  bornait  à  dire  :  «  Que  Dieu  te  remette  tes  péchés  », 
ou  bien  :  «  Je  te  remets  (dimitto)  tes  péchés  sur  la  terre;  que 
Dieu  te  pardonne  dans  les  deux  ».  Mais,  depuis  qu'ils  ont 
connu  l'Église  romaine,  beaucoup  de  prêtres  arméniens  ont 

(1)  Les  Arméniens  qui  passaient  à  l'Église  grecque  recevaient  aussi  l'onction 
d'après  le  rite  grec.  Ritha  (Marguerite)  et  Théophanô,  sieurs  de  Héthoum  II, 
ayant  été  fiancées,  l'une  à  Michel,  fils  aine  d'Andronicle  Vieux,  et  associé  à  l'em- 
pire, l'autre  à  Jean  Ducas  Ange  Conmène,  fils  de  Jean  Sebastocrator,  elles  re- 
çurent l'onction  du  saint  chrême  dans  l'église  grecque  et  changèrent  de  nom. 
Ritha  fut  appelée  Xené  ou  Marie  et  Théophanô  fut  nommée  Théodora.  Les  noces 
de  Marie  furent  célébrées  le  16  janvier  L29G;  elle  eut  deux  (ils,  Andronic,  qui  fut 
plus  tard  empereur,  et  Manuel. 


296  REVUE    DE    L'ORIEXT    CHRÉTIEN. 

adopté  la  forme  qu'elle  emploie;  et  telles  sont  aussi  ia  doc- 
trine et  la  pratique  du  concile  {H.  ad  40,  48).  —  L'Église  ar- 
ménienne exige  avec  le  repentir,  une  confession  détaillée 
(distincte)  de  tous  les  péchés  qui  diffèrent  spécifiquement. 
Quiconque  (coupable  de  fautes  graves)  ne  s'accuse  pas  ainsi, 
ne  doit  point  communier  (H.  ad  82).  Le  synode  convient  que, 
dans  l'Église  arménienne,  il  n'est  pas  d'usage  de  restreindre  au 
for  sacramentel  la  juridiction  du  ministre;  il  avoue  aussi 
qu'avant  l'union  avec  l'Eglise  romaine,  on  ne  gardait  pas  assez 
scrupuleusement  dans  l'Eglise  arménienne  le  secret  de  la  con- 
fession, ayant  trait  aux  péchés  d'impureté  :  par  exemple,  des 
confesseurs  des  candidats  à  la  prêtrise  ou  des  prêtres  eux-mêmes 
révélaient  l'indignité  de  leurs  pénitents;  et  ceux-ci  étaient  alors 
ou  écartés  du  sacerdoce  ou  interdits.  II  se  peut  même,  ajoutent 
les  Pères,  que  cette  violation  du  secret  de  la  confession  ait 
encore  lieu  parmi  les  prêtres  qui  ne  reconnaissent  pas  la  juri- 
diction du  catholicos  de  la  Cilicie  {H.  ad  50).  On  reconnaît  éga- 
lement que  souvent  des  évêques  excommunient  injustement 
leurs  diocésains;  mais,  ajoute-t-on,  dans  ces  cas,  le  catholicos 
lève  l'excommunication. 

Les  signataires  des  déclarations  synodales  s'attachent  à  jus- 
tifier les  immolations  d'animaux  autorisées  par  leur  Église.  Us 
s'efforcent  de  mettre  cet  usage  à  couvert  sous  la  loi  de  Moïse  et  le 
patronage  de  Grégoire  l'Uluminateur.  Toutefois,  en  des  termes  un 
peu  ambigus,  ils  cherchent  à  montrerque  les  sacrifices  incriminés 
par  les  auteurs  du  Libellus  ne  sont  point  identiques  aux  sacri- 
fices mosaïques  et,  pour  ainsi  dire,  leur  prolongement;  car, 
observent-ils  un  peu  subtilement,  les  sacrifices  des  Arméniens 
sont  offerts  en  faveur,  non  des  vivants,  mais  des  morts  :  les 
dimanches,  les  jours  de  fête  ou  à  la  mort  de  leurs  parents,  les 
Arméniens  peuvent  faire  bénir  du  sel,  le  donner  aux  animaux, 
que  l'on  tue  ensuite  et  dont  on  distribue  les  chairs  au  prêtre  et 
aux  pauvres;  il  est  permis  de  demander  ainsi,  en  faveur  des 
défunts,  des  veilles  et  des  prières,  afin  que  Dieu  leur  soit  favo- 
rable, en  ayant  égard  aux  aumônes  des  vivants.  Quant  à  l'ori- 
gine de  ces  sacrifices,  si  l'on  en  croit  leurs  défenseurs,  elle 
remonte  à  Grégoire  l'Uluminateur  :  les  prêtres  des  idoles  con- 
vertis ayant  été  consacrés  prêtres  du  vrai  Dieu  et  obligés  de  re- 
noncer au  gain  provenant  des  sacrifices  païens,  l'apôtre  de 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES   ARMÉNIENS.  '297 

l'Arménie  leur  aurait  accordé,  en  compensation,  outre  la  dîme 
offerte  par  les  fidèles,  une  part  des  animaux  purs  offerts  en  sa- 
crifice (fi.  ad  45).  C'est  également  en  souvenir  d'une  vieille  tra- 
dition, et  non  par  respect  pour  une  observance  judaïque,  conti- 
nuent-ils, que  nous  refusons  de  manger  la  chair  de  certains 
oiseaux  et  de  quelques  autres  animaux;  nous  ne  distinguons 
pas,  comme  1rs  Juifs,  des  mets  purs  et  impurs. 

Ces  réserves  laites,  le  synode  reconnaît  que,  parmi  les  moines 
de  la  Grande-Arménie,  réfractaires  aux  avances  de  l'Église  ro- 
maine: il  existe  des  coutumes  judaïques  ou  superstitieuses  : 
certains  ne  mangent  point  de  la  chair  de  porc;  cette  nourriture, 
disent-ils,  les  rendrait  impuissants  à  chasser  les  démons,  car 
ceux-ci,  expulsés  par  Notre-Seigneur  du  corps  des  possédés, 
comme  le  raconte  saint  Matthieu  (vin,  31),  se  réfugièrent  dans 
le  corps  des  pourceaux  (1). 

XV.  Au  reproche  de  n'admettre  que  les  trois  Ordres  d'acô- 
lythe,  de  diacre  et  de  prêtre,  les  membres  du  synode  répon- 
dent :  les  Ordres  mineurs,  comme  celui  de  l'acolythe,  du  lec- 
teur, sont  compris  sous  le  nom  de  portier;  l'évêque  confère  cet 
ordre  en  donnant  au  candidat  une  clef,  une  chandelle,  et  les 
saints  Livres,  et  en  prononçant  des  paroles  appropriées  :  c'est 
l'ordre  de  l'acolythat.  Ainsi,  l'Église  arménienne  compte,  non 
point  trois,  mais  sept  Ordres.  Pour  ordonner  le  sous-diacre, 

(1)  R.  ad  46.  Qu'ils  soient  ou  non  des  restes  des  observances  judaïques,  les  sa- 
crifices d'animaux  (niadag)  sont  assez  anciens  chez  les  Arméniens.  Guiragos, 
après  avoir  raconté  le  prétendu  voyage  de  Grégoire  et  de  Tiridate  à  Rome, 
ajoute  :  «  L'empereur  Constantin  ordonna  que,  dans  toute  la  ville,  on  se  réjouît 
(à  cause  de  l'arrivée  de  Grégoire  et  de  Tiridate)  et  qu'on  immolât  des  moutons... 
Et  Grégoire  dit  aux  Juifs  : ...  les  animaux  offerts  à  Dieu,  en  hommage  aux  saints, 
en  souvenir  des  morts,  sans  sel  bénit,  sont  comme  des  hommages  de  païens 
(Guiragos,  §  "2,  trad.  Brosset,  p.  7;  Vartan,  tr.  russe,  p.  51).  Quoi  qu'il  en  soit 
de  l'authenticité  delà  recommandation  de  saint  Grégoire,  les  usages  qu'on  pré- 
tend faire  remonter  à  lui,  étaient  en  vigueur  durant  tout  le  moyen  âge.  Au 
temps  de  leur  domination  sur  l'Arménie,  les  Tatars  ayant  saccagé  Lori,  Tiflis... 
investi  la  forteresse  île  Gaian,  et  fait  prisonnier  Avag,  fils  d'ivané,  avaient  con- 
duit ce  dernier  vers  leur  général  Tcharma-Khan,  campé  aux  bords  du  lac  de 
Kegharkhouni  (Goktcha).  Au  festin  donné  en  l'honneur  de  son  captif,  «  on  ap- 
porta beaucoup  de  pièces  de  viandes  pures  et  impures...  et  divers  koumiz,  lait 
de  cavale,  la  boisson  ordinaire  des  Tatars  ».  Comme  Avag  et  ses  compagnons  ne 
mangeaient  ni  ne  buvaient,  le  général  leur  en  demanda  la  raison  :  «  Les  chré- 
tiens, répondit  Avag,  ne  sont  point  habitués  à  une  telle  nourriture  et  ne  pren- 
nent pas  une  telle  boisson.  Nous  usons  de  la  chair  d'animaux  purs  tués  par 
nous,  et  nous  buvons  du  vin  •>  (Guiragos,  g  27,  p.  120-127). 


298  REVUE    DE    L  ORIENT   CHRÉTIEN. 

l'évêque  lui  impose  la  main  sur  la  tête,  et  lui  met  au  bras 
gauche  le  manipule;  en  même  temps  que  sous-diacre,  le  can- 
didat est  créé  exorciste.  C'est  après  cette  ordination  et  avant  le 
diaconat,  que  celui  qui  veut  être  prêtre  séculier  doit  épouser 
une  vierge.  S'il  se  marie,  "étant  diacre,  il  ne  sera  point  promu 
à  la  prêtrise  (K.  ad  93).  Seul,  l'évêque  ordonne  le  diacre,  et 
voici,  en  résumé,  comment  se  fait  cette  ordination  :  l'évêque 
tourne  le  visage  du  candidat  vers  le  peuple,  les  prêtres  assis- 
tants lui  posent  une  main  sur  l'épaule  et  élèvent  l'autre  vers  le 
ciel,  tandis  que  l'évêque  et  les  prêtres  disent  à  haute  voix  : 
Divine  et  céleste  grâce,  qui  pourvois  toujours  aux  besoins  de 
l'administration  de  l'Église  apostolique,  appelle  un  tel  du  sous- 
diaconat  au  diaconat.  Le  peuple  répond  trois  fois  :  Il  est  digne. 
L'ordinand  tourne  ensuite  le  visage  vers  l'orient  ;  l'évêque  met 
la  main  sur  sa  tête  en  disant  :  Je  poserai  ma  main  sur  lui; 
vous,  priez  tous  afin  qu'il  soit  digne  de  remplir  saintement  sa 
dignité  (gradum)  de  diacre  devant  le  saint  autel.  A  la  fin, 
l'évêque  met  l'étole  sur  l'épaule  gauche  de  l'ordinand  et  lui  pré- 
sente l'encensoir  avec  l'encens,  en  prononçant  des  paroles 
appropriées. 

Pour  ordonner  le  prêtre,  l'évêque  récite  plusieurs  oraisons, 
en  tenant  la  main  sur  la  tête  du  candidat;  puis,  il  prononce  la 
formule  :  Divine  et  céleste  grâce,  etc.. ,  Après  un  certain  nombre 
d'oraisons,  le  consécrateur  oint  le  prêtre.  Cette  onction,  disent 
les  Pères  du  synode,  est  pratiquée  depuis  l'époque  de  Nersès 
Schnorhali  pour  la  consécration  du  prêtre  et  de  l'évêque,  avec 
cette  différence  que,  pour  la  consécration  du  prêtre,  l'évêque 
fait  une  onction  en  forme  de  croix  sur  les  deux  mains  jointes, 
en  allant  du  pouce  de  la  main  droite  à  l'index  de  la  main  gauche, 
et  du  pouce  de  la  main  gauche  à  l'index  de  la  main  droite  (R.  ad 
66);  puis  le  consécrateur  place  dans  les  mains  de  l'ordinand  la 
patène  avec  le  corps  de  Notre-Seigneur,  et  le  calice  avec  le  pré- 
cieux sang,  en  disant  :  Reçois,  par  la  grâce  de  Dieu,  le  pouvoir 
d'accomplir  le  mystère  eucharistique  pour  les  vivants  et  les  décé- 
dés. Cette  idée  du  saint  Sacrifice,  qu'achève  d'exprimer  le  consé- 
crateur par  une  dernière  imposition  de  la  main  droite,  accom- 
pagnée d'une  formule  correspondante,  montre  bien,  comme 
le  disent  les  Pères,  que  le  rite  arménien  des  ordinations  était 
assez  semblable  à  celui  de  l'Église  romaine;  et  cette  confor- 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE  LES   ARMENIENS.  299 

mité,  ajoutent-ils,  remontait  déjà  à  deux  cents  ans  (R.  ad  92). 

Mais  ils  ont  soin  d'ajouter  qu'ils  ne  se  portent  point  garants 
de  la  manière  dont  les  ordinations  se  font  dans  la  Grande-Ar- 
ménie. Là,  en  effet,  les  consécrateurs  et  les  ordinands  ont  gardé 
souvent  pendant  l'ordination  leurs  habits  profanes;  mais  main- 
tenant, ceux-là,  surtout,  qui  sont  soumis  à  la  juridiction  du 
catholicos  de  Cilicie,  revêtent  des  ornements  sacrés  (/?.  ad  92). 

Enfin,  au  catholicos  seul  est  réservé  le  privilège  de  consacrer 
les  évoques.  L'ordination  a  lieu  en  présence  des  archevêques  et 
évoques  assistants,  qui  prononcent  ensemble  avec  le  catholicos 
la  formule  consécratoire  :  Divine  et  céleste  grâce,  etc.  (R.  ad  92). 
Tandis  qu'il  consacre  les  évoques,  le  catholicos  de  Cilicie  leur 
impose,  en  faisant  le  signe  de  la  croix  sur  leur  tête,  le  bras  de 
saint  Grégoire  rilluminateur;  mais  il  n'attache  pas  à  cette  céré- 
monie la  validité  de  la  consécration  (R.  ad  98).  Parfois,  le 
catholicos  dépose  les  évêques,  parce  qu'ils  ne  lui  payent  point 
le  cens,  auquel  ils  sont  tenus  ;  mais,  le  plus  souvent,  il  les  dépose 
parce  qu'ils  lui  désobéissent,  parce  qu'ils  se  dépouillent  mutuel- 
lement de  l'épiscopat,  contredisent  l'enseignement  de  l'Église 
orthodoxe,  ou  scandalisent  leurs  ouailles  par  leurs  désordres 
(R.ad69). 

Contre  les  accusations  au  sujet  de  l'élection  du  catholicos  et 
des  évêques,  le  synode  répond  ainsi  :  Le  catholicos  de  l'Albanie 
(Alnacensis)  et  celui  d'Aghthainar  se  choisissent,  de  leur  vivant, 
un  successeur,  d'ordinaire  dans  leur  famille.  Mais  l'élu  n'est 
consacré  qu'après  la  mort  du  patriarche;  il  va  trouver  l'empe- 
reur tartare  (Canem,  le  khan)  et  lui  demande  l'investiture  tem- 
porelle du  catholicat;  il  donne  à  cette  fin  une  somme  d'argent; 
et  chaque  année,  il  devra  encore  payer  au  souverain  une  somme 
convenue  (1). 

(1)  L'usage  de  transmettre  le  catholicat  d'oncle  à  neveu  fut  souvent  reproché 
aux  Arméniens  par  les  Grecs  et  les  Syriens.  Cet  abus  fut  surtout  fréquent  chez  les 
Aghouans  ou  Albaniens.  Le  catholicos  de  ces  derniers  résida  d'abord  à  Gis,  dans 
les  montagnes,  au  sud  de  Bardav  (Alishan,  Grande- Arménie,  p.  90),  puis  à  Der- 
bend,  à  Bardav,  enfin  vers  le  xn-  siècle,  à  Gantzasar.  Souvent  obligé  de  fuir 
d'asile  en  asile  devant  les  invasions  musulmanes,  sa  vie  nomade  n'ajouta  rien 
à  son  prestige  et  lui  fut  même  préjudiciable.  Le  catholicos  aghouan  Bejden,  qui 
s'était  marié  et  avait  eu  des  enfants,  fut  destitué,  réélu,  puis  déposé  définitivement 
vers  la  fin  du  xue  siècle.  La  manière  dont  fut  alors  choisi  son  successeur  montre 
combien  était  invétéré  l'abus  signalé  plus  haut.  — Vertannès,  évèque  de  Pedchni, 
ayant  conféré  le  sacerdoce  à  un  jeune  diacre  nommé  Hohannès  (Jean),  le  condui- 


300  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Il  n'en  est  pas  de  même  dans  la  Petite-Arménie.  Là,  quand 
le  catholicos  est  mort,  les  archevêques,  évêques,  abbés  et  archi- 
prêtres  se  réunissent  par  ordre  du  roi.  Chacun  d'eux  désigne 
par  écrit  le  candidat  qu'il  choisit  parmi  les  personnages  présents, 
et  donne  au  roi  son  bulletin  de  vote  muni  de  son  sceau.  Un  assez 
grand  nombre  de  candidats  étant  ainsi  désignés,  le  roi  prie  les 
électeurs  de  s'entendre  sur  trois  noms.  Le  roi,  assisté  de  son 
conseil,  choisit  ensuite  le  catholicos  parmi  les  trois  personnages 
qui  lui  sont  présentés.  Le  jour  fixé  pour  sa  consécration  venu. 
le  roi  fléchit  le  genou  devant  lui-,  lui  met  l'anneau  au  doigt  et 
l'embrasse;  l'élu  est  ensuite  consacré  catholicos  parles  évêques. 

Les  Pères  nient  que  les  élections  soient  vénales  et  l'adminis- 
tration des  sacrements  simoniaque,  bien  que  quelques-uns, 
avant  et  après  l'ordination,  fassent  des  dons  à  l'évêque,  sponta- 
nément, et  par  manière  de  cadeau  (H.  ad  88  et  89).  Le  catho- 
licos recevant  son  autorité  spirituelle,  non  du  roi,  comme  le 
prétend  le  Libellus,  mais  du  Christ,  par  l'intermédiaire  des 
apôtres  et  de  leurs  successeurs,  il  ne  peut  en  réalité  être  déposé 
par  le  roi.  S'il  agit  contre  la  teneur  des  canons,  Je  roi  assemble 
les  évêques  qui  l'ont  élu,  et,  après  les  avoir  consultés,  le  dépose 
et  le  punit;  mais  il  ne  fait  qu'exécuter  la  sanction  décrétée  par 
les  saints  canons  :  ce  sont  les  canons  qui  le  déposent  :  Si  aliquod 
malum  fecerit  contra  canones,  Ma  de  causa,  canones  depo- 
nunt  eum  et  puniunt  (R.  ad  88). 

(.4  suivre.) 

F.  Tournebize. 


sit  vers  Omar,  l'émir  de  Gantzac,  et  lui  demanda  l'autorisation  d'ordonner  catho- 
licos le  nouveau  prêtre  :  «  Il  est  bien  jeune,  reprit  Omar;  pourquoi,  vous  qui 
êtes  plus  âgé,  ne  seriez-vous  pas  promu  à  cette  dignité?  »  —  «  Parce  que  ce  jeune 
prêtre,  étant  de  la  famille  du  catholicos,  a  seul  droit  à  son  siège  ».  Avec  la  per- 
mission de  l'émir,  le  jeune  candidat  fut  ordonné'  catholicos  par  le  petit  nombre 
d'évêques  présents  :  «  Après  quoi,  Omar  le  fit  placer  sur  un  beau  cheval,  couvert 
d'une  fine  étoffe  d'honneur,  précédé  et  suivi  de  joueurs  de  trompette,  et  ordonna 
de  le  promener  dans  les  rues  de  la  ville  »  (Guiragos,  p.  89-90).  —  Un  demi-siècle 
auparavant,  le  prédécesseur  de  Bejden,  le  jeune  Kakig,  avait  été,  dans  des  condi- 
tions analogues,  promu  au  siège  patriarcal,  vacant  depuis  vingt-cinq  ans.  Ou 
l'avait  choisi  uniquement  parce  qu'il  était  de  la  famille  du  précédent  catholicos: 
le  catholicos  arménien  Grégoire  III  Bahlavouni  avait,  sur  la  demande  des  Alba- 
niens,  confe'ré  l'épiscopat  à  leur  envoyé,  et  l'avait  chargé  d'aller,  de  concert 
avec  l'évêque  de  Garin  et  un  autre  évèque,  consacrer  catholicos  le  jeune  homme, 
qui  prit  le  nom  de  Kricoris  (Guiragos,  p.  99). 


LE    PASTEUR  D'HERMAS 

NOUVEAUX    FRAGMENTS    SAHIDIQUES. 

Les  fragments  du  Pasteur  d'Hermas,  objet  de  cet  article, 
sont  tirés  de  feuillets  manuscrits  provenant  du  Monastère 
Blanc,  actuellement  conservés  à  la  Bibliothèque  nationale  de 
Paris.  Ils  faisaient  jadis  partie  du  manuscrit  dont  nous  avons 
décrit  et  publié  deux  fragments  dans  la  Revue  de  l'Orient 
Chrétien  (1905,  p;  421-433);  nous  en  avons  précédemment 
signalé  l'existence  dans  une  note  que  la  Revue  a  insérée  dans 
le  premier  numéro  de  cette  année-ci  (1906,  p.  101).  Par  ailleurs, 
nous  avons  appris  qu'un  savant  allemand,  M.  Leitpoldt,  de 
Dresde,  avait,  dès  1903,  pris  connaissance  des  trois  fragments 
conservés  dans  le  manuscrit  130,5.  Ils  furent  communiqués  à 
l'Académie  de  Berlin  et  insérés  dans  les  Comptes  Rendus  de 
cette  société  savante  (1).  Leitpoldt  a  comparé  le  copte  au  texte 
grec  et  autres  versions;  il  en  a  déduit,  autant  qu'on  en  pouvait 
juger  sur  une  si  faible  partie  de  l'ouvrage,  que  le  copte  se  rap- 
proche plutôt  de  l'éthiopien.  Il  serait  prématuré,  même  après 
la  publication  des  nouveaux  fragments,  de  vouloir  revenir  sur 
cette  étude,  d'autant  que  l'éthiopien  présente  pour  la  cinquième 
Similitude  (fragment  copte  du  Louvre)  une  version  abrégée  et 
que  la  palatine  ne  contient  plus,  dans  le  manuscrit  parvenu 
jusqu'à  nous,  le  passage  du  Mandatum  XII,  conservé  en  copte. 
Nous  devons  à  M.  Jean  Réville,  secrétaire  de  la  section  des 
Sciences  Religieuses  à  l'École  des  Hautes-Études,  qui  a  fort 
aimablement  fait  mettre  à  notre  disposition  l'exemplaire  de  la 
Bibliothèque  de  M.  Albert  Réville,  son  père,  d'avoir  pu  con- 
sulter cette  version  dans  l'édition  de  Dressel  que  nous  avions 
en  vain  cherchée  dans  les  Bibliothèques  publiques  de  Paris. 


(1)  Der  II  ni  des  Hermas  in  saïdischer  Uebersetzung  von  Johannes  Leitpoldt, 
in  biesden.  Vorgelegt  von  Ilrn.  Harnack,  Sitzungsberichte  der  KQniglich  Preus- 
sischen  Akademie  der  Wissensckfatén,  XIII  (5  mars  1903),  p.  261-268. 


302 


REVUE    DE    L  ORIENT   CHRETIEN. 


Nous  conservons  la  disposition  en  colonnes  telle  qu'elle  est 
dans  les  feuillets  manuscrits  ;  cela  permettra  au  lecteur  qui  en 
aura  le  loisir  de  restituer  les  lettres  disparues  que  nous  avons 
souvent  omises  quand  il  en  manque  plusieurs  de  suite.  Quel- 
ques lignes  du  revers  sont  très  difficiles  à  déchiffrer  dans  le 
feuillet  33  du  recueil  132,1  (Similitude  VI),  nous  les  avons  éga- 
lement omises. 

L.  Delapohte. 


[Copte  130,5,  fol.  129]  Mandatum  XII  (3,4-4,4). 


(Recto) 

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au  nxoeic  ao 
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5.    [è]uAT6    '     A<|()V 

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ii ai  ace  e;im> 
ne  6K>yAMKA 

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KiiA?A[pe?  epo] 

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pe    '   OTT6    IK3K 
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AIIITeilOV 
AKKAAC    £A   IA 
TK    X»   llll,"JO*OII. 

Kipioue  eea 
pe?  eweien 

4,1.    TOAH  '    Il  A4    A6 
a[c|AOOC    II] Al 

18  lignes  manquent. 


nK 


14  lignes  manquent. 

(Verso)     1 1  x 
ne.\Aq   mai   xe 

IIAGHt'    OT6H 

ovcABe  an   ne' 


(b)(3iieiKeeirro 
mi.   oviiyj(roii 
nexAq   unp(i) 


LE    PASTEUR    D'HERMAS.  303 

H2HT  ciiAV  nr  ue  gtg  ovn 

MOI    Ail     LIIIGO  Tq     I1XOGIG    ZUi 

ov    uiiiiovtg  neq?HT   ép 

uee  eTé  ov  xoeic  giigi 

iitxr   né  Avio  k66mtoah' 
ov^nHpe  ne;                           4.  hgtgpg  n[xo] 

:vg  AqctONT  eic  ag  ein[ev] 

hiikogiioc  cnoTov  e[pe]- 

gtb[g]  nptone'  nev2HT  t[oj]u 

Avto[  AVto   eqoTHT 

18  lignes  manquent.  [g-'Jboa  un  mot 

[tg    ujeTUUdT 

[  Vgiigi 

15  lignes  manquent. 

3,4 à  qui  (il  est)  possible  de  les  garder.  Mais  je  ne  sais, 

Seigneur,  s'il  est  possible  qu'(un)  homme  les  garde:  car  ils 
sont,  en  effet,  très  durs. 

5.  Il  répondit  (et)  me  dit  :  Si  tu  te  persuades  (1)  qu'il  est 
possible  de  les  garder,  tu  les  garderas 

6 mais  (que)  tu  les  oublies,  tu  n'auras  point  de  vie,  ni 

tes  fils,  ni  ta  maison,  parce  qu'à  partir  de  maintenant  tu  as 
considéré  (2)  qu'il  n'est  pas  possible  à  (un)  homme  de  garder 
ces  commandements. 

4,1.  Ces  choses,  il  me  (les)  dit 

2 (et)  me  dit  :  0  dément,  qui  es  ignorant,  hésitant  (3), 

ne  comprends-tu  pas  la  gloire  de  Dieu,  combien  grande  et  pro- 
digieuse elle  est,  car  il  a  créé  le  monde  à  cause  de  l'homme  et... 

3 aussi  ces  commandements?  Il  est  possible,  dit-il,  à 

l'homme  qui  a  le  Seigneur  dans  son  cœur  d'être  aussi  maître 
de  ces  commandements. 

4.  Mais  ceux  qui  ont  le  Seigneur  sur  leurs  lèvres,  (alors  que) 
leur  cœur  est  fermé  et  loin  de  Dieu,  ceux-là ces  [comman- 
dements]  


(1)  m.  à  m.  si  tu  places  ceci  dans  ton  cœur. 

(2)  m.  à  m.  placé  sous  ton  œil. 
['3)  m.  à  m.  de  cœur  double. 


304  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

[Copt.  132,1,  fol.  33]  Similitude  VI  (2,1-7). 

(Recto) 

miioviiuv  m  i»)  unuoTTe  ou 

IIOIIHpOII     MA  Tll|>q     OAVTA 

I    6TOVTAKHT  AV    lllllll     UUO 

2pai  U2HTOT"  ov  fiiieniov 

2-  "uvvp  ntoii,"j  uuv  uneiAicu. 

IAJ)    lllieiJTO  Mini     U6TAMOI 

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BTOMMICfl  ,,A,     xe    AYOYOI2 

BtOK    211    IIAI1A  GTOOTOT   6X1 

III     II  II     MBTpV  OTA     (3llj>AH     II 

<|)ll    (;i:'J()VIT  I1X06IC  *     MAI 

IICGTArO    (3  (V(3    IJT6IUIIJ6 

boa2itu   nei  iiiio'/   ik;t> 

iVITOAOC   •  yJOOII     MAT  . 

?()(3III(3    (311  1      Mil     A(3    (3MTAK 

iiov.  eeiiKo  iiav  epoor    e 

OT6    eriTAKO  '  CeCKipTA   AU' 

;      ll(3.\AI    IIA(|     Xfî  AAAA    (3VIIOO 

nxoeic-    n+  ii(3   iiuoov  zu 

(3111(3    Ail    AIIOK  OVUA   MOVCOT- 

A(3     OV     lit;     20  MAI    11(3    IITAVII. 

eme   enuor-  j>aa(()K()v   u[eu] 

zeMKOOTfl    e  mioov   (3. ml 

nTAKo   '    i,H_  •.•pvdvu    AV((>    Al 

AA(|     A(3     ClOTU  MATH 

[wjeiecoov  ov[ 


[eii]rAKiiAv  (• 


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[poo]r  erpbovT  6b[ 

[     fivcKipTA  3  lignes  manquent. 

[       ]ue[lJTAT 

[nu>  ]tot  6B  oa] 


(pi 


LE   PASTEUR    d'hERMAS.  305 


(Verso)  [qe] 

uuooï  giou2  ii."jco 


fragments  de  6  lignes. 


4  lignes  manquent. 


M2HTC      UTA  11(3   GTCI1ATAAG 

KO    (V6    OVIITACJ  GTTpV(|>AII    2tOC 

2GAIIIC     HUAT  TG    IJCGCKipTA 

<;aa(|    uB'ppe-  au  *    equorse 

iiiiov  ag    MToq  uuooï  eepAi 

OTTAKO     ,"JA     6  GTUA     II^JUHO 

née    UGTiiTAq'  ue   ei    ."joirre 

auuoo^jg   ou  ?i  Apoore  .  etoc 

e[  ]    OTKOTI  Tfi     G  BOA?  M     II 

Aq[r]oroi  evuoo*  -joiitg  lui   ma 

U^JtOC    6^Xfi  POOVG     MC6T.U 

GTArpiOC     IIG  G^yCTUCPOU    Gp 

[rfu   neqcuoT?  boa   hiigigco 

GpG   OV^JAAp    Ll  OV    *    A  VU)     IICG 

BAAUIIG     TO     21  .\(()A.\     en    ll."JO 

totoq  [gtJoto  -ré   mu   iiApoor 

B**J     GpG    OVIIU  7.    6   •     ATTAAA[lll 

pA    21     TGqilA2B  tOpcJcLIATG... 

GpG  orcrepciiq  ...   ?pAi  uuooï  • 

6qL  211    ll."JOIITG 


Ull    IIApOOVG 


IIOOV. 


2A*rq 
2ATq 


2,1 désirs  mauvais,  dans  lesquels  ils  périssent. 

2.  Ils  oublient,  en  effet,  les  commandements  du  Dieu  vivant 
et  vont  dans  les  amusements  et  les  plaisirs  vains,  et  sont  cor- 

ORIENT    CHRÉTIEN.  20 


306  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

rompus  par  cet  ange,  d'aucuns  pour  la  mort,  d'autres  pour  la 
corruption. 

3.  Je  lui  dis  :  Seigneur,  je  ne  sais  pas,  moi,  ce  que  c'est  : 
d'aucuns  pour  la  mort,  d'autres  pour  la  corruption.  Il  dit  : 
Écoute,  ces  brebis  que  tu  as  vues  enjouées  et  bondissantes  ce 
sont  ceux  qui  se  sont  éloignés  de  (b)  Dieu  complètement,  s'é- 
tant  donnés  eux-mêmes  aux  concupiscences  de  cô'siècle.  Il  n'y 
a  plus  de  pénitence  de  vie  en  eux  (1),  parce  qu'ils  se  sont 
ajouté  (2)  de  blasphémer  le  nom  du  Seigneur.  Donc  pour  de 
tels  gens,  c'est  la  mort  (3). 

Celles  que  tu  as  vues  ne  bondissant  pas,  mais  paissant  en  un 
seul  lieu,  ce  sont  ceux  qui,  il  est  vrai,  se  sont  livrés  aux  délices 
et  aux  voluptés... 

[99  a] en  eux,  de  vivre  en  elle.  La  perversion,  en  effet,  a 

l'espérance  d'agir  de  nouveau,  mais  la  mort  a  une  destruction 
éternelle. 

5.  Nous  marchâmes  encore un  peu;  il  me  montra  un 

grand  pasteur,  semblable  de  figure  à  un  homme  des  champs, 
vêtu  d'une  peau  de  chèvre  blanche,  un  sac  à  provisions  sur 
l'épaule,  un  bâton 

[bj  ...  Qui  se  livraient  à  la  mollesse  et  aux  plaisirs  mais  ne 
bondissaient  pas. 

Il  les  jetait  en  un  lieu  de  précipice,  d'épines  et  de  chardons, 
en  sorte  que  ces  brebis  ne  pussent  se  tirer  des  épines  et  des 
chardons  et  qu'elles  fussent  atteintes  par  les  épines  et  les  char- 
dons. 

7.  Elles  souffraient  beaucoup  ...  dans  les  épines  et  les  char- 
dons  


pie 


[Copt.  132,1,  fol.  34]  Similitude  VIII  (10,3-11,5). 

Recto  [??] 

UI1HOVT6  euee"  (b)  nexAq  mai  se 

AAAA    ATTAA6  BtOK    MrïOOC 

lipAII     62CCUOT  IIOVOII    MILI   XG 

(1)  Ils  ne  peuvent  plus  revenir  à  la  vie  par  la  pénitence. 

(2)  Ils  ont  ajouté  à  leurs  autres  péchés,  un  plus  grand,  le  blasphème  du  nom  de 
Dieu. 

(3)  De  tels  hommes  sont  donc  destinés  à  la  mort  (versions  latines). 


LE    PASTEUR    D'iïBRMAS. 


307 


eeilcW-    AV>'JGM 

ii?ii?a\  uriuov 
Te  62otm  ener 
m  '  MTepor 

(MOT II    A6   (ÏT(J 
lUeTdHOIA  * 
ATU6TAMOI 
A  A"  Il     AICTAÏ.G' 
AVp?(OBGApG 
TH    UNI    II TG   T 
AIKAIQCTMH    ' 

eeiiKoove  ag 

GBOA     KieHTOT 
AVp     IIK6IJOV 
62CU     lipAH    '     AV 


10  at[ 


12  lignes  manquent. 

(Verso)    pK 

ON    UILI    eTMA 

eiue  eneq?r»HV 
e    nqpeo're   en 

TC|    LIIIIIOVTG 

qiiAMeTAiioi. 
3.   Aqovto^JB   e(| 
xiu  uuoe  2ce 
iigtiiaugta 
[ii]oi  zu  net?HT 

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[boo]v'  eneuio 
[i  ]\e  NTAI 

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gtgugtaiioi 
MceajMe  eu 
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TA  MOI  A     e[ 
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Koore[ 
iih."ja[ 

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13  lignes  manquent. 


(b)  AH    UOOiae   £11 
IIAGMTOAH    ' 
A  VIO     KIIAUJIll 
A  VU)     IIGTIIAUO 

o^jg  epAi  iien 

TOT    liqAAV   ei  I 

OVCOOTTII    qilA 

coiiq  unuoTTe" 
&•    haï    irrepeqTov 
ovoi  epoi  Aq 

2COOT  epÔI  TH 

pov  .    nciXAq 

haï  ye  fiiATAï 
ovok  en  kg 


308  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRETIEN. 

]v  ijobg-  îîicoxn   uiiiiga 

CO   IIAV  26MKOTI   II20 


]t[         ]ïo 


ov  :  >>>>>>>>>/*•* 


e[         ]q  tsryi~rt~yi~»rr 

13  lignes  manquent.  apxh 

x  lignes  manquent. 

10,3 de  Dieu,  jamais;  mais  ils  ont  volontiers  porté  sur 

eux  le  nom;  ils  ont  reçu  les  serviteurs  de  Dieu  dans  leurs  mai- 
sons. Or,  quand  ils  ont  entendu  cette  pénitence,  ils  ont  fait 
pénitence  sans  hésiter  et  ils  ont  exercé  toute  vertu  de  justice. 

4.  Or,  quelques-uns  d'entre  eux 

11,1  |bj.  ...il  me  dit  :  Va  et  dis  à  tous  qu'ils  fassent  pénitence 
et  vivent  en  Dieu  ;  parce  que  le  Seigneur  a  eu  pitié  d'eux  ;  il  a 
envoyé  la  pénitence...  à  chacun... 

Quelques-uns  [ne  fussent  pas|  dignes,  à  cause  de  leurs 

œuvres.  [Mais  Dieu  étant]  miséricordieux 

1 120  a]  2 Quiconque,  qui  connaîtra  ses  œuvres  et  craindra 

Dieu,  fera  pénitence. 

3.  Il  répondit,  disant  :  Ceux  qui  feront  pénitence  de  tout  leur 
cœur  et  se  purifieront  de  ces  iniquités  que  j'ai  [dites]  et  n  ajou- 
teront] rien  à  leurs  péchés 

[b]  4.  Mais  (toi),  marche  selon  mes  commandements,  et  tu 
vivras;  et  celui  qui  marchera  selon  eux  et  agira  en  droiture, 
vivra  en  Dieu. 

5.  Quand  il  m'eut  montré  ces  choses,  et  m'eut  tout  raconté, 
il  me  dit  :  Je  te  montrerai  aussi  le  reste,  après  quelques  jours. 

(  ÎOMMENCEMENT. 

[Cop.  132,1,  fol.  45  +  cop.  130,5,  fol.  130]  (1)  Similitude 

IX,  (5,1-6,1). 

(Recto) 

7  lignes  manquent.  (b)  9  lignes  manquent. 

]akco[ 
[  ]iiiiuo[ 

(1)  Comme  nous  l'avons  écrit  {ROC.  1906,  p.  102),  ce  feuillet  a  été  déchiré  vers 
le  milieu  en  deux  parties  qui  ont  été  reliées  dans  deux  manuscrits  différents. 


LE   PASTEUR   d'iIERMAS. 


309 


jdTKd    nKto 
HeBOA   •  ÀTOT 

eecAeiie  ag 
lien  ncoov  h 
pcoue   eTpe 

II6TKCOT   AIIA 
XCOpi     IIC6    LITUO 
UUOOT     '     ATOT 
G2CA2A6    UN 

iiApeenoc 

6TLIBCOK    6BOA 

2A    riKtor*    eiue 
eve  a[g]  xe    iitat 
ka[at    e]eApee 
[ennr]proc' 
-•  [uiiJiica   Tpe 

[ot]oM     A  6     II  lU 

[aii]a\:(opi    ne 
[ïd]i    unnoiue 
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[tb]g  ot    une 
[nKJtuT   unnvp 


eq^jAii(rii[eeu] 

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eqe^BTor* 

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nnTproc   hua 
epu    noTio^y 

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nexAi    MAqxe 
nxoëic   uei 
oTto^y  eei ue 
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n  u  ot  il  lier  e 
unoTKe   2KCU 

20T'     AAAA     IITA'i 
BlUK    IIT6T26 


(Verso) 

9  lignes  manquent. 


(b)  7  lignes  manquent. 


[at]bcok  e?[pAi] 

6I1K«)T    A  TCO 
OU    ATC|ITOT   AT 
KAAT     LineTUA 
fiTBfi     II  Al    TH 


[       W4      ] 

riTpro[c 
nxoei[c 
unnTprfoc 
u  lit  euojyl/r] 
Aiiei    Ae    2ATii 
nnTproc  .   at 


310  REVUE    DE    L'ORIENT  CHRÉTIEN. 

pOV     TUTOII  (()     ll(;     UN     AAAV 

iitav.xh    nxo  2A2THq   rie  ei 

6IC    Tm'TAIIOI  UHTI     eOTIAp 

5.   epopT'    nexAq  eeuoc  ulia 

2C6    fiVTUtrilTK  ~-     T6    *     A     II  MOI  II  II 

BKcreriH  en  ,\e  sue   uriAp 

nèTjyoreiT  oeiioc   se  en 

KKi<\e[iu]e  e?coii  a   nsoeic  un 

ni ir   u ki mca  nTproc  ei  " 

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or  tiiiihv  enei  xat   se   qn[Aei] 

MA     HTIieilK;  KIIOV^T    [u 

enKe^uosn  6>L  iikcot  •   av[«>] 

eTNA^j(oiie  eic  îhhïg  [lui] 

unnrproc  iica   ovaiip[h] 

cVï(o   KMAeiue  Te  aiiiav  e[ee] 

eUnApABOAH'  HIIAA?     Il[ 

5,1  |a|  on  laissa  la  construction. 

Or,  les  six  hommes  ordonnèrent  que  les  constructeurs  se  re- 
tirassent et  se  reposassent;  ils  ordonnèrent  aux  vierges  de  ne 
pas  s'éloigner  de  la  construction.  Or,  je  pensai  qu'on  les  avait 
laissées  pour  garder  la  tour. 

2.  Or,  après  que  chacun  se  fut  retiré,  je  dis  au  Pasteur  :  Sei- 
gneur, pourquoi  la  construction  de  la  tour  [n'est-elle  pas  ter- 
minée?]... 

|~b|  ...  S'il  trouve  des  pierres  mauvaises,  il  les  changera,  car 
on  construit  la  tour  d'après  la  volonté  de  celui-là. 

.3.  Je  lui  dis  :  Seigneur,  je  voulais  connaître  la  construction 
de  la  tour,  quelle  elle  est,  et  ce  rocher,  et  cette  porte,  et  les 
montagnes  et  les  vierges  et  ces  pierres  qui  sont  montées  de 
l'abîme,  qu'on  n'a  pas  taillées,  mais  qui  sont  allées  en  leur 
façon  d'être 

4.  [v.  a] vinrent   dans  la  construction  et  de  nouveau 

furent  enlevées,  replacées  en  leur  lieu  ;  au  sujet  de  toutes  ces 
choses  tranquillise  mon  àme,  seigneur,  et  montre-les-moi. 


LE    PASTEUR    D'hERMAS.  311 

5.  Il  dit  :  Si  l'on  ne  te  trouve  pas  empressé  pour  ce  qui  est 
vain,  tu  connaîtras  toute  chose.  Après  quelques  jours,  nous  re- 
viendrons (1)  en  ce  lieu  et  nous  connaîtrons  le  reste  (de  ce)  qui 
arrivera  à  la  tour,  et  tu  connaîtras  les  Similitudes... 

[y.  b]  ...  Allons  a  la]  tour,  [car]  le  maître  de  la  tour  vient  pour 
la  considérer. 

Or  nous  sommes  venus  vers  la  tour. 

Et  il  n'y  avait  personne  auprès  d'elle,  si  ce  n'est  les  vierges 
seules. 

7.  Le  Pasteur  interrogea  les  vierges  si  le  maître  de  la  tour 
était,  venu.  Mais  elles  dirent  :  Il  viendra  pour  considérer  la 
construction. 

6,1.  Et  voici  que,  après  un  intervalle  (de  temps),  je  vis  des 
troupes  de 

LE  RITE  COPTE 

DE    LA    PRISE    D'HABIT    ET    DE    LA    PROFESSION    MONACALE 
d'après  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale. 

Deux  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale,  les  codices 
coptes-arabes  71  et  98,  contiennent  cette  partie  du  rituel. 

Le  manuscrit  98,  écrit  vers  le  xve  siècle,  ne  donne  pas  un 
texte  sensiblement  différent  de  celui  que  M.  Evetts  a  publié 
dans  la  Revue  de  l'Orient  Chrétien  et  nous  ne  le  mentionnons 
que  pour  mémoire. 

Le  manuscrit  71,  du  xvie  siècle,  appartint  au  chancelier 
Séguier,  puis  au  duc  de  Goislin,  évêque  de  Metz,  qui  le  légua 
avec  sa  bibliothèque  à  l'Abbaye  de  Saint-Germain-des-Prés  en 
1732.  En  ce  qui  concerne  la  publication  de  M.  Evetts,  et  sans 
nous  arrêter  aux  différences  de  rubriques  que  ce  manuscrit 
donne  presque  toujours  en  arabe,  nous  remarquons  que  l'Épî- 
tre  [Revue,  p.  67,  140]  est  précédée  du  Ps.  cxvm,  divisé  en 
vingt-deux  sections,  chacune  de  huit  versets,  suivant  notre  di- 
vision. 

La  prière  ncrc  (|>f  [p.  130-132]  et  les  trois  invocations  sui- 
vantes n'existent  pas;  mais  après  l'imposition  de  la  tunique, 

(l)  M.  à  m.  revenons. 


312  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

du  bonnet  et  de  la  ceinture  |p.  132],  avant  le  rite  du  schéma, 
une  prière  débute  par  ces  mots  :  «  Ton  nom  a  été  béni,  grand 
Abba  Antoine,  &.  ik3K|)aii  eTcuÀpujoTT —  »  [p.  ah  v.J, 
suivie  d'autres  pièces  en  arabe  et  en  copte. 

Ce  qui  doit  surtout  attirer  notre  attention,  c'est  que  les  céré- 
monies sont  divisées  dans  le  manuscrit  71  en  deux  offices  ré- 
pondant aux  deux  rites  grecs  «  du  petit  habit  »  et  «  du  grand 
habit  angélique  »  (Revue,  p.  64).  Le  second  office,  le  rite  du 
schéma,  débute  par  les  derniers  versets  de  l'Épître  aux  Hé- 
breux, à  partir  de  xm,  7  :  Souvenez-vous  de  vos  conduc- 
teurs... Viennent  ensuite  les  versets  11  et  12  du  Ps.  xci  :  Les 
justes  croissent  comme  le  palmier...  et  l'évangile  selon  saint 
Luc,  xn,  32-44  :  Ne  craignez  point,  petit  troupeau...  puis  une 
prière  qui  précède  les  textes  publiés  par  M.  Evetts  (p.  133  et 
suiv.)  pour  la  mise  du  schéma. 

Cet  aperçu  si  incomplet  permettra  toutefois  au  lecteur  qu'in- 
téressent les  rites  orientaux  d'apprécier  ce  qu'il  pourrait  trou- 
ver dans  les  manuscrits  coptes  de  la  Bibliothèque  nationale, 
trop  peu  connus  par  suite  de  l'absence  d'un  catalogue  imprimé. 

L.  D. 


MÉLANGES 


i 


NOTE  SUR  UN  MANUSCRIT  SYRIAQUE  (COMMENTAIRE 
DES  PSAUMES  D'APRÈS  THÉODORE  DE  MOPSUESTE) 
APPARTENANT  A  M.  DELAPORTE. 

Ms.  Nestorien  sur  papier  de  22cm,5  sur  16  centimètres,  de 
113  feuillets,  formé  de  deux  parties  l'une  :  toute  récente,  fol.  1 
à  21  et  29  à  48;  l'autre  usée  et  endommagée,  qui  peut  être  an- 
térieure de  quelques  siècles. 

Il  manque  Psaume  i,  f  1  ;  xliii,  4  à  lxxi,  5,  lxxii,  13  à  lxxiv, 
18;  lxxxix,  25  à  xcvi,  8;  cv,  42  à  cvi,  30;  cvm,  9  à  cxn,  2; 
cxvn,  16  à  cxvm,  1  ;  cxvm,  22  à  64;  cxxix,  2  à  cxxxi,  6;  cxl,  3  à 
cxlii,  10  et  cxlviii,  13  à  la  fin. 

L'ancien  manuscrit  était  partagé  en  cahiers  de  dix  feuillets.  Il 
en  subsiste  encore  les  cahiers  10, 11,  13,  14, 16  et  quelques  feuil- 
lets d'autres  cahiers;  il  comprenait  donc  de  170  à  180  feuillets. 

Ce  commentaire  reproduit  le  texte  de  la  Peschito  avec  les 
incipit  des  psaumes  tels  qu'ils  ont  été  imprimés  à  Mossoul 
[Ancien  Test.,  2  vol.,  1888).  Après  chaque  verset  l'auteur  ajoute 
un  court  développement  historique,  exégétique  ou  gramma- 
tical. L'ouvrage  est  donc  plutôt  une  paraphrase  qu'un  com- 
mentaire. 

Le  manque  du  commencement  et  de  la  fin  ne  nous  permet- 
tait pas  d'identifier  ce  commentaire,  mais  deux  publications  de 
MM.  Fr.  Baethgen  (1)  et  B.  Vandenhoff  (2)  nous  ont  permis  de 
combler  cette  lacune  : 

(1)  Der  Psalmen  commenlar  des  Theodor  von  Mopsuestia  in  syrischer  Bearbei- 
hoig  clans  Zeitschrift  fur  die  Alttestamentliche  Wissenschaft,  1885,  p.  53  sqq. 

(2)  Exeç/esis  Psalmorum  imprirhis  Messianicorum  apud  syros  Nestorianos 
Rtieine,  1899, 


314  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Le  texte  du  ms.  de  M.  Delà/porte  est  identique  au  texte  du 
ms.  Sacha u  2 15  conservé  à  Berlin  (1)  et  ce  dernier  commence 
par  la  phrase  suivante  : 

«  Avec  l'aide  de  Dieu  et  l'appui  du  Seigneur,  nous  commen- 
çons à  écrire  les  éclaircissements  des  psaumes  du  bienheureux 
David  le  roi  prophète,  qui  ont  été  composés  et  réunis  par 
Mar  Théodore,  l'interprète  des  saints  Livres,  c'est-à-dire  le  pa- 
triarche de  Mopsueste.  » 

M.  Baethgen  a  étudié  longuement  le  plus  ou  moins  bien-fondé 
de  cette  attribution.  L'ouvrage  syriaque  n'est  pas  de  Théodore, 
car  il  est  basé  sur  la  Peschito  et  il  explique  des  locutions  pro- 
pres au  syriaque,  tandis  que  Théodore  écrivait  en  grec,  mais 
l'étude  des  fragments  de  Théodore  qui  nous  ont  été  conser- 
vés (2)  a  révélé  à  M.  Baethgen  de  nombreuses  analogies  avec 
notre  commentaire  syriaque  qui  ne  s'éloigne  pas,  en  fait,  de 
Théodore,  mais  le  pille,  l'abrège,  le  condense,  ajoute  parfois  des 
explications  personnelles  relatives  surtout  aux  locutions  sy- 
riaques et  utilise  peut-être  d'autres  sources. 

Quant  à  l'époque  où  vivait  l'auteur,  M.  Baethgen  ne  peut  la 
déterminer  avec  grande  précision.  Cet  auteur  est  l'un  des  com- 
mentateurs nestoriens  qui  ont  vécu  entre  Narsès  le  lépreux 
(V  190)  et  Bar  Hébraeus  (f  1286),  car  ce  dernier  a  utilisé  notre 
ouvrage. 

M.  Vandenhoff  (toc.  cit.)  a  publié  en  autographie  et  traduit 
plusieurs  psaumes  d'après  un  ms.  syriaque  lui  appartenant  (3). 
Ce  ms.  renferme  (p.  23  à  181)  d'abord  notre  commentaire  tex- 
tuellement puis,  très  souvent,  des  additions.  C'est  donc  une  se- 
conde édition  revue  et  augmentée  du  nôtre.  Or  tout  le  ms.  de 
M.  Vandenhoff  aurait  été  compilé  par  Job  (Ahoub)  de  Qatar  que 
l'on  fait  vivre  vers  990  (4).  D'ailleurs  Job,  transcrivant  le  com- 

(1)  Ms.  de  31  centimètres  sur  23,  de  19  cahiers  en  général  de  dix  feuillets  chacun, 
de  186  folios  dont  179  consacrés  aux  psaumes,  écrit  en  1882  à  Tel  Kèphê  près  de 
Mossoul. 

(2)  Migne,  P.  G.,  t.  LXVI,  647-696.  Corderius,  Exposilio  Palrum  gi-œcorum  in 
psalmos, Anvers,  1643-1646,  3  vol.  fol.  —Voir  aussi  le  travail  de  M.  Baethgen  :  Sie- 
benzehn  makkabaisehe  Psalmen  nach  Thepdor  von  Mopsuestia,  Ibidem  ;  Z.  fur  A.W., 
1886,  p.  261-288  et  1887,  p.  1-60.  —  Enfin  on  a  cru  trouver  récemment  une  tra- 
duction latine  du  commentaire  des  psaumes  de  Théodore,  cf.  Atti  délie  reale 
Acad.  délie  scienze  di  farina,  t.  31  (1895-96),  p.  655  sqq. 

(3)  Écrit  de  1884  à  1891  àAlkosch. 

(1)  Vandenhoff,  loc.cit.  M,  Rubens  Duval  (La  litt.  syriaque,  Paris.  1899,  p.  84)  le 


MÉLANGES.  315 

mentaire  allongé  susdit,  écrit  qu'il  fut  composé  «  par  notre 
maître  Denha  le  docteur  ou,  suivant  d'autres,  par  Grégoire  l'er- 
mite parfait  ».  Le  premier  est  sans  doute  le  Denha  qui  vivait  vers 
824  (1),  et  le  second  Grégoire  de  Nisibe,  de  la  fin  du  VIe  siècle, 
auteur  d'un  ouvrage  «  Sur  les  devoirs  de  la  vie  monastique»  (2). 
Si  Job  croit  pouvoir  attribuer  le  commentaire  allongé  tel  qu'il 
figure  dans  le  ms  Vandenhoff  à  ces  auteurs  du  vie  au  ixe  siècle, 
il  est  clair  que  le  commentaire  primitif,  tel  qu'il  figure  dans  les 
mss.  Sachau  et  Delaporte,  est  encore  plus  ancien  et  se  rap- 
proche ainsi  de  l'époque  de  Théodore. 

Il  suffit  aux  érudits  de  connaître  ce  nouveau  ms.  du  com- 
mentaire syriaque  des  Psaumes  basé  sur  les  travaux  de  Théo- 
dore de  Mopsueste  afin  que  le  futur  éditeur  puisse  en  tenir 
compte,  mais  la  plupart  des  lecteurs  désireront  peut-être  un 
spécimen  de  ce  genre  de  littérature;  nous  leur  traduisons 
donc  le  commentaire  de  deux  psaumes.  Nous  mettons  en  ca- 
ractères romains  la  traduction  des  mots  qui  figurent  dans  l'é- 
dition de  la  Peschito  publiée  à  xMossoul,  et  en  caractères  italiques 
la  traduction  des  mots  ajoutés  par  le  commentateur  : 

Psaume  xiv  (3).  Sur  la  malice  et  la  présomption  de  Sennachérib  et  de 
Rabsacès  et  sur  leur  punition  (4). 

1.  L'insensé  Sennachérib  dit  en  son  cœur  :  Il  n'y  a  point  de  Dieu  gui 
puisse  arracher  à  mes  mains  Ezéchias  et  son  peuple.  Les  Assyriens  se  sont 
corrompus  dans  leurs  fraudes  et  ont  commis  de  mauvaises  actions  devant 
le  Seigneur)  il  n'y  a  personne  dans  le  camp  assyrien  qui  fasse  le  bien.  — 
2.  Le  Seigneur  a  apparu,  c'est-à-dire  a  regardé  du  ciel,  à  l'homme  —  c'est 
le  camp  des  Assyrien*  —  pour  voir  s'il  y  a  là  un  homme  intelligent  et 
cherchant  Dieu  et  il  n'y  en  avait  pis,  Et  il  dit  :  —  3.  Tous  se  sont  écartés 
en  même  temps  de  ma  voie  et  ils  se  sont  égarés  {loin)  d'elle;  il  n'en  est 
aucun  qui  fasse  le  bien,  pas  même  un  d'entre  eux.  — 4.  Tous  les  Assyriens 
qui  font  le  mal  n'ont  pas  connu  que  le  Seigneur  a  soin  de  Jérusalem;  aussi 
les  Assyriens,  qui  mangent  mon  peuple,  comme  on  mange  le  pain,  se  sont 
préparés  et  ils  le  mangent  et  ils  le  pillent  et  ils  n'ont  pas  invoqué  le  Sei- 
gneur qui  est  le  refuge  de  son  peuple.  —  5.  Là,  autour  de  Jérusalem,  ils  ont 
éprouvé  crainte  et  perdition  en  présence  de  l'être  spirituel  (de  l'ange  exter- 

place  vers  900.  Les  gloses  arabes  qui  figurent  dans  le  ms.  de  M.  Vandenhoff  sont 
peut-être  des  interpolations  postérieures. 

(1)  En  850;  cf.  Rubens  Duval,  La  litt.  syriaque,  p.  84. 

(2)  Cf.  Rubens  Duval,  p.  232. 

(3)  Ms.  Delaporte,  fol.  12  à.13. 
(  1)  Cf.  IV  Rois,  xviii  à  xix. 


316  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

minateur),  car  Dieu  demeure  au  milieu  de  la  race  des  justes  delà  maison 
d'Ezéchias.  —  6.  Rabsacès  et  les  siens  ont  jeté  l'opprobre  sur  l'espérance 
du  malheureux  Ezéchias,  lorsqu'ils  ont  dit  :  Je  te  donnerai  deux  mille 
chars  si  lu  trouves  des  cavaliers  pour  les  monter  (1),  et  :  qu'  Ezéchias  ne 
vous  amène  pas  à  avoir  confiance  dans  le  Seigneur  (2),  et  les  Assyriens  les 
plaisantaient  sur  ce  que  Dieu  était  leur  espérance  (3).  —  7.  Qui  fera  sortir 
de  Sion  la  délivrance  d'Israël  qui  est  en  captivité  si  ce  n'est  Dieu?  Lorsque 
le  Seigneur  ramènera  de  Babel  les  captifs  de  son  peuple,  Jacob  sera  dans 
l'allégresse  et  Israël  se  réjouira  à  cause  du  salut  qui  aura  lieu  pour  tous 
deux. 

Psaume  lxxxii  (4).  Enseigne  aux  prêtres  et  aux  juges  du  peuple  à  ne  pas 
commettre  d'injustice  dans  le  jugement  des  pauvres  (5). 

1.  Dieu  se  tient  dans  l'assemblée  des  anges,  c'est-à-dire  des  prêtres  et 
des  juges,  et  au  milieu  des  anges,  —  ce  sont  eux  —  il  les  jugera  pour  mettre 
leur  malice  à  nu.  —  2.  Jusques  à  quand  jugerez-vous  avec  iniquité,  lorsque 
je  ne  vous  l'ai  pas  ordonné,  aurez-vous  égard  à  la  personne  des  méchants 
et  les  innocenterez-vous  pour  une  récompense?  —  3.  Jugez  les  orphelins 
avec  justice  et  les  méchants  (6)  iniques  comme  je  vous  l'ai  commandé  ;  absol- 
vez arec  rectitude  les  misérables  et  les  indigents  innocents.  —  4.  Puisque 
je  vous  ai  donné  le  pouvoir  de  juger,  sauvez  les  pauvres  et  les  malheureux 
de  la  main  des  méchants,  car  c'est  pour  cela  qu'on  vous  a  choisis.  — 5.  Ils 
n'ont  pas  su  et  n'ont  pas  compris,  à  savoir  le  sacerdoce  qui  leur  a  été 
donné;  ils  marchent  dans  les  ténèbres  dans  le  jugement  lui-même  et  ne 
jugent  pas  selon  la  lumière  des  lois  divines.  Tous  les  fondements  de  la  terre 
promise  sont  ébranlés  à  la  suite  des  renversements  des  jugements  des  pau- 
vres. —  G.  J'ai  dit  :  Vous  êtes  des  dieux  en  honneur  à  cause  de  la  puissance 
judiciaire  que  je  vous  ai  donnée  sur  eux,  et  vous  êtes  tous  les  fils  du  Très- 
Haut,  à  cause  de  ma  grâce  et  de  ma  Providence  envers  vous.  —  7.  Mais 
parce  que  vous  n'avez  pas  observé  mes  commandements  et  que  vous  avez  par 
contre  suivi  les  idées  de  votre  esprit,  vous  mourrez  comme  les  autres  hom- 
mes. Comme  l'un  des  grands  du  peuple  qui  sont  tombés  dans  vos  mains, 
ainsi  vous-mêmes  vous  tomberez  de  (votre)  rang  et  de  (votre)  tribunal  en 
leurs  mains  —  8.  Lève-toi,  ô  Dieu,  et  juge  la  terre  d'Israël  avec  justice,  car 
tu  possèdes  toutes  les  actions  de  ta  création,  elles  sont  (à  toi)  aussi  bien  que 
le  peuple  (d'Israël). 

Le  commentaire  de  Bar  Hébraeus,  tiré  en  partie  de  celui-ci, 

(1)  xvm,  23. 

(2)  Ibid.,  30. 

(3)  Ibid.,  22  et  25. 

(4)  Ms.  Delaporte,  fol. '61  a  62. 

(5)  Les  ternies  de  ce  titre  diffèrent  dans  l'édition  de  Mossoul,  mais  le  sens  est 
le  même. 

(6)  Ce  mot  devrait  être  traduit  par  ••  malheureux  »,  le  commentateur  a  ajouté 
«  iniques  »  et  nous  oblige  donc  à  mettre  «  méchants  », 


MÉLANGES.  317 

d'après  M.  Baetligen,  est  beaucoup  plus  scientifique,  car  il  com- 
pare les  diverses  versions  et  les  divers  commentateurs  et  il  re- 
lève leurs  variantes  (1).  Nous  nous  sommes  aussi  assuré  que  les 
deux  (et  parfois  les  trois)  commentaires  rédigés  par  Denys  Bar 
Salibi  sur  les  Psaumes  diffèrent  des  uns  et  des  autres. 

F.  Nau. 


II 

CURIEUSES  ANNOTATIONS  DE  QUELQUES 
MANUSCRITS  BYZANTINS 

Le  dépouillement  de  manuscrits  anciens  ou  modernes,  en 
dehors  de  la  valeur  intrinsèque  ou  extrinsèque  de  l'ouvrage 
lui-même,  réserve  parfois  d'intéressantes  surprises. 

Tantôt  ce  sont  les  «  souscriptions  »  des  scribes,  le  nom  de 
ceux  dont  les  soins  ont  contribué  à  la  confection  du  volume; 
tantôt  les  annotations  diverses  ajoutées  au  cours  des  siècles 
par  ses  possesseurs.  Parfois,  quelques  feuillets  épars,  et  d'o- 
rigines différentes,  ont  été  réunis  au  hasard,  et  insérés  dans 
la  reliure  d'un  autre  livre,  quand  ce  ne  sont  pas  des  pages 
égarées  par  un  lecteur  dans  quelque  vieux  in-folio  fermé  de- 
puis des  siècles. 

Ce  dernier  cas  s'est  présenté  dans  un  évangéliaire  grec  du 
xive  siècle,  faisant  partie  de  l'ancien  fonds  de  la  Bibliothèque 
Nationale  de  Paris.  Dépouillant  les  nombreux  manuscrits  litur- 


(1)  Cf.  Schroter  ZDMG,  1875,  t.  XXIX,  p.  247  sqq.  Voici  comme  spécimen,  le 
court  commentaire  de  Bar  Hébraeus  sur  le  Psaume  m  : 

«  De  David,  lorsqu'il  fut  chassé  par  Absaloni.  Le  grec  {porte)  :  De  David  lors- 
qu'il s'enfuit  de  devant  Absalom  son  fds,  17  vers. 

«  2.  Seigneur,  combien  nombreux  sont  mes  ennemis,  c'est-à-dire  A  bsalomet  les 
siens;  nombreux  (sont)  ceux  qui  se  sont  élevés  contre  moi.  Le  grec  {porte)  :  qui 
s'élèvent. 

«  6.  Je  me  suis  couché  et  j'ai  dormi,  il  parle  du  sommeil  de  V intelligence  qui  Va 
fait  tomber  dans  le  péché  ; 

«  7.  Je  ne  craindrai  pas  une  myriade  de  gens  avec  les  signes  du  singulier  [sur 
le  mot  myriade]  pour  avoir  dix  mille,  le  grec  {porte)  :  des  myriades  de  gens  avec 
les  signes  du  pluriel;  Théodotion  écrit  :  de  la  multitude  des  personnes  ». 


318  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

giques  byzantins  de  cette  bibliothèque  en  vue  de  leur  catalo- 
gue musical  (1),  je  trouvai  ainsi,  en  feuilletant  cet  évangéliaire, 
de  très  grand  format,  quelques  petits  feuillets,  débris  d'un 
très  précieux  Hirmologion  noté  du  x°  siècle.  Et  l'on  sait  com- 
bien ces  vieux  livres  liturgiques  sont  rares. 

C'est  dans  les  recueils  des  évangiles,  ou  les  divers  lection- 
naires,  que  j'ai  glané  le  plus  de  détails  curieux  :  je  tiens  à 
en  faire  profiter  les  lecteurs  de  cette  Revue. 


La  plupart  du  temps,  que  le  scribe  se  nomme  ou  ne  se 
nomme  pas,  il  demande,  en  quelques  mots,  un  souvenir  dans 
les  prières  :  Souvenez-vous,  possesseurs,  ou  lecteurs,  de  celui 

q U  i a  écrit  ce  livre,  irrr^r^zol-uy/ivo^-eq,  ci  Aévovtsç,  tou  -{p&ùxv-Gq. 

Ailleurs,  il  recommande  ceux  qui  ont  été  mêlés  à  la  pré- 
paration du  manuscrit;  ces  recommandations  sont  tantôt  di- 
rectement adressées  à  Dieu,  tantôt  aux  lecteurs.  L'annotation 
que  porte  en  ce  genre  le  recueil  des  Actes  et  des  Épitres  des 
Apôtres  Coislin  -25,  du  x°  siècle,  est  fort  intéressante;  le  texte 
scripturaire  y  est  pourvu  de  scholies  ou  gloses,  dont  le  com- 
pilateur se  fait  citer  : 

«  Vous  qui  posséderez  ce  livre,  priez  pour  André,  prêtre 
humble  et  digne  de  pitié,  (qui  a  réuni  et  ordonné  les  paragra- 
phes qui  y  sont  insérés),  afin  que  Dieu  lui  donne  sa  miséricorde 
au  jour  terrible  et  juste  du  jugement;  j'en  prie  ceux  qui  écri- 
ront (recopieront)  ce  livre  :  faites  avec  insistance  la  prière  pré- 
cédente (2).  » 

A  la  fin  d'un  recueil  des  évangiles  (grec  81,  xne  siècle),  on  lit 
cette  éloquente  supplique,  en  vers  dans  l'original,  émanant  du 

(1)  Le  résultat  do  ce  travail  sera  prochainement  édité,  sous  le  titre  :  Paléogra- 
phie musicale  byzantine,  avec  le  Catalogue  des  manuscrits  de  musique  byzantine 
des  bibliothèques  publiques  de  France,  et  publié  dans  les  Beihefte  de  la  Société  In- 
ternationale de  Musique  (International  Musikgesellschaft),  chez  Breitkopf  et  Haer- 
tel,  à  Leipzig. 

("2)  'Avôpsov  8s  ToO  è).eeivov  xai  Ta7tEivov  ^pso-ê-j-espou  toù  cruvayaYÔvToç  xai  7tapa0£- 
(jLÉvoy  xà;  ifi.cEpojJt.Evac  tri  piê).w  xauTY]  «apaypaçà;,  ol  Èviu^àvovisi;  imspEVXEO-Ôê.  ïva  ô 
6[eb];  Swpriar]  tw  aÙTw  ëXeo;.  èv  tî}  eoêspà  xai  àÔExàaxw  ttjç  xpîaEw;  "ô^Épa.  7iapaxaXôi 
8s  toù;  Ypâçovta;  t<xûty]v  frijv  (3t6Xov.  xat  t9)v  irpoxEtaÉvriv  EÙy-/)V  [it-zà  tyjç  7iapaxXri<7Ea>ç 
xâo-o-sTs.  —  J'ajoute  seulement  les  iota  souscrits  au  texte  original. 


MÉLANGES.  319 

scribe,  higoumène  ou  archimandrite  :  «  J'ai  écrit,  ô  Christ, 
les  paroles  vivifiantes  que  toi-même  enseignas  aux  apôtres 
pour  être  prêchées  au  monde  entier:  maître,  efface  ce  que 
j'ai  fait,  moi,  Nicéphore,  malheureux  et  misérable,  qui  dirige 
le  monastère  de  saint  Mélèce  trois  fois  heureux  par  sa  vie  et 
ses  actes  ;  jette  un  regard  sur  le  possesseur  de  ce  livre,  Da- 
niel, moine  qui  te  désire;  sois-lui  propice,  parce  que  tu  es 
miséricordieux;  par  les  prières  de  ta  mère  qui  enfanta  sans 
tache,  et  celles  des  quatre  sages  évangélistes  (1).  » 

De  là  à  recommander  toutes  intentions,  les  vivants  auxquels 
l'on  est  attaché,  les  morts  que  l'on  a  perdus,  il  n'y  a  qu'un 
pas  :  les  anciens  n'ont  point  manqué  de  le  faire. 

Au  verso  même  du  feuillet  qui  porte  la  prière  de  l'abbé  Ni- 
céphore, figurent  plusieurs  mémoires  mortuaires. 

De  même  dans  l'évangéliaire  317  du  même  fonds,  copié  en 
1533,  par  le  lecteur  Etienne,  deux  demi- folios  sont  remplis 
de  mémento,  de  la  main  du  même  scribe,  et  incorrects  comme 
la  plupart  de  ces  mémoires. 

Voici,  comme  exemple,  celles  du  1266  du  supplément 
grec,  ajoutées  par  le  copiste  au  dernier  folio  de  son  manus- 
crit. 

MvYJffôr^u]  y.[upt]e  tyjv  ty'ùyrp  tou  SouXou  -oX>  ô[eo]u  y£Wp[y}'0U  *[cà] 
?o)t£ç'  (?)  y.[cx\]  tov  oojXov  tou  6[so]ù  ooixa*  y.[x\\  tov  §oûX[ov]  tou  6[so]ù 
acuxÇariv  (?)  x,[al]  tov  ooîjà[ov]  toj  6[eo]ù  <7ta\)Âvrtv  :  «  Souviens-toi, 
Seigneur,  de  l'âme  du  serviteur  de  Dieu  Georges  et  Photios 
("?);  et  du  serviteur  de  Dieu  Douka;  et  du  serviteur  de  Dieu 
Soutzios,  et  du  serviteur  de  Dieu  Stamate.  » 

Un  des  possesseurs  du  manuscrit  1261  du  même  fonds  est 


(1)  J'ajoute  les  iota  souscrits,  et  réalise  les  abréviations 

"}*  "Eypa^a  y_ [pt<rr]è  xoù;  ÇwYiçopou;  Xoyou;  : 
ou;  aùtôç  è^'ôioxaç  toïc  à7to<TT6X[oi;]   : 
xvipùijai  toutou;  et;  t[ôv]  ffO|A7tavT[a]  xôo(xo[v]  : 
àcpe;  Ss<J7i0Ta  ta  qj.oi  TC£7rpay[/.Éva  : 
vixviçopw  tXyjjjio'u  t<5  TaXai7i(î>pw  : 
ô;  T/j;  [X.ÔVY];  ÛTiâpx»  xrj;  [asXstiou  : 
too  Tpn7|j.â)cap  tw  pîw  x[ai]  tfl  rcpâÇet  : 
pXé'Lov  x[aï]  ir\  xxrJTopi  x[rj];  oè  x[vj]ç  pi'ëXou  : 
iXéwo"ov  û[j.[j.att  «;  ÈXeripicov  : 
8av'ir)X  xï,  y.ovayo}  tù  uoÔoùvti  ae  : 
XtTac;  (rîjç  tt[v)T]p[o]ç  t^;  texoùo-ïi;  à<ritôp[v)]ç 
xai  t[wvJ  xExâpwv  xat  ao^wv  eOayYÉX[a)v]. 


320  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

allé  plus  loin.  A  l'avant-dernier  folio,  figure,  sous  la  croix, 
un  acte  de  naissance  : 

•f   SV    £T£t    <7T    (i)    lYj    TW    [J.Y]vl    0£y.£[J(.6pia)    T^ÀpOC    Y.7.,    Èy^VV^Gy)    ^j   CXjOsVTO 

Koûhoq sv  r^épa  xupïaKY)  wpa  xvjç  ^\)Âpaq  Tîpôhv]  :  7*  «    L'an  (1)..- 

au  mois  de  décembre,  le  21,  est  née  la  fille  légitime...,  un  jour 
de  dimanche,  à  la  première  heure  du  jour.  » 

Un  livre  était  chose  rare  autrefois  :  c'était  un  véritable  bien 
de  famille.  Point  n'est  étonnant  que,  témoin  des  grands  évé- 
nements, iJ  en  témoignât  plus  encore  par  l'écriture  dont  on  le 
revêtait,   pour  l'édification  des  générations  futures. 

Ce  sont  apparemment  ces  usages  qui  portèrent  les  scribes 
lettrés  des  xve  et  xvf  siècles  à  clore  leurs  manuscrits  par  une 
réflexion  philosophique,  et  souvent  épicurienne,  sur  la  douceur 
et  la  brièveté  de  la  vie. 

C'était  eux  cependant,  ou  leurs  pères,  qui  avaient  vu  de 
près  les  horreurs  de  l'invasion  turque,  et  qui,  Byzance  prise, 
s'étaient  réfugiés  chez  les  princes  d'Occident. 

On  sait  moins  —  et  cela  rentre  dans  le  sujet  qui  nous  oc- 
cupe —  que  c'est  aux  littérateurs  byzantins  protégés  alors  par 
les  rois  de  France  que  sont  dus  les  premiers  classements  de 
la  Bibliothèque  royale,  aujourd'hui  nationale. 

Ange  Vergèce,  Georges  Hermonyme  et  d'autres,  qui  travail- 
lèrent ainsi  pour  nos  rois,  écrivirent  aussi  pour  la  Bibliothè- 
que, d'où  ils  ne  sont  jamais  sortis,  un  certain  nombre  de  vo- 
lumes. 

C'est  du  Grec  108  (Épitres  de  saint  Paul),  copié  par  Hermo- 
nyme, que  sont  extraits  les  vers  suivants,  d'une  philosophie 
ironiste,  qui  closent  le  volume  : 

Zor/j  te  '/.[ai]  ôâvaxoç  wç  tcûXoci  Suc 
Msuov  oè  toût[o)v],  5  yXuxùç  oûtoç  $ioç 
Oùcstç  eîcïjXôe  ty]v  tciîXyjv  -ft:  eiaôSou 
Oç  cù  TïapYjAÔs  t[y;v]  tcûàyjv  tyjç  è^oSou. 

«  La  naissance  et  la  mort  sont  comme  deux  portes  ;  au  mi- 
lieu, est  cette  douce  vie;  personne  n'entre  par  la  porte  d'en- 
trée, qui  puisse  éviter  la  porte  de  sortie.  »  La  plaisanterie 


(1)  1318,  ou  1818?  les  deux  systèmes  de  numération  en  usage  chez  les  Grecs 
peuvent  appuyer  l'une  ou  l'autre  lecture. 


MÉLANGES.  321 

n'est  peut-être  pas  d'un  goût  parfait,  et  die  est  loin  de  l'hum- 
ble prière  proférée  par  Thigoumène  Nicéphore. 

Nous  nous  éloignons  de  plus  en  plus  de  l'antiquité,  et  les  sen- 
timents s'en  ressentent;  à  mesure  qu'on  approche  de  l'époque 
moderne,  un  orgueil  naïf  se  manifeste.  Notre  Bibliothèque  Na- 
tionale possède,  dans  le  fonds  dit  «  supplément  grec  »,  tout 
un  lot  de  manuscrits  musicaux  contemporains  de  la  transfor- 
mation du  chant  ecclésiastique  grec,  du  milieu  environ  du 
xviii0  siècle  au  second  quart  du  xixe. 

Nous  avons  ainsi  des  copies  authentiques  des  œuvres  de 
Pierre  Byzantios,  de  Pierre  de  Péloponnèse,  des  transcriptions 
mêmes  faites  par  Chrysanthe,  le  principal  des  trois  réformateurs 
«  de  la  nouvelle  méthode  ».  Le  manuscrit  1047  du  supplément 
grec  porte  donc  au  commencement  une  épigramme  de  Chry- 
santhe s'adressant  au  «  nourrisson  des  Muses  »  : 

'ï'Tîspspovîiv  ;j.s  [):rtoy.\).M-  ;j.cj?0Tp6f£,  etc.,  et  à  la  fin   : 
Kat  :q  o'  oç  ia^siç, 
Xspai  ^p'jaxvôou 
B{6Xcç  [-/.sxsypaçY)   v3v, 
c'Ov:;sp  èv  [J.vTtiJ.^  çepciç. 

«  Et,  tel  que  tu  le  tiens,  ee  livre  a  été  transcrit  par  les  mains 
de  Chrysanthe,  ce  que  tu  garderas  dans  ta  mémoire!  » 
Où  est  le  «  priez  pour  moi  »  des  vieux  copistes? 


Mais  ce  n'est  pas  seulement  par  des  prières  touchantes  ou 
naïves,  des  réflexions  personnelles,  plus  ou  moins  futiles,  que 
les  annotations  des  manuscrits  se  reeomma'ndent  à  notre  at- 
tention. 

Il  en  est  qui  sont  d'intéressants  témoins  des  relations  de 
la  Grèce  byzantine  avec  l'Occident.  Nous  nous  bornerons  à  les 
reproduire,  laissant  à  d'autres  le  soin  d'en  faire  l'histoire,  s'il 
y  a  lieu. 

En  plein  xvne  siècle,  comment  le  métropolite  de  Samos  a-t-il 
été  amené  à  offrir  un  jour  de  fête  —  l'Annonciation  —  d'an- 
ciens  évangiles  grecs  à  Louis  XIV?  Est-ee  au  passage  d'une  mis- 

ORIENT    CHRÉTIEN.  21 


322  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

sion  française?  d'une  ambassade  allant  traiter  avec  le  Grand 
Turc? 

Deux  manuscrits  de  la  Bibliothèque  portent  cependant  en 
toutes  lettres  cet  hommage,  dont  nous  respectons  scrupuleu- 
sement l'orthographe  : 

To  rcapo-v  "-paôàYYSAcv  ex.o|MC70si  èx  if,q  èv  ?rj  ~7.x\j.m  fikêXioôiXYjç, 
t^olù  i\xo\i  Iwjy]©  Y£o)pY£ipr(vr(,  Ta::îivou  àp'/iSTTitr/.i-cj,  G3t[xo'j,  xa!  szf- 
âwÔY]  to)  S'jss6ïcr-i7w  xai  y.pa-aio)  32(7^— >  XoSoôfrup  iïh  [xiyxX.  sv  stouç 
x[pt<JTo]ù  — a-/o£"  —  p.apTt'ou  —  v~i  :  —  «  Le  présent  recueil  des 
quatre  évangiles  a  été  tiré  de  la  bibliothèque  de  Patmos,  par 
moi,  Joseph  Georgirène,  humble  archevêque  de  Sanios,  et 
donné  au  très  auguste  et  très  puissant  roi  Louis  le  Grand,  en 
l'an  du  Christ  1076,  le  25  mars.  » 

Les  deux  manuscrits  qui  contiennent  cette  mention  faisaient 
autrefois  partie  de  la  Colbertine  ;  ils  portent  maintenant  les 
nos  86  et  118  du  fonds  grec. 

Quatre  siècles  plus  tôt  nous  trouvons  un  recueil  canonique 
des  évangiles  (Coislin  197,  xue  s.)  offert  à  la  bibliothèque  de 
sa  cathédrale,  cathedralis  ecclae...  bibliothecae,  par  Hector 
Ouilly,  Epô  Tullen,  évêque  de  Toul.  On  s'explique  bien  que 
ce  manuscrit  soit  ensuite  allé  de  Toul  dans  la  bibliothèque  de 
Tévêque  de  Metz,  Henri  du  Cambout,  duc  de  Coislin,  devenue 
le  «  fonds  Coislin  »  de  la  Bibliothèque  Nationale. 

Mais  comment  cet  évangéliaire  grec  était-il  parvenu  à  Toul? 
C'était  peu  de  temps  avant  le  concile  de  Florence,  au  plus  fort 
des  controverses  entre  Latins  et  Grecs,  Anno  Dni  1430,  comme 
le  porte  la  mention  de  cet  hommage  ;  l'évêque  de  Toul  le  te- 
nait-il d'un  confrère  grec,  rencontré  au  cours  de  la  prépara- 
tion du  concile? 

Et  puisque  nous  venons  de  prononcer  le  nom  du  concile  de 
Florence,  faisons^en  comparaître  un  témoin  :  l'évangile  91, 
du  xme  siècle. 

Le  dernier  des  Paléologues  venait,  de  concert  avec  le  patriar- 
che de  Constantinople  et  les  évêques  dépendant  de  son  siège. 
de  se  décider  à  examiner,  d'accord  avec  les  Occidentaux,  les 
points  en  litige  soulevés  par  les  Grecs. 

Un  concile  est  réuni  à  Florence,  le  pape1  Eugène  IV  le  pré- 
side; à  ses  côtés,  siège  l'empereur;  les  plus  illustres  théolo- 
giens entrent  en  lice  et  bientôt  tombent  d'accord. 


MELANGES. 


■».)., 


Les  pères  du  concile  prononcent  en  termes  formels  que  la 
différence  des  termes  dans  renonciation  du  dogme  n'est  qu'un 
côté  extérieur  de  la  doctrine.  Ils  montrent  par  les  passages  des 
Anciens  Pères  et  des  auteurs  ecclésiastiques,  que  la  croyance 
sur  la  procession  du  Saint-Esprit  est  absolument  la  même  chez 
les  Grecs  et  les  Latins,  et  que  l'accusation  réciproque  d'hérésie 
tombant  d'elle-même,  il  n'y  avait  aucun  obstacle  à  reconnaître 
la  juridiction  des  différentes  prélatures. 

On  put  croire  un  instant,  aux  termes  mêmes  de  la  définition 
synodale,  «  qu'un  grand  mur  était  tombé  ».  Hélas!  ce  ne  fut 
pas  pour  longtemps;  les  dissensions  politiques  de  Byzance 
réédifièrent  ce  mur,  maintenant  leurs  partisans  dans  un  isole- 
ment farouche,  pierre  d'achoppement  des  bonnes  volontés. 

Le  manuscrit  que  nous  avons  cité  contient  un  témoignage 
curieux  et  précieux  de  l'Union  passagère,  et  l'on  doit  recon- 
naître que  si  les  Latins  avaient  cru  les  Grecs  detenli  multis 
erroribus,  ils  ne  firent  aucune  difficulté,  le  concile  ayant  parlé, 
de  donner  aux  prélats  hellènes  les  titres  de  leur  dignité  et  d'en 
accepter  des  gages  d'amitié  : 

Hoc  volumen  quatuor  evangelistar[iun\  grecis  transcrip- 
tion l[itte\ris  Venerabilis  in  Christo  pqter  d[omi]nus  Doro- 
theus  natione  grecus  Arçhiepiscopus  Metellinen{sis\  (lisez  : 
Mitylenen.)  reliqùit  in  hac  bibliotheca  ad  usus  [sic]  canoni- 
cor[um]  reguliarium  anno  d\  omijni  MCCCCXXXVII1I  :  quo 
t[em]p[o]re  Imperator  ConstantinopolitanUs  et  patriarca 
ac  reliqui  orientales  p[re]lati  in  Italiam  navigarunt  ad 
sancte  unionis  con/icienda[m]  gratia[m]  :  divisi.  il[li\.  fue- 
rant  a  Romana  eccl[es]ia  p[er]  longissima  t[em]p[o)ra  de- 
tenti  multis  erroribus.  Que  quidem  unio  florenfie  féliciter 
fuit  celebrata  sub  Romano  pontifice  Eugeniopp.  III I. 

(Signé  :)  L).  Timotheus,  veronen[sis  canoni]cus. 

C'est-à-dire  :  «  Ce  volume  des  quatre  évangélistes,  transcrit 
en  lettres  grecques,  a  été  donné  par  le  vénérable  père  en  Christ 
et  seigneur  Dorothée,  Grec  de  nation,  Archevêque  de  Mitylène, 
à  cette  bibliothèque,  pour  l'usage  des  chanoines  réguliers,  l'an 
du  Seigneur  1439;  c'est  le  temps  où  l'empereur  de  Constanti- 
nople  et  le  patriarche  avec  les  autres  prélats  orientaux  navi- 
guèrent jusqu'en  Italie,  pour  y  parfaire  la  grâce  de  la  sainte 


324  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

union  :  ils  avaient  été  séparés  de  l'Église  Romaine  pendant 
très  longtemps,  retenus  par  de  mutiples  erreurs.  Cette  union 
fut  heureusement  célébrée  à  Florence  sous  le  pontife  romain 
le  pape  Eugène  IV.  D.  Timothée,  chanoine  de  Vérone.  » 

Le  manuscrit  91  vient  donc  de  Vérone,  et  est  originaire  très 
probablement  de  Mitylène. 


Celui  qui  prépara  la  collection  évangélique  140  du  supplé- 
ment Grec  (xne  siècle),  employa  dans  son  codex  un  fragment 
plus  ancien  (fol.  186),  qui  se  reporte  sans  nul  doute  aux  temps 
où  les  hérésies  étaient  puissantes  dans  les  pays  grecs.  L'écriture 
du  fragment  n'est  pas  beaucoup  plus  ancienne  que  celle  du 
manuscrit  lui-même;  où  le  scribe  l'a-t-il  copié? 

Un  prêtre  se  présente  à  la  laure  de  l'abbé  Gérasime.  Celui- 
ci  l'interroge  sur  sa  foi  en  présence  des  moines  pour  savoir 
s'ils  peuvent  le  laisser  célébrer.  Les  questions,  très  précises, 
roulent  sur  la  Trinité,  sa  substance,  ses  personnes,  sa  volonté; 
sur  le  Christ,  ses  natures,  sa  substance,  sa  double  origine, 
sa  personne.  L'interrogatoire  paraît  surtout  avoir  en  vue  les 
hérésies  arienne  et  monophysite  (1)  : 

«  Un  certain  prêtre  se  présenta  à  la  laure  de  l'abbé  Gérasime  ; 
et  le  vieillard  l'interroge;),  disant  :  —  Dis-nous,  frère,  ce  que 
tu  penses  sur  la  foi  orthodoxe,  pour  que  nous  te  confiions  le  soin 
de  célébrer  la  liturgie  dans  notre  laure.  —  Celui-ci  dit  :  Comme 
tu  voudras,  père.  —  Et  le  vieillard  :  Combien  confesses-tu  de 
natures  dans  la  Sainte  Trinité"?  —  Il  dit  :  Une.  —  Combien  de 
substances?  —  Celui-ci  :  Une.  —  Combien  de  personnes?  — 
Celui-ci  :  Trois,  le  Père,  le  Fils,  et  le  Saint-Esprit.  —  Combien 
de  volontés?  —  Celui-ci  :  Une  volonté.  —  Et  le  vieillard  :  Tu 
as  bien  parlé;  et  touchant  le  Fils  de  Dieu,  combien  de  natures 
confesses-tu?  —  Celui-ci  :  Deux  :  il  est  consubstantiel  au  Père 
selon  la  divinité,  et  consubstantiel  à  sa  mère  et  à  nous  selon 


(1)  Le  fragment  étant  assez  long,  nous  n'en  donnerons  que  l'incipit  : 
«    tu      ya     TlpzaêùzcÇiôi  tiç  Y.a.ir^irpzv  eî;  tyjv  >.aûpav  xoù  ocêêâ 
N       K      rspactjxov  xai  fjpwtyiaEv  aùrôv  ô  y^'1''''  Xéywv.  /.t.X. 
Nous  ignorons  si  ce  fragment  est  connu. 


MÉLANGES.  325 

l'humanité.  —  Et  le  vieillard  :  Combien  de  naissances?  — 
Celui-ci  :  Deux  :  l'une  avant  tous  les  temps,  du  Père;  l'autre, 
dans  les  derniers  temps,  de  la  Sainte  Vierge.  —  Et  le  vieillard  : 
Combien  confesses-tu  de  personnes?  —  Celui-ci  :  Je  confesse 
une  seule  personne  [venant]  de  la  clarté  (è;  ÊXa^eoç)  du  Père, 
comme  la  lumière  [vient]  du  soleil;  et  [je  confesse]  qu'il  trône 
avec  le  Père,  partageant  son  autorité  (tyjv  fiiçapçiv).  » 


Enfin,  en  plus  de  ces  annotations  diverses,  quelques  Lec- 
tionnaires  proprement  dits,  destinés  à  l'usage  liturgique, 
donnent  (en  dehors  de  la  distribution  des  péricopes)  des  ren- 
seignement précieux  sur  la  forme  des  offices,  et  même  des 
fragments  d'offices. 

Le  Gr.  112  (xine  siècle)  contient  un  certain  nombre  de  ma- 
karismi,  suivis  des  prières  et  synaptes  (1)  de  la  liturgie  dite  de 
saint  Jean  Chrysostome.  Le  texte  liturgique,  sauf  variantes 
sans  importance,  inhérentes  aux  manuscrits,  est  conforme  au 
texte  maintenant  reçu. 

Le  1081  suppl.  Gr.  (xp  siècle)  contient,  d'une  autre  main  que 
le  texte  évangélique,  trois  prières  pour  les  heures  du  Vendredi 
Saint.  Le  feuillet  —  le  dernier  —  assez  abîmé,  laisse  beaucoup 
de  lacunes  dans  ces  trois  pièces,  dont  voici  l'incipit  : 

A  Prime. 

Avu  SéuTCOTJ'a]  5  9[eb]ç  r,;./.o)v  z iv  tw  TCpoaxuv^TW  ax[a'j]p(T). 

A  Tierce. 

K[opi}s  5  0[îb]ç  r^j.urr  5  Sioctou  xopuçaiou  toû  àicocïTÔXou  tôQ  Ui-pou: 

A  Sexte. 
\i<j7:c-y.  x,[upt]s   6  9[eo]ç  r(;x<7)v    6  tov  o6[pav]tbv   s^wv   ôpôvov. 

Trois Pra.iapostoli  des  xne et  xin°  siècles  donnent  un  très  com- 
plet Synaxaire  (Sova^aptov,  MyjvoXsiyiqv,  EùvaÇapwv  xoû  MyjvoXoyîou), 
véritable  Ordo  (xà^iç),  contenant,  avec  l'indication  des  fêtes, 


(1)  Les  makarismi  sont  1rs  Béatitudes,  dont  le  texte  est  chanté  en  forme  de  can- 
tique dans  la  liturgie  grecque,  et,  par  extension,  on  donne  ee  nom  aux  tropaires 
ou  antiennes  développées,  destinées  à  les  accompagner;  les  synaptai  correspon- 
dent aux  invocations  et  litanies  de  la  liturgie  latine. 


326  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

celles  des  lectures  et  des  principaux  chants,  une  certaine  quantité 
de  tropaires,  et  l'ordre  des  processions  et  des  stations  à  Constan- 
tinople,  à  commencer  par  celle  du  1er  septembre  à  Notre-Dame 
de  Chalcopratie.  Nous  avons  l'intention  de  travailler  à  la  publi- 
cation de  ce  synaxaire,  qui  sera  le  complément  naturel  du 
texte  martyrologique  édité  dans  les  Acta  Sanctorum,  t.  II  de 
Novembre. 

L'ordre  d'une  de  ces  processions,  avec  ses  rubriques  et  ses 
prières,  nous  est  donné  à  la  fin  de  l'Evangéliaire  293,  du 
xnc  siècle,  et  de  la  même  main  que  le  reste  du  manuscrit.  La 
traduction  de  cet  Ordo,  bien  qu'il  soit  peu  important,  nous  a 
paru  intéressante  à  faire,  comme  contribution  à  l'étude  des 
rites  constantinopolitains,  à  l'époque  des  Comnène.  Nous  ter- 
minerons par  elle  notre  travail. 


Ordre  de  la  procession  </ui  doit  partir  de  ta  Grande  Église. 

«  (1)  Seigneur  notre  Dieu,  souviens-toi  de  nous,  pécheurs, 
et  tes  serviteurs  inutiles,  quand  nous  invoquons  ton  nom  saint 
et  adorable;  et  ne  nous  prive  pas  du  don  de  ta  miséricorde; 
mais  accorde-nous  tout  ce  que  nous  demandons  pour  notre 
salut,  et  rends-nous  dignes  d'aimer,  de  craindre,  et  d'accomplir 
de  tout  notre  cœur  et  en  tout  ta  volonté;  parce  que  tu  es  bon  et 
aimant  les  hommes,  etc.  Amen.  —  Le  prêtre  :  Paix  à  tous.  Et 
à  ton  esprit.  —  Le  diacre  ayant  dit  :  Inclinez  vos  tètes,  le 
prèire  dit  l'oraison  :  (2)  Seigneur  saint,  qui  sièges  dans  les 
hauteurs,  et  regardes  toute  créature  d'un  regard  qui  porte 
partout  (icavTéyofoç),  nous  inclinons  devant  toi  nos  cœurs  et 
nos  corps;  et  nous  t'en  prions,  étends  ta  main  invisible,  du 
lieu  saint  où  tu  reposes,  et  bénis-nous  tous;  et  si  nous  pé- 
chons en  quelque  chose  volontairement  ou  involontairement, 
secours-nous,  Dieu  bon  et  aimant  les  hommes,  nous  accordant 
toutes  tes  bontés;  parce  qu'à  toi  est  la  pitié,  etc. 

«  La  procession  s'avançant  vers  le  Phoros  ou  un  autre  lieu, 
s'y  arrête;  les   chantres   disent  la  doxologie  ;  et,  pendant  la 


(1)  Incipit  :  Kvpie  ô  6eo;^{iwv  [xv^i8r,Ti  rjucov  tûv  àjiapxoÀtîiv  xal  àxpeïtov  6oû).wv  aou. 

(2)  Kûpts  àyte  ô  èv  {hJ/yjàoîç  xoaatxwv"  xai  xto  uavxeipôpt})  aou  ôfxjj.a-rt,  x.  t.  ). . 


MÉLANGES.  327 

c  |irière  continue  »  (la  supplication  on  litanie),  ï'archiprêtre  prie 
ainsi  : 

«  (1)  Seigneur  notre  Dieu,  reçois  cette  prière  continue  de  la 
part  de  tes  serviteurs;  et  aie  pitié  de  nous  selon  la  grandeur  de 
ta  misérieorde  ;  et  accorde  ta  compassion  à  nous  et  à,  tout  ton 
peuple, qui  attend  de  toi  ton  abondante  miséricorde;  parce  que 
tu  es  miséricordieux  et  aimant  les  hommes,  etc.  Amen.  [Nou- 
velle inclinaison  de  tête  comme  ci-dessus,  prière  du  prêtre  :] 

«  (2)  Seigneur  notre  Dieu,  qui  sièges  sur  un  trône  de  gloire 
et  contemples  les  abîmes,  regarde  notre  humilité  d'un  œil  mi- 
séricordieux ;  et...(?)  avec  bienveillance  tous  ceux  qui  inclinent 
leur  tête  devant  toi;  pour  que...  le  nom  très  saint  de  ton  amour 
pour  les  hommes,  du...  et  glorifié  Père  et  du  Fils,  etc. 

«  Et  les  chantres  commençant  aussitôt  le  tropaire,  on  achève 
la  procession.  » 

Cet  ordo  est  suivi  de  prières  d'entrée  pour  la  dédicace  d'une 
église  :  '0  Qioq  y.t.1  7caTY)p  ~oj  vwpto'j  yjjj.wv  Iv](TcD  Xpiir'oD  '  ô  wv 
îj"aoY'/;tôç  etç  roàç  xîôvaç,  /..  t.  a.,  et  Kjptsô  ôebç  ^;.wv  b  v.x-y.Gvr^y.: 
èv  oùpavotç  -i\'[j.y.-y.,  ■/..  -.  X.  ;  enfin  une  autre  oraison  à  dire  à  la 
Porte  d'Or,  sv  tyj  XPu<yïi  flopr/]  :  —  LlaX&v  trou,  Kùpis,  toj  2  f.Aav9p  (.'>::  ;u 
oîa-iTOu'  [/v/j^  ^a'-oiaç   (sic?). 

Amédée  Gastuué. 


111 

NOTE   SUR  LES  MSS.    DE   PARIS  QUI  RENFERMENT 
LA    NOTICE    BIOGRAPHIQUE   D'ANTIOCHUS 
MOINE  DE  S.-SABBA. 

Antiochus,  moine  de  Saint-Sabba,  qui  écrivait  au  vne  siècle 
sa  compilation  intitulée  --rrAv.-rtq  vftz  y.*;iy.^  vpasYj;  (Migne, 
P.  G-,  tome  89),  est  connu  surtout  par  une  courte  notice  biogra- 

(1)  Kûpic  6  6îo;  •fjjjuâv  x/)v  sxtîv/jv  fauTT]v  ÊxîiioM  Ti^ÔTOî^at.  C'est  l'une  des  orai- 
sons de  la  liturgie  de  saint  Jean Chrysostome,  qu'on  dit  avec  la  litanie  qui  suit 
l'évangile. 

(2)  Kûpte  6  Geo;  ^p.wv  ô  xa8-/î[j.£voi;  È7ti  ôpôvou  g6?ïï;. 


328  REVUE  de  l'orient  chrétien. 

phique  éditée  pour  la  première  fois  par  Lambecius  (III,  110, 
éd.  Koll.,  p.  354-355)  d'après  un  ms.  devienne,  puis  citée 
d'après  ce  seul  manuscrit  par  Fabricius  (X,  499-500)  et  tous 
les  éditeurs  suivants,  et  enfin  par  M.  Krumbachër  {Byz.  Litt., 
2e  éd.,  p.  146).  Or  nous  avons  trouvé  sept  copies  de  cette 
notice  dans  six  mss.  de  Paris  que  nous  niions  faire  connaître. 
De  plus,  comme  elle  est  très  courte,  nous  croyons  bien  faire  en 
la  publiant  à  nouveau  avec  quelques  variantes  des  manuscrits. 
Enfin  nous  ferons  remarquer  que  le  ms.  Coislin  117  est  attri- 
bué à  tort  à  Antiochus  dans  les  catalogues. 

Il  y  a  lieu  d'éliminer  tout  d'abord  les  mss.  incomplets,  sur- 
tout s'ils  sont  tronqués  à  la  fin,  car  la  notice  figure  toujours 
à  la  fin.  C'est  le  cas  du  ms.  1079  tronqué  au  commencement 
et  à  la  fin;  des  mss.  883,  884,  1080,  1083,  1203,  tronqués  à  la 
fin,  et  du  ms.  Coislin  256  qui  se  termine  avec  l'homélie  130 
et  ne  renferme  pas  le  chapitre  suivant  r.tpl  -pccz'jyï,ç.  Deux 
manuscrits  (882  et  1081)  non  tronqués  à  la  fin  omettent 
notre  notice;  ils  appartiennent  d'ailleurs  à  la  même  famille,  car 
tous  deux  omettent  aussi  la  lettre  à  Eustathe  au  commence- 
ment et  portent  le  titre  inexact  suivant  :  'Avtiô^ou  \wj.yrj  -f,z 
XaiSpaç  [/.ovY}ç  'ATtaXtyrçç.  Par  contre  la  notice  se  trouve  dans  six 
mss.  de  Paris  :  881,  fol.  267  (A);  1078,  fol.  3  et  230v  (B»  et  B2); 
885,  fol.  166  (C);  1082,  fol.  235  (D); Coislin  238  (E);  suppl.  grec 
769,  fol.  16  (F).  Les  premiers  feuillets  du  ms.  1078  sont  inter- 
vertis. Il  faut  les  lire  dans  l'ordre  3,  4,  5,  1,  2,  6,  etc.  La 
notice  qui  figure  en  tête  (fol.  3)  est  de  seconde  main.  Partout 
elle  se  trouve  à  la  fin.  La  voici  d'après  ces  manuscrits  : 

Après  la  finale  (1)  :  «  Cent  trente  chapitres  divers  et  une 
prière  de  confession  d'Antiochus  moine  de  la  laure  de  Saint- 
Sabba  (adressés)  à  Eustathe,  hégoumène  du  monastère  àxa- 
Xivyjç  (2)  de  la  ville  d'Ancyre  en  Galatie,  «rrr/si/iv  xlizi-j.  {sic)  :  y.y). 
<l>  »  (3)  ;  on  trouve  la  phrase  d'envoi  éditée  aussi  par  Lambe- 
cius et  reproduite  par  Fabricius  (Bibl.  graeea,  V,  500)  ib 
xpéoç,  etc.  (4). 


d)  Ms.  881,  du  xe  siècle,  fol.  267  (A). 

(2)  A  redouble  le  a  de  (iov?j;  et  écrit  SoaaX(vr);.  C  porte  'AtocXCxïiç.  —  'Atto&ivîjç 
D.  —  'ATTaXXîër(ç  F. 

(3)  Tout  ce  connu,  manque  dans  B;  CDEF  omettent  le  nombre  des  stiches. 

(4)  Se  trouve  aussi  en  BCDEF. 


MÉLANGES.  329 

Vient  ensuite  la  notice  biographique  suivante  : 

Ojto;  à  'Avrto^oç,  t(T)  \jàv  (1)  y^V£1  (2)  Tahâ-rtq  Û7ïfjpy_£v  àmb 
xiot-ojç  (3)  \i*fo\xévriq  (4)  Msooo-aya  (5),  oiay.si;j,evïjç  èv  xoTç  [xspsatv  tyjç 
aÙT^ç  (G)  t:6A£0)ç  'Ayxûpaç,  wç  âftb  aYjjxsfwv  x.  'Eiw9u[ji.(av  os  (7) 
È'-/(ov  Toi  [/.ov^pooç  $£ou,  cVâSTOc^aTO  èv  tyj  Tcpo^pYjOeiav]  (8)  [Àovyj  tyj  Xeyo- 
jjiivY]  'ATaXYjVYj  (9)  xal  [ast  oXiyoy  xpôvcv,  icâXiv  ÛTCsiaYjXOsv  (10)  aùxw 
-iOoç  toj  TupoaxuvYjcjai  xoù;  àyiôuç  tou  yptaxoli  tô-iuç,  y.ac  otxyjfyûci  (11) 
-Y)  owtoôi  (12)  xapax£i{j.svv]  (13)  èpYjjAW.  Kai  èX8wv  xocTwxY]<iev  èv  (14) 
t?)  Xocupa  tou  à66a  (15)  Sàêa  (16),  tyj  Siaxeifiivr]  xoct«  [/,e<7Yj[Aêpiav  (17) 
tyjç  àytaçTuôXso);  'IcpouuaAïjy.,  tôç  ài:b  aToccKtov  (18)  tc,  xai  Ijjieivsv  (19) 
èv  aùiY)  èv  XpiaTÔ  tov  arc av toc  tyjç  Çwîjç  ccjtcu  "/pivov  (20). 

Il  semble  donc  que  cette  notice,  qui  figure  à  la  fin  de  six  ma- 
nuscrits de  Paris,  doit  figurer  dans  toute  édition  d'Antiochus. 
Par  contre  l'édition  Migne  reproduit,  col.  1120-1 121,  sous  le 
titre  de  Prolog  us  hujus  operis,  le  commencement  d'un  texte 
publié  par  Montfaucon  d'après  le  ms.  Coislin  117  et  attribué 
à  tort  à  Antiochus,  car  le  ms.  1 17  ne  renferme  rien  d'Antiochus, 
mais  seulement  la  table  des  trent-huit  premiers  chapitres  de 
Nicon  (fol.  13-17)  et,  à  la  suite,  le  texte  de  ces  trente-huit  cha- 
pitres (fol.  17-224).  Nous  avons  en  effet  comparé  les  mss.  Cois- 
lin 37  (fol.  2  à  194)  et  117  (fol.  13-224)  et  avons  constaté  leur 


(1)  om.  DE. 

(2)  tô  [xèv  yévY]  AB-,  ÛTcrjp^e  tô  ysvot;  B1. 

(3)  xo[a»k  AE. 

(4)  xa>.ou(j.£VY]i;  B1. 

(5)  MoScdâyocç  B1,  Moàssâya  B-. 

(6)  oui.  B*. 

(7)  om.  F. 

(8)  om.  B1,  TtpopïiOyJTSt.  AE,  7tpopi67)o-£i  C,  7tpoppr]0ri<r£t  D. 

(9)  'ATTaXnà}  CF.  —  'ATTaXiVïj  D.  —  'AtocXîv/j  E. 
(H»)  Ù7iY)(yïiX9£v  AB2. 

(11)  olxsïaai  B-CD. 

(12)  om.  B,  a'jTÔOr),  A,  avxoôsi  E. 

(13)  B1    aj.   £X£l<J£.   —  7IpOX£l[A£VY]    CE. 

(14)  om.  E. 

(15)  àytou  B. 

(16)  Sàêëa  F. 

(17)  (A£(7£(ji.6ptav  A. 

(18)  [JC7IX(WV  C. 

(19)  £[X,Y]V£V   B2. 

(20)  Alibi  àv  aÙTTi  tov  S/k.  xp.  tïjç  Ç.  aùxo-j. 


330  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

identité.  Le  prologue  du  Coislin  117  est  l'œuvre  d'un  scribe 
quelconque  et  sert  de  prologue  à  l'œuvre  de  Nicon  et  non  à 
celle  d'Antiochus.  Les  catalogues  (Montfaucon  et  Omont)  sont 
donc  à  corriger  dans  ce  sens. 

F.  Nau. 


BIBLIOGRAPHIE 


F.    Martin,  Le  livre  d'Hénoch  traduit   sur  le  texte    éthiopien,   8°, 
clii-320 pages,  Paris,  Letouzey  et  Ané,  1906. 

La  librairie  Letouzey  se  propose  d'éditer  des  traductions  françaises  des 
apocryphes  de  l'Ancien  Testament.  Cette  collection  publiée  sous  la  direc- 
tion de  M.  l'abbé  François  Martin,  professeur  de  langues  sémitiques  à 
l'Institut  catholique  de  Paris  vient  de  débuter  par  une  savante  traduction 
du  livre  d'Hénoch. 

L'auteur,  dans  un  avertissement,  annonce  qu'après  les  apocryphes  de 
l'Ancien  Testament,  il  publiera  les  traductions  des  textes  assyriens  et  des 
inscriptions  phéniciennes  qu'il  jugera  utiles,  à  l'étude  de  la  Bible.  Ces  textes 
serviront  dans  son  esprit  à  faire  apprécier  à  leur  juste  valeur  les  théo- 
ries philosophique^  que  nous  voyons  éclore  un  peu  partout  autour  de  la 
Sainte  Écriture.  —  La  longue  introduction  consacrée  au  livre  d'Hénoch 
nous  donne  l'analyse  du  livre,  son  histoire  et  les  doctrines  qu'il  renferme. 
L'introduction  est  accompagnée  de  deux  séries  de  notes  :  l'une  contient 
les  principales  variantes  des  manuscrits  éthiopiens  et  de  la  version  grecque 
lorsqu'elle  existe,  l'autre  contient  les  commentaires  et  les  renvois  à 
l'Écriture. 

Le  grec  n'est  déjà  qu'une  traduction  d'un  original  hébreu-araméen 
(p.  lviii),  l'éthiopien  (deux  recensions)  est  une  traduction  du  grec  (p.  lx- 
lxi)  ;  l'ouvrage  lui-même  est  une  mosaïque  dont  le  fond  est  formé  par 
neuf  ou  dix  œuvres  ou  traditions  distinctes  provenant  du  cycle  d'Hénoch... 
un  certain  nombre  d'éléments  étrangers  ont  été  introduits  dans  la  plu- 
part de  ces  œuvres  ou  de  ces  traditions  sans  être  fondus  avec  elles 
(p.  Lxxxviii).  L'auteur  ou  l'éditeur  qui  groupa  définitivement  ces  traditions 
dans  notre  livre,  présenta  toute  son  œuvre  sous  le  patronage  d'Hénoch 
dont  la  personne  formait  le  centre  de  la  plus  grande  partie  des  traditions 
qu'il  avait  réunies  (p.  cv). 

Le  ms.  acheté  par  Peiresc  au  lieu  et  place  du  livre  d'Hénoch  (p.  cxxxvii) 
est  le  ms.  du  Livre  des  mystères  du  ciel  et  de  la  terre  édité  par  MM.  Guidi 
et  Perruchon  dans  la  Patrologie  orientale.  Nous  avons  esquissé  aussi 
son  histoire  (Cf.  Livre  des  mystères,  p.  vm-x).  Il  est  à  citer  comme 
témoin  du  livre  d'Hénoch  au  xv°  siècle,  car  il  en  fait  au  moins  six  cita- 
tions sans  compter  les  allusions.  Voici  quelques  correspondances  que 
nous  avons  relevées  :  Livre  des  mystères,  p.  27,  quatorze  arbres  verts 
(=  Hénoch,  5 à  6);  p.  30,  sept.montagnes(Cf.  Hénoch,  50,52,  56,  63,  179); 
page  33,  un  veau  blanc  ou  Adam  (=  Hénoch,  198)  ;  page  55,  la  huitième 


332  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

enceinte  (semaine)  (Cf.  Hénoch,  246);  paye  80.  Ames  en  quatre  endroits 
(=  Hénoch,  58). 

M.  l'abbé  Martin  a  su  introduire  grande  érudition  dans  son  travail,  car 
en  somme  c'est  à  l'érudition  que  sont  consacrées  les  152  payes  de  l'intro- 
duction et  les  deux  tiers  des  pages  de  la  traduction,  puisque  ces  deux  tiers 
de  pages  sont  chargés  de  variantes  et  de  notes.  On  regrettera  donc  peut- 
être  qu'un  ouvrage  si  savant  ne  soit  pas  complété  par  soixante  pages 
consacrées  au  texte  éthiopien  ou  du  moins  par  vingt  pages  consacrées  au 
texte  grec  pour  former  ainsi  un  monument  complet  et  définitif  (  1  ).  Il  est  vrai 
que  si  les  textes  grecs  trouvent  encore  en  France  quelques  rares  éditeurs, 
les  textes  orientaux  n'en  trouvent  aucun,  mais  seulement  des  dépositaires 
(hors  le  cas  où  des  sociétés  savantes  ou  bien  de  généreux  Mécènes, 
endossent  personnellement  la  responsabilité  des  frais  non  couverts).  Il 
ne  faut  pas  oublier  cependant  que  M.  l'abbé  Martin  ne  s'adresse  pas 
aux  orientalistes  de  profession.  Il  n'a  voulu  travailler  que  pour  les  exé- 
gètes  et  il  a  craint,  non  sans  quelque  raison,  de  dépasser  le  but  en  don- 
nant de  nouvelles  éditions  de  textes.  Il  a  donc  fait  en  somme  tout  ce  qu'il 
lui  était  possible  de  faire  dans  les  circonstances  actuelles.  Son  édition  à 
la  savante  préface,  aux  variantes  nombreuses,  aux  notes  érudites,  permettra 
d'étudier  le  livre  d'Hénoch  et  nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  lui 
souhaiter  de  nombreux  lecteurs. 

'       F.  Nau. 

Dr  Paul  Maas,  professeur  à  l'Université  de  Munich,  Die  chronologie  der 
Hymnen  des  Romanos. 

Sous  ce  titre,  M.  Paul  Maas  publie  un  intéressant  article  extrait  de  la 
Byzantinische  Zeitschrift.  Il  y  étudie  les  hymnes  du  célèbre  poète  by- 
zantin Romanos,  et  en  détermine  la  chronologie  aussi  exactement  que 
possible. 

Tout  d'abord,  il  rend  hommage  aux  travaux  de  M.  Karl  Krumbacher, 
qui  ont  confirmé  son  opinion,  précédemment  émise,  sur  l'époque  même  à 
laquelle  avait  vécu  Romanos.  On  avait,  jusqu'ici,  fait  vivre  l'hymnographe 
byzantin  tantôt  au  VIe,  tantôt  au  vme  et  même  au  IXe  siècle.  M.  P.  Maas  a  dé- 
finitivement établi  qu'il  appartenait  au  vr  siècle,  et  avait  été  complète- 
ment contemporain  de  l'empereur  Justinien. 

S'appuyant  ensuite  sur  les  caractères  intrinsèques  et  le  contenu  de  ses 
hymnes,  M.  P.  Maas  en  recherche  l'ordre  de  succession.  Il  place  au  début 
le  morceau  02,  dans  lequel  sont  d'évidentes  allusions  à  la  sédition  de 
Nika  (532)  et  à  la  répression  sanglante  dont  le  souvenir  était  encore  tout 
récent,  ainsi  qu'à  la  construction  de  l'église  Sainte-Sophie  (537).  La  date 
relative  des  autres  pièces  est  déterminée  par  différents  détails  chronolo- 
giques (p.  7),  par  les  discussions  théologiques  qu'elles  renferment  et  qui 

(1)  Nous  voudrions  voir,  par  exemple  (p.  46),  s'il  ne  suffirait  pas  de  lire  àspoëaty; 
«  (jui  courent  dans  l'air  »,  au  lieu  de  àspoêaûrj  pour  avoir  un  sens  suffisant:  «  (on  me 
conduisit)  vers  les  (astres)  qui  courent  dans  l'air  :  l'arc  de  feu,  les  flèclieset  leur  carquois, 
le  glaive  de  feu,  les  éclairs  ».  Le  mot  àepo6oc6?)  conduisit  naturellement  le  traducteur 
éthiopien  au  sens  de  [iâOoç  «  aux  extrémités,  dans  l'abîme  *. 


BIBLIOGRAPHIE.  333 

les  mettent  en  rapport  avec  des  actes  connus  de  Justinien  (p.  13),  par  des 
indications  liturgiques  (p.  24),  enfin  par  des  détails  biographiques  (p.  28). 
Mais  il  reste  une  fameuse  pièce,  la  35'',  dont  les  initiales  des-  quatorze 
strophes  forment  l'acrostiche  toj  z&\%  Ttojiavou,  et  où  l'on  trouve  une 
préoccupation  non  douteuse  de  polémique  contre  les  Iconoclastes  :  l'auteur 
y  rappelle  la  parole  de  saint  Basile  : 

ZTZi    TO  JtptDTOTUTtOV 

craœfiiç  £nav£py_£Tai... 

Or,  Léon  l'Isaurien  et  les  iconoclastes  sont  du  vm°  siècle.  Mais  M.  P.  Maas, 

dans  une  étude  attentive  du  poème,   montre  avec  évidence  la  main  du 

faussaire,  et  résout  ainsi  l'objection  tirée  du  contenu  de  cette  pièce. 

En  cherchant  uniquement  à  dater  les  hymnes  de  Romanos,  l'auteur  de 

cette  étude  nous  donne  de  très  intéressants  détails  sur  le  vieux  poète  et 

sur  son  œuvre. 

J.  Bousquet. 

Alexandre  Cartellieri,  professeur  d'histoire  à  l'Université  d'Iéna,  Phi- 
lipp  11  August,  Kœnig  von  Frankreich  (t.  II,  La  Croisade),  in-8°,  Paris, 
Le  Soudier,  1906,  xxxi  et  370  pages. 

L'érudition  allemande  vient  encore  de  produire  un  excellent  livre  con- 
sacré à  l'histoire  de  France.  L'auteur  ne  travaille  pas  de  seconde  main, 
mais  a  consulté- tous  les  documents  inédits  accessibles  aussi  bien  à  Londres 
et  à  Paris  qu'à  Berlin.  Jusqu'ici  l'histoire  de  cette  époque  était  plutôt  basée 
sur  les  sources  anglaises.  L'auteur  a  voulu  élargir  les  recherches  en  les 
étendant  jusqu'aux  sources  orientales  pour  présenter  un  tableau  plus 
exact  de  cette  époque.  Il  traite  :  I.  De  ce  qui  a  précédé  la  croisade,  p.  1-112 
(projets  de  croisade  en  France  et  en  Angleterre;  chute  du  royaume  de  Jé- 
rusalem, émotion  en  Occident,  préparatifs  de  la  croisade).  II.  La  Croisade, 
juillet  1190  à  décembre  1191,  p.  113-262  (Départ  pour  la  Sicile,  hiver  à 
Messine,  prise  de  Chypres  et  d'Acre,  retour  de  Philippe-Auguste).  III.  Un 
appendice,  p.  263-349,  contient  des  dissertations  sur  des  points  particuliers 
et  des  pièces  justificatives.  Vient  enfin  la  table  des  noms  propres  et  quatre 
tables  généalogiques.  L'auteur  fait  remarquer  qu'une  bibliographie  rela- 
tive à  la  croisade  manque  encore  ;  il  donne  du  moins  (p.  ix-xxv)  le  long 
index  des  ouvrages  qu'il  a  consultés. 

F.  Nau. 

Dom  H.  Leclercq.  —  Les  Martyrs.  Vol.  III  :  Julien  V Apostat,  Sapor, 
Gensëric.  —  Vol.  IV  :  Juifs,  Sarrasins,  Iconoclastes.  — Vol.  V  :  Le  Moyen 
Age.  Paris,  H.  Oudin. 

Ces  trois  volumes  sont  la  continuation  d'une  série  inaugurée  il  y  a 
quelques  années.  Grâces  à  l'inépuisable  fécondité  du  P.  Leclercq,  ils  se 
sont  succédé  si  rapidement  qu'il  faut  les  unir  en  un  seul  compte  rendu. 

Le  troisième  volume  comprend  les  annales  des  héros  de  la  foi  qui  ont 


334  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

subi  le  martyre  sous  Julien  l'Apostat,  sous  Sapor  et  sous  Genséric,  c'est-à- 
dire  depuis  le  milieu  du  IVe  siècle  jusqu'au  milieu  du  vie  siècle.  Après  une 
introduction  contenant  des  notices  bio-bibliographiques  sur  Dom  Ruinart, 
J.-B.  de  Rossi  et  Edmond  Le  Blant,  l'auteur  consacre  deux  cents  pages 
aux  martyrs  de  l'époque  précédente  dont  l'histoire  n'a  conservé  que  des 
souvenirs  vagues  et  incertains. 

Comme  pièces  d'une  authenticité  incontestable  le  Père  Leclercq  ne 
peut  produire  que  le  traité  de  Lactance  sur  les  morts  des  persécuteurs  et 
les  Actes  des  Martyrs  de  la  Théonas,  à  Alexandrie,  en  356.  Suivant  sa 
méthode,  il  a  ajouté  à  la  fin  dans  un  gros  appendice  formant  deux  tiers 
environ  de  tout  ce  tome,  les  documents  postérieurs  qui,  sans  être  dépour- 
vus de  tout  crédit  historique,  devraient  néanmoins  être  passés  au  crible 
de  la  critique. 

Une  longue  préface  ouvre  également  le  I\v  volume.  Elle  contient  une 
docte  dissertation  sur  les  origines  et  les  développements  des  dissentiments 
entre  Juifs  et  Chrétiens  dans  les  premiers  siècles  de  l'Eglise,  et  traite  de 
la  «  Critique  officielle  des  Actes  des  Martyrs  ».  Suivent  les  récits  des 
tortures  et  de  la  mort  glorieuse  infligées  aux  chrétiens  par  les  Juifs,  les 
Sarrasins  et  les  Iconoclastes.  Le  christianisme,  dans  cette  période,  grâce 
à  son  expansion,  produit  des  martyrs  en  Arménie,  en  Arabie,  en  Espagne, 
en  Palestine  et  en  Grèce.  Nous  signalerons  encore  spécialement  dans  ce 
volume  une  dissertation  sur  la  persécution  iconoclaste  (726-842 1. 

Le  Moyen  Age  comprend  l'histoire  des  martyrs  depuis  Kenelm.  l'enfant 
martyrisé  par  les  Juifs  en  819,  jusqu'au  massacre  de  quelques  Arméniens 
au  XVIe  siècle.  Ce  volume,  comme  le  précédent  d'ailleurs,  à  côté  d'autres 
qualités  précieuses,  a  le  mérite  de  réunir  des  documents  épars  dans  des 
collections  et  dans  des  ouvrages  spéciaux.  Le  lecteur  qui  s'intéresse  aux 
récits  de  ce  genre,  trouvera  là,  sans  doute,  des  pièces  qui  lui  étaient  res- 
tées inconnues,  ou  qui  du  moins  lui  paraîtront  nouvelles,  à  cause  du  cadre 
où  elles  sont  placées.  Donnant  libre  cours  à  une  idée  originale,  qui  ne 
manque  pas  de  lien  avec  le  sujet  qui  nous  occupe,  Dom  H.  Leclercq 
ouvre  le  volume  par  une  préface  de  deux  cents  pages  encore,  où  il  traite 
des  «  Martyrs  dans  la  littérature  de  d'Aubigné  à  Sienkiewicz  »  :  il  passe  là 
principalement  en  revue  la  littérature  française,  espagnole  et  allemande 
qui  s'est  inspirée  si  souvent  de  ce  sujet  si  fécond  et  si  sublime.  D'ailleurs, 
les  annales  de  l'héroïsme  chrétien  ne  sont  pas  épuisées  :  l'érudit  béné- 
dictin nous  promet  de  montrer  dans  les  volumes  suivants  d'autres  aspects 
de  ce  qu'il  appelle  l'éternelle  séduction  du  martyre. 

Dom  Placide  de  Meesteh,  0.  S.  B. 

LIVRES  NOUVEAUX 

l.  L.  À.  Fillion,  Saint  Pierre,  1  vol.  in-12  de  la  collection  «  Les  Saints  »; 
prix  :  2  francs,  Lecoffre,  Paris,  1906. 

La  librairie  Lecoffre.  qui  a  déjà  édité  le  bel  ouvrage  de  M.  l'abbé  Fouàrd 
sur  saint  Pierre,  a  voulu  consacrer  encore  au  saint  apôtre  un  volume  de  sa 


BIBLIOGRAPHIE.  3:5.~> 

nouvelle  collection.  M.  l'abbé  Fillion,  professeur  d'Ecriture  Sainte  et  com- 
mentateur en  particulier  du  Nouveau  Testament,  était  mieux  qualifié  que 
tout  autre  pour  nous  rédiger  cette  biographie  empruntée  tout  entière  à  la 
Bible.  Il  l'a  divisée  en  trois  parties  :  la  période  évangélique  ou  de  prépa- 
ration ;  la  période  d'action  ;  les  dernières  années  et  le  martyre  de  saint 
Pierre.  Ce  petit  ouvrage  peu  coûteux  sera  pour  les  élèves  des  séminaires 
un  utile  complément  au  manuel  biblique  et,  pour  les  profanes,  une  bio- 
graphie instructive  et  attachante  du  prince  des  apôtres. 

II.  Rev.  G.  M.  Pope,  A  Handbook  of  the  ordinary  Dialecl  of  the  Tamil 
Language;  Part.  IV.  An  English-Tamil  Dictionary,  septième  édition, 
Henry  Frowde,  Oxford,  1906,  8",  108  pages,  relié.  Prix  :  5  s.  ent. 

Nous  avons  déjà  annoncé  dans  Vdfieoue  de  l'Orient  Chrétien  (1)  les  parties 
précédentes  du  manuel  de  langue  Tamoule  de  M.  Pope.  Le  présent  dic- 
tionnaire Anglais-Tamoul  est  destiné  à  apprendre  aux  étudiants  les  élé- 
ments de  la  langue  vulgaire  et  à  les  mettre  à  même  de  converser  avec  les 
indigènes.  Pour  la  clarté,  les  mots  moins  usuels  ou  dérivés  ou  techniques 
ont  été  imprimés  en  plus  petits  caractères.  Les  intérêts  de  la  France  dans 
l'Inde  sont  fort  réduits  depuis  longtemps,  nous  signalons  du  moins  ce 
manuel,  qui  a  eu  si  grand  succès  en  Angleterre,  à  nos  lecteurs. 

III.  Dr  Lucas  Jelic,  professeur  d'histoire  et  de  droit  ecclésiastiques  au  sé- 
minaire théologique  central  de  Zara  (Dalmatie) ,  Fontes  historié!  Litur- 
giae  gletgolito-Romanae  a  XIII  ad  XIX  saeculum,  8°  de  13  +  18  -f-  46 
+  62  +  88  -f-  98  +  176  +  xlviii  pages,  Typographie  Vitaliani,  à 
Zara. 

C'est  un  véritable  monument  élevé  par  l'auteur  à  la  liturgie  slovène, 
croate  et  serbe.  Il  a  recueilli  siècle  par  siècle  (chaque  siècle  a  sa  pagina- 
tion à  part)  tous  les  documents  qui  peuvent  servir  à  son  histoire,  et  il  com- 
plète ainsi,  du  xm°  au  XIXe  siècle,  les  publications  similaires  relatives  à  la 
liturgie  slave  durant  les  siècles  antérieurs.  Il  publie  in  extenso  tous  les 
documents  importants  et  résume  ceux  qui  ont  moins  d'importance  et  sont 
déjà  édités.  Les  48  dernières  pages  (paginées  en  caractères  romains)  sont 
consacrées  à  une  table  analytique  les  matières  (actes  synodaux  ;  actes  de 
la  curie  romaine;  actes  civils;  topographie  historique  de  la  liturgie  glago- 
lito-romaine  ;  saints  Cyrille  et  Méthode;  livres  ecclésiastiques  en  langue 
slave;  écrivains  qui  ont  traité  de   cette  liturgie;  répertoire  local). 

Le  Père  Bernard  Ghobaïra  al-Ghaziri,  Home  et  l'Église  syrienne  maronite 
d'Antioehe  (517-1531),  thèses,  documents,  lettres,  8°,  Khalil  Sarkis,  Beyrout, 
1906,  184  pages.  Prix  :  4  francs. 

L'auteur  est  un  religieux  de  très  bonne  volonté .  Nous  ne  lui  ferons  donc 
pas  la  guerre  à  l'occasion  de  sa  rédaction,  de  l'orthographe  des  noms 
propres  (Combefisse,  p.  49;  Mabuge,  p.  50;  Hoebroeus,  p.  83),  de  ses  cita- 

(l;  Cf.  1905,    p.  443. 


336  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

fions  qui  seraient  difficiles  à  retrouver  (car  l'édition  et  la  page  manquent) 
et  de  diverses  inadvertances  (p.  13  il  confond  la  date  du  manuscrit, 
huitième  siècle,  Cf.  p.  145,  avec  la  date  du  document  contenu  dans  le  ma- 
nuscrit). Durant  son  séjour  à  Rome  et  à  Paris,  le  père  Ghobaïra  a  compilé 
de  nombreux  fragments  favorables  aux  Maronites.  Ce  sont  ces  fragments 
qu'il  a  insérés  dans  sa  thèse  et  qu'il  publie  aujourd'hui.  A  noter  son  hypo- 
thèse d'un  Maron  d'Edesse  (ou  d'ailleurs)  qui  aurait  été  monothélite 
(p.  28-50)  (1)  et  le  relevé  qu'il  donne  d'un  bon  nombre  d'erreurs  commises 
par  ses  adversaires  (p.  46,  on  accuse  les  Maronites  de  rejeter  les  qua- 
trième et  cinquième  conciles).  Dans  bien  des  cas  l'auteur  enfonce  une 
porte  ouverte,  car  nous  ne  concevons  pas  que  l'on  mette  en  doute  l'ortho- 
doxie des  moines  de  S. -Maron  antérieurement  à  l'an  600  à  cause  de  la  lettre 
des  Jacobites  écrite  à  ces  moines  peu  après  591  (Cf.  Bulletin  de  l'Associa- 
tion de  Saint-Louis  des  Maronites,  janvier  1903,  pages  343-345)  ni  de  la 
nation  maronite  en  bloc  postérieurement  à  l'an  1099  (2).  Il  reste  donc  seule- 
ment quelques  siècles  plus  obscurs.  Les  Maronites  ne  sont  pas  accablés 
par  des  documents  orthodoxes  (papes  et  conciles  sont  muets  à  leur  égard), 
mais  ils  sont  très  chargés  par  leurs  voisins  et  ennemis.  Ces  textes  adverses 
sont  à  retenir  en  attendant  qu'on  puisse  les  expliquer.  Il  est  bien  certain 
que  l'hérésiomanie  était  le  grand  travers  des  anciens.  Depuis  que  saint 
Epiphane  avait  catalogué  dans  la  petite  communauté  chrétienne  près  de 
quatre-vingts  sectes  hérétiques,  on  se  combattait  trop  souvent  à  coups 
d'anathèmes.  On  se  comprenait  peu,  on  partait  de  principes  philoso- 
phiques et  de  définitions  différents,  on  s'attribuait  ce  qu'on  n'avait  jamais 
voulu  dire,  heureux  quand  on  ne  faisait  pas  signer  aux  adversaires  qu'ils 
avaient  vu  dans  un  ouvrage  ce  qu'ils  affirmaient  n'y  avoir  pas  vu;  com- 
ment s'étonner  que  Jacobites,  Melkites  et  Maronites,  s'ils  ne  pouvaient  se 
combattre  par  les  armes,  aient  du  moins  cherché  mutuellement  par  la 
force  des  syllogismes  à  se  précipiter  dans  la  géhenne?  C'est  ainsi  que 
Théodore  Abukara,  très  dur  pour  les  Maronites,  aurait  été  lui-même  héré- 
tique. Il  aurait  été  déposé  par  le  patriarche  catholique  d'Antioche  à  cause 
des  accusations  portées  contre  lui  et  aurait  été  rejeté  par  les  chalcédo- 
niens;  «  comme  il  était  un  sophiste  et  connaissait  la  langue  sarrazine,  il 
faisait  l'admiration  des   gens  simples  (3)  ». 

(1)  Dans  le  même  ordre  d'idées,  voix  l'article  Maronites,  Mazoniles  et  Maranitcs,  dans 
HOC,  1904,  p.  2G8-27G. 

[i)  Il  aurait  sufli  à  M.  Ghobaïra  de  faire  lire  son  livre  par  quelques  amis  —  nommons 
M.  l'abbé  Cbébli  —  pour  le  rendre  beaucoup  plus  utile  en  y  supprimant  nombre  de  fautes. 

(3)  Michel  le  Syrien,  Chronique,  III,  p.  'à-2. 


Le  Directeur-Gérant 
F.  CharmetantI 


Typographie  Firmin-Uidot  et  C,e.  —  Paris. 


JPatrologia  orientalis  (suite) 

[voir  page  4  de  la  couverture). 

Tome  IV.  —  Fasc.  1.  —  Les  Homélies  de  Sévère  d'Antioche,  texte  syriaque 
inédit,  traduction  française  par  R.  Duval  et  M.- A.  Kugener,  avec  le  concours 
deE.-W.  Bkooks.  Fasc.  1,  par  Rubens  Duval.  Paru. 

Fasc.  2.  —   Recueil  de  monographies.  —  II.  Histoire  de  S.  Pacôme, 

texte  grec  inédit  des  ms.  de  Paris  881  et  suppl.  480,  avec  une  traduction  fran- 
çaise de  la  version  syriaque  et  une  nouvelle  classification  des  sources  grecques, 
par  J.  Bousquet,  vice-recteur  et  professeur  de  grec  à  l'Institut  catholique  de 
Paris,  et  F.  Nau. 

Fasc.  3.  —  La  Cause  de  la  fondation  des  écoles,  par  Mar  Hadbeschabba 
Arbaia,  évèque  de  Halwan,  texte  arabe,  publié,  traduit  et  annoté  par  Mgr  Addaï 
Scher,  archevêque  chaldéen  de  Séert. 

Fasc.  4.  —  Histoire  des  patriarches  d'Alexandrie  (suite),  par  B.Evetts. 

Fasc.  5.  —  The  hymns  of  Severus  of  Antioch  and  others  in  the  syriac 
version  of  Paul  of  Edessa  as  revised  by  James  of  Edessa  ;  texte  syria- 
que, traduction  anglaise  par  E.-W.  Brooks. 


DE  NOMBREUX  OUVRAGES  SONT  EN  PREPARATION.  Mentionnons  : 

Les  différentes  rédactions  de  YEpitome  :  I.  La  Chronique  du  manuscrit  grec 
de  Paris  n°  1712,  texte  grec,  traduction  française  par  J.  Bousquet  et  D.  Ser- 
ruys,  avec  le  concours  de  MM.  Boudreaux,  Ebersalt  et  Franel. 

L'Oraison  funèbre  de  Basile  le  Macédonien,  texte  grec,  traduction  française 
par  D.  Serruys. 

Les  Apocryphes  Coptes  (fascicule  2),  par  E.  Revillout. 

Vies  de  Sévère,  introduction,  commentaire,  index  et  tables,  par  M. -A.  Kugener. 

Chronique  de  Mahboub  ('Aycbuoç)  le  Grec,  fils  de  Constantin,  évêque  de 

Menbidj  (x9  siècle),  texte  arabe,  traduction  française  par  A. -A.  Vasiliev,  pro- 
fesseur à  1*  Université  de  Dorpat  (lOpbeBî.). 

Texte  grec  et  versions  d'ouvrages  apocryphes  attribués  aux  apôtres,  etc.,  etc. 

Coptic  Texts  relatingto  Ecclesiastical  history  (mostly  unpublished),  edited 
with  English  translation,  by  W.  E.  Crum. 

Les  versions  arabes  des  Apocryphes  Apostoliques  :  —  I.LeTestamentum 
D.  N.  J.  C.  Texte  arabe  inédit;  traduction  française  par  S.  B.  M^1  Rah.ma.m, 
L.  Desnoyers  et  P.Dib.  — II.Les  Canons  des  Apôtres, texte  arabe  en  majeure 
partie  inédit,  traduction  française  par  MM.  J.  Périer  et  J.-B.  Périer.  — La  Di- 
dascalie,  texte  arabe  inédit,  traduction  française  par  P.  Chébli. 

Les  versions  éthiopiennes  des  Apocryphes  du  Nouveau  Testament  : 
—  I.  Le  Testamentum  D.  N.  J.  C,  texte  éthiopien  inédit,  traduction  fran- 
çaise par  M.  l'abbé  Guerrier.  —  II.  Apocryphes  attribués  à  St  Clément, 
texte  éthiopien  inédit,  traduction  française  par  M.  l'abbé  Grébaut.  —  III.  Le 
Fekârê  Iyasus  et  la  vision  d'Abbâ  Sinoda,  texte  éthiopien  inédit,  traduc- 
tion italienne  par  M.  C.  Conti-Rossini. 

L'Histoire  des  conciles  de  Sévère  ibn-al-MoqaflV,  texte  arabe  inédit,  traduc- 
tion française  par  M.  L.  Leroy. 

Mélanges  de  Théologie  jacobite  :  Les  Lettres  encycliques  et  les  Profes- 
sions de  foi  des  évêques  jacobites,  texte  syriaque,  traduction  française  nar 
F.  Nau.  .  r 

(Demander  tous  renseignements  et  adresser  les  souscriptions   à  la  librairie 
FIRMIN-DIDOT,  56,  rue  Jacob,  Paris.) 


R.  GRAFFIN.  —  F.  NAU 

PROFESSEURS    A    L'jNSTITUT    CATHOLIQUE    DE    PARIS 

Patrologia  orientalis 

Tome  I.  —  Fasc.  1.  —  Le  livre  des  mystères  du  ciel  et  de  la  terre,  texte 

éthiopien,  traduction  française  par  J.  Perruchon   et  I.  Guidi.  Prix:  6  fr.  50  ; 
franco,  7  fr.  (pour  les  souscripteurs  :  4  fr.;  franco,  4  fr.  50). 

—  Fasc.  2.  —  History  of  the  Patriarchs  of  the  Coptic  Church  of  Alexan- 
dria,  texte  arabe,  traduction  anglaise  par  B.  Evetts,  I.  Prix  :  7  fr.  ;  franco, 

7  fr.  50  (pour  les  souscripteurs  :  4  fr.  35  ;  franco,  4  fr.  85). 

—  Fasc.  3.  —  Le  Synaxaire  arabe  jacobite,  texte  arabe  inédit,  traduction 
française  par  René  Basset  (Tout  et  Babeh).  Prix  :  10  fr.;  franco,  10  fr.  65  (pour 
les  souscripteurs  :  6  fr.  30;  franco,  6  fr.  95). 

—  Fasc.   4.  —  History  of  the  Patriarchs,   etc.  (suite,  de  300  à  661).  Prix  : 

8  fr.  35;  franco,  8  fr.  95  (pour  les  souscripteurs  :  5fr.  25;  franco,  5  fr.  85). 

Tome  II.  —  Fasc.  1.  —  "Vie  de  Sévère  par  Zacharie  le  Scholastique,  texte 
syriaque,  traduction  française  par  M. -A.  Kugener.  Prix  :  7  fr.  ;  franco,  7  fr.  50 
(pour  les  souscripteurs  :  4fr.  30;  franco,  4  fr.  80). 

—  Fasc.  2.  —  Les  apocryphes  coptes.  I.  Les  Évangiles  des  douze  apôtres 
et  de  saint  Barthélémy,  texte  copte,  traduction  française  par  E.  Revillout. 
Prix  :  5  fr.  ;  franco,  5  fr.  40  (pour*  les  souscripteurs  :  3  fr.  15  ;  franco,  3  fr.  55). 

—  Fasc.  3.  —  Vie  de  Sévère  par  Jean,  supérieur  du  monastère  de 
Beith  Aphthonia,  suivie  d'un  recueil  de  fragments  historiques  syriaques, 
grecs,  latins  et  arabes  relatifs  à  Sévère,  par  M. -A.  Kugener.  Prix  :  il  fr.  90; 
franco,  12  fr.  65  (pour  les  souscripteurs  :  7  fr.  50;  franco,  8  fr.  25). 

—  Fasc.  4.  —  Les  Versions  grecques  des  Actes  des  martyrs  persans 
sous  Sapor  II,  par  H.  Delehaye,  Bollandiste.  Prix  :  9  fr.  50;  franco,  10  fr.  20 
(pour  les  souscripteurs  :  6  fr.;  franco,  6  fr.  70). 

Tome  III.  —  Fasc.  I.  —  Recueil  de  monographies.  —  I.  Les  histoires  d'A- 
houdemmeh  et  de  Marouta,  primats  jacobites  de  Tagrit  et  de  l'Orient  (vie- 
viie  siècle),  suivies  du  traité  d'Ahoudemmeh  sur  l'homme,  texte  syriaque  inédit, 
traduction  française  par  F.  Nau.  Prix  :  7  fr.  15  ;  franco,  7  fr.  65  (pour  les  sous- 
cripteurs :  4  fr.'50;  franco,  5  francs). 

VONT  PARAITRE: 

Tome  I.  —  Fasc.  5.  —  Le  Synaxaire  éthiopien,  par  René  Basset,  Conti-Ros- 
sini,  I.  Guidi  et  L.  Hackspill.  I.  Le  mois  de  Sanê,  texte  éthiopien,  traduction 
française  par  I.  Guidi. 

Tome  II.  —  Fasc.  5.  —  Le  Livre  de  Job,  texte  étbiopien  inédit,  traduction  fran- 
çaise par  E.  Pereira. 

Tome  III.  —  Fasc.  2.  —  Réfutation  de  Saîd  Ibn  Batriq  (Eutychius),  par 
Sévère  Ibn-al-Moqaffa',  évêque  d'Aschmounaïn,  texte  arabe,  traduction 
française  par  P.  Chébli,  prêtre  maronite.  Prix  :  7  fr.  40;  franco,  7  fr.  95  (pour 
les  souscripteurs  :  4  fr.  65;  franco,  5  fr.  20).  Paru. 

Fasc.  3.  —  Papyrus  grecs  relatifs  à  l'antiquité  chrétienne,  publiés  et 
traduits  en  français  par  le  Dr  C.  Wessely,  conservateur  de  la  Bibliothèque 
impériale  de  Vienne. 

Fasc.  4.  —  Le  Synaxaire  arabe  jacobite  {suite),  par  René  Basset. 

Fasc.  5.  —  The  Life  of  Severus,  patriarch  of  Antioch,  by  Athanasius, 
texte  éthiopien  inédit,  traduction  anglaise  par  E.-J.  Goodsped. 

(Voir  la  suite  à  la  page  3  de  la  couverture.) 


REVUE 


DE 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


DEUXIÈME  SÉRIE,  Tome  I  (XI)  —  1906.  —  N°  4 


SOMMAIRE 


Pages. 

I.  —  I.  Guidi.  —  Textes  orientaux  inédits  du  martyre  de  Judas 

Cyriaque,  évêque  de  Jérusalem;  texte  éthiopien 337 

II.  —  F.  Tournebize.  —  Les  cent  dix-sept  accusations  présentées 

à  Benoit  XII  contre  les  Arméniens  (fin) 352 

III.  —  L.  Leroy.  —  Les  synagogues  des  Juifs  (Moïse  et  Elie,  d'après 

les  traditions  arabes)  (fin) 371 

IV.  —  A.  Scher.  —   Analyse  de   l'histoire  de  Rabban  Bar  'Edta, 

moine  nestorien  du  vie  siècle 403 

V.  —  Mélanges  : 

I.     E.  Mangenot.  —  A  propos  des  curieuses  annotations  de 

quelques  manuscrits  byzantins 424 

IL  P.  Dib.  —  Note  sur  deux  ouvrages   apocryphes  arabes 

intitulés  :  Testament  de  Notre-Seigneur 427 

III.  F.  Nau.  —  Note  sur  le  contenu  des  manuscrits  palim- 
psestes :  Paris,  suppl.  grec  480  et  Chartres,  n°  1754. . .  430 

VI.  —  Chronique  : 

L'Eglise  Maronite  en  1905-1906  (K.  Moklès) 432 

VIL  —  Bibliographie.   —    Dragutin  N.  Anastasijewic,    Die  paràne- 
tischen  Alphabele  in  der  Griechischen  Literatur  (J.  Bousquet). 

—  Dom  Fernand  Cabrol,  Les  origines  liturgiques  (F.  Nau). 

—  N.  A.  Kouznetsov,  Transformations  dans  l'Eglise  Russe 
(A.  Malvy).  —  Université  Saint-Joseph,  Mélanges  de  la  fa- 
culté orientale  (F.  Nau).  —  Constantin  Bâcha,  Edition  du 

Livre  de  l'expulsion  de  la  tristesse,  d'Elie  de  Nisibe  (F.  Nau).  440 

Livres  nouveaux 443 

Sommaire  des  revues 448 


PARIS 


BUREAUX 
DES   ŒUVRES   D'ORIENT 

RUE   DU    REGARD,   20 

LEIPZIG 

OTTO  HARRASSOWITZ 


LIBRAIRIE 
A.    PICARD   ET   FILS 

RUE   RONAPARTE,    82 

LONDRES 

WILLIAM  ET  NORGATE 


Recueil  trimestriel.  —  Pris  de  l'abonnement  :  là  fr.  —  Étranger  :  i4  fr. 


La  Revue  de  l'Orient  chrétien  (recueil  trimestriel) 
paraît  en  avril,  juillet,  octobre  et  janvier  par  fascicules  formant 
chaque  année  un  volume  de  près  de  500  pages  in-8° 

Prix  de  1  abonnement  :  12  francs.  —  Étranger  :  14  francs. 
Prix  de  la  livraison  :  3  francs  net. 


Les  communications  relatives  à  la  rédaction  doivent  être  adressées 

à  M.    le  Secrétaire  de  la  Revue  de  l'Orieni  chrétien 

A   LA   LIBRAIRIE   PICARD 

RUE  BONAPARTE,  82,   PARIS. 

Il  sera  rendu  compte  de  tout  ouvrage  relatif  à  l'Orient  dont  on  enverra 
un  exemplaire  à  la  précédente  adresse. 


COMITÉ  DIRECTEUR  : 

M^  Charmetant  ($*),  protonotaire  apostolique,  Directeur  des  Œuvres  d'O- 
rient, président.  —  M.  l'abbé  Bousquet,  vice-recteur  et  professeur  de  grec 
à  l'Institut  catholique  de  Paris.  —  M^r  Graffin  ($*),  prélat  de  Sa  Sain- 
teté, professeur  d'hébreu  et  de  syriaque  à  l'Institut  catholique  de  Paris.  — 
M.  l'abbé  Leroy,  professeur  d'arabe  et  d'égyptologie  à  l'Institut  catho- 
lique d'Angers.  —  M.  l'abbé  Mangenot,  professeur  d'Ecriture  sainte  à  l'Ins- 
titut catholique  de  Paris.  —  M.  l'abbé  Nau,  professeur  de  mathématiques 
à  l'Institut  catholique  de  Paris. 

Le  Comité  est  assuré  du  concours  de  spécialistes  compétents  :  pour  VA  r- 
ménien,  M.  Basmadjian,  directeur  de  la  revue  «  Banasêr  »,  et  le  R.  P. 
Peeters,  Bollandiste  ;  pour  l'assyrien,  etc.,  le  P.  Scheil,  professeur  à 
l'École  des  Hautes  Études  ;  pour  le  Copte,  le  R.  P.  Mallon,  professeur  à 
l'Université  de  Beyrouth  ;  pour  V Éthiopien,  M.  I.  Guidi,  professeur  à  l'Uni- 
versité de  Rome,  M.  l'abbé  F.  Martin,  professeur  à  l'Institut  catholique  de 
Paris,  et  M.  E.  Pereira  ;  pour  le  Mongol  et  le  Persan,  M.  Blochet,  attaché 
à, la  Bibliothèque  Nationale. 

En  dépit  du  contrôle  qui  sera  exercé  par  ces  divers  savants,  chaque 
auteur  conserve  l'entière  responsabilité  de  ses  articles. 


TEXTES  ORIENTAUX  INÉDITS 

DU  MARTYRE  DE  JUDAS  CYRIAQUE 
É-VÈQUE  DE  JÉRUSALEM 

TEXTE  ÉTHIOPIEN 


AVANT-PROPOS 

Le  texte  éthiopien  du  martyre  de  Cyriaque  nous  est  conservé 
dans  trois  manuscrits  du  British  Muséum,  à  savoir  les  num. 
CCLIII  (or.  689),€CLVII  (or.  686),  CCLVIII  (or.  687),  ainsi  que 
dans  le  num.  110  de  la  collection  d'Abbadie  (1).  Le  premier  de 
ces  mss.,  le  n.  CCLIII,  le  seul  qui  soit  très  ancien,  remonte  au  xv" 
ou  au  xivc  siècle,  de  sorte  qu'il  n'est  pas  trop  postérieur  à  la  tra- 
duction elle-même  (2).  Cette  traduction  se  rattache  plus  ou 
moins  directement  au  texte  syriaque  plutôt  qu'au  copte,  du 
moins  à  celui  que  nous  possédons,  mais  elle  est  très  peu  cor- 
recte; parfois  elle  est  même  dépourvue  d'un  sens  raisonnable. 
Cette  incorrection  ne  peut  être  mise  sur  le  compte  du  copiste 
qu'en  partie  seulement,  car  la  traduction  a  dû  être  très  fautive 
dès  l'origine  même;  il  est  possible  qu'elle  ait  été  faite  par  quel- 
que ecclésiastique  dont  la  langue  maternelle  n'était  pas  le  ge  ez. 
Le  ms.  D'Abbadie  est  bien  plus  correct,  mais  c'est  l'œuvre  des 
«  Mammerân  »  qui  ont  revu  et  retouché  le  texte  primitif,  sans 
pourtant  réussir  à  le  rendre  partout  intelligible. 

Sauf  les  fautes  du  copiste  (3),  je  reproduis  le  texte  primitif, 

(1)  Cf.  le  Catalogue  de  Wright,  p.  160, 166, 160;  et  le  catalogue  D'Abbadie,  p.  121. 
Je  dois  à  l'obligeance  de  M.  Chabot  la  photographie  du  ms.  D'Abbadie. 
{■2)  Cf.  Conti  Rossini,  Sole  per  la  storla  letteraria  di  Abissinia,  p.  13  suiv. 
(3j  P.  ex.  dans  ce  ms.  on  omet  souvent  de  noter  la  voyelle  longue    i-<i>uxi» 

OniENT   CHRÉTIEN.  22 


338  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

celui  de  or.  689,  sans  hasarder  des  conjectures  plus  ou  moins 
vraisemblables,  pour  prêter  un  sens  régulier  à  des  passages 
qui  en  manquaient  probablement  sous  la  plume  même  du  tra- 
ducteur. J'y  ai  ajouté  toutes  les  variantes  non  purement  or- 
thographiques du  ms.  D'Abbadie.  On  suivra  sans  doute  avec 
intérêt  et  dans  tous  ses  détails  la  formation  de  ce  second  texte, 
corrigé  par  un  procédé  qu'on  remarque  aussi  dans  beaucoup 
d'autres  ouvrages  (comme  p.  ex.  le  Synaxaire)  et  qu'il  importe 
de  ne  pas  perdre  de  vue  dans  l'étude  des  mss.  éthiopiens. 

TRADUCTION  (1) 

...  et  l'évêque  Cyriaque  lui  dit  :  «  N'as-tu  pas  entendu  ce  que 
dit  le  Livre  Saint  :  Ce  ne  sont  pas  les  dieux  qui  ont  créé  le  ciel  et 
la  terre;  et  il  dit  encore  :  Les  dieux  des  Gentils  sont  d'or  et  d'ar- 
gent, l'œuvre  des  mains  des  Gentils  ;  que  tous  ceux  qui  les  ont 
fabriqués  et  qui  ont  leur  confiance  en  eux,  soient  comme  eux  ! 
Et  toi  qui  as  été  transgresseur  avec  eux,  tu  seras  puni  dans  la 
géhenne  du  feu.  »  En  entendant  ces  mots  Julien  s'irrita  et  or- 
donna de  couper  sa  main  droite  et  il  lui  dit  :  «  C'est  en  écrivant 
des  lettres  avec  cette  main  que  tu  as  attiré  à  toi  nombre  de  gens, 
en  les  détournant  des  sacrifices  des  çiïeuœ.  »  Cyriaque  lui  répon- 
dit :  «  Tu  as  bien  fait,  ô  chien  insensé!  tu  ne  sais  ce  que  tu  as 
fait;  par  cela  tu  m'as  procuré  la  vie  éternelle.  Car  avant  de  con- 
naître Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  lorsque  j'étais  dans  les 
temples  des  Juifs,  je  leur  adressais  des  lettres  pour  qu'ils  ne 
crussent  pas  en  Celui  qui  a  été  crucifié;  tu  as  coupé  le  scandale 
de  mon  corps,  et  il  vaut  mieux  pour  moi  que  l'un  de  mes 
membres  périsse  et  que  mon  corps  tout  entier  ne  périsse  pas 
dans  la  géhenne.  »  Julien  lui  dit  :  «  Je  ferai  périr  ton  corps  tout 
entier  dans  la  géhenne  et  je  veux  voir  qui  pourra  te  sauver  et  te 
libérer  de  ma  main.  »  L'évêque  Cyriaque  répondit  et  lui  dit  : 
«  Mon  Seigneur  Jésus-Christ  que  tu  outrages  et  méprises,  me 

-I'«l><B<n>  etc.)  et  la  voyelle  de  l'ordre  sâdis  y  remplace  parfois  le  a  (comme 
p.  ex.  en  tigriùnâ),  ce  qui  pourrait  être  dû  à  l'influence  de  la  langue  parlée  par 
le  copiste.  J'ai  suivi  l'orthographe  et  la  ponctuation  de  L. 

(1)  Il  m'a  paru  inutile  de  donner  en  entier  la  traduction  du  texte  éthiopien,  et 
je  me  suis  borné  à  en  traduire  la  partie  correspondant  à  la  lacune  du  texte 
syriaque.  Cf.  ROC,  1904,  p.  79  sq. 


TEXTES   ORIENTAUX   INÉDITS.  339 

sauvera  et  me  libérera;  mais  il  est  écrit  dans  l'Évangile  :  Ne 
craignez  pas  ceux  qui  tuent  votre  corps,  mais  qui  ne  peuvent 
pas  tuer  vos  âmes.  Pour  cette  cause  je  méprise  la  ruine  du 
corps,  car  c'est  une  douleur  passagère  et  momentanée,  et  j'é- 
chapperai à  la  colère  du  feu  qui  va  venir.  »  Julien  lui  dit  : 
«  Voilà  la  colère  du  feu  qui  vient  sur  toi;  allons,  voyons  si  ce 
séducteur  te  sauvera.  »  Cyriaque  évêque  répondit  et  dit  :  «  0 
toi  infidèle  et  incrédule!  tu  ne  connais  pas  tes  jours  passés  et 
tes  œuvres  méchantes;  ô  chien  impur,  comment,  tu  ne  te  sou- 
viens pas  du  sacrifice  pur  et  secret,  et  tu  as  fui  une  mort  pas- 
sagère? Et  quand  pour  une  chose  (1)  passagère  tu  as  com- 
mencé à  être  irrité  (v?),  comment  n'as-tu  pas  eu  honte  de 
montrer  l'impureté  de  ta  bouche?  Car  tu  as  dit  et  prononcé  un 
blasphème  contre  Jésus-Christ  mon  Seigneur.  »  Julien  lui  dit  : 
«  Puisque  tu  fais  si  peu  de  cas  de  la  punition  du  feu,  je  t'appli- 
querai des  tourments  sans  nombre,  de  façon  à  punir  non  seule- 
ment ton  corps,  mais  ton  àme  aussi.  »  Alors  il  ordonna  de 
fondre  du  plomb,  d'ouvrir  sa  bouche  avec  un  fer  et  de  l'y  verser; 
et  les  serviteurs  de  ce  diable  firent  tout  de  suite  comme  il  leur 
avait  ordonné  et  versèrent  ce  plomb  liquéfié  dans  sa  bouche. 
Mais  Cyriaque  supporta  ce  tourment,  et  passa  deux  heures  en  se 
taisant  et  regardant  le  ciel.  Ces  païens-lk  pensaient  et  disaient  : 
«  Judas  est  mort  »  ;  mais  celui-ci  pria  à  haute  voix  et  dit  :  «  O 
lampe  qui  ne  s'éteint  pas,  ô  lumière  éternelle  et  vie  des  morts,  toi 
qui  pardonnes  les  péchés  et  délivres  les  affligés,  je  te  bénis,  ô  mon 
Seigneur,  qui  m'as  admis  à  avoir  part  au  sort  de  tes  Saints,  afin 
que  (comme  Daniel)  je  trouve  moi  aussi  que  tu  as  brisé  la  statue 
d'or,  et  la  mauvaise  pensée  de  ce  roi  ;  tu  l'as  chassé  d'entre  les 
hommes  et  l'as  fait  habiter  avec  les  bêtes  des  champs,  et  sept 
ans  passèrent  sur  lui  jusqu'à  ce  qu'il  eût  connu  (2)  le  Seigneur 
juste;  toi  qui,  par  le  saint  Daniel,  as  détruit  les  dieux  de  Ba- 
bylone  et  as  sauvé  les  trois  enfants  de  la  fournaise  du  feu  brû- 
lant; toi  qui  as  guidé  ton  peuple  dans  le  désert  et  as  séché  tran- 
quillement (?)  les  vagues  de  la  mer,  et  as  fait  sortir  à  pied  ton 
peuple,  en  submergeant  ses  ennemis  dans  le  profond  de  l'a- 
bîme; toi  qui  as  apaisé  la  vengeance  des  serpents  [cf.  Sap. 

(1)  -»,»ni  parait,  répondre  à  y*\  dans  le  sens  de  ••  chose  ». 

(2)  La  leçon  de  L  aurait  pu  dériver  de  la  confusion  de  JU^  avec  ^U^.  de  façon 
a  traduire  ••  à  présent  »  ce  qui  signifiait  «  il  connut  son  état  ». 


310  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

xvï,  5  (?)]  dans  le  désert  par  l'image  de  la  croix,  et  aussitôt  que 
les  serpents  mordaient  les  Israélites,  tu  les  guérissais.  C'est  toi 
qui  dans  les  ténèbres  les  éclairais  avec  une  colonne  de 
nuée  (1),  pendant  le  jour  par  la  nuée  tu  ombrageais  la  cha- 
leur du  soleil;  tu  as  soumis  les  ennemis  de  tes  chéris,  tu  leur 
as  donné  la  mort;  nos  ennemis  à  nous,  nous  sur  qui  est  connu, 
on  invoque  le  nom  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  (2)  toi  qui 
rassembles  les  eaux  dans  les  nuages  pour  le  bien  des  bêtes  du 
champ,  car  tout  ce  qui  se  meut  et  marche  t'appartient  et  tu 
pourvois  à  tous  ceux  que  tu  as  créés.  Je  te  supplie,  ô  Seigneur 
Jésus-Christ,  envoie  ton  ange...  » 

i  t  ,i  b       i£-A  ■  (Oh'Tù  •  litus-InA1  ■  ftfcfl*  »* 

A106.       (Dyxr^'hù  -  *è&ao'A  ■  tn>-ï«ir'\>  ■  a^ç^  !  fr7ti.fc-n 

,h.C  ■  <feAm'}m.?A  '  H*<7i*»  :  hr£"it>v-  :  h, AjPTA  s  a>Ki 
h  i  £0-flfl  s  nrh,/.  ?  4-ca  :  ùr°i  -•  h,ïu-  •  A-na-a  ■  *A*a  s 

h.£-tiA.5  '<•  athrtl  -  ïaoç.m  ■  H<h,£  !  Jk.f4-AA.jP0  ■  *»ftfl>- 
P  •  Ah./«ïiA  s  *AA  ■  <Dj?,n,A«  ■  *»>•  ■  Ai^h  .■  <D'^AT?,,  ■  <» 
£n,A"  :    -iiAït  *  H«o^-f  .•  ha*»?-}.7  ■  .ftii-^  s  Are8  «  <»Jk 

</»  r  aoth£i  :  h^H.Ke  •  Jk.ffrA  ■  hCA-f-A  «  OJh'itt  '  KW  ■ 

+JtAf    ■■    X*/<»3:   :    "*.<7»'f*    :   *AA  ■  A«»?-fcn  :  tî./,.*lA  :  IB^HH  '• 

AAA  ■  H-nrh,^  •  c%  ■  **■*  ■    fl/M  •  A-nM-i*10  ■  ka.3:  ■  h 

A*»£  ■  tl./,ïiA  «  <DJ&n»A-  ■  ^AJPTA  •  "»ï-  ■  «A-  *  ftrJk'H 
"73.11  ■■:  a>£(l.A-  ■  n./.ïiA  :  flrVfc;!-  ■■  fa>°f  -  a>£n,A«*  ■  JbA 
£S°A  :  AMltb  ■  £ftfl>-A<P  ■  *AKrîl  -■  fl>AMi  ••  œ&ahl,il  s  ai 
îtf»Tf  :  </»ft*K"|-  «  fl>£fl»A  :  Wu  ■  <w»V-  !  Aî>°h.  «  ai-1«n, 

A«  :  fhç  •  Are  m  fl».e-n,A  s  h,A.es°A  ■  *<*»*•  ■  oj-k^y.13  ■ 

H;J-"»Ah.  -  <D-T-n»A-  ■  rhÇ  ■  A^Aïl.11  •■  h9°*iM  •  H"»  Art  A 

(1)  Les  mots  «  une  colonne  de  nuée  »  (?)  manquent  dans  A. 

(2)  L  :  Sur  toi  qui  est  connu  ton  nom,  ô  mon  Seigneur. 

1.  A  H'>.*».fi  :  Tu";  —  2.  A  add.  aoft-i'pggi:  —  3.  A  om.  ;  —  4.  A 
adcl.  •Ybf\  —  5.  A  h."  :  A";  —  6.  A  t"  ■•  m.M*ti  ••  **ft;  —  7.  A  Hrtîi.  : 
W7.ÇP  •  ii ";  —  8.  A  om'.;  —  9.  A  ft<n>fi::  —  10.  A  (\pl\  *  -fl ";  — 
il.  L  om.  ;  —  12.  A  h,A,f7*n  ;  —  13.  A  a>«n»y.  :  *»•>,*  :  —  14.  A  om.  u.. 


TEXTES    ORIENTAUX    INÉDITS.  341 

h  :  rt^jP'ï*  ■  Kïfrti  •  bcti-ïti  s  nhch?  -  ïhrto-1  :  flAd 

A  •  fl>A£P  :  tthéiïC  «  ffl^ïLA"2  :  h.AJPS'Tl  '  Aïl^Vift3  :  X 
7H  s  UA-  !  -J*PP  :  a>Jhfra>*  ■  °/fl.£  '  v*bk  •  A0/fl.£  -  hr 
Ain  ■  H,0>-A  «  <u£n,A  •  ÏU/-WI  •  **A  •  h'ifl  ■  AMH.MI 
rh,C  !  *hfta>''h  ■  aof'Pài'  •  A-fUVï  :  AH  ■  n4»->Ai-*  ••  <mi 
îndflJ-f-  !  £<«>-  •■  fl.lUDjr"  !  HflH^7  s  W/**  :  A°/Ai>°  •••■  a)?, 
tl,A-  :  Ji.AJPS'V)  ••  ^'JrtVl*  "i  tTH*  ■  ÏTM  ■  MIJt  ■  *.JM.*Jt  ! 

+ç*7C  ■•  flJ^Afi  :  H.e.n«f^°/3:  «  <oj&o,a-  -  ïu/<bti  •  Mil  ■  v> 
?£  •  nc\\  s  H-in,  ■  hAn  •  H.e.n«Mfc  ■  ka</»  :  -i,^  :  «*>a  : 

nao'ié.tx  ■  *3-fl  •  f»tf»ftMW*8  !  a>l4tfl  *  HftA^JP-'f*  :  înfi« 
^.9  :  yj&^T'l-  ■  hA"»  :  \.M  ■  -f-£-Ah  »  fl)tf»'>€,ï/A'-"tfii:  s  Afl>- 
rh-Jt  ■  h^-fr10  '  ftlflïli  s  flJ^+rt11  •■  PW  •  AflAh  s  0>'ï£, 
°ï<f<n»-  !  AhA  •  «•£■+  !  J%<h«K-12  ■  h"»  .-  JPÇT'J  s  KAAA»13  s 

a»-î«\r-ïïiVl  !  ?tî>°AflA4i  •  d?»hf  :  r^nch  •   ©Mie  •  h^- 

ArVï  :  A-flJl1'  «  fl)£n,A-  ■  JbA^TA  s  -fllf^  •  hA  ■  h9°ï~  ■ 
WnCh*ll  *  mfthW  !  ££/>17  •  -}JW  ï  A'JAr1"  «  ©va-  ■ 
h-i-ïw-ï"  •  h9°h<r°  !  Â^^-Jh^  .-  mY^rffaa^  •*  01L£20  s 
f»pç  :  flj/TD^wç.f-  :  -i-^K^  «  <D£n,A-  s  h«*5ïiA  •  Aftft  ••  ^ 
;MriA  •  htii-àH-P  •  <HM<h'>  ï  n?th9°9°  •  iir'PÇ*'1  •  <™m 
>  ■  * *lrti  :  HKAi-^Affl  :  hCA-f  A*  •  AVPA  ■  hA  '  hAW  ■ 

?lA"»  ï  /^^A  •  h^h  :  KM*  •  frh^r  ■  ^ft-ti-    Il    '  \Hm-A  :  ^      l   35  a 

A-n  :  flj^noj-x  -■  m-A^2G  s  T'V^  s  A"?^27  ■  toh'in  •■  Wh 

1.  A  —  9°d.  ;  —  2.  A  —  ^  ;  —  3.  A  om.  ;  —  4.  A  !h"  •■  a>-ï*p,&  •.  -ah- 
"i  :  i»"»*;  (L  vit-  -.  u».'  )  —  5.  A  ao"  -.  n,^.th  ■■  htt''  s  H;  —  6.  L  om.  ;  — 
7.  A  h;  —  8.  L  om.  m \  —  9.  A  YifM-;  —  10.  A  \i^«^^(L-i-) ;  —  il.  A 
mh-VJ-fc;  —  12.  A  ,?/(.*<.;  —  13.  A  rtfift»;  —  14.  A  —  *n.  —  15.  Sic  L; 
A  fflA-flïi:  —  16.  A  om.  m  -.  —  17.  A  ïm(L  A£ ");  —  18.  A  Ail  :  ■v"; 
—  19.  A  .eMi-X;  —  20.  A  —  f  ;  —  21.  A  —  ?,  —  22.  A  Ml"  =  ïi  l 
W- ";  —  23.  L  ow.  ;  —  2'i.  L  «c/ûf.  >,•>'!■;  —  25.  A  Yi°7u«Yi.  :  /»•''  s  <t\°l°l  • 
aih,  :  a»0,*;  —  2(5.  A  >n  ;  —  27.  A  n°7.tt. 


'M'2  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

a  loe  b   ao't  :  *î'&h?-  •  hham.hnfh,c*  •  il  t\tt'l'  •  H^mflJ'i*  :  ï¥ 
a  .•  ATTh « ffl^n,A»  :  h.wrn  •  n+  «  3-nA  s  Ii.<miA  :  K& 

n,A-  .■  hy,ïiA  ■  £*A  •  ^A°7flh7-  -  îî.fctî,  s  4»Sft  -•  "»ftvhç  -• 

fcïn  •  fc"7Aln->  =  m-ncp  -  Arttf7jK.  •  0>Aî>°£*Cfc3  «  <»hi)n  s 

.e.-nA  s  K^VAîri'/.'irtf»'  .■  A^H-n  ••  hajc*  -■  m-n^c  ■  *7n 

/.  ï  *^«eif«W».  :  Ahr7iH-fl  s  îl^U-  4  :   A.eïhV-  ■■  W«A"tf«»-  :  hA  * 

1-nCFo**'  •  (DWtrao.  :  ftA  i  WBÎlA-     •  P<">-  b  <DhWLG  ' 
H°/Afl>-ïl  ■  î>°AA,ira»-  :  'Ï~Î'W  =  flWlf'  !  Thao  :  ^A'1*8  B 

fliHii"  !  AV  ••  h,w?t\  !  /ro  ■  o^Hïf  ■  .e-n-c?'9  •  e"7 

«oftAç-f-  ••  -nH-^i  ■  "7.TÎ1  •  -Htfi  :  Wi  ■  0»r'*Pù'ï  '«  ï».ft 
ILA»  !  h«/,.înA  :  iA",*f  .-  -MCh  ■•  hA-fl10  •  H^OA  *  A-n  -■  K'ï 

hrc  !  Hinch11 1  rh^flj/-  :  ha°/Aît  •  inch  ■  aw  ■  h-j*  ■ 

ffltf  flA  ■  Kk9°G  '  A^H.he  :  Kfiû'h  *  VlCA-f-A  i  ?t^H  ■  «A 
fl>-ïl-  ■  0J-AJ*  '  0°tfv5.IH-  •  Kj&u-Jt  s  ftjtthç  ■  A»tf»-  :  h«w>  î 

&.£&<">*-  .-  o*  >hh^A4*a  s   vu-  .•  a*£*"  •  A/*v>e  :  «■»+ 
ch  ■  .evW'AJ:  •  h*»  ■  h#h^-  ■  hn  *  ^A.eA.fce13  •  fwtn 
a^w-a-  •  /**;»?  *  ¥>°yM  4  s  nr/vr  «  mentir  •■  kAjPTA 

ÇU-îb  ï  *1frAr  :  ^^h  :  K^ft'J  •  nWîT1   -■  afhCh?>  -  on*i' 
(O-Txi:  •  nf^'lilfïi  ■  tf>H£nArMi,r  ï  h9°h^  «  atha^^h'1 
ÎL/,ïiA  .-  ^AA  :  fflJ&n,A»  :  V7ltfkf 18  ■  Auf A-A  •■  hCA^A  ■  HK 
•Jt  :  ->X.3"iA  s  fl»^AK*AA1>  s  *a>-M!  :  ^.^JtKi  ■  ©^nA 

dûfi  ::  "tDOrYi-l:  "  X"/h.Ç   F   «Ml*   :   IDllA21  '  H^-flA  :  A.^ 

çcuî^tf»-  :  AKA  •  JR+-T-A-  :  /"Pînoo-  :  aHiW-Mltwû  •  K?>to 

1.  A  nîi"/"  s  ■>"  ;  —  2.  A  hic  >,-vn  :  —  o.  A  h«^"  »  >iA  :  h.Tn<.  :  ft^t*  = 

(DT\e;l  ■■  ,ft^/h>A-  :  ~hF"r  ■  9°-KG  ;  —  4.  A  \Er»  MA  :  "ïxaofoyah  ::  Yl^lftfi»-; 

—  5.  A  y.h-hao'i- ;  —  6.  A  o/«.  a> ;  —  7.  L  *}-h»  ;  —  8.  A  o/h.  (L  7V>y")  ; 
-  9.  A  —-><•;  —  10.  A  Mi"  ;  —  11.  A  h*7HC  ;  —  12.  A  tofu-  =  ô'>«f.*  (L 
ç"  :  hù+d.*  •  (où  ');  —  13.  A  <n>A,A,*f  ;  —  14.  A  ,e^vh7»A:  —  15.  A  W- 
(f.  f»'  '•  ,Rff7A'V  =  .eîiH,:  —  1(>.  A  o/«.  H  :  —  17.  A  om.  m:  —  18.  A  — 
î,y;  —  19.  L  —  +AA;  —  20.  L  om.  ;  —  21.  A  okd*M'  •■  a>"il.M.  ■•  *". 


TEXTES    ORIENTAUX    INÉDITS.  343 

A-  :  «Htf--h  «  oinh^/lf  s  Mfc1  s  fcftf\*AA   •'   ^«AÇ2  • 
FW  •  ht\oo  :  Tfrt  •■  *ATJtll«  •  0»-?il5  ••  ^^9°  •  a>M&3  • 

mh>W   :    AH    :    IM»    '    ?><n>fths   :    tfD»,*]:    :    fthfr}'    ::  <D.e.fl, 
A"  :  Jt,A.e?ft  -•  V«P°  :  VO-ïl,  :  a»0!*  '  AMÏ  ■  Ç.aDfth  s  AA 
A>h   ï  (DhCh?>  •  ht\\\-  •  hh<™  -•  ,e£"fth  :    ml:7  s  a»t»lh 
:\-  «  a>h(D*r'h  .■  îiy..îifi  .-  MA  •  flJ.e»n,A»  •  h'i'l'  '  fc.fc"7fc 
<D*.f *  :  fltfA-  :  (Dh.?ha16  •  H'îA£  ï  «"'PAA.h  :  fl)?»ïh.e. 

i>ua?n^h  ■  îiA-fi8  ■  nhc9  :  Ki-nhch  ■  ^/"«pa-i-  •■  ?r.a40 
nn^n-h  s  r»7"f^h  :  >\&„  ■  tm*  •-  afin  *  nïhmi  ■  m<l 
h'Mlh  :  -l-lflc  ■  b'ihu  ■  fl&ç9  ■  K'U.Ch  -  hch?-  ■  <M 
k  s  Kfh  «  ?»fitf»  ■  -m y.  •  fl^n-nh  :  ôcv.-f«  =  aaa  •  *hjfa 

ft  ■  hCA-f-A  ■  MHAP12  «  fl>£fl,A»  *  h-W?l\  •  (Dhwfi  •  \\ao 
H  =  ;WW-/»-nA1*  •■  Atf-îk  ■  *hA*  «  &&£ttl14  s  m  •'  HfcAO  : 

'TAt  :     Il    X\oo   :   h\\   :  *flA-fc1=   '   /".?h  :   H?i£.fcttl  ,3   :  M  ï      l    35  b 

piS  s  M-u«  •  a>?.\waK  :    o>-n-f«  •  Kfi*1*  :  a>Tn<>  •  An,*/  ■ 

-f«10  ï   fl>-Ai*  :  h4-0-  «  flJlU/.VlAA  !  -VOIW  .•  ITW-*  :  <w»4»IPÇ 

•fr  ï  ?i'JH  s  fc£u-  ■  ^ff  :   flîrt^e  !  hin21  ■  £kfrc  ■  -ïa^.  - 

ftAfc,  :  rtO-1-  «  mhav-Trb'i.  •  rhA^  •  nAHtf»-  •  (D^dà-  :  «p 

+   :  £U-5  «  (DhfrOà  ■  Ptir  •  riRA-ll-  s  mje.ll,  s  II  «Tî-Hh22  '  H   A  r  107  a 

A,je.mç?i  :  -ncn  :  HA*JAr  =  Aj&ai^22  -■  A^m-^-j  s  ai^js 
l  ï  ^m.M-  :   *  mnArh.irtf«»-  !  AAtt-ÇT;23  «  xnchh  •■  MUA 

e24  ■  HK4>^-nh2r    :  fl>-A^   r   ^h^A^O»-  ï  h^A^XX"   '  hem  : 

l.Au:-2.  Art;-3.  AA":  HA7."  :  a»-"  :  ^A<t  :  (L  —  &t)  -.  — 
4.  Lfl»^7»'  ;  — 5.  A,e?°*>i;  — 6.  A  o/«.  :  —  7.  A  lift-:  —  8.  A  Mi";  — 
9.  A  mW  ;  —  10.  A  —  ^h:  —  11.  A  *"/",t.  —  12.  A  Vlli»  :  h/  :  M"; 

—  13.  A ^-fifill^ ;  —  14.  Sz'c-  L;  A  flfc    :  >i.e„.e;  —  15.  A  r'P  ••  nh-t*  -. 
HïiJPjft''  (L  Mao  -,  w  :  Yi<n»)  ;  —  16.  A  add.  9ab^'i-  se:  —  17.  L  om.  (\  ; 

—  18.  A  .en/"*  ;  —  19.  A  o/w.  :  —  20.  A  —  fi  ;  —  21.  L  —  ,e  :  yjo»  ;  — 
22.  L 1-.  —  23.  A  <D0»nV  :  AVWY;  —  24.  A  —  h;  —  25.  A  A^jel-.*"/. 


3  1  1  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

hCh-(\  -■  fàV  ■  nh^-l-  -  at-h-b  •  ïTAA  •  web2:  AîlCh  =  at'hh 

f 3  ■    /ÏiA^IJ-    =  (UD'h-fr   ■    t*/»    '    A££"tl   ••  h9°MtiA    i  X^^ïi 

*  •  'W.  ■  A0A.U-  •  hll\\  •  Ail  :  KhaD£°  :  Ah^H.K'flrh.C  ' 
MMh  •  JWt*  :  Hfl?»£,U-  ■  A4"SA'  i  WbA  !  fc*7A*l-f:ir 
«*»•  s  Ann.A"'J  •  K^A^h7  •  Ar£«fc*  :  h9°h*ï  •  MHr  -•  H.e.ï 
£•£*  ■  fc£"«îl  «  iDATMlh8  •  lim^9°  •'  «*»iï«AÏI*  ■  <Dfl°7J5  •" 
AflAC  »  xr0!.*  •  hJ&HAh  s  a>,VH-nhA  ■  iïhIC  ■  Kat-lh 
h  :  ttMh-f-ti»'  :  AJTiii-nii  «•  tD-ti'l  -  °là9°^  •  +A£  -  hha\9° 
h  ••  *nn+A-<n»-  ■  AMlJE-A*  :  (ilH9°  ■  fcAAfch  ,0  =  nhî^AA  • 
*«w»fl+A  s  ath^V11  ■  ïA*i<n>-  •  hCB  ■■  y°£*C  ■  A7»A/,kA  ■  h 
AfrDV*  «  HM+13  •  at-h-U  ■  HnKA^'l-14  *  MUUh  •    flo 

JP°&  :  fctfDÏfc  15  :  <n>0  A4*fc  '  a>h9°1V(l  '  0th£  :  <PAP*tf°-  » 
HAftonç10  :  RAAh  !  *a>M&Ch  •  OGao-"  -■  A¥*^h  •■  AT» 
>  .-  <wrnfl>-h  :  HnAdA,V18  -■  +0fl>-4»  ■  tu**™  ■  Mltfrt20  =  W 
A- A  :  ïlCA-f-A  :  IH-OI^C31  '  n&*»ï  ■  "7.^  s  AA^**»-  •  A 
fc^f-  :  W9°  ?•  hl\ao  .■  WA-  s  H£'1vhfl>A  :  OJ^AA-"  s  H.fc 

ïl    :    O***    :    fllVW    :    ^rh,A«   '    AtfA«  ffl    :    HMt    *   lO-h*  "  ■ 

è.a\CÏ\  i  MaoUiiti  -  -ÎIU1  s  h°?tU«  s  Jî.f  A-A  :  hCA*  A  !  A 

>-  :  «oA^hh  :  linwn-  ï  -ncn  :  owArhfc  :  hrh&o*-  •• 

ATT!**  •'  îiYl-^  !  HÊ^m  »  Htl24  •  **!««»  :  K£9°hV~  •- 
+  :  ID-îi*  ■  AïlvTh  :  HA0/A«»   :  «/A90  :  h"****  '• 

1.  A  KW"  —  2.  A  H<d ":  —  3.  A  «onî.'ït  :  ï,  :  —  4.  L  ©T.îT'kU-  s 
ftfc"  ;  —  5.  L  flrfrf.  AjB>.H,  :  aïhï,oi»c:  —  6.  A  —  ilïi  :  —  7.  L  acW.  un»» 
A*/**  ;  —  8.  A  —  n  ;  —  9.  A  <d<P7£  :  n*C.  —  10-  A  H  *A» "  s  Ah  :  n  :  hh 
W,  (  L  Ml.ftfl-fc);  —  11.  A  <n»A4»Aïl  «  ffl^tf»  :  —  12.  A  —  îun»;  —  13.  A 
o/;z.  H;  —  14.  A  HarA»»-!-  ;  —  15.  A  a>  :  —  1(3.  A  Trio»  :  Kf&'dY'ov  t 
n£  :  —  17.  A  «DM-4CY1  «  fl»0 ";  —  18.  A  o»HnAdA,>;  —  19.  A  H9°n  ;  - 
20.  A  —  >.P  :  —  21 .  L  Hro<D-4iC  :  —  22.  A  <dh/  ;  —  23.  A  tf-A»  :  — 
24.  A  om.;  —  25.  L  >,iTko«:  —  26.  A  Ail  :  —  27.  L  KfM°Yl-  — 
28.  A  nh-ùir**    —  29.  A  add.  ntto+  »  XA»*  :  ATlTr*  :  rt"7ô^-  i  PUA«  ■■ 


TEXTES    ORIENTAUX    INÉDITS.  315 

mhr?:"i£  ■  &ha*>  :  &Af-  .•  ha>-s»h  •  ^A,es°ri  ■  ©.an, 

tifré.1  :  hrtrd  ■  ATf3  ■  ÎICÏI  !  fllKAO  :  HJflUA  •■  fc£"W-f* 
h  •■  hrhZ,?  -  0>fcAfi  s  H^rrtm4  ■  h9°).?  -  fl>MY/  :  h"7 
ih°  -•  ^ç+Cïh  ■  -"Hi-Th  :  a>rt?.e.ïi«  .-  AH-i-A^A  ■  mhfrfl  -  HfM»"- 
Oîr  :«.  (Dh9°H  •  -i7"/Mh7  ■  (DhaoXïCtlPao'  .-  AMAh^  * 
Wflli  -  H.Cli-n*8  :  /w^«-1i  II  îr-f-  ::  (Dhaf/^h  ?  tl^frA  •"  0>£fl> 

A-  ■  MV«  •  fc?»tf»Ch-  s  nh«">°  s  ho»X\tM  •  fcfl-h  ■  A£"n  ! 

flJAfthfcu-  s  fcA 10  :  thn?  "  ■  owiï-  -■  mr  •  HfcAl*  •  ?,a*c 
^  «  flj.e.n,A»  •  ^ajps°a  •  i*"fl  •  ïu/,ïiA  :  h^ha  s  ï£f}  « 
fl>£.n,A»  •  h./,.ïiA  :  MA  -•  K^wv-à  "  AMAhih  ••  * (Dtih? 
ll'Y  *  (DAhhn-i  !  rihAT-1  «  athat-r'h  -  KWïlit  *  0>.e, 

ft,A»    :    fl^'f-    :    *  tlthi-ïh   :   ©A/M  'V   '   AnÎTlff»-   2  :   h«H\C 

fc  ■  Aîl  3  !  îTftA  »  ->i*»«d  "  ■  A?»A  ï  ^A-f*C?iÊ  :  h"7Ah;f-  ■  K 
-J^h,  •  flA  ■  *K->h  :  h^-H15  -.  an..c  :  MTAîn  -•  H,aWi  «  ai 
ho>vh  :  h.4.inA  ••  AAA  ■  *©.e.n,  •  MAït,(i  •  AH  :  ft.jPA-f-C 

MCfltfi  •■  fltf'A- ' '  ••  :*m.fc'tti  "•  flïÇm«V  ■  *J&K-fc  :  in.20  -  hn 
H  ■  at-h-P  •  <£&9°  •  fltf-A-  !   Il  '>a\M'  '  ?9°Kh*  •  "//--f*  •  H-fl 

C^  s  fl^CA-*?1  :  *^.n,U-  ■  fiÙl-nF  :  Afl^K-f:   :   Î\.Ç-*  "  •  (D?, 

Ibi*  •  npârtih™  •  àat-h-P  ••  "i/.^1"  •  K<wh<*»  :  hAll*  :  flJ^ï 
A7A-  !  AdA.0-  !  %fl)  ï  (DA-fUi  :  flihî^AdA,^  :  £Ti'flTîp  =  hC 
y  ï  <DHn?  «  IDlD-}ii:A  •  ^^**  •  h-ili  '.  frmMl^  '  flM-Th  :  (Dh 

r*Hh  •■  <£*<•  :  h<oa.ç  s  °7CPir  *  A'^Aa»  :  »,Air  .-  *,<*%->.  (Le  nom  Za-Walda 
M.  est  d'une  autre  main). 

1.  A  om.  :  —  2.  A  a>h";  —  3.  L  om.  ;  —  4;  A  —  tïi;  —  5.  A  ow. 
m;  —  6.  L  yjod;  —  7.  L  >"/>iYi-;  —  8.  A  om.  h;  —  9.  A  om.  n;  woa; 
L  hmxjïi:  —  10.  L  a>,a;  —  11.  A  fcj^-ïjp;  —  12.  A  n/ht  :  A-nïj;  — 
13.  L  om.  ;  —  14.  L  <d>»i»»-ô;  —  15.  A  Yi"  :  t\".  —  16.  A  «DjftftA»  :  h-Vrt; 
—  17.  A  rt«W-;  —  18.  A  *,<n>AY« ;  —  19.  A  nï.'Vl-  :  ï^  :  —  20.  Sic  L; 
A  om.\  —  21.  A  <d^.";  aah'  .-  a"  s  ^ft''  (L  totiM-n?') ;  —  22.  A  ow.  n;  — 
23.  L  aV;  —  24.  L  .em.eA. 


A  107 


346  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

7H  •  MÎ'C  s  £A-rK-  *  fcdw-tu  •  œfrt-'wr'1  •  *fXh0M-  • 

£\\X\   '  A^  «  °%^  «  JPAÏ1  »  JtA.£C3  •  ti°W°P*C%  •'  h>lr% 

wims  «  „en,A  «  ^-/-.9°  «  ft,tA  :  fcM£  ■••  ii,A»y.  ••••  a*-?  : 
-mo-h-fc0  :  Mn.h-tifh.c  ■  HKA-nh  •  rA<fe  ■  nKPM-cK 

tifthîilfà  •  htl-i-Ch^ll  î  H^lMl  ■■  A^ffl^  ï  AWA-tf»-  a  hA 

hîrv-7  •  nh  ■  HnAôA,ii-  ■  nvn..e,h -•  p-ça  «  fccfc.e.h  :  'thrc 

t  :  'J-T'/Jbîl  :  Aî  :  HkAjPA*/  :  14-£îl8  :  ^flCfr  s  0>-A-ï*  :  A 

"7£  :  flJfcAflAfc  ■  flrt^lA  «  fcA*  ■  Hfl  ■  i.W  ■  li.fcîl  ï  JP£-A 
«l'A*9  •  W-A-  •  TT^  «  -f*/»PT  .-  K«7H>  .-  WCK  ••  M?t  ■  £ 

£î  10  :  ©M»  A  A  :  A^  U  !  *  hr-m-p  ■  Wir  '2  «  fcA<™  '  VU-  ! 

n^i-  !  A**»  s  n.Mi  !  xn-v  :  vfA»  :  ^hnïh  3  «  ©An  ■  .en,  •  u 
1*  -  Mu  •  .e^lnc  :  fli^-MLWfi  •  aHvfc  s  «*»/*W-MA  ■  fc7 

(opi-ncr  •*  0W»*  :  n,-f-  :  'Pïài  ••  fl»jK.d+-np 1S  :  nue  •  ?» 

A>  :  -mil-'*  ••  fl)->n»A-  =  I*»V£  :    lOl^ïl  ■  *fl>  ACT  '  '  •'  <»+P 

£Ah  :  OWt  •  V7H.M  :  Wfrfl  •  Ï1CA*A  •  +HhC  ■  A<da£> 

f 20  •  *mhi  ■  tDvrh"  ■  flH-ffr  :  aï  :  'îim.hi*  ■  fcn<Eh  :  n 

JOJih  •■  -"in  :  Mm/f-TA  '  H*W7."  ■  WA-  i  *tii  ■  ft^di-23  ■ 
r»i*Hh^3:  !  X"»>4»  •■  KA^  »  rh^i^Yh  .-  nflJA«^.->h  ■  ©flrhA. 

'fl?   !    rhftlïl-h   •   îiA^»    '   %WOO   :   'H^KîT*24   :   fl>A£*f    «    « 


1.  A  Vï.  s  je^";  —  2.  A  om.  :  —  3.  A  ^ft^-c;  —  4.  A  a«t.v^c:  — 
5.  A  Tflt-A  «  ^f-A  :  —  6.  A  Hh-V1-.  —  7.  A  ?hT"p  ;  —  8.  A  ^.RYi  =    <»  : 

—  9.  L  .p£A ",  A  —  *  ;  —  10.  A  \fn  :  (L  jç.e-v)  ;  —  11.  L  om.  ;  —  12.  A 
HTrt  :  A«7«n»  :  —  13.  A  >,^\i-n  ;  —  14.  AfiAK  :  —  15.  L  —  *  —  ;  —  10.  A 
T*^-;  —  17.  A  add.  9°ù^^  s. §;  —  18.  Apost  <n»*wî-;  —  19.  Aom.  h. 

—  20.  A  om.  h]  —  21.  A  WJYi  s  mïi<n»n:  —  22.  A  om.  h;  —  23.  A  rt«*Yd 
*;  —  24.  L  *^>v?0;  —  25.  A  —  i»«m-;  -    26.  AAWifcp«;  —  27.  A  jsfct. 


TEXTE  S   ORIENTAUX   INEDITS.  347 

A  s  Hfc'HIA  :  An  !  Ml  II  &<:  ■  odvA'  ■  Wi  •  th&aiï  •  a 
HïLA"  •  r/iV  -•  h'ii'  -  w~à  i  MW&C    '  hti<*>  -■  7fA  :  /h£ 

roi'  s   ^ArfLlh*   =  £?»'/:'  :  OJJMM   :    /i,AjPS°A  s'-  Î>°'H«   :   V>h  ' 

•VnA.  ••  M^-'U  10  ••  hW:  •  ka>-il  s  rw  •  "hia.  «  a^ 

fl)ÉfDho-}V  :  tf-A-  •  'Irm.Kih  ■  J^pÇmfc  ?  n>*?C  3  «  ?iA"»  :  fc 
«7lijtf  *  /i«eA-A  ••  ViCA-fA  :  nh-MiM14  s  hoa>  *  &r  •  \\oo  - 
J'.nA/h  •  °/A«d  .-  hr'îm.h-Th  «  îiC  =  VJÏi  ■  "KM  ■  **»<VM  • 
££-4-£*   :  t\h'H:hO'  -  ao^A-m-  -.  r-r-h  :  •*<*»-*  «  **»h?H  ! 

,e.->nhA  s  rAA"  •  ^°/"i-  :  a)-?»*  ■  ^a-i-ma  :  fcmi17  •  n/" 
flC;J-  s  £A$A<P  :  iDje-A-ThCP18  •  a^lte-Th  s  nVH  19  -•  ^H  »  1* 
AJ*C20  •  A7H  *  KF>a>èh  ■  mKj^aob'h  *  î^Mh^-  ■■  Ki^ku-21 
(Dhat-^h  -  ai-h-P  ■•  <wftf^A  s  fli^tUA  ■  "IrhT  î  **•?£  Il  y 

<D££A<Dh>   :   ^4:  :    £)?/>"   ::   «D-nôA'ÏA    i  rhV    '   ^ILA" 

h-(\P:  -  tihtdti23  !  A-n24  •  hA-n  •  ©^h-^  ■  W-A-  :  ^m.K 
-Th23  •  CD-  ■  A.rttf7^îfl?,  •  *AW->ih  •  ©A^^^Ç-'Mi 2t  :  h  Ah  * 

m-}30  -■  ton  s  ne  •  n^'t-^atr  •  a.i-n  -  frWM  •  ïica* 

1.  A  /«.<?.  ;  —  2.  A  —  c.9>  :  —  3.  A  —  n.0  ;  —  4.  A  Wïi  ;  —  5.  A  ont. 
H  ;  —  6.  A  ?°fiA  s  v»^«  :  a»  ;  —  7.  A  —  G  ;  —  8.  A  —  A  ;  —  9.  A  <w>i*  ; 
—  10.  Aom.  h.;  —  11.  L  Iwp;  —  12.  Ah;  —  13.  A  —  Cïi.  —  14.  A 
/?osZ.  .çt*:  —  15.  A  é.'  s  ^";  —  16.  A  mhW  s  .e^-flM  s  (1  ;  —  17.  A  w 
h"  ;  —  18.  L  ow.  ;  —  19.  L  ôAt  (cf.  le  texte  syr.)  ;  —  20.  L  ->^->,ftn  ;  — 
21.  A  a>hA(i  .-  J^rTh^  ■•  axM-  s  Afh  ;  —  22.  A  tf->k;  —  23.  A  mw " \  - 
24.  A  add.  at-,^ao\  — 25  .A  °#<n»7  :  m-j,  "  :  —  20.  A  Allft  s  W">kïi  ;  — 
27.  A  Aï.*»»;  —  28.  L  nM-"  {sic);  —  29.  A  AHl  •■  od*ip<p*;  —  30.  A 
AA"  s  W";  —  31.  A  oui. 


f.  36  I» 


348  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

A  ::  (D-hï*  '  1M,  •  *kmt  :   ?9°Xh*  •  tro'M'O)  :  HhAÏ  :  ©(P 

VlV   :   °îtf»V   :   HMt    !   -flrh^  :  £7nifcA.A 3  *  Olga»-  :  A2»Th 

7  ■  AfcA^*  ■•  H^J&mT?»  :  0°ma>-\\  -  mn^^h 4  :  A-T'/  •  *» 
jM7ïi  •■  *0>n.*A  !  Ahïih  :  A«.eA-  -  T^'/    :  AKPd*  •• 

îipîhh  î  hj»w  ■    ++aïi  .•  ma.*/6  :  nhjt  :  xifà-t-  «  i»n 

ftfc,'/  •■  *il-(\bà:t-  '  P-^it*7  ï  Mi*»c:ïi  :  AA.A/..  ■  flVVH-nh  •  h 

<?*.</»  !  wir3*  -  h"°  •  *&<-«■ !  njtce 9  -■  Mfc  ■■  fl^nv10  ■ 
■f-  «■  -flY.A  ■  £Vfc"  ■  -nôd-'f-  «  «^mio*  «  CVk12  «  =  « 

->*1^3:  '  '  •  nh£  s  fc?.?  ■  ^-fl/.  •  rtiA  •  *R4fcîi>  i  Atf-Ai16 
fl>£0,A~  !  tuVtift  ■  AAA  !  ?»A^  =  flifc*47  :  ît^X-Jt*18  '  AM 

H.fc'flrh.C   :  fcA"»   :    Ahhfch   :    Ah  :  hti  '  f,&>\&   *   h*Ph-n+  ! 

«DflTf  s  hA-flh  s  T-Ç^U-  s  AMH.fc-flrh,C  ■  fcA"»  s  fc?A  • 
K"»?ïh  !  *îiAo»  :  KO.19  ■  A-fllMi  =  <n*Và&  :  1-feAA  :  nrt^» 

Ç  :  Hfl2°  •   A"?^  :  tDÏÏKDC  s  ÇT^h  '  (DA,^ ""WwifT  :  KA«»  : 

^90'J^î^  :  Afr7H.fc-flrfi,C  ■  Aj?fl>-  « 

21  fllhdn  :  hHH  ■  (D-Ïx-P  :  «»A+MA  !  h<w»  :  £ft£Ê"  :  «111  • 
0n«P  ■  OlfcHHfliH    :   AA-flîl23  :    \\0»  :  *jMl^P  "  0)£&Ê24  -'  fl>«A 

i.  Afl»<0-"; 2.  A  a»'  :  H    :  h'   :  pîh-ahi  ahM  ■  f»?H]  —  3.  A  ATr 

mft.fi.  —  4.  A  <D«&-«fr;  —  5.  A  n.*A  :  <n»1ïi\i*  :  t4"^;  —6.  A  h"  *  +";  — 
7.  Sic  L  ;  cf.  le  texte  syr.  A  Ah.^h,A  s  -nô''  ;  —  8.  L  om.\  —  9.  L  >,ac  (? 
cf.  le  texte  syr.)  ;  —  10.  A  o/>z.  <o;  —  11.  A  o/n.  ;  —  12.  A  «rf^.  a/*-.-*"  : 
fl»niYl^-  s  POA-  :  irftA  :  *:**  :  Hfl>A£  :  °lCff°  •  tï°ii\ao  s  «^A9°  ;  —  13.  A  Yl<"»  : 
>».^";  —  14.  A  1-h-»;  —  15.  A  —  n,A-  :  Tr"  :  lu";  —  16.  A  XAÎi>  :  lf-A>. 
—  17.  L  fl>£-+:  —  18.  A  ïiyy  :  » ";  —  19.  A  ffl^n,  •  Ho»;  —  20.  A  h;  — 
21.  A  add.  9°ù^v  :  £;  —  22.  A  —  CP;  —  23.  A  A??rt";  —  24.  A  fiM- 


TEXTES.  ORIENTAUX    INÉDITS.  3  10 

'f*'   :   "Ml  .'    M*./1'!*-  :    mp^f-V  :   a>h£A»3   :   £Dtf*A»<n>-   •■   *K 

roi  :  Hje.fliiAi'1  •■  flA&  :  h6^¥'  -•  *X\o°  •  &&£Pe  •  v? 

Tifl^h'J:8  •  MliM  *  Kïfrti  •  InCA-f-A  •  h°i  -  (DCK  !  H?+ 
fc.fcï9  ■  flJ9°^n,  s  K-H-10  s  lifc£"VJ1n  s  Af-A/T-  :  hï^/H^'f- 

?»a«d  .-  vh*  ••  h^iLTif  s  tu,  ■  -î£A  :  to^-H*  ï  ;j-Ahn<n>- 
Ah/.*e>  s  on^-Th  •  flWH-  •  "/nn.iro»- ■  Hni-hH-wh «  il  fc<s.<e   f. 37 a 
+  •  o/hc  •  £JvM*A-n  :  K'jh  !  j&'KAVb  ■  nnj&ç-tiro»-  ■  © 
a°*  «  <d£Kh.2:  -  MiUtf  2  ■  va\  •  &£■•«  :  hrhfc  •  ^«e 

>  :  \\ao  :  JjJ&flA13  «■  111*  '  «"At^A  -'  'Vf  Ah?1  »  fDH^I"  s 
•ny.A»   :   ©£&   :   flWl-f*  !  HHlt-lî  s  Otttt  s  0>AIV/  :  (D-h-f-t***-  : 

fc^ï*  ■  ?<">-  s  fH.e.A  ■  MiUtf  =  fc.efrA  :  lncA#A  ■  <dK^ 
Cïi-  •  MHJkls  •  h"»  :  ^ïOh  :  c,h&u  •  hrhll  1  £><BhA- 

h17  :  MiM-ti  •  mh>  ■  xa<*>  .•  mi18  .■  ahTr-t  •  aar^Hi  : 

■I-MIM:  -  AW>19  :   Il  M  •  OXKKï"  ■  llfcW  ■  :5»Th->21  ■  Ai  10s 

?(M  !  fl)h.ftA,  -  «Dh^jç-t^  •  ith*  ■  .e-n,  •  aj-x-Iî  :  *£-*22  ■ 
ti./,ïiA  ■•-  (Dha>*r'hau  ■  h,W?ti  •  flJ.&n,  1  £*«»££  :  hA>  : 

-aï^r.Ç"^  1  ICI2*  ■  fl)-?i'|2  ■  HJt*  •■  Mn  '■  hô(\  ■-  £AJtA» 
tf°-  :  AAnK  s  /»%£  1  -nhA.  •  HAo»-  :  MlACiiA29  :  mlf/p 
730  s  <»£n,  !  Ai-JT-/"  :  OdS 31  !  AA.V  ■••  fllOD'H-  :  H^»AK  : 

1.  Aadd.  tD-s-i:;  —  2.  A  gh";  — 3.  L  —  rt.;  —  4.  A  Hîtir"ii;  —  5.  A 

—  t  ;  —  G.  A  flJflïjW  ;  —  7.  A  —  -f:ft  ;  —  8.  Sic  L  ;  A  ont.  ;  —  9.  A  tf-y 
k;  —  10.  A  arfrf.  m«M:;  —  11.  L  1-+-J-A- ;  —  12.  A  —  h;  —  13.  L  h..e 
•flAO-fc:  —  14.  L  wn  ;  et  peu  après  .e-'K/'M»  ;  —  15.  A  om.  ;  —  16.  A 

—  «i»  ;  —  17.  A  —  A«  :  -nYi  ;  —  18.  L  om.  ;  —  19.  L  add.  tx«VV  Psalm. 
90,  13  ;  —  20.  A  —  MX  ;  —  21.  A  ;VTfc.  —  22.  A  —  23.  om.  ;  A  —  t  ; 

—  24.  A  om.  a»  ;  —  25.  AlU;  —  26.  A  Aa^-pa»-  ;  —  27.  A  add.  r'ùà-v  -. 
%;—  28.  L—  47;  —  29.  A Mirt,.^r»ft  ;  —  30.  A  mh.ç'P'ï;  —  31.  L—  ,e. 


350  REVUE    DE   L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

A-flh   :    firTh-H-   '   h-itl  :  *£*£■  s  ^A?  '  AH  :  ïl^Tf  =  -flK 

A.  !  *0A0>ïi  :  ^jP»C  •  lïtK^r  •  (DhJOd*1  •  Al  A  :  flJ^Krh 

A  •■  h9°î   •  h^Ml-llil2  '  fcAO   :   XÏÏ\9°\lVt\  3  :   10./.   :   îl^li  • 

«Mie4  .■  ao^ïic'  -  *CXP-  :  ^»mï-H  ■  &£>  :  IfWJh"  s  <D/M 

h-îh   :   ÉTDj&fn^   :      £D-ΣA   '   'l'd'?/*'*0  «  K"7V  '  fc-flAtl   :  ïl 

"»  .-  ofljK.8 .-  ^?°Aïi^  s  AïiCA-tr*  î:  toa^h-Pù  s  ^A^M 
A  •  flJh9°T1  '  •  Ju^Hr  :  fl>fcHH  !  h"»  .-  Zrh'CP  ■  \\f\^w  •  (D 

rc  -  (oa^ih  .•  ^n,  :  mi?»a.  ■  mui-m  •  Mit*"  ■•  +«°m<p  ■ 

AWAf  ï  nAA9°  «  a^^Ti13  s  hr&'hL  ■  £fl,  !  h^T!  :  hC-ï 

0  '  V)A£-  ■•  *at0D(ïUD  :  ffl-f"*^^  :  flAj&T-14  "•  fi^Af!  :  J&H.A"  - 
Ohlti-P  i  fl»ftf^A  :  Aîiy,.ïlA  :  îlrh^-  :  AMH.h-flrh-C 1  "  s  fl>K 

-\£*ïh  «  flJ^n,A""  ■  h./,.ïifi  s  **A  s  hfrfl  ■  •NtfHtih  ■  fl>/h*F 
AV7  ■  KG  •  Ml  A  •  *I,Th&*  :  Afc«W%18  •■  H^mVH9  s  <:£• 

h>^  :  nmatï  -'  atnw  ■  hr&u  •  ja-n,  ■  hm  •  at-h-b  ••  h. 

A,?S0A  :  fl»ftt^A  •  TiT-P*  ■  rn,7ï  ■  HHjMh  :  h*»  :  jpCAï- 
h  Ah  ••  An  •  £m¥h  •■  <PA#h*  •  <o*ft9°î  -■  AMI  >  ÇAA* - 

/**hï-   :     ï'0«7*/'   :   KA   :   *UP   :    .fc^-fl»-2'  ::  aXH-ft-f-    :    7«H, 

JiHH  !  h»»"  :  £.W  •  m-A-t*  :«-  ©fia.*  ■  fl>-'/»k  ■•  *£"* 
-Tin  •  o-X-fc  :  m/ï?  :  œp.foli-ao.*  :  a?»A  :  UAflJ-22  ••  Mfl>- 
o»«  ■  hfl>-^  ■  Afl>-?i*  s  m,T>20  i  A  A  A-  ■     &«fc*e  ■■  ç?*2*  ■ 

hAO   :   HfO^2"  !  W%\\a»*  :  KA«»2G  :  OJ-A'b'l;  !  KnO>-?i    ::  O) 

a^x-v*  •  ^H.  ■  i»-?»*  •  wï :  o-in  •  w-a»  :  /^po-  :  n^d 

1.  A  HUA-ïi  :  thirr.  :  <Uit  :  71^ ;  —  2.  A  —  t>;  —  3.  A  O/H.  V/°: 
-  4.  A  —  t :  —  5.  A  CK  ■  a*<n*i  •  Ifte  ■■  HJ)»>vr« ;  —  6.  A  ^.eA  :  ->d"//M 
■J:  (L  a>î,ftA);  —  7.  A  —  Vf:  —  8.  A  arfrf.  a>«î,-f.\  —  9.  A  mi'/.;  — 
10.  A  add.  Ah.^-'PTr;  —  11.  A  fl»«At  :  fl»*^*  :  a»t\^  ■•  fl^i>"A;  —  12.  A 
W  :  h?"Alfi  :  n>";  —  13.  A  o»  :  —  14.  Sic  L  :  A  aa,6<ï:  •■  to-t-noït  ■.  ChC  ■■ 
atVéLKao  ;  tw»0'  ;  —  15.  A  —  H.Î.YJ  ;  —  16.  L  m  :  —  17.  A  ai-j-ïhfc*  ■.  n^-ttv  ;, 
L  add.atfin,:  —  18. AAVmMUh,C  =  ^"Z ".  —  19. A  oin.w:  —  20.  Lom.: 
—  21.  A  ,ft"  :  u":  —  22.  A  o/>z.;  —  23.  A  o/n.  a>:  —  24.  A  çft  :  ^''  s 
Yio»;  (Lçç"^-);  —  25.  LH,pi\ç;d; — 26.  L  add.  m-vi;:  h«n»; —  27.  A  «CM-. 


TEXTES    ORIENTAUX    INÉDITS.  351 

'NI  :  bCA+tl  '  (Ohm1   ■    Î\A?    :    ffl^n,   :  M*P.h   ■   h"l\\.h2   ' 

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H7ÏH-16  :  Ji^l»  ■  ?iA  »  Jtf°*-  ■  nA.ftW>"  :  3riCA*A  r  A?iA 

£7'fl<.    :   -ï-TihC*»1»-   -•   ïl<w   !   Ohù-t-    :    aoXl&M'    :   H.J»ir<n>- 
1*<M1  ■  nfr7H.h>  •■  *«f A-A  •  *1CA*A  :•:  HA-*  ■  /WlAl"18  s  A 

«JA<*»  :  «JAîT  s  fc"fc7  "  :  h°n  ,9  :•:  -fV.ft"»  :  7£*A  :  fllA^A  ■ 
n-flfrà  ■  îî./,«ïlA  :  AAA   '  (Dtthti»'  :  ,hÇ  :  IDHWI1"*20  « 

1.  A  fl»Yi«»il  ;  —  2.  A  —  îif  ;  —  3.  A  m  :  —  4.  A  —  n  ;  —  5.  A  «»*"  : 
W,  —  6.  A  om.  h  et  add.  m-ihr*  ••  n°7f  ■■  ».ç4>;  —  7.  L  o;?e.  — 
8.  A  at-Hi'  —  9.  A  om.  ?  ;  —  10.  A  —  A;  —  11.  A  —  A-  :  —  12.  A 
î,fi<n>  :  — 13.  L  add.  'h^'Sm-fi.  •■:  —  14.  Sic  L;  A  nï;  —  15.  A  add. 
(o-hi:  ;  —  16.  A  mr'pO'  :ï\(\'£  ••  œç^m  :  Art"7ô-V  i  V;  —  1 7.  A  nî^JUiV  : 
h.":  —  18.  A  add.  m^,eA ;  —  19.  A  om.;  —  20.  A  fl»Hh&-";  L  add. 

WflXft"^»'  :  .RT-rhCo»*  !  VïIUWl A-C  !  AHîVWiG:  :  Ali"**  =  0»»Wi'n  :  <»AJI  : 
h^Wifc"  :  hn->  :  fvhTrfl  :  hfl  :  0»'V^f)*/  :  <n>>T»ft  ■'  fflUUTr  s  -Vft.;h  s  -l-mYliC  : 
(«V?)  W.fTr  ::  fl»<n»«n+A  :  >i"/*7^  :  nYlO"  :  h-flCV?"  :  h1°  >  .ftîWhÇ:  :  fl+Atf»  j 
r»r.4»  ::  OIAH  =  h^flfl  s  fl»AH  s  t-CT-fl"  :  mAA?")1  :  («je)  ,e\)VA>  :  Cflf  :  iTflA. 
jrow  s  h^lTr  :  A"iAîT  :  h"7."/  a  A  fl^rf.  ^A»P<">-  :  a>niïl£0o«  :  PMA-  :  i^'îlA  s 
Ç*Um»-  :  HWA.Ç  :  "7C.«'9"  •'  A°iA<n»  >  •VA?"  :  h'^'V  :s 


LES  CENT  DIX-SEPT  ACCUSATIONS 

PRÉSENTÉES  A  BENOIT  XII  CONTRE  LES  ARMÉNIENS 

{Fin) 


XVI.  Il  existe  un  parti  d'Arméniens  non  unis  à  l'Eglise 
romaine;  ceux-là  seulement  refusent  de  mêler  de  l'eau  avec  le 
vin  avant  la  consécration,  et  accablent  de  reproches  les  Armé- 
niens-unis. Pourtant,  malgré  cette  divergence,  tous  les  Armé- 
niens admettent  que  la  consécration  est  accomplie  en  vertu  des 
paroles  H i<  est  sanguis  meus...  Il  est  bien  vrai  qu'à  la  suite  de 
la  formule  consécratoire,  ils  récitent  l'épiclèse,  comme  elle  a  été 
transmise  par  saint  Athanase,  saint  Basile,  saint  Chrysostome, 
et  dans  laquelle  il  est  dit  en  substance  :  Nous  vous  adorons, 
vous  supplions,  vous  conjurons  d'envoyer  sur  nous  et  sur 
cette  oblation,  placée  devant  nous,  l'Esprit  saint  qui  vous  est 
coessentiel,  transformant  par  lui  le  pain  au  Corps  béni  et  le  vin 
au  Sang  de  Notre-Seigneur  et  Sauveur  Jésus-Christ.  Mais,  pour- 
suivent les  Pères,  nous  croyons  que  ces  dernières  paroles  n'efifec- 
tuent  point  la  consécration,  puisqu'elle  a  eu  lieu  auparavant 
(H.  ad  66).  Les  Arméniens  disent  anathème  aux  maîtres  qui  ne 
verraient  dans  l'Eucharistie  que  la  figure,  du  corps  et  du  sang 
de  Jésus-Christ  (R.  ad  67);  ils  croient  au  dogme  de  la  transub- 
stantiation,  qui,  d'ailleurs,  est  affirmée  dans  le  canon  même  de 
la  messe  arménienne. 

Quant  à  leur  manière  de  célébrer,  les  prêtres  de  la  Petite- Ar- 
ménie imitent  les  Latins.  Toutefois,  pendant  le  carême,  c'est- 
à-dire  à  partir  de  la  Quinquagésime,  ils  ne  célèbrent  la  messe 
que  le  samedi  et  le  dimanche;  mais,  dans  le  palais  royal,  elle 
est  dite  tous  les  jours,  et  les  évêques  permettent  de  suivre  ail- 


LES    117   ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  353 

leurs  cet  exemple.  Dans  la  Grande-Arménie,  les  prêtres  ne  célè- 
brent également  que  le  samedi  et  le  dimanche,  pendant  le 
carême  et  la  semaine  qui  précède  la  Septuagésime  ;  dans  ces 
régions,  les  prêtres  ne  peuvent  avoir  que  des  calices  en  étain  ou 
en  verre;  parfois,  ils  sont  obligés,  par  crainte  des  infidèles,  de 
célébrer  le  saint  Sacrifice,  les  portes  closes;  mais,  en  ce  cas,  au 
moment  de  l'élévation,  ils  les  ouvrent  pour  montrer  la  sainte 
Hostie  au  peuple.  Nersès,  évêque  d'Ourmiah  et  soi-disant 
évoque  de  Manazgherd,  a,  bien  à  tort,  accusé  un  docteur  de 
l'Église  arménienne  d'avoir  blâmé  ceux  qui  célèbrent  publique- 
ment le  saint  Sacrifice,  et  élèvent  l'Hostie  à  la  vue  du  peuple. 
Ce  Nersès,  maltraité  à  cause  de  cette  calomnie,  s'est  plaint  à 
Mekhithar;  puis,  irrité  d'être  blâmé  par  le  catholicos,  il  s'est 
réfugié  auprès  du  pape  (R.  ad  66,  75,  80). 

L'Église  arménienne  ne  blâme  point  la  manière  dont  commu- 
nient les  Latins.  Beaucoup  d'Arméniens,  sans  que  leurs  évêques 
protestent,  communient  même  indifféremment  clans  l'Église 
arménienne  et  dans  l'Église  latine  (R.  ad  79).  Les  Arméniens 
communient  la  veille  de  l'Epiphanie,  après  Vêpres,  au  coucher 
du  soleil,  le  jeudi  saint,  le  samedi  saint,  à  Pâques.  Les  Armé- 
niens delà  Petite-Arménie  et  les  unis  de  la  Grande-Arménie 
communient  aussi  le  25  décembre,  en  la  fête  de  la  Nativité. 

Enfin,  l'Église  arménienne  croit  en  la  vertu  sanctifiante  de  la 
sainte  Eucharistie.  Elle  n'est  pas  responsable  des  superstitions 
de  quelques  naïfs,  au  dire  desquels  le  corps  du  Christ  serait 
assimilé  par  le  communiant,  et  le  sang  du  Christ  passerait  dans 
les  veines  du  prêtre,  en  sorte  que,  de  ce  chef,  il  lui  serait 
interdit  de  se  faire  saigner  {R.  ad  70).  Quant  à  l'abus  reproché 
aux  Arméniens,  de  suppléer  la  communion,  en  prenant  une 
parcelle  de  terre  sur  laquelle  on  a  formé  le  signe  de  la  croix, 
c'est  là  un  conte  de  vieilles  femmes  (R.  ad  107).  Il  y  a,  sans 
doute,  dans  l'administration  de  l'Eucharistie,  une  coutume 
blâmable  :  quand  un  malade  est  près  de  mourir,  le  prêtre  met 
dans  sa  bouche  l'hostie,  puis  la  rapporte  après  avoir  fait  sur  ses 
lèvres  le  signe  de  la  croix;  niais  cet  usage  abusif,  les  Pères 
s'attachent  à  le  supprimer  {R.  ad  83). 

XVII.  Aux  yeux  des  Arméniens,  le  mariage  est  un  état  saint. 
A  l'imitation  des  Grecs,  les  Arméniens  non-unis  considèrent 
les  premières  et  les  secondes  noces  comme  légitimes,  mais  les 

OIUENT   CHRÉTIEN.  23 


354  REVUE    DE   L  ORIENT    CHRETIEN. 

autres  connue  adultères;  les  Arméniens  de  laCilicie  et  tous  les 
unis  se  conforment,  au  contraire,  à  l'usage  de  l'Église  romaine. 
Il  est  faux  que,  d'ordinaire,  le  consentement  des  époux  ne  soit 
point  requis  pour  le  mariage;  quand  les  parents  y  ont  consenti, 
les  futurs  époux  se  fiancent  l'un  à  l'autre  par  la  tradition  de 
l'anneau;  leur  consentement  s'exprime  ainsi;  le  prêtre  dit  à 
l'époux  :  Si  telle  femme  devient  aveugle,  lépreuse,  boiteuse, 
veux-tu  l'accepter,  Dominus  es  tu?  Et  il  répond:  Dominas 
sum,  je  consens  à  la  recevoir.  A  la  même  question,  la  femme 
fait  une  réponse  semblable.  S'il  est  des  cas  de  mariages  forcés, 
le  catholicos  punit  les  délinquants  par  l'excommunication  et 
des  amendes  pécuniaires  (H.  ad  100). 

Autrefois  le  mariage  était  interdit  jusqu'au  7e  degré  de  con- 
sanguinité, maintenant  jusqu'au  5e.  Les  mariages  contractés 
contre  cette  règle  sont  défaits,  dirimuntur.  L'union  est  légi- 
time au  delà  du  3"  degré  d'affinité.  Les  Pères  avouent  que,  jadis, 
les  époux  arméniens  pouvaient,  à  prix  d'argent,  obtenir  du 
prêtre  la  faculté  de  divorcer  et  de  se  remarier  alors  même  qu'ils 
avaient  des  enfants,  et  malgré  les  protestations  de  l'un  des 
époux.  Ces  abus  ont  encore  cours  dans  la  Grande-Arménie; 
mais,  en  Cilicie,  les  évoques  qui  les  autorisent  sont  déposés, 
interdits,  et  leurs  biens  sont  confisqués  au  profit  du  trésor 
royal.  L'Église  arménienne  interdit  formellement  la  polygamie; 
elle  ferme  généralement  aux  bâtards  l'accès  aux- Ordres  sacrés 
(R.  ad  102 et  103)  (1). 

(i)  La  discipline,  en  matière  de  mariage,  semble  avoir  été  très  rigoureuse  au 
vic  siècle.  D'après  la  réponse  du  synode  arménien  de  'l'ovin  (648?)  à  l'empereur 
Constant,  •<  ceux  qui  ont  contracté  des  secondes  noces  doivent  faire  pénitence 
durant  trois  ans  et  se  conformer  ensuite  aux  lois;  quant  aux  troisièmes  et  aux 
quatrièmes  noces,  l'Église  ne  les  admet  pas  »  (Sebêos,  III,  c.  o"3).  —  Le  canon  16 
d'un  synode  qui  aurait  eu  lieu  à  Tovin  (en  719?  d'après  Balgy,  p.  -210-211)  con- 
damne à  des  peines  canoniques  ceux  qui  auraient  cohabité  avant  de  demander 
la  bénédiction  sacerdotale  pour  leur  second  mariage. 

Voici,  d'autre  part,  au  sujet  du  mariage  soit  des  prêtres,  soit  des  fidèles,  quatre 
canons  édictés  par  un  synode  qui  fut  tenu  à  Bardav,  vers  770,  la  première  année 
du  catholicat  de  Sion  Pavonetsi,  du  canton  d'Arakadzodn  (Ararad)  :  Ni  celui  qui 
se  marie,  étant  prêtre,  ni  celui  qui  ayant  été  marié  deux  fois  se  fait  ensuite 
ordonner  prêtre,  ne  pourront  remplir  les  fonctions  sacerdotales;  mais  ils  demeu- 
reront dans  la  condition  des  pénitents  (10).  —  Que  les  prêtres  aient  soin  d'em- 
pêcher les  fidèles  de  se  marier  avec  des  infidèles  (11).  —  Si  quelque  prêtre  unit 
en  troisièmes  noces  des  époux  veufs,  qui  ont  illégitimement  cohabité,  il  sera 
excommunié  et  le  mariage  annulé  (13).  —  Les  mariages  peuvent  être  contractés 


LES    117   ACCUSATIONS    CONTRE  LES    ARMÉNIENS.  355 

XVIII.  L'administration  de  rextrême-onction,  disent  les 
Pères  de  Sis,  est  généralement  négligée  en  Arménie,  en  dépit 
de  leurs  exhortations  et  de  leurs  exemples,  qui  sont  seulement 
suivis  par  un  petit  nombre.  C'est  une  cérémonie  différente  qui 
a  lieu  pour  le  prêtre  :  après  sa  mort,  il  est  porté  devant  l'autel  ; 

entre  parents  au  delà  du  Ie  degré  (16).  —  D'après  le  canon  8  d'un  synode,  tenu  à 
Sis  en  1243,  les  mariages  entre  consanguins  étaient  interdits  jusqu'au  7e  degré. 

Les  vingt  autres  canons  du  synode  de  Bardav,  bien  qu'ils  soient,  en  général, 
moins  importants  que  les  quatre  précédents,  nous  permettent  de  comparer  sur 
quelques  autres  points  intéressants  la  discipline  de  l'Église  arménienne  au  vin" 
et  au  xiv°  siècle,  et  de  compléter  sur  des  points  accessoires  l'exposé  des  Pères  de 
Sis.  Les  canons  de  Bardav  visent  surtout  les  évêques  (1-G,  21,  22),  les  prêtres  (S, 
9,  12,  14),  les  religieux  (7,  15),  les  fondations  charitables  et  dons  en  laveur  (les 
défunts  (17,  18),  quelques  circonstances  ayant  trait  à  l'excommunication  et  à  la 
pénitence  (19,  20,  22). 

Canon  1.  Si  quelqu'un,  évèque,  suffragant  ou  prêtre,  néglige  le  soin  des  fidèles 
qui  lui  sont  confiés,  il  doit  être  destitué.  2.  Nul  évêque  ne  peut  accomplir  les 
ordinations  dans  un  diocèse  qui  n'est  pas  le  sien.  3.  L'évèque  ne  doit  point  forcer 
les  coupables  à  faire  des  dons  à  l'église,  mais  bien  aux  pauvres  et  par  eux- 
mêmes.  4.  L'évèque  ne  permettra  point  à  ses  prêtres  d'ériger  ou  de  consacrer 
des  églises.  5.  Défense  lui  est  faite  de  bénir  l'huile;  il  doit  la  prendre,  chaque 
année,  à  la  résidence  patriarcale,  sans  y  rien  ajouter.  G.  Le  devoir  lui  incombe 
de  nommer  des  prêtres  docteurs  en  théologie,  qui  soient  chargés  d'instruire 
régulièrement  le  peuple.  7.  Les  couvents  doivent  être  bâtis  dans  les  villages,  et  les 
supérieurs  doivent  y  résider  constamment.  C'est  là  aussi  qu'il  faudrait  fonder  et 
doter  des  hôtels  et  des  hospices.  8.  Il  faut  tenir  dans  un  état  de  propreté  les 
onts  baptismaux  et  jetsr  dans  un  endroit  convenable  l'eau  qui  a  servi  au  bap- 
ême.  9.  Le  prêtre,  auquel  est  échu  le  service  divin,  s'en  acquittera  avec  gravité 

sans  omettre  aucune  partie  des  prières.  12.  Les  hosties  pour  le  saint  Sacrifice 
seront  préparées  par  les  prêtres  et  non  par  les  laïques.  14.  Les  propriétés  et  les 
meubles  de  l'église  ne  seront  jamais  vendus.  15.  Les  religieux  ne  passeront  pas 
d'un  monastère  à  un  autre;  ils  resteront  dans  celui  où  ils  ont  prononcé  leurs 
vœux,  à  moins  qu'ils  ne  soient  appelés  à  la  direction  de  quelque  diocèse.  17.  On 
bâtira  des  hôpitaux  pour  la  catégorie  des  malades  qui  sont  exclus  des  villes,  et  la 
population  leur  constituera  des  rentes.  18.  A  la  mort  d'une  personne,  les 
aumônes  et  les  offrandes,  faites  pour  le  soulagement  de  son  âme,  seront  données 
à  l'église,  à  la  paroisse  ou  à  la  confrérie  dont  faisait  partie  le  défunt,  et  non  à 
d'autres,  à  moins  que,  ces  obligations  une  fois  remplies,  il  ne  reste  un  excédent. 
19.  La  personne  excommuniée,  qui  meurt  avant  d'avoir  été  absoute,  sera  privée, 
à  son  enterrement,  de  toute  cérémonie  funèbre.  20.  Il  en  sera  de  même  du  caté- 
chumène qui  n'aura  pas  été  baptisé.  21.  Les  suffragants  (évoques  coadjuteurs? 
ne  sont  autorisés  ni  à  fermer  une  église,  ni  à  supprimer  le  service  divin.  22.  l'ont 
président  de  village,  qui,  en  vue  d'augmenter  le  rendement  des  impôts,  fera 
fermer  l'église  sera  excommunie''.  23.  Ceux  qui  avaient  été  emmenés  en  esclavage 
chez  les  infidèles  et  auront  vécu  conformément  a  la  religion  de  ces  infidèles 
s;ms  toutefois  abjurer  leur  foi,  devront,  dès  qu'ils  seront  rentrés  dans  leur  pays 
faire  pénitence  pendant  un  an,  jeûnant  tous  les  mercredis  et  vendredis. 

Dans  ce  même  synode,  comme  nous  l'avons  dit  ailleurs  (p.  142),  fut  dressé  le 
catalogue  de  livres  canoniques. 


356  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

là,  on  lui  fait  une  onction  au  front  et  à  la  main  droite  ;  le 
peuple  baise  cette  main;  puis  Ton  égorge  des  animaux,  qui, 
toutefois,  n'ont  pas  été  couverts  d'ornements  de  soie  (R.  ad  65 
et  67). 

XIX.  Quelques  vartabeds  ont  pensé,  à  la  suite  des  Grecs,  que 
les  âmes  des  justes  attendent  dans  la  paix  le  moment  de  la 
résurrection  et  qu'alors  seulement,  réunies  à  leurs  corps,  elles 
seront  introduites  dans  le  royaume  des  cieux.  Mais  le  senti- 
ment commun  dans  l'Église  arménienne  et  la  conviction  per- 
sonnelle des  Pères  du  synode,  c'est  que  toutes  les  âmes  justes, 
à  la  sortie  de  leur  corps,  vont  à  la  vie  éternelle  :  la  liturgie 
arménienne  proclame,  en  effet,  que  la  Sainte  Vierge  est  entrée 
dans  la  céleste  Jérusalem...  que  les  prophètes,  les  apôtres  sont 
admis  à  la  lumière  sans  ombre,  que  les  martyrs  reçoivent  dans 
le  ciel,  de  la  main  du  Christ,  une  couronne  incorruptible,  et 
sont  placés  au  milieu  des  anges...  Il  est  dit  de  toutes  les  âmes 
saintes,  qu'elles  se  reposeront  au  milieu  des  anges,  en  contem- 
plant la  lumière  éternelle;  bien  plus,  elles  verront  l'essence 
même  de  Dieu;  témoin  cette  prière  :  Accorde-nous,  ô  Christ, 
comme  à  Pierre  et  aux  fils  de  Zébédée,  de  te  voir  face  à.  face  : 
Concède  nos  esse  clignas  divinœ  visionis  tuœ.  Si  dans  l'une  de 
leurs  oraisons,  per  hune  quiescere  facias,  les  Arméniens  im- 
plorent le  repos  pour  les  saints,  ils  sollicitent  pour  eux,  non 
la  délivrance  des  tribulations,  qui  leur  est  déjà  accordée,  mais 
cette  joie  accidentelle,  que  leur  procurera  le  salut  de  ceux  qui 
les  invoquent.  Pourtant,  cela  va  sans  dire,  la  vision  de  Dieu 
dont  jouissent  les  saints,  n'est  pas  infinie  comme  celle  de  Dieu, 
et  elle  diffère  en  degrés,  selon  les  mérites  des  élus. 

L'Église  arménienne  admet  aussi  que  les  pécheurs,  morts 
dans  l'impénitence,  vont  aussitôt  en  enfer,  comme  les  justes  au 
royaume  des  cieux.  Mais,  après  le  jugement,  le  corps  sera  as- 
socié au  supplice  des  uns,  au  bonheur  des  autres.  Si  quelques 
Arméniens  pensent  autrement,  ils  sont  convaincus  d'erreur  par 
leur  propre  Église,  surtout  depuis  qu'elle  est  unie  à  l'Église  ro- 
maine. Que  les  personnes  mariées  ne  puissent  qu'être  médiocre- 
ment bonnes,  c'est  seulement  l'opinion  de  quelques  naïfs  (sim- 
plicium).  Que  la  mer  doive  se  changer,  après  le  jugement,  en 
océan  rempli  de  feu  et  de  vers  nés  des  péchés,  c'est  pure  fable, 
se  trouvât-elle  dans  les  livres  de  quelques  sots.  —  L'Église  ar- 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  357 

ménicnne  n'a  point  enseigné  que  l'enfer  a  été  supprimé  par  le 
Christ.  Plusieurs,  cependant,  en  ont  admis  la  destruction,  mais 
à  des  degrés  divers  :  elle  a  été  définitive,  au  dire  de  quelques- 
uns;  selon  d'autres,  tous  les  pécheurs  délivrés  par  le  Christ, 
descendu  aux  enfers  après  sa  résurrection,  doivent  y  être  re- 
plongés après  le  jugement  dernier.  —  Enfin,  avant  d'être  unie 
avec  l'Église  romaine,  l'Eglise  arménienne  laissait  indécise  la 
question  de  savoir  si  les  démons  subissent  un  châtiment  sen- 
sible. Mais,  depuis  que  ses  relations  avec  l'Église  latine  lui  ont 
mieux  fait  connaître  la  témérité  et  les  fâcheuses  conséquences 
des  opinions  opposées,  l'Église  arménienne  les  réprouve  et  les 
anathéniatise. 

C'est  depuis  peu  de  temps,  que  l'Église  arménienne  appelle 
purgatoire  l'état  intermédiaire  entre  le  ciel  et  l'enfer;  mais,  au- 
paravant, elle  croyait  que  les  âmes  pécheresses  sorties  de  ce 
monde  avec  la  foi  et  l'espérance,  dûment  absoutes  par  le 
prêtre,  mais  n'ayant  accompli  qu'une  pénitence  imparfaite, 
doivent  achever  d'expier  leurs  fautes  dans  un  endroit  et  pen- 
dant un  temps  déterminés.  Et,  ajoutent  les  Pères,  la  preuve  que 
les  Arméniens  admettent,  quant  au  fond,  le  dogme  du  purga- 
toire, c'est-à-dire  un  état  intermédiaire  entre  le  ciel  et  l'enfer, 
c'est  qu'ils  donnent  des  aumônes,  font  célébrer  des  messes  en 
faveur  des  défunts,  afin  d'obtenir  de  Dieu  la  rémission  de  leurs 
péchés,  la  délivrance  de  leurs  tourments  et  leur  entrée  dans  le 
ciel  :  la  liturgie  arménienne  contient,  en  effet,  de  nombreuses 
prières  pour  les  défunts.  Mais,  dès  qu'ils  ont  connu  l'Église  ro- 
maine, les  représentants  de  l'Église  arménienne  ont  accepté  et 
enseigné  aux  fidèles  le  nom  même  du  purgatoire. 

Enfin,  le  dogme  de  la  résurrection  est  généralement  admis 
des  Arméniens,  encore  que  les  Pères  du  synode  ne  puissent  ré- 
pondre pour  tous  ceux  de  la  Grande-Arménie.  Jl  y  a,  par 
exemple,  dans  la  région  de  Manazgherd,  des  infidèles,  appelés 
fils  du  soleil,  et  qui  adorent  cet  astre;  mais,  bien  qu'ils  parlent 
arménien,  ils  ne  sont  pas  arméniens  (II.  ad  108).  Quant  à  l'état 
dans  lequel  ressusciteront  les  corps,  quelques-uns  pensent  qu'il 
n'y  aura  plus  de  différence  de  sexe;  pourtant,  la  plupart,  confor- 
mément à  l'enseignement  de  l'Église  romaine,  croient  que  les 
hommes  et  les  femmes  ressusciteront  avec  leur  propre  corps, 
mais  vivront  ensemble  à  la  manière  des  anges  [U.  ad  106). 


358  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

XX.  L'Église  arménienne  ne  réprouve  pas  les  usages  latins. 
En  Cilicie,  surtout,  elle  en  a  adopté  quelques-uns,  et  laisse  à 
ses  enfants  la  liberté  d'en  suivre  quelques  autres.  Mais  il  est 
naturel  qu'elle  retienne  ses  coutumes  particulières,  quand 
l'unité  de  foi  n'est  pas  intéressée  ;  ainsi  en  est-il  pour  les  jeûnes  : 
les  Arméniens  s'abstiennent  seulement  de  viande,  d'œufs  et  de 
laitage.  Les  jours  de  jeûne  ordinaire,  le  nombre  des  repas  n'est 
pas  rigoureusement  restreint;  mais,  pendant  le  carême,  ceux 
qui  ne  sont  point  dispensés  du  jeûne  ne  peuvent,  d'après  les 
prescriptions  ecclésiastiques,  manger  avant  la  neuvième  heure 
(II.  ad  46). 

Si  l'on  omet  quelques  détails,  où  l'expression  fléchit  un  peu, 
cette  longue  réponse  du  synode  est  d'un  sens  bien  catholique. 

Le  Synode  de  Manazgherd  et  Jeun  Olznelsi. 

Le  synode  arméno-syrien  de  Manazgherd,  si  souvent  mentionné  dans  les 
actes  que  nous  venons  de  résumer,  fut  présidé  par  Jean  Otznetsi,  et  tenu  en 
726  (Barhebr.,  Chron.  eccles.,  1,299-303;  Michel,  1.  XI,  c.  20,  II»,  1904,  p.  457- 
461).  Nous  avons  ailleurs  rappelé  à  titre  d'hypothèse  l'opinion  de  plusieurs 
historiens,  qui  plaçaient  ce  synode  en  087  ou  en  651,  soit  sous  un  vicaire 
patriarcal  de  Nersès  III,  soit  sous  la  présidence  des  Julianistes  Jean  Mai- 
ragometsi  et  Jean  de  Ticor  (aux  environs  d'Ani).  Or,  le  dernier  fut  préci- 
sément condamné  dans  le  synode  de  Manazgherd;  et,  en  726,  Jean  Maira- 
gometsi  devait  être  mort  depuis  longtemps  (pp.  95-97,  99,  141).  Parmi  les 
auteurs  qui  avaient  regardé  ces  hypothèses  comme  vraies  ou  comme 
probables,  il  n'y  avait  pas  seulement  des  hommes,  comme  de  Serpos, 
Tchamichian,  Augérian,  trop  soucieux  de  prouver  l'orthodoxie  de  Jean  le 
philosophe  ;  Photius  et  Hergenrnther,  qui  n'avaient  pas  les  mêmes  préoccu- 
pations, n'ont  guère  mieux  désigné  le  principal  auteur  du  synode,  Jean 
Otznetsi  (Lettre  de  Photius  à  Zacharie.  Le  Photius  d'Hergenr.,  I.  490). 

Aux  yeux  des  Pères  de  Sis,  au  contraire,  Jean  Otznetsi  est  bien  le  patriar- 
che arménien  qui,  de  concert  avec  le  patriarche  syrien,  a  réuni  le  sy- 
node où  les  deux  Églises  syrienne  et  arménienne  ont  tenté  de  s'unir,  en 
dehors  du  reste  de  la  chrétienté.  Mais,  en  même  temps,  les  Pères  justi- 
fient à  demi  la  doctrine  du  catholicos,  qu'ils  se  gardent  bien  de  confondre 
avec  le  strict  monophysisme.  —  On  le  voit,  le  débat  poursuivi  encore  de 
nos  jours,  au  sujet  de  l'orthodoxie  du  fameux  catholicos,  ne  date  pas  des 
derniers  siècles.  Eu  égard  à  l'intérêt  de  la  question,  on  nous  pardonnera  : 
1°  de  résume?',  à  la  lumière  de  récentes  publications,' l'histoire  des  rapports 
entre  Syriens  et  Arméniens  avant  le  synode  de  Manazgherd  :  2°  de  sou- 
mettre à  un  sérieux  examen  la  doctrine  exposée  dans  ce  synode;  3"  enfin, 
de  chercher  si,  à  défaut  de  doctrine  nettement  hérétique  chez  les  membres 
arméniens  du  synode,  la  scission  de  Manazgherd  ne  s'explique  pas  plu- 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  359 

tôt  par  l'état  politique  de  l'Arménie,  sous  la   domination   des  Omiades.. 

[.  —  L'union  des  deux  Églises  syrienne  et  arménienne  fut  le  principal 
objet  du  synode.  Les  essais  de  rapprochement  entre  les  communautés 
dataient  de  loin.  Après  avoir  échappé  à  la  propagande  nestorienne  de  Bar 
Sauma  (Michel,  XI,  9),  les  Arméniens,  au  cours  des  siècles  suivants, 
avaient  conclu  avec  les.  Syriens  monophysites,  quelques  accords,  mais 
accords  incomplets,  ne  comprenant,  d'ailleurs,  qu'une  ou  plusieurs  frac- 
tions des  deux  Églises.  Inutile  de  relever  l'exorbitante  prétention  de 
Michel  le  Syrien,  affirmant  que  jusqu'à  la  fin  du  v"  siècle,  le  catholicos 
d'Arménie  reçut  la  consécration  des  mains  du  patriarche  syrien  d'An- 
tioche  (1.  XI,  c.  4  et9;  1.  XII,  c.  7).  Voici,  nous  semble-t-il,  ce  qui  paraît 
se  dégager  de  son  récit  tendancieux  sur  la  rupture  et  la  reprise  des  rela- 
tions du  patriarche  syrien  d'Antioche  avec  le  couvent  syrien  de  Mar-Ma- 
thaï,  dans  les  régions  d'Athor  et  de  Ninive  :  les  moines  de  Mar-Mathaï 
avaient,  par  crainte  des  Perses,  cessé  de  s'adresser  au  patriarche  syrien 
d'Antioche,  pour  la  consécration  de  leur  évêque  ;  or,  comme  le  catholicos 
arménien  Christophore  parcourait  les  régions  d'Athor  et  de  Ninive  vers 
l'an  535  (?),  il  ordonna,  sur  la  demande  des  moines,  leur  métropolite 
nommé  Garmai.  Combien  de  temps  les  catholicos  jouirent-ils  de  ce  privi- 
lège de  consacrer  le  métropolite  syrien  de  Mar-Mathaï  et  des  diocèses 
d'Athor  et  de  Ninive?  Nous  l'ignorons.  Ter-Minassiantz  (p.  56,  173-176) 
croit  que  les  catholicos  remplirent  cette  fonction  jusqu'au  temps  de  Gomidas 
(611-628),  époque  où  le  patriarche  syrien,  Athanasios  Camelarios  (595-631), 
reprit  le  rôle  de  consécrateur  qui  revenait  à  son  siège.  Cette  hypothèse 
du  docte  vartabed  est  assez  vraisemblable,  mais  non  positivement  prouvée. 
Barhebraeus  (11,99)  mentionne  encore  un  autre  Syrien,  Akoudemneh,  évê- 
que de  Beth-Arab,  qui  aurait  été  consacré  par  le  catholicos  Christophore, 
Christophore  I  ou  Christophore  II,  suivant  que  l'on  admet  ou  non  dans  la 
liste  des  catholicos  le  Christophore  Ardzrouni  (475-480?)  mentionné  par 
Thomas  Ardzrouni  (II,  2).  Cet  Akoudemneh  fut  plus  tard  élu  métropo- 
lite de  l'Orient  par  Jacques  Baradée  (f  578,  d'après  Denys  Tell-Mahré). 
Une  autre  marque  d'union  entre  quelques  fractions  des  deux  communautés 
arménienne  et  syrienne  se  tire  de  ce  fait  que,  vers  la  fin  du  VIIe  siècle,  l'é- 
vêque  syrien  d'Édesse  était  Sergius  l'Arménien  (Michel,  X,  23;  Barhebr., 
Chron,  I,  259;  Assem.,  II,  333). 

Il  serait  intéressant  de  rechercher  les  principaux  points  de  contact  en- 
tre les  deux  Églises.  Également  confinées  dans  un  territoire  soumis  aux 
Perses,  puis  aux  Arabes,  elles  se  rapprochaient,  nous  semble-t-il,  par  une 
égale  défiance  à  l'égard  de  l'Église  grecque,  et,  —  ce  qui  était  un  peu  la 
conséquence  de  leur  nationalisme  étroit,  —  par  une  commune  tendance 
vers  un  monophysisme,  d'ailleurs  très  mitigé  (Michel,  XI,  3,  vers  la  fin). 
—  Ce  monophysisme,  chez  la  plupart  des  Arméniens  et  même  chez  beau- 
coup de  Syriens,  consistait  plus  dans  l'expression  même  que  dans  la  réa- 
lité d'une  seule  nature;  on  accolait  en  effet  à  l'expression  d'une  seule  na- 
ture en  J.-C,  les  termes  de  «  Dieu  parfait»  ,  «  homme  parfait  »,  lo- 
giquement incompatibles  avec  le  monophysisme,  (Hist.  pol.  et  reiig. 
passim;  et  Nau  dans  la  ROC,    1905,  n.  2.  p.  113).  Des  fractions  plus  ou 


:îCO  revue  de  l'orient  chrétien. 

moins  importantes  des  deux  Églises  paraissent  avoir  suivi,  pour  un  temps, 
les  unes  Sévère  d'Antioche,  les  autres  Julien  d'Halicarnasse  :  on  sait,  en 
effet,  que  le  zèle  extrêmement  actif  du  sévérien  Jacques  Baradée  s'était 
déployé  en  Arménie  (Jean  d'Éph.,  IV,  19,  et  dans  Land,  Anecd.  syr.,  II, 
p.  369).  Toutefois,  son  influence,  décisive  sur  la  majorité  des  Syriens,  qui 
furent  appelés  de  son  nom  Jacobites,  n'eut  qu'un  résultat  passager  et 
restreint  chez  les  Arméniens. 

Ces  derniers  subirent  plus  profondément,  semble-t-il,  l'action  des  dis- 
ciples de  Julien.  Barhebrœus  raconte  que  les  semences  du  Julianisme  fu- 
rent répandues  en  Arménie  par  un  certain  Samuel,  vers  la  fin  du  Ve  siè- 
cle (Assem.,  II,  296)  :  l'anachronisme  est  évident,  Julien  et  Sévère 
n'ayant  prêché  leur  doctrine  qu'au  début  du  VIe  siècle.  L'auteur  syrien 
exagère  également,  en  rangeant  parmi  les  Phantasiastes  la  plupart  des 
Arméniens  des  temps  qui  suivirent;  mais  cette  exagération  même  ne  se- 
rait-elle pas  un  indice  de  l'influence  que  les  Julianistes  exercèrent  en 
Arménie,  dès  le  milieu  du  vie  siècle?  Rappelons-nous  le  rôle  joué  par  l'ad- 
versaire des  Sévériens,  le  Syrien  Aptischo,  du  couvent  de  Sarepa.  —  (Ter- 
Minassiantz  (180)  essaye  d'identifier  Sarepa  avec  Der-Scharba,  près  de 
Midjat  au  nord  de  Nisibe,  d'après  la  carte  de  la  Syrie  et  de  la  Mésopota- 
mie de  R.  Kiepert,  faisant  suite  au  voyage  de  Max  V.  Oppenheim,  Vom 
Mittehneer  zumpersischen  golf,  1899:  peut-être  voudrait-il  mieux  chercher 
Sarepa  non  loin  de  la  région  de  Sassoun,  car  Photius  semble  indiquer  que 
le  Syrien  Aptischo  résidait  là,  «  Sassane  »,  Lettre  à  Zacharie,  Migne,  Cil, 
706). 

Dès  le  milieu  du  vie  siècle,  en  effet,  les  preuves  de  relations  entre  cer- 
tains groupes  d'Arméniens  et  de  Julianistes  syriens  se  multiplient  :  c"est 
d'abord  un  certain  Dada,  disciple  de  Julien,  qui  vient  dans  l'Arzanène  et 
dans  l'Arménie,  vers  le  temps  du  patriarche  Théodose  d'Alexandrie,  535- 
556,  et  gagne  à  sa  doctrine  72  évêques  arméniens?  (Michel,  1.  IX,  c.  31, 
32,  p.  266,  268)  ;  ailleurs,  ce  sont  les  habitants  du  mont  Sassoun,  qui  se 
disent  Grégoriens  (Michel,  1.  XI,  c.  20,  p.  493)  ;  ce  sont  encore  les  moi- 
nes de  Bar-Igra,  non  loin  de  Sassoun,  dans  la  région  de  Meiafarkin  (Ne- 
phergherd),  qui,  leur  évêque  mort,  présentent  au  catholicos  arménien  le 
sujet  qu'ils  ont  choisi  pour  l'épiscopat  et  disent  au  consécrateur  .-Notre 
foi  est  celle  de  Grégoire  :  curieux  témoignage,  d'où  il  ne  faudrait  pour- 
tant pas  conclure  à  une  identité  de  foi  entre  ces  Syriens  et  les  vrais 
disciples  de  saint  Grégoire  (cf.  Chosrowik,  Œuvres,  Etschmiadzin,  1903, 
-p.  155). 

Confrères  ou  non  d'Aptischo,  toujours  est-il  que  ces  Syriens  professaient 
à  peu  près  le  même  monophysisme  mitigé.  Un  prêtre  de  la  région  de  Mai- 
pherkat,  nommé  Barhadbeschaba,  les  dénonça  comme  Julianistes  à  Jean 
Otznetsi.  Gabriel,  l'un  des  moines  incriminés,  répondit  au  catholicos  que 
les  Syriens,  dont  lui  et  ses  confrères  s'étaient  détachés,  suivaient  la  doc- 
trine de  Sévère  et  de  Jacques  Baradée  et  attribuaient  au  Christ  un  corps 
corruptible.  Les  Arméniens,  entendant  par  ce  mot  la  dissolution  du  corps 
qui  suit  naturellement  la  mort,  en  furent  scandalisés.  D'autre  part,  le  pa- 
triarche syrien  Athanase  (724-740)  et  Jean  Otznetsi  n'ignoraient  pas  les  di- 


LES    117    ACCUSATIONS  CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  361 

vergences  dogmatiques  et.  disciplinaires  qui  mettaient  souvent  aux  prises 
les  polémistes  syriens  et  arméniens  :  un  peu  auparavant,  en  effet,  Geor- 
ges, évêque  des  Arabes  (f  724),  répondait  à  neuf  questions  du  prêtre  sy- 
rien Jeschoua;  de  ces  réponses,  trois  visaient  précisément  les  objections 
faites  au  prêtre  syrien  par  un  Arménien.  Celui-ci  avait  soutenu  qu'on  ne 
pouvait  ni  mêler  do  l'eau  avec  le  vin  du  saint  Sacrifice,  ni  placer  des  ima- 
ges dans  les  églises  et  que,  sauf  les  prêtres,  les  diacres  et  les  enfants,  nul 
ne  devait  communier,  en  dehors  de  la  fête  de  la  Résurrection.  Sur  Ges 
points,  l'Arménien  prétendait  faire  appel  à  l'autorité  de  Grégoire  :  Mais 
l'évêque  Georges  lui  répondait,  non  sans  à-propos  :  «  Employer  du  vin  pur 
dans  le  saint  Sacrifice  ou  le  mélanger  de  quelques  gouttes  d'eau,  ce  n'est 
point  une  condition  essentielle  pour  être  orthodoxe;  au  reste,  Grégoire 
n'a  point  prescrit  de  ne  point  mêler  quelques  gouttes  d'eau  avec  le  vin 
destiné  au  saint  Sacrifice;  il  n'a  point  ordonné  aux  adultes  de  ne  commu- 
nier qu'à  Pâques,  il  n'a  pas  interdit  d'exposer  les  saintes  images  dans  les 
églises  :  eut-il  donné  de  tels  ordres,  son  autorité  ne  saurait  prévaloir  sur 
celle  des  saints  apôtres,  qui  ont  transmis  aux  quatre  patriarcats  l'usage 
de  verser  un  peu  d'eau  dans  le  vin  ».  Lagarde,  Analecta  syriaca,  Londres, 
1858,  p.  122-128;  trad.  allem.  par  Ryssel,  Theol.  Slud.  und  Kritik.,  1883, 
p.  339-355,  et  Georgs  des  Arab.  bisch...  Briefe  ("Leipzig,  1891,  p.  54-58). 

Désireux  d'apaiser  ces  conflits  et  de  négocier  un  accord  entre  les  deux 
communautés,  le  patriarche  et  le  catholicos  projetèrent  de  réunir  un  sy- 
node à  Arzon  (Ardzn).  Mais  Sempad,  curopalate  et  asbed  d'Arménie,  était 
partisan  déclaré  du  concile  de  Chalcédoine  ;  on  ne  put  obtenir  de  lui  l'au- 
torisation d'assembler  le  synode  à  Ardzn,  et  à  son  défaut,  on  choisit  Ma- 
nazgherd  comme  lieu  du  rendez-vous  (726).  Athanase  envoya  sixévèques  : 
Constantin  d'Édesse,  Simon  de  Harran,  Théodore  de  Germanicia,  Athanase 
de  Maipherkat,  Simon  de  Dara,  Théodore  d'Amasia  (?).  Ce  dernier  nom 
est  seulement  dans  le  livre  des  Épîtres  (p.  224;  voir  Michel,  XI,  c.  20, 
p.  457-461).  L'Église  arménienne  était  représentée  par  le  catholicos  et  une 
trentaine  d'évêques  ou  de  docteurs  (voir,  pour  l'identification  des  noms, 
Ter-Minassiantz,  p.  186-189,  et  Michel,  éd.  cit.).  La  lettre  synodale,  après 
avoir  mentionné  leur  nom  et  leur  pays,  déclare  que  les  membres  armé- 
niens du  synode  souscrivent  à  la  formule  de  foi  envoyée  par  Athanase, 
formule  qui  avait  laissé  dans  le  vague  les  divergences  entre  les  deux 
Églises.  Puis,  à  leur  tour,  les  Arméniens  exposent  leur  profession  de 
foi. 

IL  Doctrine  du  synode.  —  Cette  profession  de  foi  est  catholique  au  su- 
jet de  la  Trinité,  sauf  qu'on  déclare  le  Père  source  du  Saint-Esprit  par 
émanation  ou  procession,  sans  affirmer  ou  nier  que  le  Fils  so.it  co-principe 
de  cette  procession.  Presque  tout  l'exposé  du  mystère  de  l'Incarnation  est 
pleinement  d'accord  avec  la  foi  catholique  :  «  Le  Verbe  Dieu  est  devenu, 
dans  le  sein  delà  Vierge  Marie,  homme  parfait;  c'est-à-dire  qu'il  a  pris 
de  notre  race  son  corps,  son  âme,  son  esprit,  sans  subir  aucun  chan- 
gement»... Marie  est  mère  de  Dieu;  car  Celui  qui  est  né  d'elle  est  vrai 
Dieu,  qui  s'est  hypostatiquernent  uni  avec  la  chair  et  s'est  fait  homme  ;  le 
même  est  à  la  fois  divinement  et  humainement  un  seul  Fils,  un  seul  Sei- 


362  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

gneur,  une  seule  hypostase,  une  seule  nature  du  Verbe  Dieu  Incarnée  ». 
C'est  l'expression  de  Cyrille  aeaapxw[jiév7),  qui  fait  disparaître  l'équivoque 
laissée  par  le  terme  d'une  seule  nature  et  permet  de  traduire  toute  la  locu- 
tion par  «  une  personne  (subsistence)  ayant  deux  natures  »  ou  par  «  deux 
natures  subsistant  dans  une  seule  personne  ».  La  profession  de  foi  conti- 
nuait ainsi  :  «  Nous  confessons  que  le  même  Verbe  Dieu  qui  a  fait  dos 
miracles  comme  Dieu,  a  éprouvé  aussi  les  infirmités  humaines  comme 
homme;  car  c'est  le  même  qui  est  Dieu  parfait  et  homme  parfait...  Il  a 
souffert,  est  mort  réellement  dans  un  corps  passible,  Lui  qui  par  sa  na- 
ture, en  tant  que  Dieu,  était  au-dessus  de  la  souffrance.  » 

Qu'on  rapproche  cet  exposé  des  passades  suivants  de  la  Lettre  de  Léon 
le  Grand  à  Flavien,  regardée,  en  cette  matière,  comme  le  critérium  de  l'or- 
thodoxie :  «  Sans  aucun  détriment,  dit-il,  pour  les  propriétés  de  l'une  et 
l'autre  nature,  unies  en  une  seule  personne,  l'humilité  a  été  prise  par  la  ma- 
jesté, l'infirmité  par  la  force,  la  mortalité  par  l'éternité;  et  pour  payer  la  dette 
de  notre  condition,  la  nature  inviolable  a  été  unie  à  notre  nature  passible, 
afin  que,  portant  le  remède  assorti  à  nos  maux,  un  seul  et  même  Média- 
teur  de  Dieu  et  des  hommes,  le  Christ  Jésus  (fait)  homme,  pût  mourir  par 
l'un  (selon  une  nature)  et  ne  pût  pas  mourir  par  l'autre  (selon  l'autre  na- 
ture)... Le  Dieu  impassible  n'a  pas  dédaigné  d'être  un  homme  souffrant, 
l'immortel  de  se  soumettre  à  la  mort...  Chaque  forme  (nature)  en  union 
avec  l'autre,  fait  ce  qui  lui  est  propre,  le  Verbe  (la  nature  divine  subsis- 
tante) accomplissant  ce  qui  est  du  Verbe;  la  chair  (c'est-à-dire  la  nature  hu- 
maine assumée  et  régie  par  la  personne  du  Verbe  comme  un  instrument 
qui  lui  est  uni,  qui  ne  s'appartient  pas  et  n'a  jamais  eu,  en  fait,  l'indépen- 
dance, la  «  coinplétude  »  essentielle  à  la  personne),  la  chair  accomplis- 
sant ce  qui  est  de  la  chair  :  l'un  (le  principe  d'activité  incréée,  la  nature 
divine  subsistant  dans  le  Verbe)  fait  éclater  sa  puissance  par  les  miracles  ; 
l'autre  (le  principe  d'activité  humaine,  qui  ne  s'appartient  pas,  n'a  pas  sa 
subsistence  propre)  succombe  sous  les  outrages...  car  II  est  le  même  (une 
seule  personne)  vraiment  Fils  de  Dieu  et  vraiment  fils  de  l'homme.  »  — 
«  Salva  igitur  proprietate  utriusque  naturee,  et  in  unara  coeunte  personam, 
suscepta  est  a  majestate  humilitas,  a  virtute  infirmitas,  ab  seternitate  mor- 
talités; et  ad  resolvendum  conditionis  nostrœ  debitum,  natura  inviolabilis 
naturœ  est  unita  passibili,  ut  quod  nostris  remediis  congruebat,  unus  at- 
queidem  mediator  Dei  et  hominum,  homo  Christus  Jésus,  et  mori  posset 
ex  uno,  et  mori  non  posset  ex  altero...  Impassibilis  Deus  non,  dedignatus 
est  esse  homo  passibilis;  et  immortalis,  mortis  legibus  subjacere...  Agit 
enim  utraque  forma  cum  alterius  communione,  quodproprium  est;  Verbo 
scilicet  opérante  quod  proprium  est  Verbi  et  carne  exsequente  quod  car- 
nis  est  :  unum  horum  coruscat  miraculis,  aliud  succumbit  injuriis...  Unus 
enim,  idemque  est  (quod  saepe  dicendum  est)  vere  Dei  Filius,  et  vere 
hominis  filius...  » 

Les  dix  anathèmes  joints  à  la  profession  de  foi  du  synode  de  Manaz- 
gherd  en  corroborent  la  doctrine  :  «  Quiconque  ne  confesse  pas  que  le 
Christ  a  enduré  dans  son  corps  humain  toutes  les  souffrances  humaines, 
hormis  le  péché,  mais  déclare  que  la  divinité  a  été  sujette  aux  souffrances, 


LES    117    ACCUSATIONS   CONTRE    LES   ARMÉNIENS.  'AC)'.\ 

ou  affirme  que  son  corps  n'a  point  participé  aux"  passions  (souffrances) 
humaines,  mais  pense  qu'un  corps  corruptible  les  a  endurées  (ce  dernier 
membre  de  phrase  manque  dans  le  texte  arménien),  qu'il  soit  anathème  » 
(Anath.  VIII).  «  Quiconque  ne  confesse  pas  que  le  Christ  a  subi  les  pas- 
sions (enduré  les  souffrances)  d'une  manière  incorruptible  (et  volontiers, 
gamau,  d'après  le  texte  arménien)  ou  regarde  ses  souffrances  (sa  passion) 
comme  une  corruption,  dans  un  sens  autre  que  celui  employé  par  les 
prophètes,  les  apôtres  et  les  Pères  orthodoxes,  qu'il  soit  anathème  » 
(Anath.  IX).  —  Par  contre,  la  Lettre  synodale,  après  avoir  déclaré  qu'il 
n'y  a  qu'un  Fils,  un  Seigneur,  une  Hypostase,  proclame  une  nature 
mais  une  nature  du  Verbe  incarnée,  asaapy.o:>[j.évrJ.  Cette  dernière  expression, 
nous  l'avons  déjà  dit,  peut  lever  l'équivoque  des  deux  premiers  termes 
(Ma  oùatç,  et  laisser  entendre  que  nature  (çuotç)  exprime  ici  ou  Y  hypostase, 
la  personne  unique  du  Christ,  ou  bien  la  nature  divine  subsistant  avec 
la  nature  humaine  dans  l'unité  d'une  même  personne,  celle  du  Verbe. 

Il  est  vrai  que  le  quatrième  anathème  contient  les  expressions  suivantes 
qui,  de  prime  abord,  semblent  bien  teintées  de  monophysisme  :  «  Si  quel- 
qu'un ne  dit  pas  que  cette  unique  nature  de  la  divinité  et  de  l'humanité, 
c'est-à-dire  du  Christ,  qui  a  été  formé  de  la  divinité  et  de  l'humanité,  est 
unie  dans  une  union  sublime,  ineffable,  sans  mélange,  sans  division, 
sans  confusion,  qu'il  soit  anathème  ».  Sans  doute,  la  première  partie  de 
cette  formule  est  suspecte  ;  mais  il  semble  aussi  que  la  seconde  partie  de 
cet  anathème  soit,  au  contraire,  en  contradiction  avec  la  première  et 
incompatible  avec  un  réel  monophysisme;  car  cette  union  de  la  di- 
vinité et  de  l'humanité  qui  se  fait  sans  mélange,  ni  fusion,  et  pourtant 
sans  division,  peut-on  l'appeler  autrement  qu'une  union  hypostatique, 
terme  consacré  par  l'enseignement  catholique  ?  —  Le  texte  arménien  peut 
s'interpréter  de  la  même  manière  et  plus  facilement,  peut-être,  que  le 
texte  précédent,  traduit  du  texte  syriaque  de  Michel.  Voici  le  sens  du 
texte  arménien  :  «  Si  quelqu'un  ne  reconnaît  pas  que  Dieu  le  Verbe  In- 
carné (qui  est  formé  ou  composé)  de  l'humanité  et  de  la  divinité,  est  une 
seule  nature  après  l'union  ineffable  dans  la  divinité,  mais  (estime)  ou 
que,  selon  sa  nature  (par  sa  seule  nature  divine),  ou  par  confusion,  ou 
par  altération,  il  (le  Verbe-Dieu  Incarné)  est  une  nature,  que  celui-là  soit 
anathème  ».  (Voir  Remarque  30,  au  sujet  de  Samuel  d'Ani  par  Ter-Mike- 
lian,  Etschm.,  1893,  p.  287;  Ter-Minassiantz,  p.  193). 

Quoi  qu'en  dise  le  docte  Minassiantz  (p.  76),  il  ne  semble  pas  davantage 
que  le  docétisme  de  Julien  d'Halicarnasse  soit  reproduit  dans  le  canon  VI, 
dont  voici  la  teneur  :  «  Si  quelqu'un  ne  confesse  pas  que  le  corps  du 
Christ  était,  dès  sa  naissance  de  la  Vierge,  incorruptible  à  jamais,  non 
point  par  nature,  mais  d'après  l'ineffable  union  (ouotch  esd  pnouthiéan, 
ail  esd  andjarr  Miaaourouthéian),  et  s'il  pense  au  contraire  que,  jusqu'à  la 
résurrection,  ce  corps  fut  corruptible,  non  glorieux  et  non  parfait,  et  qu'a- 
près la  résurrection  il  est  devenu  incorruptible  et  glorieux  dans  un  sens 
autre  que  celui  des  Apôtres  et  des  Pères,  que  celui-là  soit  anathème.  »  — 
Pour  apercevoir  nettement  dans  ces  paroles  la  doctrine  de  l'incorrupticole 
Julien,  il  faudrait  d'abord  être  sur  du  sens  exact  que  présentait  la  pensée 


364  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

ondoyante  de  ce  dernier;  la  doctrine  de  Julien,  comme  celle  de  plusieurs 
monophysites,  et  surtout  de  demi-monophysites,  se  dérobait  le  plus  sou- 
vent sous  le  vague  des  expressions.  Contentons-nous  donc  de  considérer 
en  elle-même  la  doctrine  qui  ressort  de  l'anathème  VI  :  à  vrai  dire  la  for- 
mule employée  se  prête  presque  également  à  une  interprétation  demi- 
monophysite  et  aune  interprétation  orthodoxe.  On  pourrait  l'entendre,  en 
effet,  en  ce  sens  que  le  Verbe,  après  s'être  uni  son  corps,  n'aurait  souffert, 
dans  celui-ci,  ni  la  faim,  ni  les  tourments  :  Ainsi  comprise,  la  déclaration 
de  Jean  Otznetsi  rappellerait  vraisemblablement  celle  de  Julien  ;car  Julien 
paraît  avoir  admis  l'impassibilité  du  corps  du  Christ  après  l'union,  pour 
n'être  point  obligé  d'admettre  en  la  personne  du  Christ  deux  natures. 
Mais  il  ne  nous  semble  pas  que  telle  ait  été  la  pensée  des  Arméniens  réu- 
nis à  Manazgherd.  Voici  sur  quoi  se  base  notre  opinion  :  Cette  doctrine 
monophysite,  qui  dote  le  corps  du  Christ  d'une  absolue  impassibilité  après 
l'incarnation,  paraît  précisément  exclue  par  les  canons  que  nous  avons 
mentionnés.  Il  y  a  plus  :  les  canons  II  et  III  sont  en  réalité  plus  favora- 
bles au  corrupticole  Sévère  qu'à  rincorrupticole  Julien  ;  on  condamne, 
en  effet,  ceux  qui  affirment  que  le  Christ  s'est  uni  un  corps  non  réel,  ou 
même  un  corps  semblable  à  celui  d'Adam  avant  le  péché,  corps  immortel, 
impeccable,  incorruptible.  —  De  là,  serait-il  téméraire  de  conclure  que  la 
doctrine  contenue  dans  le  canon  VI  se  rapproche  moins  de  la  doctrine 
des  monophysites  que  de  celle  des  catholiques,  dont  elle  ne  diffère  que 
par  quelques  termes  équivoques  provenant  de  certains  malentendus? 

La  doctrine  des  Pères  de  l'Eglise  en  effet,  ou,  si  l'on  veut,  la  doctrine 
de  l'Eglise  catholique  est  celle-ci  :  I,  Le  corps  du  Christ,  en  lui-même, 
abstraction  faite  de  son  union  avec  le  Verbe-Dieu,  était  passible,  mortel, 
corruptible;  II,  en  vertu  de  l'union  hypostatique,  le  corps  du  Christ  est 
devenu,  en  droit,  inaccessible  à  toutes  les  infirmités;  III,  mais  le  Christ 
a  soumis  librement  son  corps  à  la  souffrance,  à  la  mort,  tout  en  le  gar- 
dant à  l'abri  de  la  maladie  proprement  dite  et  de  la  corruption,  c'est-à- 
dire  de  la  décomposition. 

Le  septième  anathème  se  prête  aussi,  à  la  rigueur,  à  une  interpréta- 
tion orthodoxe  :  «  Quiconque  ne  reconnaît  pas  que  le  corps  réel  du  Christ 
(en  arménien  :  du  Seigneur)  est,  par  nature,  passible  et  mortel,  tandis 
qu'il  est  impassible  et  immortel,  en  tant  qu'il  est  Dieu  (dans  le  texte  ar- 
ménien :  en  tant  qu'il  est  Verbe  par  l'union);  mais  dit  qu'il  (le  corps  du 
Seigneur)  est  passible  et  mortel  dans  la  nature  divine,  et  impassible  et. 
immortel  selon  là  nature  humaine,  qu'il  soit  condamné.  »  —  Puisque  les 
auteurs  de  cette  déclaration  n'admettent  aucune  altération,  ni  dans  le 
Verbe,  ni  dans  le  corps  qu'il  s'unit,  ne  pourrait-on  pas  dire  que  cette 
expression  vraiment  étrange  :  le  corps  réel  en  tant  qu'il  est  Dieu,  n'exclut 
pas,  d'une  façon  absolue,  tout  sens  catholique?  Pour  lui  enlever  toute 
saveur  hérétique,  il  suffit  de  regarder  le  terme  de  corps  comme  un  nom 
concret  aussi  bien  que  celui  de  Dieu  :  si  Dieu  le  Verbe,  selon  l'expression 
de  saint  Jean,  est  devenu  chair,  la  chair  est  aussi  devenue  Dieu,  ou 
comme  l'indique  le  texte  arménien,  la  chair,  par  son  union  avec  une  per- 
sonne divine,  est  devenue  nature  de  Dieu. 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  3G5 

Enfin,  dira-t-on  que  les  auteurs  des  décrets  de  Manazgherd  sont  claire- 
ment monophysites,  par  cette  raison  qu'ils  se  réclament  des  conciles  de 
Nicée,  de  Constantïnople  et  d'Éphèse,  et  ne  mentionnent  pas  celui  de 
Ohalcédoine?  Mais,  si  suspect  que  soit  ce  silence,  il  n'équivaut  pas  à  une 
condamnation  formelle  :  nulle  part,  en  effet,  les  Chalcédoniens  ne  sont 
expressément  désignés,  tandis  que  le  phthartodocétisme  attribué  à  Sévère, 
et  l'aphthartodocétisme  attribué  à  Julien,  sont  plusieurs  fois  condamnés. 
(Voir  aussi  les  œuvres  de  Jean  Otznetsi,  Venise,  1833,  Discours  contre  les 
Phantasiastes,  p.  48-80;  et  la  polémique  du  maître  de  Jean  Otznetsi,  Théo- 
dore Ketnavor,  contre  le  moine  arménien  Mairagometsi,  qui  était,  il  est 
vrai,  un  Julianiste  extrême;  cette  pièce  est  imprimée  à  la  suite  des  écrits 
d'Otznetsi,  pp.  147-158). 

Peut-être  achèverait-on  d'écarter  de  Jean  Otznetsi  tout  soupçon  d'hé- 
résie, si  on  prouvait  son  identité  avec  le  savant  dyophysite  arménien  Jean 
le  philosophe,  loué  par  Nersès  le  Gracieux,  à  la  fin  de  sa  première  confé- 
rence avec  Théorianos,  et  par  Nersès  de  Lampron,  dans  son  discours  sy- 
nodal (p.  94)  prononcé  au  concile  œcuménique  de  Tarse  en  1196  (et  non 
en  1179,  comme  l'a  cru  le  P.  Aucher,  Oraz.  sin<»l,  Venise,  1812,  p.  169, 
note  1).  Ce  personnage  n'est  point  Vahan,  comme  le  croit  à  tort  Lequien 
(I,  1394,  n.  LVIII);  ce  n'est  pas  non  plus  Jean  Mantagouni,  puisque  Nersès 
de  Lampron  mentionne  ce  dernier  avant  Jean  le  Philosophe.  Voilà  de  sé- 
rieux indices  qui  nous  inclinent  à  croire  que  Jean  le  Philosophe,  le  dyo- 
physite, dont  les  deux  Nersès  proclament  l'orthodoxie,  n'est  autre  que 
Jean  Otznetsi. 

Susceptibles  d'une  interprétation  catholique,  les  décrets  de  Manazgherd 
gardent  néanmoins  une  couleur  quelque  peu  suspecte.  Encore  plus  sus- 
pectes sont  les  déclarations  de  Jean  Otznetsi,  rapportées  par  Galano  : 
«  Anathème  à  ceux  qui  ne  reconnaissent  pas  au  Christ  une  nature  unique 
et  immortelle  {mi  pnoulhioun  anmah),  ou  lui  attribuaient  une  nature  cor- 
ruptible et  passible  (mahganatzou  iev  tchartcharéli)  ou  établissaient  quel- 
que distinction  entre  la  nature  et  la  personne  »  (Galano,  pars  II,  t.  I, 
p.  78,  79).  Mais  ces  expressions  ne  sont  pas  entièrement  conformes  aux 
anathèmes  de  Manazgherd,  tels  que  le  rapporte  Michel  le  Syrien.  S'il  fal- 
lait donc  apprécier  du  point  de  vue  dogmatique  les  décrets  de  Manaz- 
gherd, nous  serions  moins  sévères  que  Galano.  Il  faut,  croyons-nous,  se 
garder  également  contre  deux  jugements  extrêmes;  ne  rangeons  pas 
l'auteur  des  décrets  de  Manazgherd  parmi  les  catholiques  avérés  ;  mais 
défions-nous  encore  plus  des  auteurs  grégoriens  qui  font  de  Jean  Otznetsi 
un  tenant  du  monophysisme.  C'est  dire  qu'on  ne  peut,  par  exemple,  ac- 
cepter sans  réserves  le  résumé  suivant  des  actes  de  Manazgherd  :  «  Par 
l'ordre  du  chef  des  émirs,  et  du  consentement  du  khalife  de  Bagdad, 
Jean  III  le  Philosophe  réunit  à  Manazgherd  un  concile,  auquel  assistè- 
rent six  évêques  syriens,  et  qui  posa  unanimement  pour  règle  de  con- 
fesser une  seule  nature,  une  seule  volonté  et  une  seule  opération  chez  le 
Christ  ;  il  défendit  l'emploi  de  l'eau  dans  le  mystère  de  la  messe,  prescri- 
vit de  rompre  le  jeûne  du  carême  le  jour  du  grand  samedi,  de  ne  point 
donner  la  communion  au  peuple  le  jour  du  grand  jeudi,  tout  en   disant 


366  REVUE    DE    L'ORIENT  CHRÉTIEN. 

d'offrir  le  sacrifice,  quand  le  Seigneur  n'est  ni  crucifié,  ni  ressuscité , 
enfin,  il  permit  l'usage  du  poisson,  de  l'huile,  du  vin,  de  la  soupe,  du  fro- 
mage, des  œufs  »  (Samuel  d'Ani,  trad.  Brosset,  p.  412,  add.  P.  ;  Guiragos, 
p.  36,  n.  1).  11  nous  semble  cpie  si  Jean  Otznetsi  avait  ouvertement  con- 
damné le  concile  de  Chalcédoine  et  posé  en  règle  la  doctrine  d'une  seule 
nature,  le  catholicos  Jean  VI,  dont  on  connaît  les  préventions  contre  le 
concile  de  Chalcédoine,  aurait  loué  le  concile  de  Manazgherd  au  lieu  de  le 
passer  sous  silence  (c.  XIII);  d'ailleurs  on  ne  voit  guère  de  place  pour  un 
franc  monophysisme  chez  un  homme  qui  a  également  condamné  les  Ju- 
lianistes  et  les  Sévériens.  Aussi,  n'y  aurait-il  rien  de  bien  surprenant  si 
les  vues  séparatistes  qui  prévalurent,  à  Manazgherd  s'expliquaient  beau- 
coup moins  par  des  divergences  dogmatiques  avec  les  Chaleédoniens,  que 
par  des  causes  d'ordre  politique. 

III.  —  C'est  en  effet,  dans  la  situation  politique  de  l'Arménie,  sous  la  do- 
mination des  Omiades,  qu'il  faut  chercher  un  supplément  de  lumière  pour 
s'expliquer  lu  scission  de  Jean  Otznetsi.  Rappelons-nous  que  les  gouver- 
nants de  tous  pays,  mais  particulièrement  en  Orient,  se  sont  montrés 
d'ordinaire  fort  jaloux  de  trancher  n'importe  quels  liens  de  dépendance 
même  religieuse,  unissant  leurs  sujets  à  quelque  chef  religieux  de  natio- 
nalité étrangère.  A  cet  égard,  la  politique  des  Perses,  des  Arabes  et  des 
Turcs  n'a  guère  varié.  Quand  Nersès  II,  raconte  Photius,  eut  rompu  avec 
les  Grecs,  alors  unis  avec  les  Latins,  Kbosroès  le  récompensa  en  le  nom- 
mant le  père  adoptif  de  l'un  de  ses  hls,  et  en  lui  confiant,  ainsi  qu'aux 
évêques  de  son  parti,  l'administration  des  impôts  de  l'Arménie  persane 
(Mai,  Spicil.  Rom.,  X,  II,  450;  Migne,  P.  G.  Cil,  703-718,  surtout  p.  705 
706,  n.  3;.  Si  l'on  en  croit  le  même  auteur,  l'octroi  aux  évêques  de  ces 
privilèges,  ordinairement  réservés  aux  seigneurs  arméniens,  aurait  excité 
la  jalousie  de  ces  derniers  et  fourni  à  Vartan  II  un  nouveau  motif  pour 
se  révolter  contre  Sourên.  On  sait  qu'à  la  suite  de  cette  révolte  Vartan  et 
le  catholicos  Jean  se  réfugièrent  à  Constantinople,  où  ils  souscrivirent  a 
l'acte  d'union  religieuse.  Malgré  quelques  erreurs  de  date,  le  récit  de  Pho- 
tius, quant  au  fond,  paraît  exact.  —  Sous  la  domination  arabe,  les  Armé- 
niens furent  encore  plus  tenus  à  l'écart  de  la  religion  catholique.  Irrités 
d'une  opposition  religieuse,  dictée  d'ordinaire  par  le  souci  de  défendre  le 
rite  arménien  ou  par  les  préoccupations  moins  louables  des  intérêts  po- 
litiques, les  Grecs  reprochèrent  amèrement  à  leurs  voisins  d'Orient  un 
prétendu  «  manque  de  droiture  et  de  franchise  »  (où-/  à-Xouv  yévoç  EÙpca/.w 
xouç  'Apusvi'ou;,  àXXà  Xt'av  xpu;ïx6v  te  -/.où  u»7]Xov...  tout'  Ictt'iv  où/.  âpOou;  v.oà  cpavspoiSç  ; 
Grég.  de  Nazianze,  Discours  autrefois  XX,  auj.  XL1II,  n.  17,  p.  783,  éd. 
clém.,  Migne,  P.  G.,  t.  XXXVI,  p.  517;  Isaac,  A6yoç  aTr^tTEUTtxoç,  Combéfis, 
Auct.  Bihl.  PP.  II,  318;  Gall.  Bibl.  PP.  XIV,  411  ;  Hist.  Pol.  et  Bel  ,  247. 
note).  11  est  vrai  que,  lorsqu'un  saint  personnage,  à  l'exemple  de  Grégoire 
de  Nazianze,  récriminait  ainsi  contre  les  Arméniens,  il  ne  manquait  pas 
d'ajouter,  çà  et  là,  des  correctifs,  et  de  convenir,  avec  l'illustre  docteur, 
que  l'Arménie  était  aussi  une  terre  fertile  en  hommes  excellents  et  en 
vierges  (Greg.  Naz.  Carmin.  1.  II,  hist.  vers  278  et  suiv.,  /'.  G.,  XXXVII, 
1471).  Mais  tous  les  polémistes  grecs   n'adoucissaient  pas  toujours  leurs 


LES    117   ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  3(37 

rigueurs  par  ces  retours  de  bienveillance.  De  là,  les  défiances  et  les  irri- 
tations des  chefs  de  l'Arménie.  Témoins  des  empiétements  incessants 
(pie  les  Grecs  tentaient  sur  le  domaine  religieux  de  leurs  voisins,  ils  s'i- 
maginaient, à  tort  ou  à  raison,  (prune  complète  séparation  était  le  seul 
moyen  de  garantir  leur  rite,  leur  langue,  leur  nationalité;  et  ils  deve- 
naient aussi  obstinés  qu'ingénieux  à  maintenir  le  mur,  fragile  en  soi,  qui 
séparait  leur  nation  du  catholicisme. 

Mais,  plus  encore  que  ce  souci  d'indépendance  religieuse  à  l'égard  des 
chrétientés  catholiques,  la  politique  arabe  tour  à  tour  caressante  et  tyran- 
nique  acheva  de  retenir  les  Arméniens  dans  leur  isolement.  Sous  les 
Omiades,  prévalut  une  politique  modérée,  attentive  à  rattacher  à  leur 
trône,  encore  plus  par  la  persuasion  que  par  la  force,  les  nations  nou- 
vellement soumises  (Michel,  XI,  17,  vers  la  fin). 

Ijad  ibn  Ghanm,  Habib  ibn  Maslama  et  les  autres  premiers  conquérants 
arabes  de  l'Arménie  avaient  seulement  exigé  de  chaque  famille  un  dinar 
comme  tribut  annuel  (Tabari,  1,  2506).  Tout  au  plus,  imposèrent-ils,  en 
sus,  à  leurs  tributaires  chrétiens  d'assister  de  leurs  conseils  les  musul- 
mans, de  les  faire  guider  en  voyage  jusqu'au  poste  voisin,  de  les  héber- 
ger pendant  une  nuit,  et  de  leur  servir  les  aliments  autorisés  par  le 
Coran  (Belàdouri,  200).  Moawiah,  dans  son  traité  avec  Théodore  Rech- 
douni,  avait  exempté  les  Arméniens  de  tout  tribut  pour  trois  ans  au  moins 
(Sebêos,  138);  devenu  khalife,  il  n'exigea  de  l'Arménie  qu'un  impôt  insi- 
gnifiant de  500  tahégans.  Encore,  ceux  qui  portèrent  les  armes  en  faveur 
des  Arabes  furent-ils  affranchis  de  l'impôt,  soit  personnel,  soit  foncier. 
Plus  tard,  le  tribut  fut  un  peu  accru,  mais  pendant  assez  longtemps  il 
resta  modéré.  Sur  ce  point,  il  y  a  parfait  accord  entre  les  historiens  arabes 
et  les  historiens  arméniens  :  «  Les  Arabes,  dit  Samuel  d'Ani,  exigeaient 
de  chaque  maison  quatre  dirhems  ,  trois  boisseaux  de  froment,  un  sac 
à  mettre  sur  le  cheval,  une  corde  de  crins  et  un  gant;  mais  les  prêtres, 
les  nobles  et  les  cavaliers  étaient  exempts  de  cet  impôt  (p.  404-405).  D'a- 
près l'une  des  clauses  du  traité  conclu  entre  Moawiah  et  Théodore  Rech- 
douni,  celui-ci  avait  le  droit  d'entretenir  15.100  soldats,  de  les  com- 
mander ou  de  les  confier  à  un  chef  désigné  par  lui.  Le  traitement  de 
ces  soldats  fut  d'abord  payé  par  les  indigènes;  mais  le  montant  fut 
défalqué  du  compte  des  impôts  auxquels  était  soumise  l'Arménie.  Un 
peu  plus  tard,  la  solde  des  soldats  fut  prise  sur  la  caisse  de  l'Etat.  La  ca- 
valerie recevait  à  peu  près  100.000  tahégans  ou  100.000  dirhems.  On 
sait  en  effet  que  le  payement  des  cavaliers  ayant  été  suspendu  pendan 
trois  ans,  le  fils  de  Vassag  Pakradoui,  Aschod,  nommé  ischkhan  d'Armé- 
nie par  le  gouverneur  général  Mervan,  fils  de  Mohammed,  se  rendit 
auprès  du  khalife  Hescham  et  en  obtint  l'arriéré  des  sommes  dues  à  son 
armée,  arriéré  qui  s'élevait  alors  à  300.000  pièces  et  équivalait  cà  300.000 
francs  de  notre  monnaie  ;  jusqu'à  la  fin  du  règne  d'Hescham,  le  traitement 
fut  régulièrement  payé.  C'est  seulement  sous  les  Abbasides,  que  les 
princes  arméniens  devaient  équiper  leurs  soldats  et  faire  la  guerre  à  leurs 
frais  (Ghevond,  trad.  Chahn.,  c.  vin,  p.  111  et  125). 

Les  Omiades  se   piquèrent  d'être  aussi  tolérants  au   point  de   vue  reli- 


3(38  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

gieux  qu'au  point  de  vue  politique.  Ils  affectèrent  d'intervenir  moins  di- 
rectement que  les  Grecs  dans  les  affaires  ecclésiastiques  de  leurs  sujets 
chrétiens  :  il  leur  suffisait  que  les  Arméniens,  par  exemple,  fussent  séparés 
des  autres  chrétiens  placés  hors  des  frontières  de  l'empire  arabe  ;  quant 
aux  questions  de  foi  religieuse,  de  discipline,  de  liturgie,  les  Omiades 
déclaraient  en  regarder  le  domaine  comme  inviolable.  Sans  doute,  ces 
belles  paroles  contrastèrent  parfois  avec  certains  actes  de  violence  contre 
les  Arméniens,  leurs  prêtres,  leurs  religieux  ;  il  y  eut  même  quelques 
courtes  périodes  de  persécution.  Mais,  dans  la  plupart  de  ces  cas,  les 
Arabes  prétendaient  user  simplement  de  représailles  envers  des  sujets 
révoltés.  —  Ces  conflits  s'expliquent  sans  qu'on  soit  autorisé  à  nier  ce 
que  nous  venons  de  dire.  Encore  qu'ils  souffrissent  alors  plus  volontiers 
le  joug  arabe  que  le  joug  grec,  la  plupart  des  princes  arméniens  préfé- 
raient sans  doute  l'affranchissement  de  toute  subordination.  Le  khalife 
mettait  fréquemment  à  la  tête  des  Arméniens  un  chef  de  leur  sang  nommé 
ischkhan  ou  prince,  werakazou  ou  gouverneur,  hramanatar  ou  comman- 
dant. Mais,  au-dessus  de  ce  satrape  chrétien,  il  plaçait  régulièrement  un 
gouverneur  musulman  appelé  amel  ou  wali.  Le  gouvernement  du  wali 
comprenait  souvent,  non  seulement  l'Arménie,  mais  l'Adherbeidjan  et  la 
Mésopotamie.  Ne  pouvant,  par  lui-même,  surveiller  de  près  de  si  vastes 
régions,  le  gouverneur  général  fut  représenté  dans  chacune  de  ces  trois 
divisions,  par  un  lieutenant  ou  sous-gouverneur;  et  celui-ci  fut  assisté 
d'auxiliaires  ou  de  sous-préfets,  spécialement  chargés  .de  lever  les  impôts. 
On  comprend  que,  souvent  mus  par  le  caprice  ou  l'intérêt,  ces  divers 
représentants  n'aient  pas  toujours  fidèlement  interprété  la  modération  in- 
téressée du  khalife.  En  même  temps  que  les  abus  de  quelques  collecteurs 
d'impôts  jetaient  au  cœur  de  l'Arménie  des  ferments  de  révolte,  il  y  avait 
aussi  quelques  nakharars  ou  seigneurs  arméniens,  les  uns  généreusement 
impatients  du  joug  des  infidèles  même  adouci,  les  autres  mécontents 
de  n'avoir  point  les  premières  places  parmi  leurs  concitoyens,  et  pareille- 
ment disposés  à  profiter  des  provocations  des  préfets  et  des  collecteurs 
arabes,  pour  tenter  une  révolution.  Mais  cette  révolution  devait  être  à 
leurs  yeux  moins  religieuse  que  politique;  en  invoquant  l'appui  des  Grecs, 
ils  laissaient  l'union  des  Églises  à  l'arrière-plan.  Tels  étaient,  par  exem- 
ple, les  Mamigonian,  qui  se  montraient  souvent  jaloux  des  Pakradouni 
ou  Pagratides,  investis  par  le  khalife  des  plus  hautes  distinctions,  notam- 
ment de  celle  d'ischkhan.  Que  l'irritation  des  seigneurs  provînt  de  la  jalou- 
sie, comme  celle  de  David  et  de  Grégoire,  fils  de  Sempad  Mamigonian, 
contre  Aschod,  ischkhan  des  ischkhans,  ou  qu'elle  fût  provoquée  par  un 
sentiment  plus  élevé  de  justice,  de  concorde  religieuse,  de  patriotisme,  il 
y  avait  encore  loin  entre  un  appel  aux  armes,  un  commencement  de  ré- 
volte, et  la  victoire  décisive,  qui  leur  aurait  permis  de  s'unir  politiquement 
et  religieusement  avec  leurs  voisins  d'occident.  Il  était  aisé  de  faire  éclater 
une  rébellion  partielle  ;  l'excitation  se  propageait  vite  dans  certaines  ré- 
gions; les  premiers  succès  étaient  faciles,  car  en  temps  ordinaire,  5.000 
soldats  arabes  seulement  surveillaient  l'Arménie  et  étaient  concentrés  à 
Tovin.  Mais,  ne  pouvant  être  générale,  la  révolte  des  Arméniens  n'arrive 


LES    117    ACCUSATIONS    CONTRE    LES    ARMÉNIENS.  369 

jamais  qu'à  un  triomphe  éphémère.  Au  premier  indice  d'une  rébellion,  le 
khalife  envoyaii  des  renforts  aux  gouverneurs,  et  tantôt  ceux-ci  par  des 
mesures  impitoyables  étouffaient  la  révolte  avant  même  qu'elle  eût  éclaté, 
tantôt,  après  l'avoir  vaincue,  ils  répondaient  aux  actes  de  violence  de  quel- 
ques groupes  d'Arméniens  par  de  cruelles  représailles,  englobant  dans 
les  mêmes  supplices  les  innocents  et  les  coupables,  comme  ce  fameux 
Qasihm,  sous-préfetde  Mohammed,  qui,  sous  prétexte  de  venger  les  Arabes 
du  Vanant  attaqués  par  Sempad  Pakradouni,  fit  brûler  vivants  dans  les 
églises  de  Nakhitchévan   et  de  Khram  les  cavaliers  arméniens. 

Encore,  ces  représailles  sanguinaires  furent-elles  relativement  rares, 
au  premier  siècle  de  la  domination  arabe.  Abdoulaziz  fit  presque  oublier 
par  sa  modération  les  terribles  vengeances  exercées  par  son  prédécesseur, 
le  gouverneur  Mohammed  ibn  Mervan.  Il  reconstruisit,   agrandit,  fortifia 
Tovin,  dont  il  entoura  les  murs   de  fossés  remplis  d'eau.  Les  princes  ar- 
méniens, fugitifs  ou  retenus  en  captivité  à  Damas,  rentrèrent  alors  dans 
leurs    demeures,    par  l'ordre  d'Omar  II.  Ce   n'est  pas  sans  un    premier 
mouvement  de  surprise,  il  est  vrai,  que  nous  voyons  les  Arméniens  témoi- 
gner de  leur  respect  et  même  de  leur  sympathie  pour  ce  dernier  khalife. 
Omar,  en  effet,  fut  hostile  à  la  religion  chrétienne.  Poussé  par  le  double 
désir   d'affermir  l'islamisme  et  de  se  venger  de  l'échec  des  armes  arabes 
contre   Constantinople,  il  déclara   que  le  chrétien  ne  serait  pas  admis  à 
témoigner  contre  les  musulmans,  qu'il  n'exercerait  aucune  magistrature, 
qu'il  n'aurait  pas  le  droit  de  frapper  les  semantra  (planchés  suspendues 
servant  de  cloches)  ou  de  revêtir  la  qabiya  (manteau  militaire  à  longues 
manches)   et  que  le  musulman  convaincu  d'avoir  tué  un  chrétien  serait, 
non  pas   puni  de  mort,   mais    seulement  condamné  à  payer  5.000  zouzé 
(très  petite  pièce  de  monnaie.  Voir  Michel,  1.  XI,  c.   19,  p.  489).  Ces  me- 
sures, que  lui  inspirait  son  fanatisme,  firent  bien  des  apostats.  Heureuse- 
ment, soit  en  raison  de  son  honnêteté  et  de  sa  droiture  naturelle,  soit, 
comme  ledit  Ghevond  (eh.  vu),  par  suite  de   la  longue  et  concluante  ré- 
ponse que  ses  attaques  contre  le  christianisme  auraient  provoquée  de 
l'empereur  Léon  III  l'Isaurien(?),  Omar  finit  par  traiter  les  chrétiens,  et 
les  Arméniens  en  particulier,  avec  beaucoup  de  bienveillance  (Ghevond, 
ibid.,  p.  97).  En  dépit  de  quelques  mesures  violentes,   Hescham   non  plus 
n'est  point   rangé  par  les  Arméniens  au  nombre  de  leurs   oppresseurs 
(724-743).   Il   est  vrai  que  ce   khalife  fit  dresser  par  son  général  Herth 
une  statistique  générale   des  habitants  de  l'Arménie,  et  que  ce  recense- 
ment devint  la  base  de  nouveaux  impôts  (Ghevond,  vin,  99)  ;  c'est  aussi 
sous  son  règne  que,  probablement  vers  l'an  637,  fut  martyrisé  Vahan  de 
Koghten,   ce  jeune  seigneur  qui,   circoncis  de  force  dans   son  enfance  et 
élevé  à  la  cour  des  Perses,  avait  ensuite  abjuré  le  mahométisme  (Guiragos, 
trad.  Brosset,  p.    35).  Enfin,  à  peu  près  à  la  même   époque,  les  vexations 
des  musulmans  qui  habitaient  la  capitale  arménienne,  forcèrent  Ter  Da- 
vid Aramonatsi  (728-740)  à  transférer  son  siège  de  Tovin  au  bourg  d'Ara - 
mounk.  (Le  plus  ancien  siège  des  catholicos  (!)  au  dire  de  Jean  VI  catho- 
licos  (XIII),   Aramounk  était  situé  dans  le  canton  de  Godaïq.  dont  Ériyan 
était  la  ville  principale). 

ORIENT    CHRÉTIEN.  24 


370  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Mais  ces  faits  prouvent  seulement  que  les  chrétiens  ne  pouvaient  es- 
pérer d'être  mis  sur  un  pied  d'égalité  avec  les  musulmans,  ou  traités  avec 
une  parfaite  équité.  En  réalité,  Hescham  fut  relativement  favorable  aux 
Arméniens.  Il  préposa  au  gouvernement  de  l'Arménie  Merwan  ibn  Moham- 
med; et  celui-ci  nomma  ischkhan  des  ischkhans  Aschod  Pakradouni, 
auquel  il  décerna  des  honneurs  extraordinaires  (Ghevond,  p.  110). 
C'était  comme  une  ombre  d'autonomie  restituée  à  l'Arménie  ;  car  encore 
qu'il  fût  subordonné  au  wali,  l'ischkhan  des  ischkhans  jouissait  d'une 
réelle  autorité  :  il  représentait  la  noblesse  arménienne  devant  le  gouver- 
neur général  et  le  khalife  ;  en  cas  de  guerre,  il  dirigeait  les  troupes  ar- 
méniennes, ou  en  confiait  le  commandement  à  un  chef  de  son  choix; 
enfin,  il  présidait  parfois  à  la  levée  des  impôts  et  les  remettait  lui-même 
au  gouverneur  général.  (Sur  le  rendement  de  l'Arménie  aux  siècles  sui- 
vants cf.  A.  von  Kremer, Kulturgesch.  des  Orients  tinter  den  Chalifen,  Wien, 
1875,  I,  p.  342,  358,  368;  Di:  M.  Ghazarian,  Arménien,  unler  der  ara- 
bischen  Herrschrtft,  Marburg,  1903,  où  sont  indiquées  des  sources  arabes  et 
arméniennes). 

Tout  en  augmentant  les  impôts  du  peuple  arménien,  Hescham  sut  mé- 
nager le  catholicos  et  le  clergé,  au  moins  jusqu'à  la  mort  de  Jean;  et, 
par  ses  habiles  concessions,  autant  que  par  les  ordres  de  son  gouverneur 
(Samuel  d'Aïii,  p.  412),  il  amena  les  Arméniens  et  les  Syriens  à  affirmer 
au  synode  de  Manazgherd  moins  encore  leur  union  que  leur  isolement 
politique  et  religieux  à  l'égard  des  autres  chrétientés  :  «  Jean  Otznetsi  fut 
mandé  à  la  cour  de  Hescham,  raconte  Guiragos  (p.  35);  les  grâces  de  sa 
personne  lui  procurèrent  un  accueil  distingué  ;  car  il  se  présenta  devant 
le  khalife,  la  barbe  saupoudrée  d'or...  Il  demanda  au  souverain  la  pleine 
liberté  religieuse  pour  les  chrétiens  et  l'exemption  d'impôts  pour  les  dia- 
cres et  les  prêtres;  puis  il  jajouta  :  Si  tu  m'accordes  cela  par  écrit,  je 
ferai  pour  toi  de  mes  compatriotes  autant  d'esclaves...  Hescham  ordonna 
aussitôt  d'écrire  ses  demandes,  y  apposa  son  sceau,  et  lui  ayant  donné 
une  escorte  nombreuse,  le  renvoya  comblé  d'honneurs  en  Arménie.  A  son 
retour,  le  catholicos  Jean  expulsa  tous  les  Grecs,  soit  inspecteurs  (ou  évê- 
ques?  veragatsou),  soit  gens  de  guerre,  établis  dans  la  contrée.  » 

Beyrout. 

François  Toiknebize. 


LES  SYNAGOGUES  DES  JUIFS 

(moïse  et  élie  d'après  les  traditions  arabes) 
(Fin)  ([ 


Depuis  que  Dzoulmàu  avait  été  dépossédé  du  vizirat  et  en- 
voyé dans  la  Haute-Egypte,  il  avait  conçu  le  projet  de  déposer 
le  roi,  de  lui  refuser  obéissance.  Il  percevait  les  impôts  et  refu- 
sait d'en  remettre  le  produit  au  roi.  Il  s'appropria  les  mines  et 
songea  à  mettre  sur  le  trône  un  descendant  de  Cobterim  (2)  et  à 
le  faire  reconnaître  par  la  population.  Mais  il  renonça  à  ce  pro- 
jet et  voulut  se  faire  reconnaître  lui-même  comme  roi.  Il  écrivit 
dans  ce  but  aux  grands  et  aux  notables.  La  population  se  divisa 
en  différents  partis.  Tous  ceux  qui  étaient  de  race  royale  aspi- 
raient à  la  royauté  et  cherchaient  à  s'en  emparer.  On  rapporte 
qu'un  fantôme  apparut  à  Dzoulmân  et  lui  dit  :  «  Si  tu  me  fais 
une  offrande,  je  te  donnerai  la  souveraineté  de  l'Egypte  pour 
un  long  espace  de  temps.  »  Il  le  lui  promit  et  lui  offrit  en  sa- 
crifice différentes  choses,  entre  autres  un  jeune  Israélite,  et  s'as- 
sura ainsi  la  faveur  du  génie.  Cependant  le  roi,  ayant  appris  la 
défection  de  Dzoulmân,  envoya  contre  lui  un  général  qu'il 
nomma  gouverneur  à  sa  place,  et  lui  ordonna  d'arrêter  Dzoul- 
mân et  de  le  lui  envoyer  garrotté.  Il  marcha  donc  contre  Dzoul- 

(1)  Voyez  1906,  p.  149.  Nous  continuons  la  traduction  et  rejetons  le  reste  du 
texte  arabe  à  la  lin  de  l'article. 

(2)  Ce  nom  de  Copterim,  un  des  premiers  souverains  «le  l'Épypte,  d'après  les 
auteurs  arabes,  est  un  nouvel  exemple  de  la  tendance  qu'ont  les  Orientaux  à  per- 
sonnifier les  noms  de  ville  île  pays  ou  de  peuples  et  à  les  attribuer  aux  ancêtres  ou 
aux  premiers  rois  de  tel  ou  tel  peuple.  De  Copt  (JaJ)  qui  signifie  Égi/piicns  on 
on  a  tire'1  Copte  et  Copterim,  deux  de  leurs  premiers  rois,  de  même  que  Miçr 
(t^=-J).  Egypte,  a  donné  Mesraïm  el  Miçr,  les  ancêtres  de  leur  race.  Y.  supra, 

p.  161,  notes   I    et   2. 


372  REVUE    DE    L  ORIENT  CHRETIEN. 

màn,  mais  celui-ci  vint  à  sa  rencontre,  lui  livra  bataille,  le 
vainquit  et  fît  prisonniers  tous  ceux  qu'il  avait  amenés.  Le  roi 
envoya  un  autre  général,  mais  Dzoulmàn  le  tailla  en  pièces  et 
se  mit  à  sa  poursuite.  Son  armée  augmentait.  Le  roi  marcha 
alors  contre  lui,  en  personne,  et  ils  en  vinrent  aux  mains.  Dzoul- 
màn vainquit  le  roi,  le  tua  et  s'empara  de  la  ville  de  Mem- 
phis  (1).  Il  établit  sa  demeure  dans  le  palais  royal.  Ce  fut  le 
Pharaon  de  Moïse  (salut  à  lui). 

D'après  quelques  historiens,  ce  roi  s'appelait  Al-Oualid-ben- 
Massaab,  et  était  d'origine  amalécite.  Il  fut  le  septième  Pha- 
'raon.  On  rapporte  qu'il  était  petit  de  taille,  portait  une  longue 
barbe,  avait  les  yeux  noirs,  l'œil  gauche  petit.  Il  avait  une  tache 
noire  sur  le  front  et  était  boiteux.  On  le  surnommait,  dit-on,  le 
diable,  tandis  que  son  vrai  nom  était  Oualid-ben-Massaab.  Il 
fut  le  premier  qui  se  teignit  en  noir  quand  il  fut  devenu  vieux, 
d'après  un  procédé  que  lui  avait  indiqué  le  diable.  On  rapporte 
aussi  qu'il  était  Égyptien  et  qu'il  était  venu  à  Memphis  sur  une 
ânesse  chargée  de  natron  qu'il  voulait  vendre.  La  population  de 
cette  capitale  était  alors  troublée  par  des  querelles  au  sujet  de  la 
succession  au  trône.  Ils  le  prirent  pour  arbitre  et  décidèrent  de 
donner  l'investiture  à  celui  qu'il  leur  désignerait.  Voici  com- 
ment la  chose  arriva  :  Les  habitants  étaient  sortis  sur  la  place 
publique  de  Memphis  et  attendaient  le  premier  homme  qui  se 
montrerait  à  leurs  yeux  afin  de  le  prendre  comme  arbitre.  Ce 
fut  lui  qui  arriva  le  premier  monté  sur  son  âne.  Ils  le  prirent 
pour  arbitre  et  s'en  remirent  à  sa  décision.  Il  prit  alors  pour 
lui-même  le  titre  de  roi.  Il  y  en  eut  qui  refusèrent  de  le  recon- 
naître, alléguant  que  le  peuple  était  trop  prudent  pour  établir 
un  roi  de  cette  manière.  Quand  il  eut  pris  possession  du  trône, 
la  population  se  divisa  à  son  sujet.  Il  distribua  alors  de. grandes 
sommes  d'argent  et  fit  mettre  à  mort  les  rebelles  par  ceux  qui 
lui  étaient  soumis,  de  sorte  qu'il  affermit  sa  situation.  Il  mit  de 
l'ordre  dans  l'administration,  fit  exécuter  de  grands  travaux, 
bâtit  des  villes,  creusa  des  canaux,  construisit  une  forteresse 


(1)  Ces  troubles  et  cette  révolte  rappellent  les  traditions  égyptiennes  concer- 
nant l'exode  que  Josèphe  nous  a  conservées  d'après  Manéthon  et  Chérémon  (.1/*- 
tiq.  jud.,  1.  II).  Tous  deux  rapportent  en  effet  que  le  Pharaon  Aménophis  tut 
chassé  d'Egypte  parla  révolte  des  Impurs  et  obligé  de  se  réfugier  en  Ethiopie  où 
il  resta  treize  ans. 


LES    SYNAGOGUES    DES    JUIFS.  373 

près  d'El-Arisch,  el  fit  de  mémo  sur  loutos  los  frontières  de 
l'Egypte.  Il  prit  pour  ministre  Hamân  qui  lui  était  apparenté. 
Il  découvrit  des  trésors  el  les  utilisa  pour  la  construction  des 
villes  et  l'extension  des  cultures.  Il  creusa  le  canal  de  Sar- 
dous  (1)  et  plusieurs  autres.  Sous  son  règne  le  rendement  des 
impôts  était  en  Egypte  de  quatre-vingt-dix-sept  millions  de  di- 
nars pharaoniques,  dont  la  valeur  est  de  trois  Mithquâl. 

Ce  fut  ce  Pharaon  qui  enseigna  le  premier  les  sciences  aux 
hommes.  Il  avait  dans  son  entourage  un  Israélile  nommé 
Omri,  le  même  qui  est  appelé  en  hébreu  Amràm  et  en  arabe 
Amràn,  fils  de  Caath,  fils  de  Lévi.  Cet  homme  était  venu  en 
Egypte  avec  Jacob  (salut  à  lui);  le  roi  lui  confia  la  garde  de  son 
palais.  Il  était,  chargé  d'y  veiller  et  il  en  avait  les  clefs  et  les  ver- 
rous pour  la  nuit.  Pharaon  avait  vu  par  la  magie  et  au  moyen 
des  songes  qu'il  périrait  de  la  main  d'un  enfant  des  Israé- 
lites (2).  C'est  pourquoi  il  les  empêcha  de  s'approcher  de  leurs 
femmes  pendant  les  trois  années  dans  lesquelles  il  avait  vu  que 
cet  enfant  devait  naître.  Mais  la  femme  d'Omri  vint  une  nuit 
trouver  son  mari,  grâce  à  un  stratagème.  Il  s'approcha  d'elle  et 
elle  devint  enceinte  d'Aaron  qu'elle  mit  au  monde  dans  la 
soixante-treizième  année  d'âge  de  son  mari,  cent  vingt-sept  ans 
après  la  venue  de  Jacob  en  Egypte.  Elle  vint  une  seconde  fois 
vers  Amràm  et  elle  conçut  Moïse;  son  mari  avait  alors  quatre- 
vingts  ans.  Pharaon  vit  alors  dans  ses  songes  que  cet  enfant 
était  conçu  et  il  donna  l'ordre  de  tuer  tous  les  enfants  mâles  des 
Hébreux.  Il  communiqua  ces  ordres  aux  sages-femmes  (3).  Ce 
fut  alors  que  naquit  Moïse  (salut  à  lui),  cent  trente  ans  (4)  après 

(1)  Canal  très^inueux  delà  Basse-Egypte.  D'après  Makrizi (Canaux  dérivés  du 
Nil),  le  vi'zir  Hamàn,  chargé  par  le  Pharaon  de  creuser  des  canaux  en  Egypte,  se 
faisait  donner  de  l'argent  par  les  habitants  pour  faire  passer  le  canal  dans  leurs 
villes.  C'est  pourquoi  il  faisait,  faire  au  canal  un  grand  nombre  de  détours  pour 
leur  faire  traverser  le  plus  grand  nombre  possible  de  localités. 

(2)  Josèphe  [Hist.  des  Juifs,  1.  II,  çh.  v)  rapporte  une  tradition  semblable.  Un 
Scribe  des  choses  saintes  aurait  annoncé  à  Pharaon  qu'un  enfant  des  Hébreux 
qui  devait  naître  sous  son  règne,  était  destiné  à  relever  la  gloire  de  son  peuple 
et  à  humilier  les  Égyptiens. 

(3)  Ex.  i,  15,  10;  .losèphe,  Hist.  des  .Juifs,  1.  II,  ch.  \. 

(  1)  En  adoptant  ce  chiffre,  il  faudrait  placer  l'Exode  i  11)  ans  après  la  venue  de  Jacob 
en  Egypte.  Cette  hypothèse  s'accorde  avec  les  données  de  la  Bible.  Saint  Paul 
dit  en  effet.  (Gai.  ni,  (i,  7)  que  la  loi  fut  donnée  430  ans  après  la  promesse  faite  à 
Abraham.  Les  Hébreux  auraient  passé  la  moitié  de  cette  période  en  Clianaan  et 
l'autre  moitié  en  Egypte. 


374  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

l'arrivée  de  Jacob  en  Egypte,  quatre  cent  vingt-quatre  ans 
après  la  naissance  d'Abraham,  l'Ami  de  Dieu  (salut  à  lui),  et 
mille  cinq  cent  six  ans  après  le  déluge.  Et  il  arriva,  comme 
Dieu  lavait  indiqué,  que  sa  mère  l'exposa  dans  une  corbeille. 
Le  courant  du  Nil  l'entraîna  au  pied  du  palais  du  roi.  La  mère 
de  l'enfant  avait  placé  sa  sœur  en  observation  à  une  certaine 
distance  pour  qu'elle  vit  ce  qui  lui  arriverait.  Or  la  fille  de  Pha- 
raon vint  au  fleuve  avec  ses  servantes.  Elle  vit  l'enfant  et  le 
retira  de  la  corbeille.  Elle  en  eut  pitié  et  elle  dit  :  «  C'est  un 
enfant  des  Hébreux.  Où  trouverons-nous  une  nourrice  pour 
l'allaiter?  »  La  sœur  de  l'enfant  lui  dit  alors  :  «  Je  vais  vous  en 
amener  une.  »  Et  elle  alla  chercher  sa  mère.  La  fille  de  Pha- 
raon le  lui  confia  pour  qu'elle  le  nourrît  jusqu'à  ce  qu'il  fût 
sevré.  Elle  le  rendit  ensuite  à  la  fille  du  roi  qui  le  nomma  Moïse 
et  l'adopta.  Il  grandit  auprès  d'elle  et  l'on  disait  qu'en  le  pre- 
nant et  en  le  donnant  à  nourrir  à  sa  mère,  une  femme  de  la 
maison  du  Pharaon  avait  empêché  le  roi  de  le  mettre  à  mort. 
Quand  il  eut  grandi,  il  devint  puissant  et  Pharaon  lui  confia 
une  partie  des  affaires  de  l'État.  Il  le  mit  au  nombre  de  ses 
généraux  et  il  se  distingua  par  sa  bravoure.  Il  le  chargea  en- 
suite d'une  expédition  contre  les  Grecs  qui  inquiétaient  les 
frontières  de  l'Egypte  (1).  Il  parut  à  la  tête  d'une  armée  nom- 
breuse et  se  précipita  sur  l'ennemi.  Dieu  lui  donna  la  victoire. 
Il  en  tua  et  en  prit  un  grand  nombre  et  revint  chargé  de  bu- 
tin. Ce  succès  combla  de  joie  Pharaon  qui  conçut  pour  lui, 
ainsi  que  sa  femme,  la  plus  haute  estime.  Il  lui  confia,  malgré 
sa  jeunesse,  beaucoup  de  charges  importantes  et  il  voulait  en 
faire  son  successeur,  quand  Moïse  tua  un  noble  Égyptien, 
parent  de  Pharaon.  Celui-ci  le  fit  poursuivre  (2).  Voici  com- 
ment la  chose  arriva  :  Moïse  sortit  un  jour  et  marcha  au  milieu 
de  la  foule.  Il  était  robuste,  car  il  avait  été  élevé  et  nourri 
dans  le  palais  de  Pharaon.  Ayant  aperçu  un  Hébreu  que  l'on 
frappait,  il  tua  l'agresseur  qui  était  Égyptien  et  l'ensevelit. 
Il  sortit  le  lendemain  et  aperçut  deux  Israélites  dont  l'un  atta- 


(1)  Josèphe  (1.  II,  eh.  v)  rapporte  de  même  que  Moïse  fut  investi  du  comman- 
dement d'une  expédition  contre  les  Éthiopiens  et  qu'il  s'empara  de  Saba  ouMé- 
roé  leur  capitale.  L'auteur  arabe  a  substitué  les  Grecs  aux  Éthiopiens  parce  que 
les,  Musulmans  ne  connaissaient  pas  d'autre  ennemi  en  Orient. 

(2)  Ex.  ii,  11-16. 


LES    SYNAGOGUES    DES   JUIFS.  375 

quait  l'autre  avec  violence;  il  contint  l'agresseur,  mais  ce- 
lui-ci lui  dit  :  «  Qui  t'a  chargé  de  cette  mission?  Est-ce  que  tu 
veux  me  tuer  comme  tu  as  tué  l'Égyptien  hier?  »  La  nouvelle  en 
parvint  à  Pharaon  qui  fit  rechercher  Moïse.  Dieu  remplit  alors 
son  âme  de  crainte,  parce  qu'il  voulait  le  glorifier.  Moïse  sortit 
donc  de  Memphis  et  parvint  au  pays  de  Madian  en  suivant  la 
piste  d'une  biche.  Les  fils  de  Madian  étaient  un  grand  peuple 
de  la  race  d'Abraham  (salut  à  lui).  Ils  habitaient  dans  cette  ré- 
gion. Moïse  était  âgé  de  quarante  ans  au  moment  de  sa  fuite. 
Il  habita  chez  Baïroun  (1),  le  même  que  Chàïb  (salut  à  lui)  (2), 
descendant  de  Madian,  fils  d'Abraham.  Celui-ci  lui  donna  sa 
fille  en  mariage  et  lui  confia  la  garde  de  ses  troupeaux.  Il  de- 
meura là  trente-neuf  ans  et,  pendant  ce  séjour,  il  épousa  Séphora, 
fille  de  Chaïb. 

Cependant  les  fils  d'Israël  étaient  sous  la  domination  de  Pha- 
raon et  les  Égyptiens,  comme  l'avait  annoncé  Dieu  le  Très- 
Haut,  leur  imposaient  des  corvées,  les  affligeaient  et  les  rédui- 
saient en  servitude.  Un  mois  et  une  semaine  après  que  Moïse 
eut  atteint  quatre-vingts  ans,  Dieu  (glorifié  soit  son  nom)  parla 
à  Moïse  (3).  Ce  fut  le  quinzième  jour  du  mois  de  Nisan.  Il  lui 
ordonna  d'aller  trouver  Pharaon.  Il  lui  donna  comme  auxi- 
liaire son  frère  Aaron  et  le  rendit  puissant  par  les  miracles  : 
ainsi  il  changea  sa  verge  en  serpent,  sa  main  devint  blanche 
sans  qu'il  eût  aucun  mal,  et  il  opéra  d'autres  prodiges  qui 
furent  les  dix  plaies  que  Dieu  envoya  à  Pharaon  et  à  son  peuple. 
Et  le  Dieu  Très-Haut  en  fit  le  confident  de  ses  révélations.  Il 
avait  alors  quatre-vingts  ans.  II  se  rendit  ensuite  en  Egypte 
au  mois  d'Aïar.  Dans  le  chemin,  il  rencontra  son  frère  Aaron. 
Il  en  fut  comblé  de  joie  et  il  lui  offrit  comme  nourriture  du  lait 
dans  lequel  il  avait  fait  tremper  du  pain.  Aaron  était  prophète 
et  avait,  à  ce  moment,  quatre-vingt-trois  ans.  Moïse  alla  avec 
lui  de  grand  matin  trouver  Pharaon,  car  Dieu  leur  avait  révélé 
qu'ils  devaient  aller  trouver  Pharaon  (4)  pour  obtenir  qu'il  envoyât 


(1)  Appelé  Raguel  ou  Jéthro  dans  la  Bible  et  dans  Josèphe. 

(2)  Formule  que  les  Musulmans  ajoutent  constamment  au  nom  des  patriar- 
ches, des  prophètes  et  des  personnages  vénérables,  de  même  qu'ils  font  presque 
toujours  suivre  le  nom  de  Dieu  d'une  formule  de  louange. 

(3)  Ex.  ii,  -21. 

(4)  Ex.  m. 


376  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

avec  eux  les  fils  d'Israël  afin  de  les  délivrer  de  l'oppression  des 
Égyptiens  et  de  la  tyrannie  des  Pharaons,  et  de  les  conduire 
dans  la  Terre  Sainte  dont  Dieu  leur  avait  promis  la  possession 
par  la  bouche  d'Abraham,  d'Isaac  et  de  Jacob.  Ils  firent  part 
aux  fils  d'Israël  de  la  mission  qu'ils  tenaient  de  Dieu.  Les  Israé- 
lites crurent  à  Moïse  et  se  conformèrent  à  sa  direction.  Moïse 
et  Aaron  se  rendirent  alors  chez  Pharaon  et  restèrent  plusieurs 
jours  devant  sa  porte.  Ils  portaient  tous  les  deux  un  manteau 
de  laine  et  Moïse  avait  sa  verge.  Ils  ne  purent  parvenir  jusqu'à 
Pharaon  à  cause  de  la  consigne  sévère  qui  rendait  difficile 
l'accès  près  de  lui.  Enfin  un  bouffon  qui  le  divertissait  entra 
chez  lui  et  l'informa  qu'il  y  avait  à  la  porte  deux  hommes  qui 
demandaient  l'autorisation  de  le  voir.  «  Ils  prétendent,  dit-il, 
que  leur  Dieu  les  a  envoyés  vers  toi.  »  Le  roi  les  fit  introduire 
et  quand  ils  furent  entrés,  Moïse  lui  fit  part  de  ce  que  Dieu  rap- 
porte dans  son  livre,  et  il  lui  montra  le  miracle  delà  verge  et  de 
la  main  devenue  blanche.  Pharaon  s'irrita  de  ce  que  lui  dit  Moïse 
et  voulut  le  mettre  à  mort.  Mais  Dieu  (qu'il  soit  loué)  l'en  em- 
pêcha en  lui  faisant  voir  un  fantôme  qui  s'approcha  de  lui  et 
fit  une  onction  sur  ses  yeux  qui  aussitôt  cessèrent  de  voir. 
Quand  il  eut  recouvré  la  vue,  il  ordonna  à  d'autres  satellites  de 
tuer  Moïse,  mais  il  vint  sur  eux  un  feu  qui  les  consuma.  La 
colère  de  Pharaon  redoubla  et  il  dit  à  Moïse  :  «  D'où  te  viennent 
ces  rites  puissants?  Les  magiciens  de  mes  États  te  les  ont-ils 
enseignés  ou  bien  les  as-tu  appris  après  nous  avoir  quittés?  » 
Moïse  répondit  :  «  C'est  un  rite  céleste  et  il  n'appartient  point 
aux  rites  de  cette  terre.  »  Pharaon  lui  demanda  :  «  Qui  en  est  le- 
maître?  —  C'est  le  maître  du  ciel,  répondit  Moïse.  —  Nonr 
lui  dit  Pharaon,  tu  l'as  appris  dans  mon  royaume.  »  Il  fit  alors 
rassembler  les  magiciens,  les  devins  et  ceux  qui  étaient  initiés 
aux  rites  occultes,  et  il  leur  dit  :  «  Montrez-moi  les  plus  su- 
blimes de  vos  pratiques  pour  que  je  puisse  voir  les  rites  de  ce 
sortilège  si  extraordinaire.  »  Ils  lui  expliquèrent  leurs  prati- 
ques, ce  qui  le  réjouit  fort.  Il  fit  alors  venir  Moïse  et  lui  dit  :  «  Je 
me  suis  informé  de  tes  sortilèges  et  j'ai  des  magiciens  qui  te 
surpassent.  »  Puis  il  leur  fixa  un  jour  de  fête.  Il  y  avait  dans 
le  pays  un  parti  qui  s'était  attaché  à  Moïse;  Pharaon  les  fit  tous 
mettre  à  mort.  Ensuite  il  convoqua  une  assemblée  de  ses  devins 
avec  Moïse.  Ils  s'y  trouvèrent  au  nombre  de  deux  cent  quarante 


LES    SYNAGOGUES    DES   JUIFS.  'M7 

mille.  Ils  accomplirent  des  maléfices  qui  confondent  l'intel- 
ligence, et  soulèvent  le  cœur  par  l'horreur  de  leurs  apparitions 
fantastiques.  On  voyait  des  visages  renversés,  plus  larges  que 
longs,  le  front  en  bas  et  la  barbe  en  haut.  Les  uns  avaient  des 
cornes,  les  autres  une  trompe  et  de  longues  dents  blanches 
comme  des  défenses  d'éléphant.  Il  y  en  avait  de  taille  colossale, 
armés  de  grands  boucliers.  D'autres  avaient  de  grandes  oreilles 
et  leur  visage  ressemblait?,  celui  des  singes,  leurs  corps  gigan- 
tesques s'élevaient  jusqu'aux  nuages.  Il  y  avait  de  grands  ser- 
pents ailés  qui  volaient  dans  les  airs  et  se  précipitaient  sur  tous 
ceux  qu'ils  voyaient  pour  les  dévorer,  et  tout  le  monde  s'en- 
fuyait devant  eux.  Des  bâtons  suspendus  en  l'air  devenaient  des 
serpents;  il  s'y  formait  une  tête,  du  poil  et  une  queue;  et 
les  hommes  craignaient  d'en  être  mordus.  Quelques-uns  de  ces 
dragons  avaient  des  pattes;  d'autres  présentaient  des  formes 
effrayantes  et  exhalaient  une  fumée  qui  aveuglait  les  regards 
des  hommes  de  sorte  qu'ils  ne  se  voyaient  pas  les  uns  les  au- 
tres. Cette  fumée  prenait  parfois  la  forme  de  taureaux  qui 
s'entre-choquaient  dans  le  eiel ,  et  on  entendait  un  vacarme 
assourdissant.  11  y  avait  des  formes  vertes  et  des  formes  noires 
d'un  aspect  sinistre.  A  la  vue  de  ce  spectacle,  Pharaon  et  ceux 
qui  étaient  avec  lui  furent  remplis  de  joie,  tandis  que  Moïse  et 
ceux  qui  croyaient  en  lui  étaient  dans  la  consternation.  Mais 
Dieu  lui  parla  intérieurement  :  «  Ne  crains  pas,  lui  dit-il,  tu 
leur  es  supérieur;  jette  à  terre  ce  que  tu  as  dans  la  main  et  tu 
feras  disparaître  ce  qu'ils  ont  fait.  »  Les  magiciens  avaient 
trois  chefs,  d'autres  disent  soixante-dix.  Moïse  leur  dit  confi- 
dentiellement :  «  J'ai  vu  ce  que  vous  avez  fait;  si  je  triomphe 
de  vous,  croirez-vous  en  Dieu?  »  Ils  répondirent  :  «  Nous  croi- 
rons. »  Pharaon  fut  irrité  de  ce  que  Moïse  avait  ainsi  parlé 
aux  chefs  des  magiciens  et  les  assistants  se  moquaient  de  Moïse 
et  de  son  frère  et  les  accablaient  d'injures.  Us  étaient  vêtus 
tous  les  deux  d'un  manteau  de  laine  et  portaient  une  ceinture 
en  fibres  de  palmier.  Moïse  leva  alors  sa  verge  qui  disparut 
bientôt  et  prit  la  forme  d'un  grand  serpent  avec  deux  yeux 
flamboyants;  le  feu  sortait  de  sa  gueule  et  de  ses  narines  et 
tous  ceux  sur  qui  il  s'arrêtait  devenaient  lépreux.  Il  s'arrêta 
sur  la  fille  de  Pharaon  qui  fut  à  l'instant  couverte  de  lèpre. 
Puis  le  dragon  ouvrit  sa  gueule  et  engloutit  tout  ce  qu'avaient 


37b  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

fait  les  magiciens,  ainsi  que  deux  cents  navires  pleins  de  cor- 
dages et  de  vergues,  avec  toute  leur  voilure.  Il  pénétra  dans  le 
canal  qui  arrosait  le  parc  de  Pharaon,  et  avala  un  grand  nombre 
de  colonnes  et  de  pierre  qu'on  avait  apportées  là  pour  servir 
à  des  constructions.  Puis  il  alla  au  palais  de  Pharaon  pour 
Pavaler.  Pharaon  était  alors  assis  sous  une  coupole  près  de  son 
palais  pour  honorer  de  sa  présence  les  œuvres  des  magiciens. 
Le  dragon  enfonça  une  de  ses  dents  sous  le  palais  et  l'autre  par- 
dessus et  vomit  de  sa  bouche  une  flamme  qui  consuma  une 
partie  du  palais.  Pharaon  implora  alors  à  grands  cris  le  secours 
de  Moïse  (salut  à  lui).  Moïse  arrêta  le  serpent.  Celui-ci  se  replia 
alors  pour  dévorer  les  assistants.  Ils  s'enfuirent  tous  devant  lui, 
mais  il  se  mit  à  ramper  avec  rapidité  pour  les  atteindre.  Moïse 
le  saisit  à  ce  moment  et,  dans  sa  main,  il  redevint  bâton  comme 
il  était  auparavant.  Et  l'on  ne  vit  plus  rien  des  navires  et  de 
leur  cargaison  de  câbles  et  de  vergues,  ni  de  leurs  équipages 
non  plus  que  des  colonnes  et  des  pierres  et  de  l'eau  du  fleuve 
que  le  dragon  avait  bue.  La  seule  trace  qui  en  restât  fut  une 
crevasse  que  présentait  le  sol.  Les  magiciens  dirent  alors  : 
«  Ceci  n'est  point  l'œuvre  des  humains,  mais  d'un  Être  puissant 
qui  a  tout  pouvoir  sur  les  créatures  (1).  »  Moïse  leur  dit  :  «  Ac- 
complissez votre  promesse,  sinon  sa  puissance  va  se  manifester 
sur  vous  et  il  vous  dévorera  comme  il  en  a  dévoré  d'autres.  » 
Ils  crurent  donc  en  Moïse  et  affirmèrent  leur  foi  devant  Pha- 
raon en  lui  disant  :  «  Ceci  est  l'œuvre  du  Dieu  du  ciel  et  ne 
vient  pas  des  habitants  de  la  terre.  »  Pharaon  leur  dit  :  «  Je 
sais  que  vous  vous  êtes  mis  d'accord  contre  moi  et  contre  mon 
royaume,  par  jalousie  à  mon  égard.  »  Et  il  leur  fit  couper  les 
mains  et  les  pieds  parce  qu'ils  l'avaient  contredit,  et  les  fit 
mettre  en  croix.  Alors  sa  femme  et  les  croyants  qui  jusque-là 
avaient  caché  leur  foi,  l'affirmèrent  devant  lui.  Moïse  resta  en 
Egypte,  pour  avertir  Pharaon,  pendant  onze  mois,  depuis  le 
mois  d'iïàr  jusqu'au  mois  de  Nisan  de  l'année  suivante.  Pha- 
raon nel'écouta  point,  mais,  au  contraire,  il  endurcit  son  cœur 
à  l'égard  des  Israélites,  les  tenant  dans  la  servitude  et  leur  im- 
posant en  corvée  des  travaux  pénibles.  Ce  fut  alors  que  Pharaon 


(1)  L'imagination  des  Arabes  a  singulièrement  amplifié    le  récit  de  la  Bible 
(Ex.  vu.  12)  et  de  Josèphe  (livre  II,  chap.  v,  n,!  93). 


LES    SYNAGOGUES    DES   JUIFS.  379 

et  son  peuple  furent  frappés  successivement  de  dix  fléaux  (1). 
Ils  reconnaissaient  la  vérité  quand  ils  survenaient  et  recou- 
raient à  Moïse  en  le  suppliant  de  les  en  délivrer,  puis  ils  s'obsti- 
naient quand  ces  fléaux  avaient  disparu.  C'était  une  punition 
de  Dieu,  qui  est  Tout-Puissant  et  Immense,  par  laquelle  il 
châtiait  Pharaon  et  son  peuple.  Ces  fléaux  furent  d'abord  le 
changement  des  eaux  d'Egypte  en  sang,  de  sorte  que  la  plus 
grande  partie  de  la  population  mourut  de  soif;  il  y  eut  ensuite 
une  si  grande  abondance  de  grenouilles  que  tous  les  lieux  en 
furent  infectés,  et  que  les  aliments  des  Égyptiens  et  leurs  mets 
en  furent  souillés.  Il  y  eut  des  moucherons  en  telle  quantité  que 
l'atmosphère  en  fut  obstruée  et  le  vent  intercepté.  Les  taons 
se  multiplièrent  tellement  que  les  Égyptiens  avaient  le  corps 
criblé  de  leurs  morsures,  et  la  vie  leur  était  à  charge.  Leurs 
bêtes  de  somme  et  leurs  bestiaux  périssaient  subitement.  Tous 
les  Égyptiens  furent  entièrement  couverts  de  gale  et  de  pustules 
au  point  que  leur  aspect  était  plus  hideux  que  celui  des  person- 
nes atteintes  de  l'éléphantiasis  (2).  Il  tomba  du  ciel  une  grêle, 
accompagnée  de  coups  de  foudre,  qui  fit  périr  tout  ce  qu'elle 
atteignit  d'entre  les  hommes  ou  les  animaux.  Il  vint  sur  toutes 
les  récoltes  des  nuées  de  sauterelles  et  de  cigales  qui  dévorèrent 
les  arbres  et  rongèrent  jusqu'aux  racines  des  plantes.  Le  ciel 
se  couvrit  de  ténèbres  noires  et  épaisses  que  l'on  pouvait  tou- 
cher tellement  elles  étaient  opaques.  Enfin  la  mort  fondit  à 
l'improviste  sur  les  premiers-nés,  de  sorte  qu'il  n'y  eut  pas  un 
fils  aîné  dont  on  n'eût  à  déplorer  la  perte  durant  cette  nuit.  C'était 
pour  que  les  Égyptiens  laissassent  aller  les  enfants  d'Israël. 
Cette  nuit  fatale  fut  la  quinzième  (3)  du  mois  de  Nisàn,  la  quatre- 
vingt-unième  année  de  Moïse.  Pharaon  ordonna  alors  de  lais- 
ser partir  les  Israélites.  Moïse  (salut  à  lui)  partit  cette  nuit  même 
d' Héliopolis  avec  les  enfants  d'Israël.  La  Thora  rapporte  (4) 


(1)  Ex:  vii-xiii;  Josèphe,  1.  11,  ch.  v,  n°  94. 

(2j  Maladie  des  pays  chauds  causée  par  la  filaine,  ver  parasite  qui  obstrue  les 
vaisseaux  lymphatiques.  Il  eu  résulte  une  intumescence  de  la  peau  et  des 
parties  sous-jacentes  surtout  dans  la  région  des  jambes  et  des  pieds  qui  devien- 
nent comme  des  jambes  d'éléphant.  D'où  le  nom  d'éléphantiasis  qui  lui  est  donné. 
On  croit  que  c'est  la  maladie  dont  Job  fut  affligé. 

(3)  Elle  est  appelée  la  quatorzième  dans  la  Bible,  Ex.  xii,  18  ;  Le  v.  xxm,  5;  Nuin. 
xxvui,  16.  C'était  la  nuit  entre  le  quatorzième  et  le  quinzième  jour  de  Nisan. 

(4)  Ex.  xu. 


380  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

qu'ils  reçurent  l'ordre,  au  moment  de  leur  départ,  d'immoler 
dans  chaque  famille  un  agneau,  s'ils  étaient  assez  nombreux,  et 
de  se  réunir  à  leurs  voisins  dans  le  cas  contraire.  Ils  devaient 
asperger  de  son  sang  leurs  portes  pour  servir  de  signe.  Ils  de- 
vaient manger  la  cervelle,  les  extrémités  et  les  entrailles  et  ne 
rompre  aucun  os,  ni  rien  jeter  hors  de  leurs  maisons.  Leur  pain 
devait  être  sans  levain.  Ce  repas  eut  lieu  le  quatorzième  jour 
du  printemps.  Ils  devaient  manger  à  la  hâte,  les  souliers  aux 
pieds,  le  bâton  à  la  main,  et  devaient  partir  la  nuit.  Ils  brûlè- 
rent ce  qui  resta  de  leur  repas.  Ce  fait  fut  rappelé  par  une  fête 
instituée  pour  les  Israélites  et  leurs  descendants  et  appelée  la 
fête  de  Pâques.  Ils  reçurent  l'ordre  d'emprunter  aux  Égyptiens 
une  grande  quantité  d'objets  précieux  et  de  les  emporter  avec 
eux.  Ils  les  empruntèrent  en  effet  et  ils  partirent  cette  même 
nuit  avec  leurs  bêtes  de  somme  et  leurs  troupeaux.  Ils  emportè- 
rent avec  eux  le  cercueil  de  Joseph  (1  )  (salut  à  lui).  Moïse  l'avait 
retiré  de  son  tombeau  sur  l'ordre  de  Dieu,  le  Très-Haut.  Les 
Israélites  étaient  au  nombre  de  six  cent  mille  guerriers  sans 
compter  les  femmes,  les  enfants  et  les  étrangers.  Les  Égyptiens 
les  laissèrent  aller,  car  ils  étaient  occupés  à  faire  les  funérailles 
de  leurs  morts.  Ils  marchèrent  trois  jours  et  trois  nuits  et  arri- 
vèrent à  la  bouche  de  Djibarout,  appelée  depuis  le  feu  de  Moïse, 
sur  le  bord  de  la  mer,  non  loin  du  Sinaï.  La  nouvelle  de  leur 
départ  parvint  à  Pharaon  au  bout  de  deux  jours  et  une  nuit. 
Il  se  repentit  de  les  avoir  laissés  aller,  rassembla  son  peuple  et 
partit  à  la  tète  d'une  grande  multitude.  Qu'il  suffise  pour  en 
apprécier  le  nombre  de  rappeler  ce  que  Dieu,  qui  est  grand  et 
puissant,  dit  dans  l'histoire  de  Pharaon  au  sujet  du  nombre 
des  fils  d'Israël.  Il  est  rapporté,  en  effet,  dans  la  Thora  que  ceux- 
ci  n'étaient  en  comparaison  des  Égyptiens  qu'une  petite  troupe, 
et  que  néanmoins  ils  irritèrent  Dieu.  Pharaon  les  atteignit  le 
vingt  et  unième  jour  de  Nisan  et  les  deux  armées  campèrent  la 
nuit  du  vingt  et  un  sur  le  bord  de  la  mer.  Le  matin  du  même 
jour,  Moïse  reçut  l'ordre  de  frapper  la  mer  de  sa  verge  et  de 
s'y  engager.  Dieu  ouvrit  alors  aux  enfants  d'Israël  douze  voies, 
une  pour  le  passage  de  chaque  tribu.  Les  eaux  se  tenaient  droites 
de  chaque  côté  comme  des  montagnes  et  le  fond  de  la  mer 

(l)Ex.  xm.  lit. 


LES    SYNAGOGUES    DES   JUIFS.  381 

devint  une  route  praticable  pour  Moïse  et  ceux  qui  l'accompa- 
gnaient. Pharaon  se  mit  à  leur  poursuite  avec  son  armée,  mais 
au  moment  où  les  fils  d'Israël  abordaient  sur  la  rive  du  Sinaï, 
la  mer  engloutit  Pharaon  et  ses  soldats  et  Dieu  les  fit  tous  périr 
dans  les  eaux.  Moïse  l'ut  sauvé  avec  son  peuple  et  les  enfants 
d'Israël  abordèrent  tous  au  Sinaï.  Ils  louèrent  Dieu  dans  un 
long  cantique  qui  est  rapporté  dans  la  Thora  (1).  Marie,  sœur 
de  Moïse  etd'Aaron,  prit  un  tambour  et  marcha  à  la  tète  des 
Israélites  en  chantanl  le  cantique.  Cependant  les  enfants  d'Is- 
raël marchèrent  pendant  trois  jours  dans  la  solitude,  laissant 
déserte  la  partie  de  l'Egypte  qu'ils  avaient  habitée.  Moïse  mar- 
chait à  la  tète  de  son  peuple  jusqu'à  ce  que,  le  cinquième  jour 
d'Iïàr  (2),  les  provisions  s'épuisèrent.  Les  Israélites  crièrent 
vers  Moïse;  alors  il  invoqua  le  Seigneur  qui  fit  pleuvoir  pour 
eux  la  manne  du  ciel.  Le  vingt-troisième  jour  d'Iïàr,  ils  souf- 
frirent de  la  soif  et  ils  crièrent  encore  vers  Moïse.  Il  invoqua 
de  nouveau  son  Seigneur  et  il  fit  jaillir  une  source  d'un  rocher. 
Moïse  ne  cessa  pas  de  marcher  avec  eux  jusqu'à  ce  qu'ils  arri- 
vèrent au  mont  Sinaï,  à  la  nouvelle  lune  du  troisième  mois 
après  leur  sortie  d'Egypte.  Dieu  ordonna  alors  à  Moïse  de  puri- 
fier son  peuple  et  de  le  préparer  à  entendre  la  parole  de  Dieu 
(louange  à  lui).  Il  mit  trois  jours  à  les  purifier  et  le  troisième 
jour,  qui  était  le  sixième  du  mois,  Dieu  vint  sur  le  sommet  du 
Sinaï  et  y  fit  résider  sa  lumière,  des  nuages  blancs  ombragèrent 
les  flancs  delà  montagne.  Au-dessus  il  fit  retentir  le  tonnerre 
et  briller  les  éclairs  et  la  foudre.  Puis  de  sa  propre  voix  il  fit 
entendre  au  peuple  les  dix  paroles  que  voici  :  «  Je  suis  pour  toi 
le  Dieu  unique,  tu  n'en  adoreras  pas  un  autre  que  moi.  —  Tu 
ne  jugeras  pas  à  faux  dans  le  nom  de  ton  Seigneur.  —  Souviens- 
toi  du  jour  du  sabbat  et  garde-le.  —  Sois  pieux  à  l'égard  de 
tes  parents  et  honore-les.  —  Ne  tue  pas.  —  Ne  commets  pas 
d'adultère.  —  Ne  vole  pas.  —  Ne  fais  pas  de  faux  témoignages. 
—  N'envie  pas  le  bien  de  ton  prochain.  » 

(1)  Ex.  xv. 

(2)  I'iàr,  second  mois  de  l'année  religieuse,  correspondant  en  partie  à  nos  mois 
d'avril  et  de  mai.  Ce  mot  a  pour  racine  'Or  (lix)  qui  veut  dire  lumière,  parce 
.qu'à  cette  époque  de  l'année,  le  soleil  prend  de  la  force  et  donne  plus  de  lumière 
Le  même  mois  est  encore  appelé  Ziv  d  Rois,  vi.  1.  :î?J,  mot  dérivé  de  Zahalt 
(rirn)  qui  signifie  briller. 


382  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Le  peuple  poussa  des  cris  de  frayeur  et  dit  à  Moïse  :  «  Nous 
ne  pouvons  pas  entendre  cette  voix  formidable.  Sois  notre 
médiateur  entre  nous  et  notre  Seigneur,  et  tout  ce  qu'il  nous 
ordonnera,  nous  r  écouterons  et  nous  l'observerons.  »  Moïse  leur 
ordonna  alors  de  s'éloigner  et  monta  sur  la  montagne  le  dou- 
zième jour,  et  il  y  resta  quarante  jours.  Dieu  lui  fit  parvenir  les 
deux  tables  de  la  loi  sur  lesquelles  étaient  écrites  les  dix  paroles, 
et  il  redescendit  le  vingt-deuxième  jour  du  mois  de  Tamouz  (1). 
Il  aperçut  le  veau  d'or  et  en  fut  indigné,  au  point  qu'il  ne  put 
supporter  le  poids  des  tables;  il  les  jeta  à  terre  et  les  brisa. 
Puis  il  fit  limer  le  veau  d'or,  en  jeta  la  poudre  dans  l'eau,  et  fit 
tuer  tous  ceux  du  peuple  qui  méritaient  la  mort.  Il  monta  de 
nouveau  sur  la  montagne  le  vingt-troisième  jour  de  Tamouz 
afin  d'intercéder  pour  le  reste  du  peuple  et  il  redescendit  le 
second  jour  d'Eloul,  après  que  Dieu  lui  eufpromis  de  lui  donner 
d'autres  tables  sur  lesquelles  seraient  écrits  les  mêmes  com- 
mandements que  sur  les  premières.  Il  remonta  donc  sur  la 
montagne  et  y  resta  encore  quarante  nuits  depuis  le  troisième 
jour  d'Iloul  (2)  jusqu'au  douzième  jour  de  Tichrîn  (3).  Dieu  lui 
ordonna  ensuite  de  construire  le  tabernacle.  La  longueur  devait 
en  ctre  de  trente  condées,  la  largeur  de  dix,  et  la  hauteur  de 
dix  également.  Il  devait  être  en  tour»''  d'une  tente  en  étoffe  de 
cent  coudées  de  long  sur  cinquante  de  large  et  cinq  de  haut. 
Le  peuple  se  mit  aussitôt  à  la  construction  du  tabernacle,  et 
^'occupa  à  fabriquer  les  tentures  d'or  et  d'argent  émaillées  de 
pierres  précieuses  qui  devaient  l'orner,  pendant  les  six  mois 
que  dura  l'hiver.  Quand  ils  eurent  terminé,  le  tabernacle  fut 
inauguré  le  premier  jour  de  Nisan  qui  est  le  premier  jour  de  la 
seconde  année  (4). 

On  dit  que  ce  fut  dans  ce  lieu  que  Moïse  (salut  à  lui)  combattit 


(1)  Quatrième  mois  de  l'année  religieuse  des  Juifs,  commençait  au  solstice 
d'été.  Tamouz  était  le  nom  d'une  idole  des  Juifs  Ezech.  vin,  14)  représentant 
Adonis  ou  Osiris,  en  l'honneur  de  laquelle  on  célébrait  de  grande  fêtés  au  solstice 
d'été,  commencement  de  ce  mois. 

(2)  Eloul,  sixième  mois  de  l'année,  commençait  à  la  fin  d'août.  C'était  le  moi 
des  vendanges.  Mot  dérivé  de  ialal,  gémir,  ou  plus  probablement  de  lui,  vis  de 
pressoir.  Eloul  signifierait  pressoirs. 

(3)  Tischrîn,  mois  du  vin  nouveau  (Tirosch),  suivait  immédiatement  Eloul 
et  commençait  à  l'équinoxe  d'automne. 

(4)  Ex.  xl,  lJ.  15. 


LES    SYNAGOGUES    DES   JUIFS.  383 

les  tribus  arabes,  telles  que  les  peuples  de  Tasm  et  de  Gadès, 
les  Amalécites,  les  Djorhom  et  les  Madianites,  jusqu'à  extermi- 
nation complète.  Il  les  aurait  poursuivis  jusqu'à  la  montagne 
de  Pharan  où  est  située  la  Mecque  et  il  n'y  aurait  eu  d'épargnés 
que  ceux  qui  cherchèrent  un  refuge  dans  le  royaume  de  Yémen 
et  ceux  qui  Taisaient  remonter  leur  origine  aux  fils  d'Ismaël 
(salut  à  lui).  Le  troisième  mois  de  la  même  année,  le  peuple 
se  mit  en  marche  à  travers  le  désert,  après  avoir  reçu  de  Dieu 
la  Thora  et  toutes  ses  prescriptions,  qui  sont  au  nombre  de 
six  cent  treize.  Le  dernier  jour  du  troisième  mois,  l'entrée  dans 
la  terre  de  Syrie  leur  fut  interdite  et  Dieu,  le  Très-Haut,  les 
condamna  à  errer  pendant  quarante  ans  dans  le  désert  parce 
qu'ils  avaient  dit  :  «  Nous  craignons  ses  habitants  parce  que 
ce  sont  des  géants.  »  Ils  habitèrent  donc  dix-neuf  ans  à  Rakim, 
et  dix-neuf  autres  années  dans  quarante  et  un  lieux  indiqués 
dans  la  Thora. 

Le  septième  jour  d'Eloul  de  la  seconde  année,  Dieu  engloutit 
Caroun  (Coré)  et  ses  principaux  partisans,  à  la  prière  de  Moïse 
(salut  à  lui),  en  punition  de  leur  mensonge.  Pendant  le  mois  de 
Nisan  de  la  quarantième  année,  mourut  Marie,  fille  d'Amrân  et 
sœur  de  Moïse  (salut  à  lui),  à  l'âge  de  cent  vingt-six  ans  (1). 

En  Ab  de  la  même  année,  mourut  Aaron  (2)  (salut  à  lui),  à 
l'âge  de  cent  vingt-trois  ans.  Il  y  eut  alors  une  guerre  contre 
les  Chananéens,  contre  Séhon  et  Og  roi  de  Bathaniah  (3)  au 
pays  de  Hauran.  Cette  guerre  dura  les  mois  qui  suivirent  jus- 
qu'au mois  de  Chabât.  Au  commencement  de  ce  mois,  Moïse 
commença  la  répétition  de  la  loi  devant  le  peuple,  et  lui  ordonna 
d'en  faire  la  copie  et  de  conserver  par  écrit  le  souvenir  des 
miracles  dont  il  avait  été  témoin  et  les  lois  qu'il  lui  avait 
données.  Cette  répétition  fut  terminée  le  sixième  jour  d'Azâr. 
Et.  le  lendemain,  septième  jour  du  même  mois,  Moïse  dit  au 
peuple  :  «  C'est  aujourd'hui  que  je  dois  mourir  à  l'âge  de  cent 
vingt  ans,  car  le  Seigneur  m'a  fait  connaître  que  c'est  en  ce 
jour  qu'il  va  me  rappeler  à  lui.  Il  m'a  ordonné,  en  même  temps, 
de  désigner,  pour  mon  successeur  à  votre  tête,  Josué  fils  de 

(1)  Nombres,  xx,  1. 

(2)  Nuiii.  xx,  29;  xxxm,  38;  Deut.  xxx,  50. 

(3)  La  Bathaniah,  aujourd'hui  plaine  de  en-Nukra  dans  le  Hauran;  une  des 
cinq  provinces  qui  composaient  latétrarchie  de  Philippe. 


384  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Nun  avec  les  soixante-dix  hommes  que  j'ai  choisis  précédem- 
ment, ainsi  qu'Éléazar  fils  d'Aaron  mon  frère.  Écoutez-le  et 
obéissez-lui.  Je  vous  adjure  par  Dieu,  en  dehors  de  qui  il  n'y  a 
point  d'autre  Dieu,  par  la  terre  et  par  les  cieux,  de  servir  Dieu 
et  de  ne  rien  lui  associer,  et  de  ne  pas  substituer  d'autres  lois 
aux  prescriptions  de  la  Thora.  »  Après  ces  paroles,  il  quitta  le 
peuple,  il  monta  sur  la  montagne  où  Dieu  le  fit  mourir  et  le 
cacha  de  sorte  que  personne  ne  connut  son  tombeau,  ni  le  vit 
jamais.  Il  y  a  entre  la  mort  de  Moïse  et  le  déluge  un  espace  de 
mille  six  cent  vingt-six  ans  (1).  Elle  arriva  du  temps  de  Menou- 
gaher,  roi  de  Perse. 

On  prétend  que  Moïse  grasseyait.  Les  uns  disent  que  cette 
infirmité  était  congénitale,  d'autres  qu'il  en  fut  atteint  quand 
la  femme  de  Pharaon  dit  à  son  mari  :  «  Ne  tue  pas  un  enfant 
qui  ne  sait  pas  discerner  un  charbon  d'une  datte.  »  Pharaon 
lui  fit  apporter  alors  l'un  et  l'autre,  et  l'enfant  prit  le  charbon 
et  le  porta  à  sa  bouche.  Ce  fut  la  cause  de  son  infirmité. 
Muhammed-ben-Omar-al-Ouakédy  rapporte  que  la  langue  de 
Moïse  portait  une  excroissance  couverte  de  poils.  Mais  le  Coran 
n'en  renferme  aucun  indice,  et  dans  son  texte  sublime  il  ne  se 
trouve  pas  la  plus  petite  racine  qui  puisse  faire  allusion  à  un 
fait  semblable. 

Après  la  mort  de  Moïse,  les  Israélites  restèrent  trente  jours  à 
le  pleurer,  jusqu'à  ce  que  Dieu,  le  Très-Haut,  inspirât  à  Josué,  ' 
fils  de  Nun,  de  les  faire  partir.  11  se  mit  à  leur  tête  et  leur  fit 
traverser  le  Jourdain  le  dixième  jour  de  Nisan  (2)  et  ils  par- 
vinrent à  Jéricho.  Il  leur  arriva  alors  ce  qui  est  rapporté  en  son 
lieu.  C'est  là  tout  ce  que  l'on  sait  de  Moïse  (salut  à  lui). 

Synagogue  de  Djoudjer.  Cette  synagogue  est  l'une  des  plus 
illustres  de  celles  que  possèdent  les  Juifs.  Ils  prétendent  qu'elle 
tire  son  origine  du  prophète  de  Dieu  Élie  (salut  à  lui),  qui  y  serait 


(1)  D'après  le  texte  hébreu,  cet  intervalle  serait  de  935  ans;  d'après  le  texte 
Samaritain  il  serait  de  1585  années,  et  de  1715  d'après  les  Septante. 

(2)  Nisan,  premier  mois  de  l'année  religieuse  des  Juifs,  commençait  à  l'équi- 
noxe  de  printemps.  Ce  mot  viendrait  de  nasas,  verbe  qui  signifie  porter  l'éten- 
dard ou  encore  fuir.  La  raison  de  cette  étymologie  est  que  l'Exode  eut  lieu 
pendant  ce  mois.  Dans  le  Pentateuque  (Ex.  xiu,  4;  xxm,  15;  Deut.  xvi,  1; 
Lev.  xxm,  5;  Num.  ix,  1  ;  xxvm,  16)  ce  même  mois  est  appelé  Abib,  c'est-à-dire  épi, 
parce  qu'en  Palestine  l'orge  entre  en  épis  à  cette  époque. 


LES    SYNAGOGUES    DES   JUIFS.  385 

né  et  qui  y  serait  resté  attaché  pendant  son  séjour  terrestre 
jusqu'à  ce  que  Dieu  le  ravît  à  lui  (1). 


EUE 


Élie  n'est  autre  que  Phinéas  (1),  fils  d'Éléazar,  fils  d'Aaron 
(salut  à  lui).  On  l'appelle  aussi  Éliacin,  fils  de  Yacin  Izâr,  fils 
d'Aaron.  Son  nom  en  hébreu  est  Éliàu  qui  veut  dire  Puissant  et 
Éternel;  en  arabe  on  dit  Éliàs.  Les  savants  israélites  rapportent 
qu'il  naquit  en  Egypte  et  que  son  père  Éléazar  sortit  de  ce  pays 
avec  Moïse  (salut  à  lui)  à  l'âge  de  trois  ans  environ. 

Quand  Balaam  fils  de  Béor  vint  pour  maudire  Moïse,  Dieu 
lui  tourna  la  langue  de  telle  sorte  qu'il  se  maudit  lui-même 
ainsi  que  son  peuple.  Il  poussa  alors  les  Israélites  à  forniquer 
avec  les  femmes  des  Amorrhéens  et  des  Moabites.  Ce  crime 
provoqua  la  colère  du  Dieu  Très-Haut  qui  leur  envoya  la  peste 
et  en  fit  périr  vingt-quatre  mille.  Le  fléau  dura  jusqu'à  ce  que 
Phinéas  eut  pénétré  dans  une  tente  où  un  homme  et  une 
femme  commettaient  un  acte  de  fornication.  Il  les  transperça 
d'un  même  coup  de  lance,  les  porta  dehors  et  les  montra  au 
peuple,  transporté  qu'il  était  d'une  sainte  indignation.  Dieu 
(qu'il  soit  loué)  eut  alors  pitié  des  Israélites  et  fit  cesser  la 
peste.  Nous  retrouvons  le  même  Phinéas  avec  Josué,  fils  de 
Nun.  Et  quand  Josué  mourut,  Phinéas  lui  succéda  avec  Caleb 
fils  de  Jephoné.  Phinéas  devint  le  chef  des  Israélites  et  Caleb 
était  leur  juge.  Après  bien  des  vicissitudes  dans  l'histoire 
d'Israël,  Élie  reparut;  il  était  revêtu  d'un  cilice  et  vivait  dans 
les  déserts.  Dieu  (qui  est  grand  et  puissant)  lui  promit,  d'après 
la  Thora,  de  toujours  le  garder  sain  et  sauf,  d'où  certains 
interprètes  ont  conclu  qu'il  ne  mourrait  point.  Sa  vie  se  prolon- 
gea jusqu'au  temps  de  Josaphat,  fils  d'Asa,  fils  d'Abias,  fils  de 
Roboam,  fils  de  Salomon,  fils  de  David  (salut  à  eux)  qui  régnait 
sur  la  tribu  de  Juda  à  Jérusalem,  tandis  qu'Achab  fils  d'Omri 

(1)  La  synagogue  Djoudjer  étant  consacrée  à  Élie,  il  fallait  trouver  une  tradi- 
tion qui  rappelât  le  grand  prophète.  De  là  l'idée  de  l'identifier  avec  Phinée, 
dont  le  zèle  pour  la  loi  de  Dieu  pouvait  se  comparer  à  celui  d'Élie  (Nuni.  xxv, 
7-12;  Ps.  cv,  30). 

OU1ENT   CHRÉTIEN.  25 


386  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

régnait  sur  les  tribus  d'Israël  à  Samarie  que  l'on  appelle  aujour- 
d'hui Naplouse  (1).  La  conduite  d'Achab  fut  détestable  et  ses 
crimes  dépassèrent  tous  ceux  des  rois  d'Israël  qui  l'avaient 
précédé.  Il  les  surpassa  par  son  impiété  et  par  les  abomina- 
tions qu'il  commit,  en  sorte  qu'il  fut  plus  mauvais  que  son  père 
et  qu'aucun  de  ses  prédécesseurs.  Il  avait  une  femme  nommée 
Sissial  (2),  fille  d'Aschaël  (3),  roi  de  Phénicie,  qui  était  encore 
plus  impie,  plus  hautaine  et  plus  orgueilleuse  que  lui.  Ils  adorè- 
rent l'idole  de  Baal  au  sujet  duquel  Dieu  (que  son  souvenir  est 
grand!)  a  dit  :  «  Invoquez-vous  Baal  et  abandonnez-vous  Dieu, 
votre  Créateur  souverainement  bon,  votre  Seigneur  et  le  Sei- 
gneur de  vos  premiers  pères?  »  Ils  élevèrent  un  autel  à  Baal  à 
Samarie.  Alors  Dieu  qui  est  grand  et  puissant  envoya  à  Achab 
son  serviteur  Élie  pour  le  détourner  du  culte  de  Baal  et  lui 
ordonner  de  n'adorer  que  le  Dieu  Très-Haut.  Voici  ce  que  Dieu 
fit  dire  à  son  peuple  par  Élie  en  lui  donnant  sa  mission  :  «  Ne 
serez- vous  pas  pieux?  est-ce  que  vous  invoquerez  Baal,  et 
rejetterez- vous  Dieu,  votre  Créateur  souverainement  bon,  votre 
Seigneur  et  le  Seigneur  de  vos  premiers  pères?  »  Mais  ils  refu- 
sèrent de  croire  à  sa  parole.  Désespérant  alors  de  leur  inspirer  la 
foi  en  Dieu,  il  les  abandonna  dans  leur  idolâtrie  et  il  fit  le 
serment  devant  Achab  qu'il  n'y  aurait  plus  ni  pluie  ni  rosée, 
puis  il  le  quitta.  Dieu  (louange  à  lui)  lui  ordonna  alors  de  se 
retirer  dans  la  région  du  Jourdain,  et  il  y  resta  caché.  A  partir 
de  ce  moment  Dieu  empêcha  la  pluie  du  ciel  de  tomber,  de 
sorte  que  les  animaux  périrent  avec  tout  ce  qui  avait  vie.  Élie 
resta  dans  sa  retraite  jusqu'à  ce  que  l'eau  vînt  à  lui  manquer. 
Fendant  tout  le  temps  de  son  séjour,  Dieu  (dont  la  gloire  est 
immense)  lui  envoyait  deux  corbeaux  pour  lui  porter  du  pain 
et  de  la  viande;  et  quand  la  source  dont  il  buvait  l'eau  se  fut 
desséchée  à  cause  du  manque  de  pluie,  Dieu  lui  ordonna  d'aller 
dans  une  ville  de  Phénicie.  Il  partit  et  quand  il  arriva  à  la 

1  Naplouse,  située  dans  la  vallée  fertile  qui  sépare  les  monts  Hébal  et  Gari- 
zim,  occupe  remplacement  de  l'ancienne  Sieliem  et  non  de  Samarie.  Cette  der- 
nière ville  doit  être  identifiée  avec  la  bourgade  actuelle  de  Sébastieh  à  10  kilo- 
mètres au  nord-ouest  de  Naplouse.  Ilérode  ayant  reconstruit  magnifiquement 
Samarie,  la  nomma  Sébaste  en  l'honneur  d'Auguste.  Ce  nom  lui  est  reste. 

(2)  La  même  que  Jezabel,  fille  d'Ithobaal  (I  bois,  xvi,  31). 

(3)  Makrizi  confond  ici  Ilasaël,  roi  de  Damas,  avec  Ithobaal,  roi  de  Tyr,  père 
de  Jezabel. 


LES    SYNAGOGUES    DES   JUIFS.  387 

porte  de  la  ville  il  rencontra  une  femme  qui  ramassait  du  bois. 
Il  lui  demanda  à  boire  et  du  pain  à  manger.  Elle  partagea 
alors  avec  lui  ce  qu'elle  avait  chez  elle  :  une  poignée  de  farine 
dans  un  vase  et  un  peu  d'huile  dans  une  jarre.  Elle  avait 
ramassé  du  bois  afin  de  préparer  ces  aliments  pour  elle  et  son 
fils.  Élie  (salut  à  lui)  lui  adressa  de  bonnes  paroles  et  lui  dit  : 
«  Ne  t'afllige  pas  et  fais  ce  que  je  te  dirai  :  prépare-moi  un  petit 
pain  avant  d'en  faire  pour  toi-même  et  pour  ton  enfant;  la 
farine  ne  diminuera  point  dans  le  vase  ni  l'huile  dans  la  jarre 
jusqu'à  ce  que  la  pluie  tombe  de  nouveau.  »  Elle  obéit  à  cet  ordre 
et  Élie  demeura  chez  elle.  La  farine  et  l'huile  ne  diminuèrent 
point  à  partir  de  ce  moment  jusqu'à  ce  que  l'enfant  vînt  à 
mourir.  Sa  mère  en  conçut  un  profond  chagrin.  Élie  pria  alors 
le  Seigneur  Tout-Puissant  et  ressuscita  l'enfant.  Dieu  lui 
ordonna  ensuite  d'aller  trouver  Achab  roi  d'Israël  pour  que  la 
pluie  tombât  au  moment  où  il  lui  en  porterait  la  nouvelle. 
Élie  y  alla  et  dit  au  roi  :  «  Assemble  les  fils  d'Israël  et  les 
prophètes  de  Baal.  »  Quand  ils  furent  assemblés,  Élie  leur  dit  : 
«  Jusqu'à  quand  hésiterez- vous  ainsi?  si  le  Seigneur  est  le 
Dieu  unique,  servez-le;  si  au  contraire  c'est  Baal,  retournez  à 
lui  et  j'irai  avec  vous.  »  Puis  il  ajouta  :  «  Que  chacun  de  vous 
apporte  son  offrande,  j'offrirai  un  sacrifice  à  Dieu  et  vous  en 
offrirez  un  à  Baal,  et  celui  qui  acceptera  le  sacrifice  qui  lui  sera 
offert  en  faisant  descendre  le  feu  du  ciel  pour  le  consumer, 
celui-là  est  le  vrai  Dieu,  celui  qu'il  faut  servir.  »  Cette  condi- 
tion fut  acceptée;  on  amena  deux  taureaux,  les  prêtres  de  Baal 
choisirent  l'un  d'eux,  l'immolèrent  et  invoquèrent  leur  Dieu  en 
disant  :  «  0  Baal!  0  Baal!  »  Élie  se  moquait  d'eux  et  leur  disait  : 
«  Si  vous  éleviez  la  voix  un  peu?  Votre  dieu  dort  peut-être  ou  il 
est  occupé.  »  Ils  criaient  et  se  blessaient  les  mains  avec  leurs 
couteaux  et  faisaient  couler  leur  sang.  Quand  ils  eurent  perdu 
tout  espoir  de  faire  tomber  le  feu  du  ciel  pour  consumer  le 
sacrifice,  Élie  appela  le  peuple,  érigea  un  autel  et  immola  le 
second  taureau.  Puis  il  le  plaça  sur  l'autel,  versa  de  l'eau  trois 
fois  par-dessus,  creusa  un  fossé  autour  de  l'autel  et  ne  cessa 
de  verser  de  l'eau  sur  la  victime  jusqu'à  ce  que  le  fossé  fût  rempli 
d'eau.  Il  se  leva  alors  et  invoqua  Dieu  (glorifié  soit  son  nom!) 
dans  les  ternies  suivants  :  «  O  notre  Dieu,  fais  voir  à  cette  foule 
que  tu  es  le  Seigneur,  que  je  suis  ton  serviteur  et  que  j'agis  par 


388  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

ton  ordre.  »  A  ce  moment  Dieu  fit  descendre  le  feu  du  ciel  qui 
consuma  le  sacrifice  ainsi  que  les  pierres  de  l'autel  qui  était 
sous  la  victime  et  toute  l'eau  qu'Élie  avait  répandue  autour; 
Tout  le  peuple  adora  Dieu  et  dit  :  «  Nous  reconnaissons  que 
c'est  le  Seigneur  qui  est  Dieu.  »  Élie  leur  dit  alors  :  «  Saisissez 
les  prophètes  de  Baal.  »  Et  le  peuple  les  prit,  les  emmena  et  les 
mit  à  mort.  Ensuite  Élie  dit  à  Achab  :  «  Descends,  mange  et 
bois,  car  voici  que  la  pluie  va  tomber.  »  La  pluie  tomba  en  effet 
comme  il  l'avait  dit.  La  sécheresse  était  terrible,  car  il  n'avait  pas 
plu  depuis  trois  ans  etquelquesmois.  Lapluie  tombaavec  une  telle 
abondance  qu' Achab  ne  put  s'en  aller.  Sissial,  femme  d'Achab, 
fut  irritée  violemment  de  la  mort  des  prophètes  de  Baal  et  elle 
jura  par  ses  dieux  de  les  venger  par  la  mort  d'Élie  qui  fut  saisi 
de  crainte  et  se  réfugia  dans  le  désert,  en  proie  à  une  grande 
affliction.  Dieu  lui  envoya  un  ange  qui  lui  apporta  du  pain,  de 
la  viande  et  de  l'eau.  Élie  mangea  et  but  et  Dieu  lui  donna  des 
forces,  de  sorte  qu'après  ce  repas,  il  resta  quarante  jours  sans 
manger  ni  boire.  Dieu  lui  inspira  ensuite  d'aller  à  Damas  et  il 
y  alla  avec  Elisée  fils  de  Chabat  appelé  aussi  Ben  Athor  qui 
devint  son  disciple.  Un  jour  qu'il  sortait  de  Jéricho  avec  Elisée, 
ils  vinrent  au  Jourdain;  Élie  quitta  son  manteau  et  en  frappa 
le  fleuve  qui  se  sépara  de  chaque  côté  et  laissa  un  passage. 
Élie  dit  alors  à  Elisée  :  «  Demande-moi  ce  que  tu  veux  avant 
que  nous  soyons  séparés.  »  Elisée  lui  répondit  :  «  Je  demande 
que  ton  esprit  vienne  sur  moi  doublement.  »  Élie  lui  dit  :  «  Tu 
demandes  beaucoup;  mais  si  tu  me  vois  au  moment  où  je 
serai  enlevé  d'avec  toi,  ta  demande  sera  exaucée;  si  au  contraire 
tu  ne  me  vois  pas,  elle  sera  rejetée.  »  Pendant  qu'il  parlait,  une 
vision  leur  apparut  semblable  à  du  feu  qui  les  sépara  et  enleva 
Élie  au  ciel,  à  la  vue  d'Elisée.  Celui-ci  s'en  revint  et  succéda  à 
Élie  dans  les  fonctions  de  prophète. 

Élie  fut  enlevé  au  ciel  sous  le  règne  de  Joram,  fils  de  Josa- 
phat.  Entre  la  mort  de  Moïse  (salut  à  lui)  et  la  fin  du  règne  de 
Joram  il  y  a  un  intervalle  de  570  ans.  Moïse  (salut  à  lui)  exerça 
les  fonctions  de  prophète  pendant  quarante  ans.  La  durée  de  la 
vie  d'Élie,  depuis  sa  naissance  en  Egypte  jusqu'au  moment  où 
il  fut  enlevé  au  ciel,  près  du  Jourdain,  est  de  six  cent  et  quel- 
ques années.  Quant  à  la  question  de  savoir  si  Élie  est  toujours 
vivant  et   s'il   ne  mourra  point,  les  érudits  et   les  ulémas 


LES    SYNAGOGUES    DES   JUIFS.  389 

musulmans  sont  d'avis  différents  à  cet  égard.  De  même  il  y  en 
a  qui  disent  qu'Élie  est  le  même  que  Phinéas  comme  nous 
venons  de  le  rapporter,  tandis  que  d'autres  affirment  que  ce 
sont  deux  personnages  différents.  Mais  Dieu  est  le  plus  savant. 
Synagogue  Al-Massahssah.  —  Cette  synagogue  est  en 
grande  vénération  parmi  les  Juifs.  Elle  est  située  dans  la  rue 
Al-Massahssah,  au  Caire.  On  croit  qu'elle  a  été  réparée  sous  le 
khalifat  du  commandeur  des  Croyants,  Omar  ben  Al-Khatab 
(que  Dieu  lui  soit  propice).  Sun  emplacement  se  trouvait  à 
l'endroit  appelé  chemin  de  Karamat,  Elle  fut  construite  l'an  315 
de  l'ère  d'Alexandre,  environ  621  ans  avant  la  fondation  de 
l'Islamisme.  Les  Juifs  prétendent  que  c'était  la  salle  d'audience 
d'Élie,  prophète  de  Dieu. 

Angers. 

L.   Leroy. 


FIN  DU  TEXTE  ARABE 

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390  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

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LES    SYNAGOGUES    DES    JUIFS.  391 

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392  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

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JUl^-1      '^  dUi   ULlâ  ^j^ûjuj  ti^-^'J  f***'^.'  ô^  f^-  V^^i 

j^C*    V    Ujbj   fcLae    fs^ y   f*J    <Jy    ^-*-    Uy^*    '-^   <_>    -?       .. 

AS^ji  <>  j^X  JO  «dUs^a«  Ol  <Ji-i  ls-  AjUo-  X-VJLl  j_^^  ^1 
L^X-j!  -*i  t»YT^^  ^^  O^Jî.  '^-^  j-iVl  jjLXla^  ^j-^p-J  ^^l;  j' 
£  «UJ1  Ca9  Uj  i*"3*  cl»li-  Asifr  >is-^  Uii  L^Jl^^l  ^là  viUl 
^«»y>  <Jls  U  Oy-^f  -i»Us  -01  ^L  <j  ilj  Ua*Jl  A,!  bljlj  AjO 
Je    v>lw*«j    cXil    -V3    ijj^>    i£ij    jL    ^U>c— »    AÀJl    d*3    ACa>    X^j 

^*u^«    iJZjL>     /y^p-1     L«*9     ^«i     CLc-     /*£■     j^l9     UJ    Ail     *T     1*^*9     (V^" 

is-L&    viU    ^1    ^     j^-j^    Jtëj    Cii.    iUjl»    j^^r^^    J^    fr*^ 


LES    SYNAGOGUES    DES   JUIFS.  393 

Jls  (j^jV'  j-^U'  A-*  ,y~Jj  tU.*JI  ifyk  I-*-*  J^9  li-Cfr  /~» 
^Ic-      I  A^^tl      Jlsj        ~~ol  j-JI      ^U&«s>IJ     «CL^xllJ     fc^s»iuJl     A*-^»     ^*'J 

*Zj&z~>  (V^J  l&"J*  ù**.  r^"  ^  (**  ^3^-?  pv*^*3  {S* y*  i^**>'  -As 
JjJuJl    ^-3>o    U    JUx-Vl   /».«    j  *À**>    LûJl     *^jujij   s â-il    <_s*->'-*    '3    -J 

U     L~Uj     4-LâJl     ^UIS     fc^fclis     , >Ul  1^5     *yhj>-    <J    U     l^l«J     jj^     ^     >-• 

4>.j  <-^j  /»Lkc-  jli  \  <*J  U  lj~L«J  ^-^J!  fJ'J^  J^  (3  r**-^  _}* 
A^-Ue.     ^L»-        -ic-     <W^j-«     ^ds^lj     ,_ jU>c~Jl      *Aj*     ^»,.)?C-     .sL~s>-l>      .SJ^ûJI 

'vJy**  o^^a*   \-y~*j  pij3  ^  *••  y^j  f«Y,Ar*s"  <-)    <j"    .  fV'"  v^^'J 

Uam  1^2»  £y  >U  ^2^  <j£  (j-Ul  j\*2>\  (j-i*J  ^»0  ^  ^<^J 
lyja»  f~^.  ^_P  ^^  J^^  (J  j'^r^'  4^r^  'J_^  ^r^"  ^--^J 
O^-    lji*aj    J^*"    ^ô^    (J^    ^J*3^"     'Jj^J    T^'T^'    T^    r-**~iJ    ^^ 

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vifcl    sJpo"    V    AJl     AiJl     ^^^1     ^     A,     ^yl     J^J    ^.y»    p£\j     ïj^s* 

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SjL-4)  jyc-J*  ^^  J*û>  ^^  ^^  0^*3*"  ^  r^^r5  ^  (^*^5' 
^— ^^J   cr-j-*   Cr*   ôj>t-i   u-^J   ^    S^^Jl   *UjJ   ^^-^ 


394  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

a)  ,t.:.U&  jVir  àla  (j  cAiij  <3^V1  ô^  ^.^  t^*"  *^a*J.  (_$*">* 
l^ls  j^JI  jl^j  c^^s  jyj  £.1  ^  vilU  j*  ^iijj  jj*^  VI 
^À)l   ^J!   <j    cJoj   ^>-}Ui    <^   W   o*   J^J   L^c-j   VL>. 

Jl    »JuL^-    cJlS    A9    isjUcsoj    S^S    l-Ux.    ,*ALlj     j  j£^    jlA>     Jual> 

*_^*J  i"^_3>=-Jl  Jl*_&  ^ic-  ^_j^JLJ  ^aiîl  w»>U-  ^X&  Ai  <j  1 — 1U- 
J^    -rj-^..  J^  ^rY^    *^    <^    -P"^    ^    f*JJ    Jr^\    ^^   ^ 

\*>  "^  (*VS^^  'JJr^  vj-^'  .wAlJ  y_flb«ilj  (V^Ji  <j"  y  JT~J?  f^*~l' 
jlS     US     UaC     fc-Ao      ^J      ^^J     cS^J"*      A>s^w«li      *AAj^     v^LJIj    A>Aj 

x*a«Jlj  JL>J!  "y*  l^-i  jlS  Uj  s-^i^Jl  viili'  ^  (j-^^  ^.  plj 
^Jl  ^i=~  ^Jl  «-U  \*  a^j.  Uj  bjUc=Jlj  -UjJi  ^y>  Vj  (j-l-J'j 
Lilj  <y^oVl  Jux-  \*  1Â*  Lo  £^e~JI  ^Jlà'  ^iiJi  ai«9  l^Tl  Aa^jI 
&\*>    \yj\    ^y»   j^J    J&    *^V1    ^   j^Os    jL>-    J«9    Ja  y» 

'_?  ^*>"->"J       «*"  5-*°      1  ***W    r*^ '  r*^     A*^'     U3     (V^J»^^     jv^*^    AliaL-»     j(l_J 

Jl*1   J^    j-*   Iàa   (V-Jj   ftU-Jl    a)1   Jl«9    ^   lÀ*  IjJ^j   oy- j 

<JJlL,Ji  jL-J  j^>  ^J\  j\>\  j^  {y*  i^^  ^r-^  _X::>"'  ôjZ'j*  y*'**.. 
jv-fciLjti—lj  JlJI^-i  ^i    ^^Ic-  ^j^>-  -^1  J-,  a^>c»  V  jyt-jj 

^jlj_PtJl      ^^J      jjZ-y      CoUsU      JU^Vl     Al^     3     ^.^,t~'     f**iU»o"lj 


LES    SYNAGOGUES    DES   JUIFS- 


395 


ja  LU*  &\6  l^U  [Yi\±£\  Xz  ^JL  J  l^:&>ol  *UjJ\  J  ^^ 

•^    eoluaH    j^J^    CjJ&J    ^^    j***    d*\    J&\    ^*    (J^    ^° 

j^tëOl  ^LS  pr-ic  ^j  p~J1  ^j  *1^1  ^-^  J^  J*y^ 
^•Lc-lj    ^J-*    ^"k?    pr'V"    pr^    ^*J   pr'W    £#"   ^ 

al^pJl  ^j  jUJl  £**»  ^j  oU^Mj  ^  y  «£j^ 
UjJI  ^Jl^lj  OUI  J>yJ\  lS«*Mj  jUiV!  jjrf  ^  JalîJlj 
dUi  ju,j  rL^VL   ^  \&±  ,>  *=*^  c/*"  ^  *1^^-  Ut 

y  J^  dUs  j  ^  jyO  ail!  viUr  j  «.   ^  VI   ^  aJj 

j^  j*i  ^â,  jî  ff^jJ*  -^  b^  r*^  *byH  &  ^r*-^ 

1^1  jîj  ^  j^J  ^.b1  ,>  <*°  à*  ,JPB^J.  «&  -^  ^ 
*U  <c  ^a.  Vj  Ui^  c  lj^-X  Vj  jsU*j  *»\J*\j  ^-b  ^y1 

^  ^it  ^.IJi  C>J1  j  ^!^j  ^  r*J^  â5^1-?  ^^   Cjli" 

^j  j  rr^j  5*jAi-  rrtUjîj  ^>»  lyélij  ^jïi  j^ 


396  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

^jjUt*    u^~j    ^  AJi    aJU-Im.    ^.TAf.     «j^jISj    ,  J"*>*    ^W'    (V°    Ctj^"    ^ 
lyO    ^LJl     J'Ul     j^j£.    iaJi)l    cJ^J     ^^illj     jl—d'J    *L~IJI     t£y 

l»  (^  ^pi    -^*  U  *r»"-tej  cU^r^    ^    ^    J15   Ail    by^j  ^ 

jj-sjj     jjJg,,>U)      LJ     (*fjlj      jjAJi'     <ô^J      ftVj>      j^      ijy\      ,j     *U- 

A*  »sj    lc*"  *•«    Ue>j    U**>-    aaJI    .^9  jUs    A*a3j    (j  y^J*    (J^    y^1 

■7X.  ,' ■'         _»w  ».<=       nj*      I  a^£*»»*>_J      ^J  aJi.M      ,5       lx*^»-      j_J«o  1    w»>l        a_o       '-'.S'-? 

Jbj     J^JaJlj     ^yj]    l     \fi>y\    ^    Jj\^~,\     ^     ftLoJ    Ija>-V-j     ^-Ol 


LES    SYNAGOGUES    DES    JUIFS.  397 

Hjy  <X*»!j  JjiaJl  «AJl  *3j  ^~t}\  ^a  ^joUI  jJ&J  ^JWI  fjJI 
Jcl^lj     Jj^b     ^Jl     J^VI     J     ^b     ^UiJl;     AJI^ys-    JiUj 

C«*~J1    ^»^-j    ^p^'    l-ov^    J;J    /**"«    i^JLIpïT   V    [à'Jà     /y*    ^uu    jvNJ 

l^llsj    Ij-UTjlj    »jiï\    ~\*à    <ijj    LJ    d)li>-l     -X^-ci'    V    Jjj    SiljJL 

aJI  <ui   *j^j  u_^_  jj^J  v   c^  -J**  <J^   f-fc^  «3  d^  <^ 

jL)I   fj-Ji   (3   <-^J   v1jUJ3  ^j-^jJi   rt^pAc-   y^>  aIx^Ji     jbi^Ji     ~yx>-Aj\ 
V*t    c^"    ^^-?    ^^'   /"-kJ^    ekfaJl    cS^    J>*J'  ^rr^    cT°   Jj'^A'^J 

iiJl*     \a     cî-Ui j     (5^r>-^    ^J     <>*>  J^     f^l  j     (J-^tJl    ^    -U^a9    /JjV^ 

«Ll)l    £->L?l    <UI    fc^«l    J'   fjij&ï   y»    jts-    (J^l    /»jJl   .Jl   Jd>l 

çyil  is^tfr  ç-liTjlj  cyil  fc^ic  ^^  (3  ^-P  <j?^  ^^>  j^J 
c-UTjIj    l&lji     **—«.=>-    (J   ^'j-2    4-îU    yJly>-    ^jj^Â*    (J^'^r"    V'J 

"yA       jÇ**J\  *yA  Us>  jV^/^J         V^'O'^'l         (_5         (*5^^        Â=>-l9        p-jil       4~*+S>~ 

«ulc   lçm y*    j'    Jlij   aJui    aI^Ji    Jji    (j   jL-J    /j-«    JjVl    cjJi   <J 

jvAfS'-J  (Jy_JUjiJlj  j«_)As>-J  Lr-*-*'  C/**  «— '^*J'  cJJUfe  i»Jjv3^  /»^V*wJI 
J^J  jO^  (J*?-  ^^  (J^J  ^'j  ^*t>-  (V*^'  ^^  (jj.-*-*  cWj 
^J-j       ^Jl      L5-^>l      J'      rV*-^'      *-^-^       (V^C'I       J^«      Vl       (*f>~»       pw       (V*3       ^X^ 

,3  /»Ji31   /^«i»  «CmJ!  5$Àfe  j^  j^j.  (j^r  (jj  f^-*Jl  <~^-  JL^U—1 


398  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

^j^Tj    Ajlw-    Ij^cl^Ji    AU^>-J    fclj^lJl    (*y~*£-    CJjJ    jl    A»    jUail    A>   > 

ji    >»L^J)     ^»ji    f*^*^     ,»-v0^P'     <^>^>    ^^-^'    ^*"'    <3j    ^^r"    ^^r-*5, 

i«-5j  (3  <^-w    ^j^    ^*"»   i_^«v5^    jjjW*"   (^^    y^*i    ^jliti    f^j-^ 

^j    fclj*lJl    (_î    A^-j^iu*    U*i?y«      "y~ju  j\j    -\2~\    ^    <Lw    fc^JLc    )Wj 

jjjLL)  AJJi  (_^J>-  a_jLLj1  a_lJi  /j*  J  *a>1  ^*~^  /»*  *)LJi  *  »Ji 
jl~J     «~£  (3j  1j_j-o  U  f»^--^   /»^a*Ji  aJx  (c— •  v  ftU-Vj   aTUjIj 

»^LJl     AJx.     tç^y*     tJU^-1     jl^^t     ALl     j    j     C**9  *T       Vjuji/i     ALJl      \a 

^c  jjjU  O^  ^1«  ^j\  j^  ijj  Àiw  jj^r^j  O-wj  aJL  Lp_j 
ïljj^l   ibUl    j   (<-_>•   -^    -^^   <J*I    ^  -^^  ^r^  <^  ^^ 

/»_*  fcj-\JfcuS  U  Ja_ûs»-J  LCLÎ!^9j  L^Lst^o  t_^L>s)  ^fe^lj  «  yu\  \ç. 
^^LJI      *y$\      ,3     ^i     ^»^J      j^j      ^^     ,V      ^     *J-^»-l      bj     *J^ 

*\£j     Aj      ^I*JaJÎ>     .A3     Ail     /g^Jr^     -^     ^'     j'J     *•*•**'     ÂjIaj     /^^Sx- 

>A_»-J       j  »  » Il      A«^J       jy         "y       A^V       /♦^v-.Vfr      v»_aA^lL~>1       (Jl      Lç>^r*' 

^^1  jjjL&  j^  jjUI  nr^j  *zïj}\  \Â*  J^  tt^'J^-^  ùi^ 
^>j)J\j  y*  VI  a]|  V  ^ÂJI  a,0I  *iCU  j^Js!  lilj  \y^>\j  <J  lj**-wli 
blj_ydl  *l^  IjJ-^'  Vj  frLi  a»  \^j£*  Vj  a,UI  ^.a-jJ"  jl  olj^-Jlj 
Jj    bU=>-lj    d3U*    l5^^'  A^k-is    ^LsJl    A»^?j    f^J^    (**    ^*^r*i 

jlijJJI     ^J    t5*"-^*     ^-^     C^      ^      -^     ^-^^     Vj     *^3     j^-«     A»-l     U» 

viA_L«  ^-jj^-y-Lo  />U    (J  <^-Uij  AU-  jj^~&j    c— j   aJLi~>j   » fiJi 

AjLli-  dl)i  ^U»  j^>  |*f~ui    A^'   j^   t^^8   j'  çy  <f"J3  cfJ" 

V     j_y^^À)     Oyy     *\j*\     £^&      (Jf"     *\j£-\     L«J1      Ail      *^j     ^     (^*J 


LES    SYNAGOGUES    DES   JUIFS.  399 

û'j«^  ^vj  «uLi  <Ac  y^\S  fg^ y  jLJ  jl  ^A9l  Jl  y*£,  \»  A^st* 
*A*     l^lsU    '^    jjj    dUi     y>    ^    ^    JLk    ^U    J*    Saâc. 

\y\y  jLJ  j*  j^>\J\  <>jJ\  j  jjjVI  ^  ^j  ^Us  ^f-J^, 
^y>   ^y>-   ^^>-   *-\&    4*^?i^«    ,j   j_j5-U   jjb   U   i^vU    jl^Cà    Uojl 

jl^j   l^o   aJj  «clj  ^MJI   <J&   ^Ul   aJUI  ^J  ^j;  a;I  \y»£>jj 

aJJI    5s-V-£.j    (5-ÂJI    .j-*2^    >*    *»lj    (V***    ^^    J^"    *Lr*^J    f>LJI 

*Sjij  (V^-U  (J^*»"  ^i  «_^2*s  jl£  U  _>' y>  ^Lftlj    \^;ijj^Vi  'Lj^ 

lÀA  ^j-UtJLi  *=t*»  j!  ^1  ^  jj^r^J  ^J^  r^«  >^^  ftljJl  ç^S 
A_5>c_«^rj  L*-,>-.<>.-.->-  L»-p<JàIS  L.)  (Jj>  ^^^r*'  (C'^'  U^-J  ^^  fr^>"  L5^c' 
f*SjJ  AJV2>c>—  A,U1  i^^s-^9  AAJ  L^ai-  L«Jb  x~Zj  Uy«x9lj  aJ^j  jt-^3^j 
^-*-^J     ô  9— '     /H     *-~'¥    ^^     /ç0     ^-*    J«*'    ^2)'    *^    v^^J    êv>  Jl    fY*^ 

jL«£j      L_LS  y       *y      jjïUJ       *£>     lÂft        ^Istl-S     XA«j       \j»     Ai      *JZ y      Zj^> 


340  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

^    jLX*  ^  p^J  Cf.   ^  tj-:  ^-'  (j;   ^^jri.  ^*  jl  <_^ 

a_l«  ^-ol  1a_^  dlU  oUUl   i»l   JL^~    IjJ   JU>   Sl^J  aJ  o!oj 

Jl  o^j  J-S"   *-^l    c^j^   jj^r»~z  ^u»-Uj   U-qÀ*  aJ  Ulïlj   /vJjYI 

<V^  <j"^  J^J  *J>-^  ô*  <JfJ  J*  ^  ^'  dl)Sj  *a»-j    JLr  aXII 
(V***-'  jjj-^-Tj  ^"-t   jj-2--^"  >  j_^-*>"   *    '  <«j.û)  Jls  il    vX-^JI 

V   jl   ^J-^l   •U-JsLi'M   <J  ^51   â*_^  ^^  w^J>J  ^  pp0"^ 

jijVl     "^-lî     ^«>À>     jl     AiUo—    aDI    5S  ,-»U    O^T    J1     \-Vi    Vj   ^ia^    j}^ 

fc-CLc.    jlS    U   v_à=»    jl      Jl    jllL-l    (j   b--£«    (T^Ji    Jjj    (^*    ^*^r^J 
jL^jL.    a_JI   ^^^0    4j>l^  JU.  4)1   jl£  cl5l  J^i,  jj  *U1  j^» 

^j       -JL»-     -r-jpzS     \-\~>&      \>\-K*    ija*i     ,Ji      r~~>     0'     ^'    *r°^    w/*a-*^' 

,j    C*jj    Cy>    "^'J     ftL«'l     J     J— io    ^^C-    J^«    VI    UXt    U    jl    aJ 
<u_lc   (j-UI    U^i-i    lj~ôlj    ^a    <u    ol^ÂJ    ^^LsJI    a*j«>"   lyôlj   S^s» 


LES   SYNAGOGUES   DES   JUIFS.  401 

ftkV!  ,y*  j^aw  V  ji-dl  jU  d-OjJj  ^LàJ  JL«r  jl  JJ  >LX5 
Aiij  <j  L&^h»'  L*  o-LLi  ^LJI  J^>^  ,^»-  *y^\  (V  ^°J^J 
LaaJj  oL>  jl  Jl  cUi  -Vjo  £*»jM  Vj  J^-^l  (j^^  i*^  L&X£. 
jl  «dJI  *^_Jj  aJjJI  ^li  JL"  4.j  ^Ul  JLi  Uc  c^j^j 
0  sjL^I  -Cp  J^JI  Jj,J  JJ\^J  ^  dUL.  v>-l  Jl  jw 
lj*^>-l  LU  JL  ftLîlj  cUl^J  j*    «^s-1  <0  JU'j  01  jLi  dil-Â* 

jij  *j-^u  ajji  ^ji  ji^  ji  j>uji  \x*  j*  j\  ^yi  rrs  ji; 

^jJ9l9  UJI  L>  JS  ^jJ.itJ  Jlîj  «01  li  Ijju^jU  <d!l  y&  JL  jté 
*L~JI  /^-o  jl'  oJjij  ^^^'  ^  <J~&>  {j*3  JLJ  *I>1  \j> y»j  <dJ  lil 
1jjLl=>-Ij    ijlJj*     lj^=>-l    ctUÀs    lj-^j    Lis    -A^    j^JJ!    <Jli    Cols 

jj-LJij   JL»    JL    JL    JL    «ulc-   jj^L»   ijjLj  fc*>».ij-  LaAs>-i 

iJjÂJL*  Jl  aJ«  (*^Y^'  (J*J  yUA9  a>s>I  4^3 1  j*I*3j  aJ  J  lij  j^-s  ^>c~-> 
L»_L9     (J.-<-^o"     *^oloj     ^^oLX-Jlj     -^oAJ     jj-^^rf^J     Jj-5'"^^2'     f^J 

«v«jLj*  Jl  cj-^i  ^'J'  ^°  (*^^^'  coLj  jLji  Jj-X  jl  /*.«  ij^oi 
<Ls  j_i    *L«JI    ^»-^?j    i-c_>-L^Jl    ^Ic-    ^L-j    iju'   f^^J   bo-Lo    c^lj 

k_>_«a_>      J  Lj     *A9     lj  «-as**     IsAl»-     jt_>»L<Jl     (J y>-     (Ju*>-J    Cj\  y»     >-J>A.* 

j_£  <*JJI  ^£.A)  a»Is'j  *UI  "y*  {jXs>^\  y&*\  jf>-  jv^iJJI  ijy  *LJI 
^jlj  ^Jl  viUl  «L^L^JI  s-yJ  ^J^l  x^JJI  ^Lo  j  Jlsj  <w-l 
jlj^l  c~ol  *U  ^  IjL  «cLix^  «UJI  Jjîl»  dJ^l»   JuLi  dl-v-^l 

,^wO  <^-LJI  ftL«JI  *_~»ja~J  *»cDI  ^'ji  JO  ^Jl  rc_>i^JI  fcjUc»-J 
jj-Ul     Jla9      <wl     w»Jl     jl      -^p^->      1  jJ^J     jj*^-?-'      T^  -^tu-î     AJAs>- 

^J^-V     Jlsj     U«eJ    ^O    (^B-^i    (^     *L^J    IjÂi-U     JL     6L'I     Ijii- 

JLi  L.  ^L&  JaJl  Jj-^  Jj^  J2^^  0^  ^^b  O^J  Jj>^ 
-'J^J  ^nr*^^  ô~~^   ^-^  *~x^  J^2^^  P'^3-^  ***"'  -^  -ysJi  j^j 

JL,.,.«3_ tj^w^2*3     AT^1>0     ^_3^io      jl     ^jj^-1     ^ )?'■'. .^    J     ^I=>-    _^ia-«Jl 

^LJI  ^jj    \Jjod{   J^Jl;    ojLU-j    JL    ftL'l   Jili   v_jj»-l   ïl^l 

OKIENT    CHRÉTIEN.  26 


402  REVUE    DE    i/ORIENT    CHRÉTIEN. 

(J-«jlà  1-^-Vi;  Lx.  *Icl  -vSj  jjliJi  Ji  7r^=»-j  ^/Ul  pjiâ  *^?^c- 
(JLû_)j     0>-j»— »     /y     ^«-Jl    (_^>£>i?j    Lj Jl    j\~*3    .JyJLo      Jl    ^^i*.>    jl> 

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ANALYSE 

DE  L'HISTOIRE  DE  RABBAN   BAR    EDTA 

MOINE   NESTORIEN    DU   VIe   SIÈCLE 


Thomas  de  Marga,  dans  son  Histoire  monastique  (lib.  I, 
cap.  iv),  nous  apprend  que  l'histoire  de  Bar  cEdta  a  été  écrite 
par  l'abbé  Yohannan.  Iso'dnah  de  Bassora,  dans  le  Livre  de  la 
Chasteté  (nos  15  et  113),  dit  que  ce  Yohannan  était  persan  et 
disciple  de  Bar  'Edta  lui-même. 

Cette  histoire  se  trouvait,  ainsi  qu'on  nous  l'a  affirmé,  dans 
un  manuscrit  conservé  à  la  bibliothèque  du  couvent  chaldéen 
de  Notre-Dame  des  Semences;  il  en  a  disparu  depuis  peu. 

Mais  à  la  même  bibliothèque  du  susdit  couvent  se  trouve 
une  autre  histoire  cle  Bar  'Edta,  extraite  de  la  première  et  con- 
servée dans  plusieurs  manuscrits,  tous  récemment  copiés  et 
remplis  de  fautes  d'orthographe.  L'original  serait  perdu.  La 
copie,  dont  je  me  suis  servi  pour  ce  résumé,  a  été  exécutée 
au  mois  de  février  de  l'année  1902;  elle  mesure  18  centimètres 
sur  12;  les  pages,  au  nombre  de  231,  ont  de  12  à  14  lignes. 

Cette  histoire  est  écrite  en  vers  de  sept  syllabes  par  un  cer- 
tain Abraham  Zabaya;  elle  est  divisée  par  l'auteur  lui-même 
ou  plutôt  par  le  premier  rédacteur  en  soixante-deux  chapitres, 
précédés  d'une  longue  introduction.  Le  style  ne  manque  pas 
de  grâce;  la  rime  en  est  exclue  (1). 

Nous  ne  savons  rien  d'Abraham  Zabaya,  auteur  du  poème, 
ni  de  son  époque.  Il  était  originaire  du  village  de  Beith  Zabayé 
dans  le  pays  de  Ninive,  ainsi  que  l'indique  son  surnom.  Il  a 

(1)  Presque  au  commencement  de  l'introduction  se  trouvent  cependant  quatre 
vers  rimes.  Ils  ont  dû  être  ajoutés  par  un  copiste. 


404  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

écrit  son  poème  à  la  demande  de  Mar  'Abdiso',  métropolitain 
du  pays.  Dans  la  Vie  du  patriarche  Elia  I  (1028-1032)  se  trouve 
cité  'Abdiso',  métropolitain  de  Mossoul  (1);  dans  la  Vie  de 
Makkikha  II  (1257-1265)  est  cité  un  autre  'Abdiso',  métropo- 
litain de  Mossoul  (2).  Abraham  Zabaya  serait-il  contemporain 
de  l'un  de  ces  deux  'Abdiso'  ou  bien  d'un  autre? 

Comme  il  arrive  malheureusement  trop  souvent  clans  les 
récits  analogues,  on  ne  rencontre  dans  toute  cette  histoire 
presque  aucune  donnée  chronologique  précise.  Les  hagiogra- 
phes  ne  pensaient  qu'à  enrichir  et  à  embellir  de  miracles  les 
vies  de  leurs  héros. 

Le  premier  rédacteur  de  cette  histoire,  Yohannan  Parsaya, 
vivait  certainement  après  Iso'yab  d'Adjabène  (f  660),  qu'il  cite 
(chap.  xxiv).  Il  aurait  été  disciple  de  Bar  'Edta  vers  la  fin  de 
la  vie  de  ce  dernier. 


INTRODUCTION 


(I) 


Avec  l'aide  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  moi  Abraham 
Zabaya  (3),  faible  et  pécheur  prêtre  (4),  je  commence  à  écrire 
un  discours  en  vers  de  sept  syllabes,  tiré  en  abrégé  de  l'His- 
toire deRabban  Bar  'Edta,  appelé  «  le  Soleil  de  l'Orient  ».  J'ai 
rédigé  ce  poème  à  la  demande  de  Mar  'Abdiso'  (5),  métropo- 
litain du  pays,  des  prêtres  Siméon,  Yohannan  (6),  et  'Abdiso', 
des  diacres  et  de  tous  les  fidèles  du  village  de  Beith  Gourbaq; 
car,  le  jour  de  la  commémoraison  du  saint,  on  ne  pouvait  pas 
lire  toute  son  histoire,  à  cause  de  sa  longueur.  Cette  biographie 
de  Rabban  (7),  dont  nous  allons  tirer  notre  poème,  a  été  écrite 
par  son  disciple  Yohannan. 

(1)  Mari  Ibn  Souleiman,  éd.  Gismondi,  p.  118. 

(2)  Amri,  éd.  Gism.,  p.  120. 

(3)  Ce  nom  signifie  «  originaire  du  village  de  Beith  Zabayé  ». 

(4)  Ici  blanc  dans  la  copie. 

(5)  Ce  nom  signifie  :  servus  Jesu. 

(6)  Jean. 

(7)  C'est-à-dire  magister  noster. 


ANALYSE   DE    L'HISTOIRE    DE   RABBAN    BAR    'EDTA.  405 


(H) 

Bar  'Edta  (1)  était  originaire  du  village  de  Raspa  (2)  sur 
l'Euphrate.  Dès  l'âge  le  plus  tendre  il  perdit  ses  parents  qui 
étaient  riches  et  pieux.  Sa  sœur  Hanah  Iso'  (3)  l'éleva.  Celle-ci 
était  aussi  belle  que  le  soleil  lui-même.  Plusieurs  gens  de  sa 
famille  voulurent  l'épouser.  Mais  elle  offrit  sa  virginité  à  son 
créateur;  elle  vendit  tous  ses  biens,  et  les  distribua  aux  pau- 
vres, aux  églises  et  aux  couvents;  elle  n'en  garda  que  ce  qui 
était  nécessaire  pour  l'éducation  de  son  frère,  elle  se  rendit 
avec  lui  à  Nisibe  et  entra  dans  un  couvent  de  femmes.  Elle 
plaça  son  frère  dans  l'école- pour  apprendre  les  Psaumes  et  la 
musique  ecclésiastique.  Comme  il  était  encore  tout  jeune,  il 
venait  dormir  chez  sa  sœur;  celle-ci  lui  inculqua  l'amour  de 
la  vertu  et  de  la  vie  religieuse,  elle  joignit  la  prière  aux  con- 
seils. «  Pendant  treize  ans,  disait  notre  mère  Hanah  Iso',  je 
n'ai  cessé  de  prier  Dieu  pour  mon  frère,  jusqu'à  ce  qu'il  eût 
embrassé  la  vie  monastique.  » 

Après  qu'il  eut  appris  les  Psaumes  et  tous  les  cantiques, 
ainsi  que  la  lecture  et  la  calligraphie,  sa  sœur  le  mit  dans  la 
grande  école,  mère  des  docteurs  (4).  Il  brilla  par  sa  science  et 
surpassa  tous  les  docteurs;  il  était  juste,  humble,  simple  de 
cœur  et  très  intelligent. 

Dans  la  vie  commune  (5),  les  frères,  après  avoir  servi  les 
étrangers  et  les  passants,  s'appliquaient  à  la  récitation  de 
l'office  et  faisaient  des  veilles.  Notre  Père,  après  avoir  mené, 
pendant  trois  ans,  la  vie  commune,  se  retira  dans  une  cellule, 
pour  y  habiter  en  silence;  ses  labeurs  sont  au  dessus  de  notre 
parole;  il  s'adonna  surtout  à  la  méditation  des  divines  Écri- 
tures; il  ne  posséda  rien,  pas  même  des  livres;  chaque  se- 
maine il  en  empruntait  un  de  la  bibliothèque. 

(1)  Ce  nom  signifie  :  filius  Ecclesiw. 

(2)  Ou  Sergiopolis.  Iso'dnah  do  Bassorah,  dans  le  Livre  de  la  Chasteté,  dit  qu'il 
était  de  la  région  de  Ninive. 

(3)  Ce  nom  signifie  :  misertus  est  illius  Jésus. 

(4)  C'est-à-dire  «  la  célèbre  école  de  Nisibe  ». 

(5)  11  doit  y  avoir  ici  une  lacune.  L'auteur  devait  raconter  comment  Bar'Edta 
sortit  de  l'école  et  accompagna  Abraham  le  Grand  au  mont  ïzla  pour  y  embrasser 
la  vie  monastique  (cf.  Livre  de  la  Chasteté,  n°  15). 


408  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Mar  Abraham  avait  l'habitude  de  visiter  chaque  nuit  les 
frères  dans  leurs  cellules.  Ayant  vu  Bar  'Edta  surpasser  en 
science  tous  les  autres  frères,  il  le  contraignit  de  réciter  chaque 
semaine  un  livre;  car  il  lui  était  très  facile  de  réciter  les  tomes 
de  Mar  Théodore  le  Grand  (I). 

«  Mar  Abraham,  disait  Bar  'Edta,  m 'ayant  imposé  de  réciter 
les  tomes  de  l'Écriture  sainte,  j'arrivai  au  bout  de  quelques 
années  à  réciter  les  deux  Testaments,  comme  on  récite  les 
psaumes.  Je  récitais  aussi  par  cœur  les  livres  de  l'abbé  Isaïe, 
de  Marc  et  de  Mar  Evagre.  Je  récitais  également  le  livre 
de  saint  Grégoire  de  Nazianze,  les  Vies  des  Pères  du  désert  et 
leurs  colloques  (2),  l'ouvrage  de  saint  Basile  et  toutes  les  lettres 
adressées  aux  moines,  et  enfin  le  livre  de  Mar  Nestorius  intitulé 
Héraclidos  (3),  qui  a  été  traduit  récemment  de  mon  temps  du 
grec  en  syriaque.  J'obéissais  en  tout  à  Mar  Abraham.  Chaque 
fois  qu'il  entrait  chez  moi  ou  que  j'allais  le  voir,  il  me  pre- 
nait par  l'oreille  et  me  disait  en  souriant  :  «  Tu  as  rempli 
«  l'air  de  l'Euphrate  des  paroles  de  l'Écriture.  — Je  ne  nie  pas, 
«  Rabban,  lui  répondais-je  en  souriant,  le  débordement  (4)  de 
«  l'Euphrate,  notre  fleuve,  ni  notre  village  Raspa.  —  Ce  n'est 
«  pas,  me  disait-il  en  riant,  de  l'Euphrate,  auquel  tu  penses, 
«  que  je  veux  parler,  ô  fils  de  l'éducation  chrétienne,  mais  c'est 
«  de  l'Euphrate  spirituel,  sur  les  bords  duquel  est  plantée  main- 
ce  tenant  la  sainte  Église,  dont  Bar  'Edta  a  été  appelé  le  fils.  » 

Tout  cela  a  été  raconté  par  le  bienheureux  Brikha  (5),  c'est- 
à-dire  Mebarak  (6),  tel  qu'il  l'avait  entendu  de  la  bouche  de 
Bar  'Edta. 

Comme  le  couvent  était  pauvre,  les  moines  étaient  obligés 
d'aller  moissonner  pour  avoir  de  quoi  vivre.  Bar  'Edta  ne  sor- 


ti) Théodore  de  Mopsueste,  dont  tous  les  ouvrages  ont  été  traduits  du  grec 
en  syriaque  :  quelques-uns  sont  parvenus  jusqu'à  nous,  entre  autres  le  com- 
mentaire sur  l'Évangile  selon  S.  Jean,  qui  a  été  publié  par  M.  Chabot,  et  son 
livre  sur  l'Incarnation  qui  se  trouve  dans  un  manuscrit  conservé  à  notre  bi- 
bliothèque de  Séert  (A.  Scher,  Calai,  des  manuscrits,  etc.,  n°  88). 

(2)  Cet  ouvrage  a  été  édité  par  M.  Bedjan  en  1897  et  depuis  par  M.  Budge. 

(3ï  Le  P.  Bedjan  édite  en  ce  moment  cet  ouvrage  avec  une  traduction  latine. 

(4)  Au  lieu  de  c^toooji  il  faut  lire  op^a*  ou  oiiov^i 

(5)  Ce  nom  signifie  :  benedictus. 

(6)  Ce  nom,  qui  signifie  aussi:  béni  »/estde  forme  arabe.  L'auteur  du  poème 
aurait  donc  vécu  beaucoup  après  la  conquête  arabe. 


ANALYSE    DE    L'HISTOIRE    DE    RABBAN    BAR    'EDTA.  407 

tait  pas  du  couvent;  car  sa  sœur  pourvoyait  à  ses  vêtements, 
et  lui,  il  copiait  des  livres  et  les  vendait  :  «  Vous  ressemblez, 
lui  disaient  ses  amis  en  souriant,  à  l'agneau,  qui  tète  deux 
brebis  dans  le  Christ.  » 

Il  était  doué  d'une  voix  mélodieuse,  pure  et  très  flexible, 
de  sorte  que,  lorsqu'il  chantait  les  nuits  du  dimanche,  sa  voix 
faisait  palpiter  les  cœurs  et  rompait  le  sommeil  des  frères. 

Dieu  avait  dit  à  Abraham,  père  des  fidèles,  de  partir  pour  la 
terre  promise,  afin  qu'en  lui  fussent  bénis  tous  les  peuples  (1). 
Lui  aussi,  à  l'instar  de  son  père  Abraham,  voyagea  dans  les  dé- 
serts; il  alla  au  mont  des  Oliviers,  au  Sinaï;  il  descendit  ensuite 
en  Egypte;  et  après  avoir  habité  quelque  temps  dans  le  désert 
de  Scété,  il  vint  se  retirer  sur  la  haute  montagne  de  Nisibe(2); 
de  nombreux  frères  vinrent  se  joindre  à  lui;  plusieurs  d'entre 
eux  s'illustrèrent  par  leurs  vertus  (3). 

CHAPITRE  I 

Un  jour  du  dimanche,  jour  que  Mar  Abraham  avait  consacré  à 
célébrer  les  gloires  des  Apôtres,  pendant  les  saints  mystères, 
avant  la  communion,  le  saint  se  tint  debout  devant  l'autel  et  com- 
mença son  sermon  par  ces  paroles  de  l'Écriture  :  Séparez-moi, 
dit  l'Esprit-Saint,  Barnabas  et  Saul  pour  V œuvre  à  laquelle 
je  les  ai  appelés  (4).  De  même  que,  ajouta-t-il,  le  Saint-Esprit 
envoya  les  Apôtres  prêcher  dans  le  monde,  de  même  il  enverra 
aujourd'hui  plusieurs  de  vous  pour  fonder  des  couvents  dans 
l'empire  des  Perses.  Prenez  donc  garde  de  désobéir  pour  ne  pas 
exciter  la  colère  de  Dieu  contre  vous.  » 

Ayant  dit  cela,  il  appela  auprès  de  lui  R.  Bar  'Edta,  Mar  Gui- 
wargad  et  le  vieillard  Yohannan;  et,  ayant  posé  du  hnana(5) 

(1)  Gen.  xii,  1,  3. 

(2)  Cette  montagne  d'Izla,  s'appelle  maintenant  Bagoké  et  s'étend  depuis  Mar- 
din  jusqu'au  Tigre;  le  couvent  de  Mar  Abraham  est  à  4  heures  à  l'ouest  de  Ni- 
sibe. 

(3)  Cf.  Le  Livre  de  la  Chaslelé,  n°  13:  Thomas  de  Marga,  lib.  I,  cap.  iv. 

(4)  Actes,  xiii,  2. 

(5)  |juu.  qui  signifie  «  grâce,  miséricorde  »,  pourrait  être  traduit  par  le  mot 
«  Pâte  de  reliques  »;  il  désigne  une  sorte  de  pâte  ferme,  coupée  en  fils  et  com- 
posée de  poussière  des  tombeaux  des  martyrs,  d'eau  et  d'huile  bénites;  les  Nes- 
toriens  en  usent  surtout  dans  les  maladies. 


408  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

sur  leurs  tètes,  il  les  bénit  et  leur  dit  :  «  Que  Dieu  répande  sur 
vous  ses  abondantes  grâces.  Instruisez  vos  disciples  dans  la 
crainte  du  Seigneur;  refusez  celui  qui  n'adhère  pas  à  la  doc- 
trine des  trois  Lumières  de  l'Église,  à  savoir  :  Diodore  (1), 
Théodore  et  Nestorius;  faites  réciter  le  jour  du  dimanche  les 
commentaires  de  Mar  Théodore  ;  avant  la  messe  et  durant  le  re- 
pas, récitez  les  ouvrages  ascétiques  des  Pères,  les  traités  sur 
les  fêtes  et  les  homélies  de  Mar  Ephrem  (2),  le  docteur  de  la 
vérité,  et  de  Narsaï  (3),  la  langue  de  l'Orient.  » 

Le  lendemain  matin,  Bar  'Edta  et  ses  compagnons  se  diri- 
gèrent vers  les  endroits  que  leur  indiqua  Mar  Abraham.  L'abbé 
Yohannan  (4)  partit  seul  pour  le  vaste  désert,  qui  se  trouve  de 
l'autre  côté  du  Tigre,  vis-à-vis  de  l'Assyrie;  il  fut  ensuite  suivi 
d'Eliaet  deHnaniso'  (3)  ;  R.  Guiwargad  (6),  accompagné  de  trois 
autres  frères,  vint  en  Marga  et  se  fixa  dans  un  endroit  situé 
entre  les  frontières  de  Ninive  et  de  Beith  Nouhadra.  Quand  R. 
Bar'Edta(7)vint  à  cet  endroit,  qui  est  en  Marga  et  qui  est  près  de 
Ninive,  il  était  accompagné  de  neuf  frères  :  Barhadbsabba  (8), 
Daniel,  Japhet,  Siméon,  David,  Zacharie,  Micha,  Elia  et  Meba- 
rak. Oe  dernier  était  âgé  de  22  ans;  il  était  compatriote  de  Mar 
Bar  'Edta,  de  la  ville  de  'Anath  sur  l'Euphrate.  R.  Bar  eEdta, 
étant  arrivé  aux  environs  de  Nisibe,  envoya  Mebarak  appeler 
sa  sœur  pour  lui  faire  ses  adieux.  Hanah  Iso'  voulut  l'accom- 
pagner; mais  Bar  'Edta  refusa  et  lui  promit  d'envoyer  bientôt 
Mebarak  la  chercher. 

Iso'zkha  (9),  supérieur  du  couvent  de  So'é",  dans  le  pays  de 
Bcith  cArbayé  (10),  accueillit  avec  beaucoup  de  joie  Mar  Bar  'Edta 
et  ses  compagnons,  et  lui  prédit  de  grandes  choses. 


(1)  Diodore  de  Tarse,  qui  est  regardé,  avec  Théodore  de  Mopsueste  el  Nestorius, 
comme  le  père  du  Nestorianisme. 

(2)  S.  Ephrem,  le  plus  célèbre  des  docteurs  syriens,  mouruten  373. 

(3)  Narsaï,  le  célèbre  fondateur  de  l'École  de  Nisibe,  mourut  en  502. 

(4)  Cf.  Thomas  de  Marga,  lib.  I,  cap.xiv. 

(5)  Ibidem. 

(6)  Cf.  Le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  16. 

(?)  Iso'dnah  de  Bassorah,  dans  le  Livrede  la  Chasteté  (p.0  15),  dit  que  Bar  cEdta, 
après  la  mort  de  Mar  Abraham,  alla  en  Marga. 

(8)  Ce  nom  signifie  :  filius  Diei  Dominicœ. 

(9)  Ce  nom  signifie  :  Jésus  vieil.  Sur  ce  personnage  et  son  couvent  voir  le  Livre 
de  la  Chasteté,  n°  47. 

(10)  Région  entre  Nisibe  et  le  Tigre. 


ANALYSE    DE    L'HISTOIRE    DE    ItABBAN    BAR    'EDTA.  109 


CHAPITRE  II 

Us  passèrent  ensuite  le  Tigre;  ils  traversèrent  tout  le  pays 
de  Beith  Nouhadra  (1);  ils  passèrent  une  nuit  dans  la 
grande  école  de  Beith  Rastaq  (2),  dans  la  région  de  Marga;  ils 
se  dirigèrent  ensuite  au  couvent  de  Résa  (3)  pour  recevoir  la 
bénédiction  de  l'abbè  Es1a.pp.inos  (4).  Celui-ci  leur  indiqua,  de 
la  part  du  Seigneur,  l'endroit  où  ils  devaient  bâtir  leur  nouveau 
couvent  :  c'étaient  les  coteaux  entre  les  deux  villages  de  Beith 
Hellapé  et  de  Beith  Hournya  en  Marga,  sur  les  frontières  de  Ni- 
nive. 

Nous  arrivâmes  (5)  à  l'endroit  que  nous  avait  indiqué  Mar 
Estappanos,  le  soir  du  IIP  vendredi  de  Pâques.  Le  lendemain 
matin  vint  nous  voir  Mar  Yaussep  (6),  supérieur  du  couvent  de 
Tabya(7).  Ce  couvent  est  situé  sur  la  grande  route,  qui  mène  au 
pont  sur  lequel  on  doit  passer  pour  aller  à  la  Montagne  (8)  et 
aux  pays  d'Adiabène(9)etde  BeitGarmaï  (10).  Mar  Yaussep  était 
accompagné  de  RabbanGabiso'  (11)  et  de  huit  autres  moines.  Ils 
avaient  avec  eux  deux  chameaux  chargés  de  pain  et  de  farine 
pour  nous.  Notre  joie  fut  grande.  A  neuf  heures  du  soir,  nous 
récitâmes  les  Psaumes;  nous  nous  mîmes  ensuite  à  l'office  de 
Complies,  de  la  nuit  et  du  matin,  selon  l'usage  de  notre  couvent  ; 
nous  célébrâmes  ensuite  à  trois  heures  les  saints  mvstères. 


(1)  Région  qui  s'étendait  depuis  le  Khabour  jusqu'à  Marga  :  districts  actuels  de 
Zakho  et  de  Dehok. 

(2)  Cette  école. a  été  rebâtie  au   xuie  siècle  par  Babaï  Gbeltaya  (voir  Thomas  de 
Marga,  lib.  III,  cap.  m). 

(3)  Sur  ce  couvent  voir  l' Histoire  monastique  do  Thomas  deMarga,  lib.  VI,  cap. 
i  éd.  Bedjan,  p.  346. 

(4)  Etienne.    Ce  personnage   serait  l'un  dos  disciples  d'Abraham  le  Grand 
(voir  le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  14). 

(ô)  Ici  l'auteur  aurait  rapporté  les  paroles  de  Mobarak  (voir  ci-dessus). 

(6)  Joseph.  Nous  n'avons  trouvé  aucun  renseignement  sur  ce  personnage  et  sur 
son  couvent. 

(7)  C'est-à-dire  «  gazelle  ». 

(8)  11  doit  s'agir  des  montagnes  d'Arbèle. 

(9)  Région  entre  le  Grand  et  le  Petit  Zab;  la  ville  principale  était  Arbèle. 

(10)  Région  entre  le  Petit  Zab  et  le  Diala  ;  la  ville  principale  était  Beith  Slokh 
(Kerkuk). 

(11)  Ce  nom  signifie  :  Jésus  clegil. 


410  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN 

Mar  Yaussep  était  d'une  vieillesse  extrême;  il  était  âgé  d'en- 
viron 130  ans.  Ce  fut  par  révélation  qu'il  vint  nous  voir,  pour 
nous  aider  dans  la  construction  du  couvent.  Il  creusa  le  premier 
les  fondements  du  temple  ;  il  nous  laissa  l'un  des  deux  chameaux 
qu'il  avait  amenés  avec  lui  ;  et  de  retour  à  son  couvent,  il  exhorta 
les  fidèles  des  villages  de  Barzané  et  de  Beit  Marouth  à  venir 
nous  secourir;  se  joignirent  à  eux  les  habitants  des  villages  de 
Beith  Bar  Sera,  de  Babta,  de  Beith  Houmya  et  de  Beith  Helapé 
et  d'autres  villages  de  Ninive. 

Le  monastère  fut  achevé  en  873  des  Grecs  (562),  du  temps  de 
Kosrau  I,  roi  de  Perse  (1):  de  Hazqyel  (2),  patriarche  (3),  et  de 
Hnana  (4),  métrop.  d'Arbèle. 


CHAPITRE  III 

Nous  n'avions  dans  le  couvent  qu'une  bète  de  somme  :  le 
chameau  que  nous  avait  donné  Mar  Yaussep.  Bientôt  après  Ni- 
kourgan,  chef  du  village  de  Beith  Gourbaq,  nous  envoya  un  autre 
chameau,  pour  prier  le  saint  de  faire  disparaître  une  épidémie 
qui  avait  attaqué  ses  chameaux.  Le  saint  lui  fit  obtenir  cette 
grâce. 

CHAPITRE  IV 

Un  an  après  la  construction  du  monastère,  Mar  Yaussep, 
supérieur  du  couvent  de  Tabya,  monta  au  ciel,  le  premier 
vendredi  de  Pâques.  Nous  allâmes  tous  assister  à  ses  funé- 
railles. 

Cette  même  année,  Hanah  Isoe,  sœur  de  R.  Bar  cEdta,  vint 
chez  nous  avec  d'autres  religieuses;  elle  bâtit,  elle  aussi,  au- 


(1)  Ce  roi  régna  de  531  à  578. 

(2)  Ezéchiel. 

(3)  Il  y  a  ici  un  anachronisme.  Hazqyel,  patriarche,  gouverna  l'Église  nesto- 
rienne  de  570  à  581  ;  l'année  873  ne  serait-elle  pas  une  faute  du  copiste  au  lieu  de 
883  (572?).  Voir  ci-dessous,  chap.  lxh,  note. 

(4)  Ce  nom  signifiait  «  grâce  ».  Cet  êvêque  assista  en  576  au  synode  du  pa- 
triarche Hazqyel  (voir  Synodicon  Orientale,  p.  368);  et  en  585,  son  archidiacre 
Aba  signa  pour  lui  au  synode  de  Iso'yahb  I  (Ibidem,  p.  423). 


ANALYSE    DE    L'HISTOIRE    DE    RABBAN    BAR   'EDTA.  411 

dessus  du  village  de  Babta,  sur  la  route  qui  entre  en  Marga, 
un  couvent  sous  le  vocable  de  sainte  Phabronie,  martyrisée 
à.  Nisibe  sous  Dioclétien  (1).  Hanah  Iso\  après  avoir  dirigé 
son  couvent  pendant  20  ans,  mourut  à  l'âge  de  83  ans. 


CHAPITRE  V 

Lors  de  notre  arrivée  ici,  le  couvent  de  Mar  Mattaï  (2)  dans 
la  montagne  d'AJpap  (3),  était  encore  habité  par  nos  moines. 
L'un  d'eux,  Iso'  Sabran  (1),  homme  pur  et  rempli  de  la  crainte 
de  Dieu,  venait  souvent  visiter  Bar  'Edta  et  lui  demander  de 
lui  permettre  de  venir  avec  ses  deux  compagnons  vivre  sous 
ses  ordres.  Il  y  avait  encore  deux  autres  moines  du  couvent  de 
Kokhta  (5),  qui  lui  demandaient  la  même  grâce.  Le  saint 
n'exauçait  point  leur  prière.  Nous  murmurions  contre  lui  ;  car 
nous  voulions  que  notre  couvent  fût  plus  rempli  de  moines. 
«  Il  n'est  pas  juste,  nous  disait-il,  que  nous  soyons,  nous,  la 
cause  de  la  destruction  de  ces  couvents.  Ils  seront  bientôt  con- 
fisqués, et  alors  tous  ces  moines  viendront  se  joindre  à  nous.  » 
La  prédiction  du  saint  fut  bientôt  accomplie  :  les  deux  cou- 
vents furent  confisqués  par  le  débauché  Gabriel  (6).  «  Le  cou- 
vent de  Kokhta,  nous  disait  Bar  'Edta,  était  auparavant  le  siège 
des  métropolitains  d'Adiabène;  il  a  été  bâti  par  Mar  Yohannan, 
l'un  des  318  (7),  sous   le  vocable  de  l'église  de  Kokhé,  siège 

(1)  Les  actes  de  cette  martyre  ont  été  publiés  par  Bedjan  dans  le  cinquième 
volume  des  A c ta  martyr um  et  sanctorum. 

(2)  Voir  sur  ce  saint  et  sur  son  couvent  le  deuxième  volume  des  Acta  marly- 
rum  et  sanctorum,  p.  397. 

(3)  Cette  montagne,  appelée  maintenant  Maqloub,  est  à  environ  huit  heures  au 
nord-est  de  Mossoul.  Le  couvent  passa  ensuite  des  Nestoriens  aux  Jacobites. 

(4)  Ce  nom  signifie  :  Jésus  spes  nostra. 

(5)  Le  couvent  aussi  était  situé  dans  le  mont  Alpap;  on  en  voit  encore  les 
ruines. 

(6)  Médecin  du  roi  de  Perse  qui  passa  des  Nestoriens  aux  Jacobites.  Cf.  Un 
nuovo  testo  syriaco  etc.,  éd.  Guidi. 

(7)  C'est-à-dire  les  318  évèques  qui  assistèrent  au  Concile  de  Nicée.  Les  anna- 
listes orientaux  affirment  que  Jean  de  Beit  Parsayé  assista  à  ce  concile.  L'his- 
toire de  Beit  Slokh  dit  que  Jean  de  Beit  Slokli  aussi  était  parmi  les  pères  du 
concile  de  Nicée.  J.  Labourt  dit  qu'aucun  évêque  de  Perse  ne  prit  part  à  ce  con- 
cile (Le  Christianisme  dans  l'empire  Perse,  p.  32),  «  pane  que,  dit-il.  d'après  la 
collection  des  homélies  d'Apraat,  la  dogmatique  orientale  nous  apparaît  dégagée 


412  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

patriarcal,  bâtie  par  Mar  Mari,  l'apôtre  de  l'Orient.  Mar  Yohan- 
nan  a  été  emmené  du  couvent  de  Kokhta  et  martyrisé  par  ordre 
du  roi  Sapor  (1).  Les  reliques  de  saint  Mattaï,  disciple  de  Mar 
Awgen  (2),  se  trouvent  aussi  clans  ce  couvent.  » 


CHAPITRE  VI 

Un  homme  du  village  de  Babta,  nommé  Iso'  Apri  (3),  avait 
un  fils  aveugle  et  sourd.  Les  prières  de  R.  Bar  'Edta  lui  rendi- 
rent la  vue  et  l'ouïe. 


CHAPITRE  VII 

Un  autre  homme  du  village  de  Qop,  appelé  Zandaprokh  (4), 
avait  un  fils,  possédé  du  démon  :  Trisiso'  (5).  Ayant  été  guéri 
par  le  saint,  il  reçut  l'habit  monastique  dans  notre  couvent.  Le 
père,  en  récompense  de  la  guérison  de  son  fils,  acheta  beaucoup 
de  terrains  pour  le  couvent;  mais  R.  Bar  'Edta  les  refusa.  Deux 
ans  après,  Zandaprokh  bâtit  sur  les  susdits  terrains  un  petit 
hameau,  qui  fut  appelé  dès  lors  Beith  Qopya. 


de  toute  influence  nicéenne  ».  Il  nous  semble  possible  que  des  prélats  persans 
aient  assisté  au  concile  de  Nicée  et  n'aient  pas  promulgué  ses  décrets  pour 
motif  politique  ou  autre. 

(1)  Yohannan,  év.  d'Arbèle,  a  été  martyrisé  sous  Sapor  en  341  (Bedjan,  Acla 
martyr,  et  sancl.,  IV,  p.  128-130). 

(2)  Si  le  premier  rédacteur  de  la  Vie  de  Bar  eEdta,  Yohannan  Parsaya,  appartient 
,  vraiment  au  vi°  siècle,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  J.  Labourt  devra 

modifier  son  opinion  sur  Mar  Awgen,  qui  n'aurait  apparu  selon  lui  qu'au 
xe  siècle  (Le  Christianisme  dans  l'empire  Perse,  p.  302-315).  Quoi  qu'il  en  soit, 
Thomas  de  Marga  a  dû  connaître  Mar  Awgen,  car  il  cite  cette  histoire  de  Bar 
cEdta  (Ilist.  Monas.,  lib.  I,  cap.  xiv,  xxm  et  xxxiv;  comparer  encore  les  chap. 
xxm  et  xxiv  de  ce  résumé).  Je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  supposer  qu'Abraham 
Zabayaait  ajouté  dans  son  résumé  le  nom  de  Mar  Awgen  à  la  première  rédac- 
tion de  Yohannan. 

(3)  Ce  nom  signifie  :  Jésus  fecundavil. 

(4)  ^.o^Sjjj    c.  5j3   SJJ:  signifie  «  l'Éternel  vivant  ». 

(5)  Ce  nom  signifie  :  Jésus  inleger. 


ANALYSE    DE    L'HISTOIRE    DE    RABBAN    BAR    *EDTA.  113 


CHAPITRE  VIII 

Bar  Edta  donnait  à  ses  moines  de  salutaires  instructions,  les 
exhortant  à  mener  une  vie  évangélique. 


CHAPITRE  IX 

Kosrau,  roi  de  Perse,  demanda  à  Sabriso"  (1),  patriarche,  de 
convoquer  les  évêques  et  les  moines  savants  afin  d'exposer  en 
sa  présence  la  croyance  des  Orientaux  à  la  sainte  Trinité  et  au 
mystère  de  l'Incarnation.  Le  patriarche  appela  Babaï  le  Grand  2), 
Bar  'Edta  et  d'autres  savants,  qui  allèrent  à  la  Porte  du  roi, 
où  ils  écrivirent  un  libelle  de  notre  foi,  libelle  qui  est  déjà 
inséré  dans  les  livres  (3). 


CHAPITRE  X 

Il  y  avait  dans  une  région  des  environs,,  un  très  vertueux 
évêque,  appelé  Yazdapnah  (4);  celui-ci,  étant  tombé  dans 
un  grave  péché,  abandonna  l'épiscopat;  mais,  s'étant  ensuite 
repenti,  il  vint  pendant  la  nuit  trouver  Bar  'Edta.  Le  saint  l'ac- 
cueillit avec  une  très  grande  joie;  sur  ses  conseils  l'évêque  s'en- 
ferma trois  ans  dans  une  cellule  et  se  retira  ensuite  sur  la 
montagne  d'Abilouth  (5),  menant  une  vie  de  très  rigoureuse 
pénitence. 


(1)  Ce  nom  signifie  :  Jésus  spes  mea.Ce  patriarche  dirigea  l'Église  nestorienne 
de  596  à  604. 

(2)  Voir  sur  ce  savant  moine  Thomas  de  Marga,  lib.  I,  cap.  vu,  xxvii. 

(3)  Je  n'ai  trouvé  aucun  autre  écrivain  qui  parle  de  cette  discussion.  L'auteur 
n'aurait-il  pas  fait  allusion  à  la  controverse  qui  eut  lieu  en  612?  Mais  alors  Sa- 
briso'  était  mort  et  le  siège  patriarcal  était  vacant. 

(4)  Ce  nom  est  persan  et  signifie  «  ombre  de  Dieu  »  ou  «  Dieu  est  son  re- 
fuge ». 

(5)  Cette  montagne  devait  se  trouver  en  .Marga  ou  bien  dans  une  région  voi- 
sine. 


414  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

CHAPITRE  XI 

Dans  le  village  de  Barzané,  qui  est  à  Test  de  notre  couvent, 
il  y  avait  un  homme  très  riche,  appelé  Malbed.  Le  démon  lui 
ayant  déclaré  la  guerre,  il  fut  obligé  de  s'enfuir  de  la  maison  el 
de  bâtir  une  autre  maison  pour  y  habiter.  Mais  la  maison  qu'il 
venait  de  quitter  était  remplie  de  trésors,  que  ses  parents  y 
avaient  cachés  ;  ne  pouvant  pas  y  rentrer  pour  les  reprendre,  il 
eut  recours  à  Bar  eEdta  qui  le  tira  d'embarras. 


CHAPITRE  XII 

Le  monastère,  dix  ans  après  sa  construction,  fut  très  florissant 
et  rempli  de  moines  vertueux  et  laborieux. 

CHAPITRE  XIII 

Brikhiso'  (1),  fils  de  Nikourgan,  chef  du  village  de  Beith  Gour- 
baq,  que  nous  avons  mentionné  plus  haut  (2),  avait  embrassé 
la  vie  monastique  dans  notre  couvent.  Notre  Père  l'aimait  beau- 
coup, car  il  était  très  vertueux.  Un  dimanche  que  nous  réci- 
tions l'office,  dans  l'église,  la  croix  tomba  subitement  de  l'autel 
et  fut  brisée.  Tout  d'un  coup  Bar  'Edta  entra  à  l'église  et  s'écria 
en  pleurant  :  «  Brikhisoc  vient  de  mourir.  »  Nous  courûmes 
aussitôt  à  la  cellule  de  Brikihso'  et  nous  le  trouvâmes  sans  cha- 
leur et  sans  vie. 

CHAPITRE  XIV 

Un  autre  frère,  appelé  Mattaï,  de  Beith  Garmaï.  se  rendit 
lui  aussi  très  célèbre  par  ses  vertus.  Il  chassa  par  ses  prières, 
du  lac  de  Beith  Ksayé,  un  démon  qui  faisait  du  mal  aux  pas- 
sants. 

(1)  Ce  nom  signifie  :  Benedictus  Jésus. 

(2)  Voir  ci-dessus,  ch.  m. 


ANALYSE    DE    LÏIISTOIRE    DE    RABBAN    BAR    'EDTA.  415 


CHAPITRE  XV 

Un  autre  frère,  appelé  Yazdad  (l),  que  Bar  eEdta  avait  con- 
verti du  mazdéisme  au  christianisme,  donna  la  vue  aune  femme 
aveugle. 

CHAPITRE  XVI 

Trisiso',  fils  de  Zandaprokh,  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut  (2),  guérit  un  démoniaqtie,  qui  appartenait  à  une  il- 
lustre famille  persane. 

CHAPITRE  XVII 

Un  autre  frère,  appelé  Yaunan  (3),  servit  dix  ans  les  malades 
avec  une  patience  admirable  ;  il  s'enferma  ensuite  dans  une 
grotte  sur  le  bord  du  Hazar  (4);  je  l'ai  vu  moi-même  une  fois 
s'amuser  dans  une  vallée  avec  des  lions. 

CHAPITRE  XVIII 

Un  autre  moine,  appelé  Zakkaï,  rlu  village  de  Hazza'  (5), 
opéra  lui  aussi  bien  des  miracles. 

CHAPITRE  XIX 

Le  frère  Nissanaya,  de  la  région  de  Heptoun  (6),  se  rendit 
célèbre  par  sa  patience.  Sa  charge  était  de  travailler  dans  le 
jardin.  Une  fois,  les  sauterelles  ayant  ravagé  tout  le  pays,  ses 
prières  les  empêchèrent  d'entrer  dans  son  jardin. 

(1)  Ce  nom  est  persan  et  signifie  :  Deus  dédit. 

(2)  Voir  ci-dessus,  en.  vu. 

(3)  Jonas. 

(4)  Affluent  de  la  rive  droite  du  Grand  Zab,  qui  se  jette  dans  ce  fleuve  près  du 
village  de  Tellaben,  à  environ  8  heures  à  l'est  de  Mossoul. 

(5)  Village  situé  à  3  heures  au  sud  d'Arbèle. 

(6)  District  dans  la  région  d'Adjabène. 


410  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 


CHAPITRE  XX 

Quand  Mai*  Aba(l),  évêque  de  Ninive,  revint  avec  le  roi  Kosrau 
du  pays  des  Romains,  lesNinivites  lui  racontaient  d'admirables 
choses  sur  Bar  'Edta  :  «  Lors  de  votre  absence,  lui  disaient-ils, 
nous  étions  bien  inquiets,  car  nous  ne  savions  pas  si  vous  étiez 
en  vie  ou  non.  «  Ne  craignez  pas,  nous  disait  le  saint;  votre 
«  évêque  est  en  vie  et  vous  aurez  bientôt  le  bonheur  de  le 
«  revoir.  » 

CHAPITRE  XXI 

Une  autre  fois  que  nous  étions  chez  lui  et  nous  lui  parlions 
de  la  fuite  du  roi  Kosrau  (2)  :  «  Voyez,  nous  dit-il  en  souriant, 
combien  le  Christ  aime  notre  évêque  !  Le  roi  de  Perse  est  allé  en 
personne- le  chercher.  Car  le  roi  Maurice  donnera  à  notre  roi 
des  troupes  romaines,  qui  vaincront  le  rebelle  Behram.  Ce 
sera  avec  ces  troupes  que  votre  évêque  reviendra.  »  Mar  Aba, 
ayant  entendu  dire  cela,  admira  Bar  'Edta  et  alla  aussitôt  le 
visiter  clans  son  couvent. 

CHAPITRE  XXII 

Après  le  retour  du  roi  Kosrau,  quand  encore  Mar  Iso'yahb  (3) 
d'Arzoun  gouvernait  l'Église,  à  la  suite  d'un  fléau  de  sauterelles, 
il  y  eut  une  grande  famine  dans  toutes  ces  régions  et  surtout 
dans  les  deux  régions  de  Marga  et  de  Ninive  (4).  Plusieurs 
frères  résolurent  de  quitter  le  couvent,  par  crainte  de  mourir 
de  faim.  Mais  le  saint  les  ayant  appelés  et  encouragés  en  leur 
affirmant  que  rien  ne  leur  manquerait,  ils  se  mirent  en  devoir 
de  retourner  à  leurs  cellules.  Selon  la  parole  du   vieillard,  la 


(1)  Ce  nom  signifie  «  père  ».  Nous  n'avons  trouvé  chez  les  autres  annalistes  au- 
cun renseignement  sur  ce  personnage. 

(2)  Cette  fuite  eut  lieu  en  590. 

(3)  Ce  nom  signifie  :  Jésus  dédit.  —  Iso'yab  I  gouverna  l'Église  nestorienne  de 
58-2  à  595. 

(4)  Cette  famine  aurait  eu  lieu  vers  591  (voir  ci-desous,  ch.  lxii,  n.  1). 


ANALYSE    DE    L'HISTOIRE    DE    RABBAN    BAR    *EDTA.  417 

miséricorde  divine  pourvut  à  nos  besoins  et  rien  ne  nous  man- 
qua. Zandaprokh,père  deTrisiso\  nous  donna  mille  statères(l); 
Mar  Aba  et  le  fidèle  Malbed  nous  envoyaient  de  temps  en  temps 
beaucoup  de  vivres.  —  La  famine  fut  suivie  d'une  grande  abon- 
dance; mais  il  y  eut  aussi  des  maladies,  causées  par  le  rassa- 
siement, qui  enlevèrent  bien  des  personnes.  Cette  même  année, 
Hanah  Iso'  gagna  la  vie  éternelle  (2). 

CHAPITRE  XXIII 

Cette  même  année,  Bar  'Edta  prédit  encore  la  dispersion  des 
moines  du  couvent  dont  il  était  sorti  (3)  :  «  De  grandes  choses, 
dit-il,  auront  lieu  dans  le  monastère  de  Mar  Abraham  le  Grand  ; 
des  hommes  ignorants  attribueront  ces  choses  aux  démons; 
mais  Dieu  en  tirera  de  très  grands  avantages.  Nous  avons 
pour  témoins  :  la  fuite  de  Jacob,  la  vente  de  Joseph  et  la  persé- 
cution de  David.  » 

Un  ou  deux  ansaprès  (4),  la  parole  du  saint  se  réalisa.  Après 
la  mort  de  DadisV  (5),  sous  Babaï  le  Grand,  il  y  eut  dans  le 
grand  couvent  une  dispute,  qui  eut  pour  résultat  la  dispersion 
de  plusieurs  frères  (6).  Mar  Elia  (7)  et  Mar  HnanisV  (8)  se  ren- 
dirent auprès  de  l'abbé  Yohannan  (9);  Jacques  (10),  Sahroï  (11), 
SabrisV  (12),  Sabokht  (13),  Oukama  (14)  et  d'autres  allèrent  à 

(1)  \its^x>l  «rrar/jp.  Bar  Bahloul  dit  que  le  |>ko>/  valait  trois  deniers  d'argent. 

(2)  Vers  592.  Voir  ci-dessous,  ch.  lxii,  note. 

(3)  Cf.  Thomas  de  Marga,  lib.  I,  cap.  xiv. 

(4)  C'est-à-dire  vers  594/5.  Selon  Thomas  de  Marga  (lib.  I,  cap.  xxm)  cette  dis- 
persion eut  lieu  vers  595.  Mais  notre  chronique  de  Séert  (cf.  Scher,  Catal.  des 
mss.  etc.,  n°  128)  semble  placer  cette  dispersion  en  l'année  604,  en  disant  que 
Babaï  le  Grand,  successeur  de  Dadiso",  mourut  en  l'année  38  de  Kosrau,  après 
avoir  dirigé  le  couvent  pendant  24  ans.  Son  prédécesseur  Dadiso'  serait  donc 
mort  en  604. 

(5)  Nom  composé  du  nom  de  Jésus  et  d'un  mot  persan  signifiant  «  secours  ». 

(6)  Cf.  Thomas  de  Marga,  lib.  I,  cap.  vin  et  les  suiv. 

(7)  Ibidem;  le  Livre  de  la  chasteté,  n°  19. 

(8)  Le  Livre  de  la  chasteté,  n°  21'.  Ce  nom  signifie  :  misericordia  Jcsu. 

(9)  Cf.  Thomas  de  Marga,  lib.  I,  cap.  xiv. 

(10)  Cf.  Livre  de  la  chasteté,  n°  24. 

(11)  Ibidem,  n°  18.  «pU-  signifie  en  persan  «  beauté  du  roi  ». 

(12)  Ibidem,  n»  26^ 

(13)  Ibidem,  n"  29.  ^I^:lw  signifie  en  persan   «    ayant  la  bonne  fortune  ... 

(14)  Ce  nom  signifie  :  Niger. 

ORIENT    CHRÉTIEN.  27 


418  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

Arzoun  (1),  à  Qardo  (2)  et  à  Beith  Nouhadra  (3);  Yol.iannan, 
Zkha-Iso'  (4)  et  Abraham  au  pays  de  Dassan  (5)  ;  Benyamen  (6), 
Petros  (7),  Arda  (8),  Es'aya  (9),  Paulos  et  Yohannan  vinrent 
aux  coteaux  de  Beith  'Abé,  avant  l'arrivée  de  Mar  Jacques  ici  (  10). 
Mar  Jacques  lui-même  avec  Barnoun  alla  à  la  montagne  de  Abi- 
louth  ;  il  retourna  ensuite  au  mont  Izla;  enfin  il  vint  avec 
d'autres  à  Beith  eAbé,  où  il  fonda  un  couvent  qui  fut  très  flo- 
rissant (11). 

CHAPITRE  XXIV 

Sadhona  (12),  disciple  de  Mar  Jacques  et  qui  écrivit  son 
histoire,  après  la  mort  de  son  maître,  prêcha  l'hérésie.  Rab- 
ban  Bar  'Edta  eut  beau  le  réprimander.  Nommé  évêque  de 
Mahozé  d'Arnoun  (13),  en  Beith  Garmaï,  du  temps  de  Mar 
Emmeh  patriarche  (14),  Sahdona  publia  son  déplorable  ou- 
vrage. Mar  Iso'yahb  d'Adjabène  (15)  l'excommunia  (16). 

CHAPITRE  XXV 

Du  temps  de  Mar  Sabriso'  patriarche   et  du  roi  Kosrau,  Bar 

(1)  La  région  d'Arzoun  s'étendait  depuis  les  frontières  de  Miparqat  jusqu'au 
Ileuve  appelé  maintenant  Bouhtan-Souyi. 

(2)  La  région  de  Qardou  s'étendait  depuis  Djeziré  Ibn  Omar  jusqu'aux  fron- 
tières du  district  actuel  de  Moks,  et  depuis  Bouhtan-Souyi  jusqu'aux  frontières 
du  district  actuel  de  Zakho. 

(3)  Districts  actuels  de  Zakho  et  de  Dehok. 

(4)  Ce  nom  signifie  :  Jésus  vicit. 

(5)  Région  des  monts  Gara  au  sud  d'Amadia. 

(6)  Benjamin. 

(7)  Pierre. 

(8)  Thomas  de  Marga  (lib.  I,  cap.  xiv)  écrit  Adda. 

(9)  Isaïe. 

(10)  Cf.  Thomas  de  Marga,  lib.  I.  cap.  xiv. 

(11)  Sur  Jacques  de  Beith  Abé  et  sur  son  couvent  voir  V Histoire  monastique  de 
Tli ornas  de  Marga. 

(12)  Diminutif   de  l'ov»  qui  signifie  martyr. 

(13)  Ville  sur  le  Petit  Zab  à  environ  9  heures  à  l'ouest  de  Kerkuk. 

(14)  Ce  patriarche  gouverna  l'Église  nestorienne  de  647  à  650. 

(15)  Ce  patriarche  dirigea  l'Église  nestorienne  de  651  à  660. 

(16)  Sur  Sahdona  voir  Thomas  de  Marga,  lib.  I,  cap.  xxxiv;  lib.  II,  cap.  yi;  le 
Livre  de  la  Chasteté,  n"  128. 


ANALYSE    DE    L'HISTOIRE    DE    RABBAN    BAR    'eDTA.  419 

'Edta  fit  appeler  Iso'sabran,  supérieur  du  couvent  de  Mar  Mat- 
taï  (1),  et  lui  conseilla  de  faire  venir  le  plus  tôt  possible  ses  com- 
pagnons ainsi  que  les  moines  du  couvent  de  Kokhta  :  «  Car, 
lui  dit-il,  les  hérétiques  vont  confisquer  ces  deux  couvents.» 
Iso'sabran  obéit.  La  prédiction  de  Bar  'Edta  s'accomplit  ;  deux 
mois  après,  le  sévérien  Zakkaï  occupa  les  deux  couvents, 
grâce  à  l'influence  de  Gabriel,  médecin  du  roi  (2).  Ce  méchant 
Zakkaï  fit  beaucoup  de  mal  à  notre  église;  il  attira  beau- 
coup de  villages  du  pays  de  Ninive  et  les  corrompit. 

CHAPITRE  XXVI 

Un  des  disciples  de  Zakkaï,  appelé  Nana,  du  village  de 
Beith  Gourbaq  (3),  qui  est  sur  le  bord  du  Tigre,  vint  habi- 
ter vis-à-vis  du  village  de  Herbath  Snonitha,  qui  est  situé  à 
l'ouest  du  couvent,  dans  une  grotte,  appelée  le  couvent  de 
Xeqsa  ;  pour  corrompre  les  gens,  il  s'occupa  à  lire  et  à  copier 
des  livres  ;  il  disait  qu'il  était  envoyé  par  son  maître  auprès 
de  Bar  cEdta  pour  traiter  de  la  paix  et  que  celui-ci  le  lui  avait 
promis. 

CHAPITRE  XXVII 

Mar  Yonadab,  métropolitain  de  Marga(4),  étant  venu  ici, 
nomma  Mebarak  évèque  pour  Dassen  et  les  montagnes. 
Ayant  entendu  parler  de  Nana,  il  le  fit  chercher  et  brûla  tous 
ses  papiers;  il  fit  ensuite  noircir  son  visage,  et  le  promena  en 
cet  étal  dans  tous  les  villages  d'alentour  (5). 

(1)  Voir  ci-dessus,  chap.  v. 

(2)  Cf.  Guidi,   Un  nuovo  testo  syriaco  etc. 

(3)  Ici  l'auteur  ne  semble  pas  identifier  ce  village  avec  un  autre  du  même  nom 
cité  plus  haut  (voir  ci-dessus,  chap.  m,  etc.). 

(1)  Ou  plutôt  métrop.  d'Adiabène.  Cet  évèque  joua  un  rôle  assez  important 
dans  l'Église  nestorienne.  En  605  il  assista  au  synode  de  Georges  I;  en  612  il 
prit  part  à  une  dispute  contre  les  Sévériens  ;  il  aida  encore  Babaï  le  Grand, 
dans  la  réforme  des  moines  devenus  Messaliens  (Guidi,  Un  nuovo  testo  etc.  ;  Syno- 
dicon  Orientale,  p.  478;  Thomas  de  Marga,  lib.  I,  cap.  xxvn). 

(5)  Ici  l'auteur  fait  probablement  allusion  aux  circonstances  dans  lesquelles 
.Mar  Yonadab  se  procura  une  lettre  du  roi  de  Perse  lui  donnant  tout  pouvoir 
sur  le  couvent  de  Mar  Mattaï.  Yonadab  ne  put  pas  ensuite  réaliser  son  projet 
(Guidi,  Un  nuovo  testo  etc.). 


420  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 


CHAPITRE  XXVIII 

Malgré  cela,  Zakkaï  ne  cessa  de  nous  nuire  par  l'intermé- 
diaire des  démons  qui  l'accompagnaient.  Ceux-ci  se  jetèrent 
une  nuit  sur  Bar  'Edta  et  cherchèrent  à  lui  nuire;  mais  Dieu  l'en 
délivra. 

CHAPITRE  XXIX 

Ce  fut  vers  ce  même  temps  que  les  habitants  de  Bartelli  (1) 
et  de  Beith  Daniel  (2),  qui  avaient  embrassé  le  sévérianisme, 
chassèrent  du  couvent  de  Mar  Addona  (3)  les  deux  moines 
BarSahdé(4)  et  Pinhès.  Ceux-ci  vinrent  habiter  sur  une  colline 
près  de  Beith  Rastaq  (5). 

CHAPITRE  XXX 

Rabban  Bar  cEdta  prédit  l'invasion  des  Perses  dans  l'empire 
des  Romains  et  la  revanche  de  ceux-ci.  Le  roi  Maurice 
ayant  été  mis  à  mort  par  Phocas,  l'illustre  Kosrau  entra  dans 
le  pays  des  Romains  et  occupa  Dara(6).  Il  enleva  encore  d'as- 
saut Jérusalem,  Alexandrie  et  Édesse.  Mais  les  Romains,  ayant 
porté  la  guerre  en  Perse,  furent  victorieux.  Léon,  générai  de 
l'avant-garde  des  Romains,  en  passant  par  Marga,  honora 
beaucoup  Bar  cEdta  et  ne  laissa  personne  nuire  à  notre  cou- 
vent. 

CHAPITRE  XXXI 
Il  y  avait  dans  la  Congrégation  de  Rabban  des  hommes  il- 


(!)  Gros  village  à  5  heures  à  l'est  de  Mossoul. 

(2)  Ce  village  devrait  être  près  de  Bartelli. 

(3)  Ce  couvent  se  trouvait  à  2  heures  au  nord  de  Bartelli. 

(4)  Ce  nom  signifie  «  fils  des  martyrs  ». 

(5)  Village  en  Marga. 

(6)  Dara  fut  occupée  en  604.  Ce  fut  le  signal  d'une  lutte  terrible,  qui.  pendant 
environ  vingt  années,  mit  aux  prises  les  deux  empires  rivaux. 


ANALYSE    DE    L'HISTOIRE    DE    RABBAN    BAR    'EDTA.  421 

lustres..  Citons  Mar  Yozadaq  (1),  de  Beith  &yonayé(2)  au  pays 
de  Ninive,  Hormezd  le  persan  (3)  et  Siméon(4)  de  Cascar  (5); 
tous  ceux-ci  fondèrent  des  couvents. 


CHAPITRE  XXXII 

L'année  où  Bar  'Edtaémigra  au  Paradis,  un  enfant  entra  au 
couvent  dans  le  but  de  se  faire  moine.  Quelques-uns  l'ayant 
blâmé  d'avoir  reçu  cet  enfant  :  «  Celui-ci,  leur  dit-il,  sera  le  père 
de  cette  congrégation.  »  Sa  prédiction  s'accomplit;  le  susdit  en 
fant  fut  nommé  ensuite  métropolitain  d'Arbèle,  et  donna  beau- 
coup de  terrains  à  notre  couvent. 

CHAPITRE  XXXIII 

Dans  un  vallon  près  du  couvent,  il  y  avait  un  grand  serpent. 
Un  jour  un  cénobite  du  village  de  Barzané,  nommé  Iso'yahb,  y 
alla  pour  couper  du  bois  :  il  Ait  le  serpent  sortir  de  son  trou  et 
se  diriger  vers  lui,  à  l'instant  il  tomba  mort  de  peur.  Bar  'Edta 
pria  pour  lui  et  le  ressuscita. 

CHAPITRE  XXXIV 

Il  guérit  aussi  la  belle-mère  de  Malbed  du  village  de  Barzané, 
qui  était  tombée  malade  depuis  bien  des  années. 

CHAPITRE  XXXV 

Il  guérit  également  une  femme  hydropique. 

CHAPITRE  XXXVI 

Il  y  avait  dans  la  ville  de  Ninive  (6)  un  juif,  qui  avait  un  fils 

(1;  Sur  ce  Yozadaq  voir  le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  91. 

(■>)  Ce  village  est  appelé  Beith  Sammina  dans  le  Livre  de  la  Chasteté. 

(3)  Sur  ce  Hormezd  voir  le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  89. 

(4)  Voir  le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  G8. 

('>)  Ville  en  Babylonie,  aujourd'hui  Al-Wassef. 

(6)  Cette  ville  devait  être  certainement  la  même  que  le  bourg  actuel,  appelé 


422  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

possédé  du  démon.  Sur  la  demande  de  MarAba  évêque  de  Ninive, 
Bar'Eclta  guérit  le  démoniaque;  le  juif  se  convertit  et  son  fils 
embrassa  la  vie  monastique  dans  le  couvent  de  Mar  Elia  (1). 


CHAPITRE    XXXVII 

Il  pria  pour  une  femme  stérile  du  village  de  Zedqoï  sur  le 
bord  de  l'Euphrate;  Dieu  exauça  sa  prière  et  la  femme  eut  trois 
enfants,  dont  l'un  entra  dans  notre  couvent  et  fut  nommé  Bar 
Daïra  (2)  par  Bar  cEdta. 

CHAPITRE  XXXVIII 

Dans  le  village  de  Beïth  Kartwâyé  il  y  avait  un  homme,  appelé 
Job.  Celui-ci,  ayant  été  tourmenté  en  songe  par  le  démon, 
vint  trouver  Bar'Edta.  Le  saint  lui  demanda  quel  était  son  péché  : 
«  Il  y  a,  dit-il,  dans  notre  village,  une  femme  pécheresse,  la- 
quelle, dit-on,  prend  du  pain  avant  la  communion.  J'ai  dit  en 
moi-même  :  Si  le  corps  de  Notre-Seigneur  est  saint,  pourquoi 
ne  met-il  pas  à  mort  cette  femme,  qui  s'en  moque  depuis  tant 
d'années?  »  Le  saint  le  confirma  dans  la  foi  et  lui  prédit  la  mort 
tragique  de  la  femme  pécheresse. 

CHAPITRE   XXXIX 

Emmanuel, diacre,  du  village  de  Beith  Gourbaq,  résista  long- 
temps aux  séductions  de  la  femme  de  son  frère.  Celle-ci,  enfin, 
eut  recours  à  la  magie.  Emmanuel,  quoique  épris  de  son  amour, 
eut  cependant  le  courage  pendant  deux  ou  trois  jours  de  ne  pas 
entrer  dans  la  maison;  il  alla  ensuite  trouver  Bar  cEdta,  qui  lui 
recommanda  de  s'adonner  à  la  prière.  Emmanuel,  ayant  été 
délivré  de  la  tentation,  embrassa  la  vie  monastique. 


Nabi  Younès  (le  prophète  Jonas),  qui  est  situé  sur  la  rive  du  Tigre   vis-à-vis  de 
Mossoul. 

(1)  Sur  Mar  Elia  et  sou  couvent  voir  le  Livre  de  la  Chasteté,  n°  10. 

(2)  Ce  nom  signifie  «  fils  du  couvent  ». 


ANALYSE    DE    l/lIISTOIRE    DE    RABBAN    BAR    'EDTA.  423 


CHAPITRE   XL 

Un  frère,  appelé  Gausiso'(l),  du  village  de  Beith  Assa,  dans  la 
région  de  Gogma'(2),avait  une  méchante  marâtre.  Celle-ci  après 
la  mort  de  son  mari,  de  peur  que  Gausiso'  ne  recueillît  l'héritage 
de  son  père,  lui  apporta  une  nourriture  empoisonnée.  Mais  Bar 
'Edta,  qui  voyait  les  choses  cachées,  le  délivra  et  lit  faire  péni- 
tence à  la  femme. 

CHAPITRE    XLI 

Un  homme  du  village  de  Beith  Snonitha  résolut  de  s'expa- 
trier pour  échapper  à  sa  femme,  qu'il  croyait  magicienne  :  elle 
lui  apparaissait  pendant  la  nuit  sous  la  forme  d'une  chienne.  Il 
vint  prier  dans  notre  couvent  et  raconta  au  saint  l'histoire  de  sa 
femme. Bar  'Edta  lui  révéla  que  Dieu  avait  privé  sa  femme  de  la 
grâce  en  punition  de  ses  péchés  :  car  elle  faisait  gras  le  jour  du 
vendredi;  il  lui  ordonna  donc  déconseiller  à  sa  femme  de  faire 
pénitence. 

CHAPITRE     XLII 

Il  guérit  encore  un  enfant  de  Beith  Rastaq  qui  était  para- 
lytique. 

CHAPITRE   XLIII 

Il  délivra   une   femme  démoniaque  qui  était  nouvellement 
mariée  à  Babta. 
(A  suivre.) 

Addaï  Sciieu. 


(1)  Ce  nom  signifie  :  Jésus  est  suum  profugium. 

(2)  >*^o^a^.  Ce  nom  est  écrit  Vvy,  «  dans  Y  Histoire  monastique  de  Thomas  de 
Marga  (éd.  Bedjan,  p.  168).  Cette  région  s'étendait  depuis  le  mont  Alpap  jusqu'à 
Aqra. 


MÉLANGES 


I 

A  PROPOS  DES  CURIEUSES  ANNOTATIONS  DE  QUELQUES 
MANUSCRITS  BYZANTINS 

On  a  compris  depuis  longtemps  l'intérêt  que  présentent  les 
souscriptions  et  les  annotations  des  anciens  manuscrits.  Les 
traités  de  paléographie,  les  descriptions  détaillées  des  manus- 
crits, les  inventaires  sommaires  des  bibliothèques  reprodui- 
sent ou  signalent,  au  moins,  les  plus  notables,  celles  en 
particulier  qui  concernent  l'histoire  des  manuscrits,  les  noms 
des  copistes  (1)  et  des  possesseurs  (2).  Le  fond  n'est  certes  pas 
épuisé,  et  d'agréables  surprises  sont  encore  réservées  aux 
chercheurs.  Toutefois,  avant  de  tirer  d'un  dépôt  public  aussi 
fouillé  que  la  Bibliothèque  nationale,  des  renseignements 
nouveaux,  il  est  nécessaire  de  s'enquérir  s'ils  n'ont  pas  déjà 
été  publiés.  Faute  d'avoir  fait  cette  enquête  préalable,  M.  Gas- 
touéa  noté  récemment,  ROC,  p.  317-327,  des  détails  dont  la 
plupart  avaient  déjà  été  relevés  et  étaient  connus  des  spécia- 
listes. Les  références  précises,  qui  vont  suivre,  n'ont  d'autre 
but  que  de  compléter  la  documentation  de  son  article. 

Le  Coislinianus  25  (15  des  Actes  selon  la  classification  reçue 
descursifs  grecs  du  Nouveau  Testament)  est  du  x°  ou  du 
xie  siècle,  et  il  contient  les  Actes  et  les  Épîtres  catholiques.  Les 
variantes  des  scholies  marginales,  empruntées  à  divers  au- 

(1)  Dom  Bernard  de  Montfaucon,  Palseographia  yrasca,  Paris,  1708,  p.  39  sq., 
a  dressé  la  liste  des  copistes  grecs  qu'il  connaissait.  M.  Omont  l'a  reprise  et 
complétée  pour  les  manuscrits  grecs  de  la  Bibliothèque  nationale. 

Çl)  Wattenbach,  Das  SchriftwesenAm  Mittelalter,  Leipzig,   1871,  p.  285-293. 


MÉLANGES.  425 

teurs,  ont  été  éditées  par  Cramer  (1).  La  souscription  du  prêtre 
André,  qui  a  adapté  ces  scholies  au  texte  du  manuscrit,  a  été 
publiée  par  dom  de  Montfaucon  (2),  et  le  nom  de  ce  compila- 
teur est  signalé  par  l'abbé  Paulin  Martin  (3)  et  René  Gre- 
gory  (4). 

Le  nom  du  moine  Nicéphore,  du  couvent  de  Saint-Mélèce, 
copiste  du  manuscrit  grec  81  (276  des  Évangiles),  a  été  indi- 
qué par  Gregory(5).  En  publiant  le  texte  intégral,  M.  Gastoué 
a  fait  connaître  le  moine  Daniel,  possesseur  du  codex.  La  date 
a  été  découverte  par  Gregory  ;  le  manuscrit  est  de   1092. 

L'Évangéliaire  317  (90  selon  la  classification  critique)  a  été 
copié  par  le  lecteur  Etienne,  le  18  mars  1533.  On  le  savait 
par  dom  de  Montfaucon  (6),  l'abbé  Martin  (7)   et  Gregory(8). 

Le  manuscrit  108,  copié  au  xvc  siècle  par  Georges  Hermo- 
nyme,  ne  forme  qu'un  même  ouvrage  avec  les  manuscrits  109, 
110  et  111  de  la  Bibliothèque  nationale  et  le  Vaticanus  Reg. 
Gr.  76.  Dans  la  classification  critique,  l'ouvrage  complet  ré- 
pondait aux  cursifs  146,  147,  148  de  saint  Paul  (9);  il  est  coté 
aujourd'hui  comme  le  cursif  331  des  Actes  (10).  Le  manuscrit 
59  (116  des  Actes)  est  de  la  même  main  (11). 

On  savait  que  les  manuscrits  86  (279  des  Évangiles)  et  118 
(294des  Évangiles)  du  fonds  grec  avaient  été  offerts,  le25mars 
1676,  à  Louis  XIV,  par  l'archevêque  de  Samos,  Joseph  Georgi- 
rène,  qui  les  avait  tirés  de  la  bibliothèque  de  Patmos(12).  Le 

(1)  Catenœ  Graecorum  Patrum  in  X.  T.,  Oxford,  1838,  t.  III,  p.  iv-xn,  424-451 
(pour  les  Actes);  1810,  t.  VIII,  p.  583-596  (pour  les  Épîtres  catholiques). 

(2)  Bibliolheca  Coisliniana,  Paris,  1715,  p.  77.  Le  savant  bénédictin  a  repro- 
duit et  traduit,  p.  70,  une  autre  note,  qui  apprend  qu'un  prêtre  a  comparé  les 
textes  en  1529.  Sur  le  copiste  André,  voir  Fabricius,  Bibliolheca  grœca,  t.  VII. 
p.  759. 

(3)  Description  technique  des  manuscrits  grecs  relatifs  au  Nouveau  Testament, 
conservés  dans  les   bibliothèques  de  Paris    (lithog.),  Paris,  1884,  p.  108-109. 

(4)  Prolegomena,  au  Novum  Testamentum  graece,  8e  édit.  majeure  de  Tischen- 
dorf,  Leipzig,  1890,  t.  III,  l'asc.  2,  p.  618;  Textkrilik  des  Xeuen  Testaments,  Leip- 
zig 1900,  t.  I,  p.  201.  • 

(5)  Prolegomena,]).  519;   Textkrilik,  ibid.,\).  175. 
(0)  Palœographia  grxva,  Paris,  1708,  p.  88. 

(7)  Description,  p.  100,  où  la  note  est  reproduite. 

(8)  Prolegomena,  p.  705:    Textkritik,    p.  395. 
(!»)  .Martin,  Description,  p.  120-130. 

(10)  Gregory,  Prçlegomena,  p.'648;  Textkritik,  p.  288. 

(11)  Martin,  p.  111;  Gregory,   Prolegomena,  p.  631;  Textkritik,  p.  271. 

(12)  Martin,  p.  67;  Gregory,  Prolegomena,  p.  520-522;   Textkritik,  p.  175,  17  7. 


126  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRETIEN. 

premier  est  du  xn°  siècle  et  le  second  a  été  copié  à  Jérusalem 
au  couvent  du  Saint-Sépulcre,  par  le  moine  Pierre,  en  1291. 
Le  Coislinianus  197  qui  est,  selon  B.  de  Montfaucon(l)  et 
l'abbé  Martin  (2),  du  xnc  siècle,  selon  Gregory  (3),  du  xe  ou 
du  xic,  ne  leur  est  donc  pas  antérieur  de  quatre  siècles. 

Ce  manuscrit  (331  des  Évangiles)  a  appartenu  à  Hector 
d'Ailly,  évêque  de  Toul  (1524-1533),  qui  Ta  donné  en  1530 
(et  non  en  1430)  à  la  bibliothèque  de  son  église  cathédrale. 
Seule,  l'erreur  d'un  siècle  dans  la  transcription  de  la  date  de 
donation  a  pu  porter  M.  Gastoué  à  supposer  qu'Hector  d'Ailly 
avait  reçu  son  manuscrit  des  mains  d'un  évêque  grec  ren- 
contré au  cours  de  la  préparation  du  concile  de  Florence 
(1439-1445).  Nous  ignorons  de  qui  l'évêque  de  Toul  tenait  cet 
évangéliaire,  autrefois  relié  à  ses  armes;  mais  les  manuscrits 
orientaux  affluèrent  en  Occident  au  xvie  siècle.  Quant  à  la 
translation  du  codex  de  la  bibliothèque  du  chapitre  cathédral 
de  Toul  à  la  bibliothèque  de  Mgr  de  Coislin,  évêque  de  Metz, 
elle  n'est  pas  aussi  simple  que  se  l'imagine  M.  Gastoué, 
sans  doute  d'après  la  proximité  de  Toul  et  de  Metz.  La  biblio- 
thèque Coislinienne  n'a  jamais  été  à  Metz.  Elle  provient  de- 
Pierre  Séguier,  qui  l'a  rassemblée  de  toutes  parts.  Or  j'ai  mon- 
tré (4)  que  le  célèbre  chancelier  avait  reçu  du  chanoine  tou- 
lois,  Louis  Machon,  plusieurs  manuscrits,  parmi  lesquels  vrai- 
semblablement l'évangéliaire  d'Hector  d'Ailly,  achetés  à  la 
bibliothèque  du  chapitre.  L'évêque  de  Metz  hérita  de  la  bi- 
bliothèque de  Séguier,  et  la  légua  aux  bénédictins  de  Saint- 
Germain  des  Prés  de  Paris.  Confisquée  pendant  la  Révolution, 
elle  forme  à  la  Bibliothèque  nationale  «  le  fonds  Coislin  ». 

La  donation  du  manuscrit  91  (10  des  Évangiles),  du 
xme  siècle,  en  1439,  pendant  la  tenue  du  concile  de  Florence, 
par  Dorothée,  archevêque  de  Mitylène,  à  la  bibliothèque  des 
chanoines  de  Vérone,  comme  l'indique  la  note  du  chanoine 
'Fimothée,  avait  été  signalée  par  l'abbé  Martin  (5)  et  par  Gre- 


(1)  bibliolheca  Coisliniana,  p.  250. 

(2)  Description,  p.  87. 

(3)  Prolegomena,    p.  526;  Textkrilik,  p.  180. 

(4)  Le  manuscrit  grec  des  Évangiles  d'Hector  d'Ailly,  évêque  de  Toul,  dans  le 
Bulletin  mensuel  de  lu  Société  d'archéologie  lorraine,  1002,  et  tirage  à  part. 

(3)  Description,  p.  24. 


MÉLANGES.  127 

gory  (1),  aussi  bien  que  l'interrogatoire  de  l'abbé  Gérasime  sur 
la  foi,  reproduit  dans  le  manuscrit  140  du  Supplément  grec 
(297  des  Evangiles)  au  xn°  siècle  (2),  et  la  liturgie  de  saint 
Chrysostome  copiée  à  la  fin  du  manuscrit  1 12  (6  des  Évangiles), 
qui  n'est  pas  un  lectionnaire  proprement  dit,  mais  un  texte 
complet  du  Nouveau  Testament,  sauf  l'Apocalypse  (3),  adapté 
toutefois  à  l'usage  liturgique. 

Quant  au  Synaxaire  et  au  Ménologe,  ils  sont  reproduits 
plus  ou  moins  complètement  dans  beaucoup  de  manuscrits. 
En  attendant  l'édition  nouvelle  qu'on  nous  annonce,  on  pourra 
consulter  avec  profit  le  savant  ouvrage  de  Gregory  I  ,  si 
souvent  cité  dans  les  pages  précédentes.  Il  contient  la  série 
des  leçons  liturgiques  suivant  l'ordre  des  fêtes  dans  l'Église 
grecque. 

E.  Manoenot. 


II 

NOTE  SUR  DEUX  OUVRAGES  APOCRYPHES  ARABES 
INTITULÉS  «  TESTAMENT  DE  NOTRE-SEIGNEUR  » 

11  existe,  en  dehors  du  Testament  de  Notre-Seigneur  publié 
par  S.  B.  M>r  Rahmani  (5),  deux  autres  testaments  manusciils 
que  j'ai  eu  l'occasion  de  feuilleter  à  la  Bibliothèque  nationale 
de  Paris.  L'un  est  donné  par  Notre-Seigneur  à  ses  disciples  sur 
le  mont  des  Oliviers,  et  l'autre  est  adressé  à  saint  Pierre.  Ces 
deux  Testaments  sont  rédigés  en  carchouni  (arabe  écrit  avec 
les  caractères  syriaques).  Tous  deux  se  trouvent  dans  le  même 
recueil  qui  forme  le  n°  232  du  catalogue  des  manuscrits  syria- 

(1)  Prolegomena,  p.  461;  Textkritik,  p.  130. 

(2)  Martin,  p.  74;  Gregory,  Prolegomena,  p.  522;  Textkritik,  p.  177;  H.  Oniont, 
Inventaire   sommaire   des  manuscrit*  gréa  de  ta  Bibliothèque   nationale,   Paris, 

1898,  p.  222. 

(3)  Gregory,  Prolegomena,  p .  460;  Texlkriiih,  y.   129. 
<  1)  Textkritik,  p.  313-386. 

(.">)  Voir  ROC,  1905,  p.  418  cà  424,  notre  étude  sur  les  versions  arabes  deo 
tament. 


428  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

ques  de  Paris.  C'est  un  manuscrit  du  xvne  siècle,  rapporté  de 
Constantinople  à  la  Bibliothèque  du  roi  dans  la  première  moitié 
du  siècle  suivant. 

Il  y  a  aussi  une  autre  copie,  écrite  également  en  carchouni, 
du  Testament  adressé  aux  disciples.  Elle  fait  partie  d'un  autre 
recueil  écrit  au  xvic  siècle  (n°  194  du  môme  catalogue)  et  apporté 
par  le  P.  Vansleb,  envoyé  en  1671  dans  le  Levant  avec  mission 
d'acquérir  des  manuscrits  orientaux  pour  la  Bibliothèque  du 
roi. 

Une  copie  de  ces  deux  Testaments  se  trouve  aussi  à  la  Bi- 
bliothèque Vaticane(Assémani,  Biblioth.  apost.  Vat.  cod.  ma- 
nus.  catal.,  t.  III,  p.  506  et  suiv.). 

Voici  un  résumé  succinct  des  deux  Testaments. 

Le  Testament  donné  aux  disciples  (1)  n'est  qu'une  exhortation 
à  la  persévérance.  On  y  trouve  deux  catégories  d'idées.  La  pre- 
mière est  une  série  de  reproches  :  Malheur  à  celui  qui  renie 
mon  nom!  Il  aura  pour  héritage  le  feu  qui  ne  s'éteint  jamais 
et  le  ver  qui  ne  meurt  point,  et  pour  habitation  le  séjour  des 
ténèbres.  Malheur  à  celui  qui  me  renie  après  le  baptême  !  Mal- 
heur à  celui  qui  fait  peu  de  cas  de  la  croyance  en  moi  et  en 
ma  divinité!  etc. 

La  seconde  catégorie  consiste  en  une  série  de  béatitudes. 
Heureux  ceux  qui  croient  en  moi!  Heureux  ceux  qui  ont  faim 
à  cause  de  moi...  qui  sont  injuriés  et  dépouillés  de  leurs  biens 
pour  la  foi  en  moi...,  qui  donnent  l'hospitalité  aux  étrangers..., 
qui  vivent  dans  les  montagnes  et  les  déserts  par  dévotion  pour 
moi...  qui  ont  soin  d'illuminer  mes  maisons  avec  des  lampes 
et  des  cierges...,  qui  implorent  le  secours  de  Marie,  ma  mère..., 
qui,  pour  se  rapprocher  de  moi,  combattent  les  nations  infi- 
dèles..., qui  bâtissent  des  églises  sous  le  vocable  de  mes  pro- 
phètes, de  mes  apôtres  et  de  mes  martyrs...,  qui  donnent  à  mes 
maisons  la  dîme  de  leurs  biens...,  qui  honorent  mes  prêtres... 
Heureux  celui  qui  fera  un  prêtre  de  son  fils...  Heureux  ceux 
qui  communient  tous  les  jours  à  mon  corps  et  à  mon  sang... 

L'autre  Testament  adressé  à  Pierre  (2)  débute  par  une  préclic- 


(1)  Ms.  syr.  194,  fol.  143,  et  ras.  232,  fol.  334  à  336. 

(2)  Ms.  syr.  232,  fol.  184  à  193. 


MÉLANGES.  429 

tion  des  maux  que  la  8°  génération  aura  à  supporter,  et  par  une 
exhortation  à  la  patience.  Suit  un  tableau  de  l'histoire  des  Sul- 
tans et  des  Tartares,  de  la  guerre  qu'ils  se  feront  en  Mésopota- 
mie et  ailleurs.  Les  Sultans  s'appellent  Bibar,  Klaoun,  Kelil, 
Baïdara,  Mahomet,  etc.  Après  cela  vient  une  histoire  des  rois 
de  la  Nubie  et  de  l'Ethiopie  avec  une  autre  de  la  vie  de  Cons- 
tantin auquel  l'auteur  de  cet  apocryphe  donne  le  nom  de  lion- 
ceau. Les  trois  rois  vont  à  la  rencontre  les  uns  des  autres.  Ils 
concluent  un  traité  de  paix.  Puis  Constantin  se  dirige  avec  le 
roi  d'Ethiopie  vers  l'Egypte  pour  y  visiter  le  temple  construit 
par  ce  dernier.  Aussitôt  arrivés  en  Egypte,  ils  s'appliquent  au 
jeûne,  à  la  prière  et  aux  veilles,  pendant  trois  jours,  ainsi  que 
leurs  troupes.  Et  le  quatrième  jour,  ils  offrent  les  sacrifices 
dans  le  temple,  le  roi  des  Romains  se  mettant  à  gauche  de  l'au- 
tel avec  ses  prêtres  et  son  peuple  et  le  roi  éthiopien  à  droite  avec 
les  siens.  En  ce  moment-là  la  scène  suivante  se  produira  :  l'Es- 
prit-Saint  descendra  sur  le  patriarche  éthiopien,  et  celui-ci  don- 
nera une  profession  de  foi,  qui  sera  acceptée  par  tout  le  monde. 
Foi  et  charité,  voilà  ce  qui  régnera  alors  parmi  les  rois  et  les 
nations. 

On  se  dirigera  ensuite  vers  Jérusalem  où  l'on  établira  un 
seul  roi,  Constantin,  de  la  race  duquel  s'élèveront'  dix  autres 
rois.  En  ce  temps-là,  il  y  aura  sur  terre,  paix,  joie  et  prospé- 
rité. 

A  la  fin  des  temps  surgira  un  roi  infidèle,  ennemi  du  nom 
chrétien.  Il  rétablira  le  culte  des  idoles  et  tuera  ceux  des  chré- 
tiens qu'il  pourra  atteindre.  Le  démon  lui  servira  de  guide,  lui 
montrera  les  trésors  et  le  conduira  à  Alexandrie.  Là,  ce  roi 
adorera  une  idole  sous  la  forme  d'un  bélier  et,  devant  cette 
idole,  il  immolera  son  fils.  Le  démon  lui  apparaîtra  dans  cette 
idole,  l'assurera  de  son  secours  et  promettra  de  lui  ouvrir  tous 
les  trésors  enfouis  par  les  Romains  dans  l'Egypte  et  la  Haute- 
Egypte. 

La  nouvelle  de  l'avènement  de  ce  roi  parviendra  aux  oreilles 
des  rois  et  des  peuples  de  l'univers.  Ils  lui  déclareront  la 
guerre.  Satan  lui  conseillera  alors  de  s'emparer  de  toutes 
les  richesses  et  de  s'enfuir  par  mer  avec  ses  troupes.  Mais  Dieu 
fera  de  lui  comme  il  avait  fait  de  Pharaon.  Après  quoi,  paraîtra 
l'Antéchrist.  Les  juifs  viendront  à  lui  de  partout.  Il  fera  briller 


430  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

aux  yeux  du  monde  de  faux  prodiges  opérés  par  la  magie,  afin 
d'attirer  les  hommes  à  sa  doctrine  diabolique.  Dieu  enverra 
alors  aux  chrétiens  les  deux  vieillards  Enoch  et  Élie.  Ils  les  met- 
tront en  garde  contre  les  sorcelleries  de  cet  imposteur.  Puis  ils 
prêcheront  la  vérité  aux  juifs  réunis  autour  de  lui  et  12.000 
d'entre  eux  le  renieront  pour  le  Christ,  crucifié  par  leurs  an- 
cêtres. Il  les  mettra  aussitôt  à  mort  et  immolera  Enoch  et  Élie 
sur  l'autel  du  temple  de  Jérusalem.  Alors  d'un  souffle,  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ  fera  de  lui  ce  que  lèvent  fait  de  la  fumée. 
Le  signe  de  la  croix  paraîtra  ensuite  dans  le  ciel,  et  une  grande 
confusion  régnera  sur  tous  les  infidèles  qui,  de  frayeur,  ren- 
dront le  dernier  soupir.  Et  Ton  verra  le  fils  de  l'homme  venir 
dans  les  nuées  avec  ses  anges.  Il  descendra  sur  l'aire  que 
David  avait  achetée  à  Daran  (Oman)  le  Jébuséen  et  enverra 
ses  anges  rassembler  les  justes  et  les  démons.  Les  démons 
seront  jetés  dans  l'éternel  supplice;  les  justes,  il  les  emmènera 
à  la  vie  éternelle,  mettant  les  saints  à  sa  droite,  les  anges  tout 
autour  de  lui,  et,  derrière,  les  enfants  exempts  des  souillures 
du  siècle.  Aussitôt  après,  le  soleil  s'obscurcira,  la  lune  ne 
donnera  plus  sa  lumière,  les  étoiles  tomberont  du  ciel,  tout  ce 
monde  passera  et  viendra  le  nouveau. 

Le  Testament  se  termine  par  une  exhortation  à  la  persévé- 
rance dans  la  lutte,  à  la  pénitence  et  à  la  confession  des  péchés. 

S.  Dm. 


III 


NOTE  SUR  LE  CONTENU  DES  MANUSCRITS  PALIM- 
PSESTES :  PARIS  SUPPL.  GREC  180  ET  CHARTRES 
N°  1751. 

Le  texte  récent  (xive  siècle)  du  ms.  de  Chartres,  fol.  1  à  24 
et  du  ms.  de  Paris  (55  feuillets)  est  une  Vie  de  Pacôme  dont  le 
commencement  est  perdu.  Ce  qui  reste  débute  par  les  Ascetica 
du  ms.  881  de  Paris  (fol.  222  à  255),  en  moindre  nombre,  clans 
leur  rédaction  primitive,  soudés  à  la  fin  avec  la  seconde  partie 
du  texte  grec  publié  dans  les  Acta  SS.  Maii,  t.  III.  Nous  pu- 
blions les  Ascetica  dans  la  Patrologie  orientale  (t.  IV,  fasc.  4) 


MÉLANGES.  431 

et  nous  analysons  la  fin  du  ms.  D  en  signalant  surtout  ses 
omissions  et  additions. 

Nous  avons  cherché  ensuite  à  identifier  le  texte  sous-jacent 
écrit  en  onciales  au  vuic  siècle  et  avons  pu  le  faire  partout. 

Nous  avons  trouvé  des  Vies  de  saints  et  des  homélies  de 
saint  Jean  Chrysostome  : 

1°  Vie  de  saint  Jean-Baptiste,  Paris,  9,  10,  15,  16,  19,  22, 
33,  34,  39,  40,  51%  52'.  Cette  Vie  porte  en  tête  le  n°  K0  (29). 

2°  Fin  du  miracle  de  saint  Michel  à  Colosses,  Paris,  3r,  I,  5, 
11,  14,  17,24. 

3°  Vie  et  prodiges  de  saint  Basile,  3V,  G,  16.  Cette  Vie  porte  en 
tète  le  n°  AA  (31).  Ces  trois  Vies  se  suivent  sans  interruption. 

1°  Homélie  Oùpavsç...  Migne,  Pair,  gr.,  t.  LU,  col.  803. 
Paris,  25,  32,  18,  50,  53,  55. 

5°  Homélie  IlaXtv...  Migne,  Pair,  gr.,  t.  LIX,  col.  486.  Paris, 
18,  20,  21,  23,  35,  36,  37,  38,  41,  51r,  52v. 

6°  Homélie  $ai§pwç...  inédite  d'après  Fabricius;  nous  l'a- 
vons identifiée  sur  le  ms.  de  Paris  n°  777,  fol.  203  sqq.  Paris, 
2,  7,  12,  13,  44;  Chartres,  1,  2,  3,  4,  5,  6,  7,  8,  9,  10,  15,  16, 
17,  18,  19,  22,  23,  24. 

7°  Homélie  ÏQsxep...  Pair,  gr.,  t.  LX,  col.  763  sqq.  Paris,  28, 
29,  42,  49,  54;  Chartres,  20,  21. 

8°  Homélie  ftv.x  tic,  w;  soiks,  inédite  d'après  Fabricius.  Nous 
l'avons  identifiée  sur  le  ms.  de  Paris  n°  1175,  fol.  150v.  Paris, 
26,  27,  30,  31,  43. 

9°  Homélie  'AveVnj...  Pair,  gr.,  t.  LXI,  col.  733.  Paris,  1,  8; 
Chartres,  12,  13. 

10°  Fragment  d'une  homélie  sur  la  croix,  Chartres,  11,  14. 

Deux  feuillets  portent  une  écriture  minuscule  plus  récente 
de  genre  homilétique  aussi  :  Paris,  45,  47.  Nous  ne  nous  en 
sommes  pas  occupés. 

Nous  donnerons  aussi  l'analyse  détaillée  de  ces  textes  palim- 
psestes dans  la  Patrologie  orientale  (IV,  4)  où  nous  éditerons  la 
Vie  de  saint  Jean-Baptiste  et  le  miracle  de  saint  Michel  (1). 

F.  Nau. 


(1)  Nous  joindrons  ici  au  texte  ure<-  l'ancienne  version  latine  signalée  par  les 
Bollandistes  dans  un  ms.  latin  de  Paris. 


CHRONIQUE 


L'Église  Maronite  en  1905-1906.  —  L'événement  le  plus  considérable 
de  ces  deux  dernières  années  est  le  voyage  ad  Limina  du  patriarche 
Msr  Élie-Pierre  Hoyek.  Ce  fait  si  simple  en  soi  emprunte  un  caractère 
spécial  aux  circonstances  dans  lesquelles  se  maintient,  depuis  des 
siècles,  le  Patriarcat  Maronite. 

En  effet,  dans  tout  le  cours  de  l'histoire  Maronite,  deux  patriarches 
seulement  visitèrent  Rome,  le  premier  au  commencement  du  xme  siècle 
(1215),  l'autre  en  1867  :  la  rareté  de  la  chose  lui  donne  du  prix  et  la  fait 
remarquer.  D'autre  part,  le  chef  de  l'Église  Maronite  ne  sort  jamais  du 
Liban  où  il  a  ses  résidences  d'hiver  et  d'été,  son  diocèse,  ses  séminaires, 
ses  couvents  et  la  source  de  ses  modestes  revenus  ;  son  voyage  fut  donc 
pour  les  Libanais  et  pour  les  Orientaux  en  général,  un  gros  événement. 
Beyrouth  lui  fit,  au  départ  et  au  retour,  une  réception  royale,  à  laquelle 
toutes  les  communautés  s'empressèrent  de  prendre  part. 

Le  Patriarche  se  proposait  avant  tout  de  se  présenter  à'Rome  pour  offrir 
l'hommage  de  son  obéissance  et  de  son  dévouement  au  Vicaire  de  Jésus - 
Christ  et  pour  avoir  l'avantage  de  connaître  personnellement  le  Pape 
PieX. 

Quatre  archevêques,  trois  supérieurs  de  congrégations  religieuses,  et 
plusieurs  prêtres  attachés  à  ces  prélats  composaient  la  suite  du  Patriarche. 
Le  Souverain  Pontife  les  reçut  avec  une  affabilité  toute  particulière  et  eut 
pour  eux  les  plus  grands  égards  ;  il  voulut  même  se  faire  photographier 
entouré  des  prélats  maronites  dans  une  salle  du  Vatican,  il  écrivit  au 
Patriarche  une  lettre  flatteuse,  où  il  lui  dit,  entre  autres  choses,  qu'il  ne 
voulait  pas  qu'il  fût  dit  que  ses  prédécesseurs  aient  eu  pour  les  Maronites 
plus  d'affection  que  lui. 

Msr  Hoyek,  après  avoir  été  longtemps  retenu  à  Rome  en  vue  de  régler 
certaines  affaires,  se  rendit  en  France,  où  il  fut  l'objet  de  la  bienveillante 
attention  du  gouvernement.  Delà,  il  vint  à  Constantinople. 

Le  voyage  de  Constantinople  est  pour  les  prélats  maronites  une  question 
très  délicate,  et  voici  pourquoi  :  Quand  le  sultan  Sélim  I  conquit  l'Egypte 
et  la  Syrie,  la  population  du  Liban  l'accueillit  pacifiquement  et  reconnut 
spontanément  le  nouveau  maître  sans  un  mouvement  de  résistance.  Le 
Patriarche  Maronite  d'alors,  à  l'occasion  de  certaines  difficultés,  envoya 
une  députation  auprès  du  Sultan,  à  Alep,  et  lui  demanda  aide  et  protec- 
tion. Le  sultan  Sélim  et  son  successeur  Soleyman  II  le  Magnifique  donné- 


CHRONIQUE.  433 

rent  des  lettres  dans  ce  sens,  et  reconnurent  par  là,  bien  que  ce  ne  fût 
pas  dans  la  forme  adoptée  postérieurement,  le  Patriarcat  maronite.  Depuis 
cette  époque,  c'est-à-dire  durant  quatre  siècles,  le  gouvernement  Ottoman 
n'eut  jamais  un  mot  de  plainte  contre  les  Maronites,  population  agricole 
et  d'une  grande  docilité;  et  les  chefs  ecclésiastiques  furent  toujours  nom- 
més au  Liban,  sans  que  l'autorité  civile  ait  même  songé  à  intervenir. 
Parfois,  en  ces  dernières  années,  des  fonctionnaires  trop  zélés  insinèurent 
aux  Patriarches  de  demander  le  bérat  de  confirmation  :  la  réponse  fut 
toujours  la  même,  et  l'on  s'en  tint  aux  antiques  traditions  sanctionnées 
par  des  relations  de  quatre  siècles. 

Le  sultan  Abdul-Hamid  II  s'est  montré  l'habile  politique  qu'il  est  :  La 
magnificence  de  l'accueil  qu'il  fit  au  patriarche  et  à  sa  suite,  et  les  bonnes 
paroles  qu'il  fit  entendre,  ont  encore  augmenté  chez  les  Maronites  la  recon- 
naissance et  l'affection  qu'ils  ont  toujours  eues  pour  leur  souverain. 

De  retour  au  Liban,  Msr  Hoyek  eut  à  pourvoir  le  diocèse  de  Chypre, 
dont  le  pasteur  M«r  Nématallah  Silouan  était  mort,  au  mois  de  septembre 
1905,  au  cours  d'une  tournée  pastorale.  Son  successeur,  Me".  Pierre 
Zoghbi,  est  un  vénérable  septuagénaire,  qui  avait  été  plus  d'une  fois  pro- 
posé pour  l'épiscopat.  Ses  longs  services,  son  abnégation  et  sa  vertu  ont 
enfin  ici-bas  la  récompense  et  le  couronnement  qu'ils  méritent.  Sou 
sacre  eut  lieuàBékorki  le  11  février  1906,  aux  applaudissements  de  toute 
la  communauté  qu'il  édifia  pendant  bien  longtemps  par  l'exemple  de  ses 
vertus  sacerdotales. 

Peu  après,  le  Patriarche  recevait  de  Rome  le  Bref  de  partage  du  diocèse 
de  Tyr  et  Sidon  en  deux  diocèses,  celui  de  Tyr  et  celui  de  Sidon.  M«1'  Bas- 
bous  reste  à  la  tête  de  ce  dernier;  et  le  pape  Pie  X,  par  un  Bref  du 
31  janvier  1900,  nomma  au  siège  de  Tyr  M«r  Chécrallah  Khouri,  supérieur 
des  missionnaires  Libanais  Maronites  de  Kréim.  Le  nouvel  évoque  déclina 
cet  honneur  et  le  lourd  fardeau  d'un  diocèse  à  organiser  et  à  gouverner. 
Mais,  malgré  sa  résistance  et  les  excuses  qu'il  fit  valoir,  il  dut  enfin  courber 
la  tète  et  accepter  le  joug.  Simple  prêtre,  il  avait  au  Liban  une  place  de 
choix  dans  l'estime  de  tout  le  monde  ;  son  zèle,  sa  prudence,  sa  clair- 
voyance lui  avaient  gagné  !  le  respect,  la  sympathie  et  l'attachement  de 
tous  ceux  qui  le  connaissaient.  Aussi,  sa  nomination  à  Tyr  eut  un  écho 
douloureux;  et  malgré  l'esprit  apostolique  dont  il  est  animé,  malgré  son 
dévouement  et  son  abnégation,  on  ne  l'a  pas  vu  sans  peine  s'en  aller  vers 
une  région  où  l'élément  chrétien  est  faible,  pauvre,  dispersé,  et  où  il  aura 
à  semer  dans  les  larmes,  sans  peut-être  avoir  ici-bas  la  consolation  de 
recueillir  les  joyeuses  moissons.  Cependant,  aux  yeux  de  la  foi,  une 
grande  œuvre  lui  est  confiée,  il  a  trop  de  vertu  pour  se  décourager  devant 
la  difficulté,  tant  grande  qu'elle  soit,  et  le  souvenir  de  Celui  qui  foula  la 
terre  de  Galilée  et  qui  le  premier  y  annonça  la  bonne  nouvelle,  le  sou- 
tiendra sûrement  et  attirera  les  bénédictions  du  ciel  sur  tout  ce  qu'il 
tentera  pour  faire  revivre  au  cœur  des  hommes  l'amour  et  la  radieuse 
image  du  Divin  Maître. 

Le  partage  du  diocèse  de  Tyr  et  Sidon  était  demandé  depuis  plusieurs 

ORIi:iST   CHRÉTIEN.  28 


434  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

années.  Les  évoques  ne  pouvaient,  du  Liban  où  ils  résidaient,  connaître 
de  près  les  besoins  de  leurs  fidèles,  ni  leur  donner  les  secours  nécessaires 
en  temps  opportun.  De  plus,  la  visite  des  régions  étendues  de  la  Galilée, 
de  Bilad-Bichara  et  Bilad-Safed,  par  suite  des  distances  et  des  difficultés 
des  communications,  leur  devenait  impossible,  passé  un  certain  âge.  Ces 
diverses  considérations  et  le  spectacle  des  efforts  des  Protestants  pour 
corrompre  la  foi  des  fidèles  éloignés,  décidèrent  les  chefs  de  l'Église  Maro- 
nite à  supplier  le  Saint-Siège  d'accéder  aux  vœux  légitimes  de  la  popu- 
lation et  d'ordonner  le  partage  du  diocèse.  C'est  ce  que  le  Souverain  Pontife 
Pie  X  fit  enfin  par  un  bref  du  26  janvier  de  cette  même  année  1906. 

Un  autre  fait  important  survenu  dans  le  gouvernement  spirituel  de  la 
communauté  Maronite,  c'est  la  création  d'un  vicariat  patriarcal  en  Egypte 
et  l'envoi  d'un  évêque  pour  résider  en  ce  pays.  Jusqu'ici,  les  Maronites 
d'Egypte  relevaient  du  Patriarcat  directement;  mais  comme  leur  nombre 
s'est  accru  depuis  quelque  temps,  ils  sentirent  la  nécessité  d'avoir  auprès 
d'eux  un  prélat  muni  de  tous  les  pouvoirs  ordinaires.  Toutefois,  malgré  le 
désir  que  tout  le  monde  en  avait,  on  était  arrêté  par  le  manque  de  res- 
sources. Ne  fallait-il  pas  donner  à  l'évèque  une  résidence,  et  couvrir  les 
frais  de  son  entretien?  La  générosité  d'un  riche  Maronite,  le  comte  K. 
Saab,  établi  à  Mansourah,  écarta  cette  difficulté  ;  il  acheta  un  vaste 
immeuble  au  Caire  et  en  fit  don  à  la  communauté  pour  servir  de  rési- 
dence à  l'évèque.  Cet  acte  d'une  générosité  princière,  a  valu  au  comte 
Saab  la  reconnaissance  et  l'admiration  de  la  communauté,  et  a  stimulé  le 
zèle  des  Maronites  d'Egypte  pour  mener  à  bonne  fin  une  œuvre  dont  ils 
commencent  à  recueillir  les  fruits.  M«''  J.  Darian,  archevêque  de  Tarse,  a 
été  nommé  à  ce  nouveau  poste.  Voilà  deux  ans  qu'il  travaille  à  unir  les 
cœurs  et  les  esprits  et  à  diriger  les  bonnes  volontés  vers  le  bien  de  la 
communauté.  Il  est  déjà  connu  des  lecteurs  de  Y  Orient  chrétien  (1906, 
p.  217)  et  sa  science,  aussi  bien  que  son  dévouement  et  son  affabilité,  le 
désignaient  plus  que  tout  autre  pour  ce  poste  difficile  à  fonder.  Depuis  le 
mois  de  septembre  un  externat  est  ouvert  dans  une  partie  de  l'immeuble 
où  réside  l'évèque,  et  les  enfants  maronites  y  trouveront  désormais  l'ins- 
truction dont  ils  ont  besoin  et  une  éducation  conforme  aux  traditions  de 
leur  nation.  La  prospérité  et  la  richesse,  fruits  de  la  sécurité  et  de  la  jus- 
tice que  l'occupation  anglaise  a  apportées  dans  la  vallée  du  Nil,  y  attirent 
continuellement  beaucoup  de  Syriens  ;  et  pas  n'est  besoin  d'être  prophète 
pour  annoncer  an  nouveau  diocèse  d'Egypte  une  grande  prospérité. 

Je  ne  m'attarderai  pas  à  relater  le  bruit  qui  a  couru  cet  été  de  la 
séparation  d'une  partie  du  diocèse  patriarcal  (Districts  de  Gébeil  et  de 
Batroun)  en  vue  d'en  faire  un  diocèse  autonome  et  de  donner  au  Patriarche 
et  à  ses  collaborateurs  plus  de  liberté  et  plus  de  temps  pour  s'occuper 
des  intérêts  généraux  de  la  Communauté.  Les  pourparlers  sont  naturel- 
lement tenus  secrets  :  il  serait  donc  puéril  et  imprudent  de  porter  aucun 
jugement,  ou  d'apprécier  des  mesures  encore  ignorées.     . 


CHRONIQUE.  435 

Ces  diverses  modifications  de  l'organisation  ultérieure  de  la  commu- 
nauté sont,  comme  le  voit,  utiles  et  imposées  par  les  besoins  actuels  et 
par  l'extension  des  Maronites  à,  travers  l'Orient.  Mais  il  est  d'autres 
réformes  que  l'état  des  esprits  réclame;  et  c'est  les  signaler,  croyons-nous, 
que  d'indiquer  sommairement  cet  état  et  de  montrer  l'évolution  qui  se 
produit  au  sein  des  peuples  orientaux  et,  en  particulier,  parmi  les  Maro- 
nites. 

Les  Libanais,  depuis  une  trentaine  d'années,  ont  appris  le  chemin  du 
Nouveau  Monde  :  le  succès. des  premiers  émigrants  leur  suscita  des  lé- 
gions d'imitateurs.  Mais  ces  émigrants  ont  ceci  de  particulier  qu'ils  s'en 
vont,  en  général,  au  loin  avec  l'intention  bien  arrêtée  de  revenir,  for- 
tune faite,  passer  au  pays  la  fin  de  leur  vie  et  jouir  d'un  repos  bien  mé- 
rité. Mais  la  mort,  pour  les  uns,  s'oppose  à  l'exécution  de  ce  vœu;  la 
malchance,  pour  d'autres,  le  fait  remettre  indéfiniment.  Le  petit  nombre, 
c'est-à-dire  ceux  à  qui  la  santé  et  le  bonheur  demeurent  fidèles,  rentrent 
avec  un  violent  appétit  d'indépendance,  une  teinte  de  savoir  et  énormé- 
ment de  prétentions.  Pour  eux  l'argent  tient  lieu  de  tout  mérite,  et 
donne  droit  à  toutes  les  qualités.  Tout  cela  est  répréhensible,  sans  doute, 
mais  secondaire  encore  :  l'apport  le  plus  important,  en  plus  de  ces 
vanités  excusables,  c'est  l'esprit  d'irréligion,  greffé,  dans  un  milieu  de 
liberté  excessive,  sur  l'ignorance,  et  se  manifestant,  après  le  retour  de 
ceux  qui  en  sont  les  victimes,  avec  une  brutale  légèreté  et  une-  mons- 
trueuse effronterie.  Rentrés  dans  le  vieil  Orient  avec  tous  les  vices  et 
tous  les  travers  du  Nouveau  Monde ,  ils  n'ont  rien  de  plus  pressé  bien 
souvent  que  de  les  répandre  autour  d'eux,  et  comme  ils  sont  peu  ca- 
pables de  créer  une  organisation  neuve,  ils  ont  trouvé  plus  simple  de 
demander  à  la  Franc-Maçonnerie  hospitalité  et  direction. 

La  Maçonnerie  a  des  loges  à  Beyrouth  depuis  longtemps.  A  part  une 
campagne  de  prosélytisme  entreprise  vers  1885  par  la  loge  française,  elle 
se  tenait  tranquille,  se  contentant  d'attirer  dans  ses  rets  ceux  qui,  oublieux 
des  devoirs  religieux,  flottaient  au  vent  d'un  vague  humanitarisme  et 
cherchaient,  dans  les  sociétés  secrètes,  un  levier  pour  bouleverser  le  bon 
ordre  dans  l'empire  et  servir  leurs  ambitions.  Car  toutes  ces  sociétés 
secrètes  savent  qu'il  faut  troubler  l'eau  pour  faire  une  pêche  plus  fruc- 
tueuse. Les  adhérents  du  rite  écossais  agissaient  avec  plus  de  discrétion 
encore,  mais  tous  n'en  travaillaient  pas  moins  dans  l'ombre  à  répandre 
les  principes  rationalistes  et  à  discréditer  le  sentiment  religieux.  Leurs 
succès  furent  grands  au  sein  des  groupes  schismatiques,  où  la  foi  est 
superficielle  et  où  les  convictions  ne  sont  plus  que  des  habitudes  et  des 
routines.  L'islamisme  a  aussi  cédé  devant  leurs  efforts;  et  il  est  certain 
que  tout  ce  qui  fait  partie,  en  secret  ou  ouvertement,  de  la  Jeune 
Turquie  appartient  à  la  Maçonnerie.  L'on  peut  dire  que  les  plus  grands 
apôtres  de  cette  société  furent  et  sont  encore  les  missionnaires  protes- 
tants de  toute  secte,  et  que  le  principal  foyer  en  est,  pour  la  Syrie. 
l'Université  Américaine  protestante  de  Beyrouth  dont  les  professeurs  sont 
des  incroyants.  Ainsi  ces  prétendus  missionnaires  ,  subventionnés  par 
des  sociétés  chrétiennes  sûrement  bien  intentionnées,  travaillent  avec 


436  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

le  plus  d'ardeur  et  d'efficacité  à  détruire  l'esprit  de  l'Évangile  à  travers 
le  monde. 

Pendant  que  les  Maçons  de  Beyrouth  restaient  pacifiques  en  appa- 
rence, comme  nous  l'avons  dit,  les  membres  d'une  loge  fondée  récem- 
ment par  des  Grecs  schismatiques  au  village  de  Chouéir,  prirent  en 
ces  dernières  années  une  attitude  militante.  Un  groupe  de  Maronites 
du  village  de  Ghazir  leur  fit  écho.  On  fonda  une  revue  «  Al-Nour  »  (La 
Lumière),  soi-disant  pour  éclairer  le  Liban,  en  réalité  pour  le  corrompre 
et  le  troubler,  selon  les  traditions  de  la  secte  mauvaise.  En  tout  autre 
temps  leur  action  eût  passé  inaperçue  ;  mais  l'existence  de  certains  partis 
fut  alors  favorable  aux  agitateurs. 

Le  Liban  a  pour  gouverneur,  depuis  quatre  ans  déjà,  Mouzaffer  Pacha, 
de  son  vrai  nom  de  famille  comte  Czaykouski,  polonais  d'origine,  au 
service  de  la  Turquie.  C'est  un  militaire,  chargé  naguère  de  la  surveil- 
lance des  haras  impériaux,  élevé  par  un  hasard  de  fortune  à  la  dignité 
de  maréchal  de  l'Empire,  d'aide  de  camp  de  Sa  Majesté  le  sultan  et  de 
gouverneur  général  du  Liban.  Dès  son  arrivée  en  ce  pays,  il  lança  un 
programme  éblouissant  mais  peu  réalisable.  Les  projets  qu'il  formula  et 
les  taxes  nouvelles  qu'il  pensa  imposer  au  pays  furent  mal  reçus,  et  on 
lui  représenta  amicalement  la  nécessité  de  revenir  sur  ses  premières 
décisions.  Force  lui  fut  de  se  rendre;  et  il  est  juste  d'avouer  que,  avec 
tous  ses  projets,  il  a  toujours  montré  de  la  bonne  volonté  et  un  réel  désir 
de  bien  faire;  cependant,  malgré  ces  louables  dispositions,  il  n'a  pu 
réussir  parce  qu'il  s'est  laissé  influencer  par  de  fâcheux  conseillers  :  nom- 
mons :  Mme  Mouzaffer  Pacha,  son  fils  Fouad  Bey,  jeune  homme  sans  expé- 
rience suffisante,  un  autre  condamné  en  France  et  en  Italie  pour  ses 
escroqueries  et  ses  malhonnêtetés,  enfin  un  dernier  que  je  rougirais 
également  de  nommer  ici,  voilà  les  mauvais  génies  qui  ont  inspiré  de 
près  ou  de  loin  le  Gouverneur  général  et  qui  l'ont  rendu  impopulaire  et 
détesté. 

Les  autorités  ecclésiastiques,  les  notables,  toutes  les  personnes  honora- 
bles se  tinrent  à  l'écart  laissant  au  Pacha  et  à  ses  conseillers  toutes  les 
responsabilités.  Ces  derniers,  effrayés  de  l'isolement  où  leur  mauvaise 
politique  les  avait  conduits,  cherchèrent  à  se  faire  arme  de  tout  bois,  et 
les  groupes  Maçonniques,  qui  ne  savaient  à  quoi  employer  leur  activité  et 
leurs  loisirs  et  qui  paieraient  cher  pour  l'instant  toute  immixtion  dans 
la  politique  générale  de  l'Empire,  se  déclarèrent  pour  le  Pacha  contre  le 
clergé  et  les  notables.  Les  fonctionnaires,  quelques-uns  du  moins,  se 
mirent  du  même  parti  ;  et  une  petite  guerre  de  lâchetés  s'engagea.  Arti- 
cles injurieux,  brochures  anonymes,  nomination  aux  emplois  de  gens 
indignes,  tout  cela  éclata  à  la  fois  et  sur  tous  les  points.  Je  n'entre  pas 
dans  le  détail  de  ces  tristes  démêlés;  mais,  en  spectateur  impartial,  je 
constate  que  la  bassesse,  l'hypocrisie,  la  lâcheté,  le  mensonge,  toutes  les 
vilenies  contenues  jusqu'ici  par  un  sentiment  de  pudeur  naturelle  et  par 
un  reste  de  religion,  se  sont  manifestés  au  grand  jour,  grâce  à  l'action 
de  la  Maçonnerie  et  sous  le  souffle  d'un  gouverneur  indécis  et  inconstant, 
qui  laissa  le  désordre  remplir  le  pays  pour  ne  songer  qu'à  assouvir  ses 


CHRONIQUE.  437 

rancunes.  Il  n'a  pas  encore  remarqué  que  les  hommes  irréligieux  et  les 
sociétés  secrètes  sont  ceux  qui  subventionnent  les  assassins  et  les  fabri- 
cants de  bombes  ;  ils  ne  s'attaquent  d'abord  aux  diverses  religions  que 
pour  augmenter  le  nombre  des  hommes  sans  foi  ni  loi  et  en  arriver  enfin 
à  bouleverser  l'État  lui-môme. 

Et  voyez  quelle  forme  a  revêtue  l'action  maçonnique  :  ne  pouvant  s'at- 
taquer aux  personnes,  contre  qui  elle  ne  trouve  aucun  grief  sérieux,  ni 
aux  institutions  que  la  loi  ottomane  reconnaît  et  protège,  elle  s'est  donné 
la  triste  mission  de  critiquer  le  clergé  en  grossissant  aux  yeux  de  la  foule 
naïve  les  besoins  matériels  du  peuple  et  la  prétendue  insouciance  du 
clergé,  et  en  faisant  miroiter  aux  yeux  du  vulgaire  les  œuvres  de  bien- 
faisance qu'on  trouve  en  Europe  et  en  Amérique.  Parle-t-on  d'hôpitaux, 
d'asiles,  d'écoles,  ou,  dans  un  ordre  purement  matériel,  de  routes,  de 
chemins  de  fer,  d'agriculture,  d'expositions,  et  d'autres  institutions,  d'au- 
tres entreprises  qu'on  voit  en  Amérique  et  en  Europe?  Aussitôt  nos  phi- 
lanthropes s'exclament  :  Pourquoi  ne  nous  en  donne-t-on  point  de  sem- 
blables? (et  c  on  »  ici  veut  dire  le  clergé);  pourquoi  ne  vend-on  pas  les 
biens  des  couvents,  pourquoi  ne  détruit-on  pas  les  églises  pour  bâtir  des 
hôpitaux,  des  asiles  d'aliénés,  des  maisons  de  convalescence  pour  les 
phtisiques!  Ainsi  ce  sont  des  gens  viciés,  tombés  dans  toutes  les  misères 
en  courant  après  la  fortune  ou  le  plaisir,  qui  viennent  aujourd'hui  crier 
ces  réclamations.  Je  ne  dis  pas,  Dieu  m'en  garde,  qu'il  ne  faille  pas  con- 
courir à  des  œuvres  admirables  qui  sont  la  gloire  du  catholicisme:  mais 
il  est  triste  de  constater  que  la  demande  en  est  faite  par  les  victimes  du 
vice,  ou  par  des  personnes  qui  ont  moins  le  souci  du  bien  qu'un  senti- 
ment de  basse  haine  à  exhaler  ;  et  qui,  sans  tenir  compte  de  la  pauvreté 
du  pays  et  du  manque  de  ressources  du  clergé,  voudraient  dépouiller  les 
couvents  et  les  sièges  épiscopaux  des  biens  qui  leur  permettent  à  peine 
de  soutenir  leur  dignité  au  sein  de  la  société,  d'instruire  les  enfants  pau 
vres,  d'entretenir  les  écoles  primaires  dans  bien  des  villages  et  de  donner 
l'indispensable  aux  desservants  de  tant  de  communes  du  Liban. 

Ils  n'ont  garde  d'ajouter  que  les  Français  ploient  sous  les  impôts,  que 
la  spoliation  des  congrégations,  loin  de  les  enrichir,  les  a  appauvris, 
puisque  leurs  impôts  de  l'an  1900  à  l'an  1906  ont  passé  de  trois  milliards 
et  demi  à  quatre  milliards,  que  c'est  grâce  à  ces  impôts  que  l'on  construit 
des  écoles  et  des  hôpitaux  et  qu'on  subventionne  des  compagnies  de 
chemin  de  fer.  Ils  ne  disent  pas  que  le  Français  paie  chaque  année  à 
son  gouvernement  0  francs  pour  une  bicyclette,  10  francs  pour  un 
piano,  10  francs  pour  un  chien,  21  francs  pour  un  fusil  et  ainsi  de  suite 
pour  tout  ce  qu'il  possède,  qu'il  paie  son  tabac  0  fr.  80  les  50  grammes, 
et  son  café  4  francs  le  kilog.  Avec  de  pareils  impôts  il  n'est  pas  difficile 
de  faire  quelques  belles  constructions  ;  pour  moi  personnellement  je  puis 
m'engager  à  construire  un  hôpital  et  un  chemin  de  fer,  le  jour  où 
20.000  Libanais  s'engageront  à  m'acheter  tout  leur  tabac  à  0  fr.  80  les 
50  grammes  et  tout  leur  café  à  4  francs  le  kilog.  —  Mais  pourquoi  argu- 
menter plus  longtemps  avec  les  adeptes  des  sociétés  secrètes  :  maçons  et 
jeunes  Turcs,  dont  la  bonne  foi  est  pour  le  moins  douteuse.   Il  suffira 


138  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

d'un  peu  de  réflexion  et  M.  le  gouverneur  verra  que  tous  ces  gens  n'at- 
taquent les  diverses  religions,  chrétienne  et  musulmane,  que  pour 
augmenter  le  nombre  des  bandits  qu'ils  espèrent  lancer  un  jour  contre- 
le  pouvoir  civil.  Les  philosophes  français  du  xvme  siècle  n'attaquaient 
d*abord  que  le  clergé,  mais  ils  ont  fini  par  faire  massacrer  le  gouverneur 
de  la  Bastille  et  guillotiner  leur  roi. 

Le  Patriarche  Maronite,  ému  des  agissements  et  des  mensonges  de  la 
Maçonnerie,  société  secrète,  aussi  dangereuse  pour  le  trône  que  pour  l'au- 
tel, publia  un  mandement  en  date  du  15  janvier  1906,  et  condamna,  à  la 
suite  des  Souverains  Pontifes,  la  secte  et  ses  adhérents,  prononçant  l'ex- 
communication contre  les  Maronites  qui  s'y  feraient  admettre.  Cette  me- 
sure était  vraiment  nécessaire,  à  preuve  qu'elle  excita  la  colère  des  sec- 
taires et  leur  fit  pousser  des  cris  de  rage;  elle  était  opportune,  car  elle 
dévoila  les  traîtres  et  mit  fin  aux  hypocrisies.  Voilà  le  jugement  que  nous 
croyons  pouvoir  porter  à  distance  des  événements  :  il  fallait  absolument 
avertir  les  bons  du  danger,  condamner  les  mauvais  et  redire  à  tout  le 
monde  :  Celui  qui  rougit  de  moi  et  de  ma  doctrine,  je  rougirai  de  lui  de- 
vant le  Père  Eternel  et  ses  saints  anges. 

La  tempête  déchaînée  par  l'acte  énergique  du  Patriarche  Maronite  n'est 
pas  encore  près  de  s'apaiser.  Les  Maçons  d'Egypte  lui  adressèrent  une  ré- 
ponse relativement  courtoise  ;  ceux  du  Liban  s'agitent  d'une  façon  déses- 
pérée; et  un  certain  «  Maçon  citoyen  français  »  établi  à  Beyrouth,  et  qui 
n'a  pu  encore  trouver  le  moyen  de  gagner  son  pain  bien  qu'il  se  fût  donné 
pour  l'Apôtre  de  la  laïcisation,  a  trouvé  spirituel  de  publier,  dans  un  fran- 
çais de  nègre,  un  pamphlet  contre  le  Patriarche. 

Que  sortira-t-il  de  tout  ce  mouvement?  C'est  le  secret  de  Dieu.  Pour 
nous  qui  aimons  les'  Maronites  et  qui  suivons  avec  intérêt  la  crise  qu'ils 
traversent  à  cette  époque  de  transition,  nous  ne  pouvons  nous  empêcher 
de  faire,  en  terminant,  certaines  constatations  : 

L'esprit  d'irréligion  et  d'insubordination,  qui  vient  de  se  manifester  au 
sein  de  la  communauté,  provient  en  grande  partie  d'Amérique;  nul  ne 
saurait  le  contester.  C'est  de  là  déjà,  de  La  Fayette  et  des  hommes  qui 
avaient  fait  avec  lui  l'expédition  d'Amérique,  que  provint  en  partie  l'irré- 
ligion française  et  la  révolution  qui  devait  aboutir  à  la  décapitation  du 
roi  Louis  XVI,  mais  il  appartient  du  moins  aux  Maronites  de  ne  laisser  à 
leurs  adversaires  aucun  prétexte  que  leur  mauvaise  foi  puisse  exploiter 
contre  eux.  Ils  mettront  de  plus  en  plus  de  soin  à  former  leur  clergé  à  la 
science,  à  l'esprit  chrétien  et  au  zèle  afin  que  le  clergé  sache  .grouper  les 
hommes  autour  de  lui  et  leur  en  imposer  par  son  instruction  et  son  dé- 
vouement. N'y  aurait-il  pas  lieu  de  faire  un  petit  et  un  grand  séminaire 
des  deux  maisons  de  Mar-Abda  et  d'Aïn-Ourca  et  de  leur  imposer  un  nou- 
veau plan  d'études? 

Quant  aux  congrégations  religieuses,  elles  doivent  évidemment  éviter  de 
donner  prise  à  la  critique  et  pratiquer  la  pauvreté,  la  charité  chrétienne  et 
l'obéissance.  Il  ne  faut  pas  oublier  du  moins  qu'elles  ont  été  fondées  au 
Liban  dans  un  but  de  sanctification  personnelle  et  non  d'oeuvres  sociales. 
Comment  leur  demander  dès  lors  de  fonder  des  hôpitaux,  des  écoles  gra- 


CHRONIQUE.  .130 

tuites,  des  orphelinats?  D'ailleurs  leur  richesse  est  exagérée  à  plaisir  par 
leurs  ennemis.  En  déduisant  les  impôts  et  les  frais  inéluctables,  les  douze 
cents  moines  maronites  ne  disposent  guère  que  d'un  revenu  de  trois  cents 
mille  francs,  c'est-à-dire  de  deux  cent  cinquante  francs  par  personne.  Si 
un  de  leurs  adversaires  est  jaloux  de  leur  sort  et  se  trouve  disposé  à  mener 
leur  vie  durant  un  an  pour  deux  cent  cinquante  francs,  je  serais  heureux 
de  le  connaître. 

Du  moins  le  Patriarche  actuel  a  obligé  les  moines  à  soigner  les  études, 
c'est  bien  la  réforme  fondamentale  par  laquelle  il  fallait  commencer! 
Lorsqu'ils  compteront  des  hommes  aussi  instruits  qu'intelligents  et  que 
ceux-ci  seront  appelés  à  diriger  leur  communauté,  ils  se  rendront  compte 
que  la  vie  contemplative  ne  suffit  peut-être  pas,  car  la  population  tra- 
vaillée par  des  meneurs  malhonnêtes,  croit  de  moins  en  moins  à  une 
vertu  qui  ne  conduirait  pas  à  des  actes  de  bienfaisance  sociale  et  de  phi- 
lanthropie. 

Nous  n'avons  pas  d'ailleurs  à  recevoir  de  leçons  des  «  maçons  citoyens 
français  »  établis  à  l'étranger  :  Il  nous  souvient  toujours  qu'au  temps  où 
nous  allions  à  Londres,  le  Guide  Bsedecker  (9e édition,  Leipzig,  lS'.U.  p.  I  . 
nous  recommandait  de  ne  répondre  à  aucune  question  qu'on  nous  adres- 
serait en  français,  «  car  une  question  de  ce  genre  est  en  général  le  pré- 
liminaire d'un  vol  ou  d'une  escroquerie  ». 

Les  Maronites  n'ont  pas  à  recevoir  de  conseils  de  ces  gens-là;  ils  s'ef- 
forceront, sous  l'intelligente  direction  de  leur  Patriarche  et  de  leurs  évo- 
ques, de  faire  mieux  que  par  le  passé,  cardes  temps  plus  difficiles  demandent 
des  efforts  plus  considérables  et  plus  soutenus;  nous  sommes  convaincu 
qu'avec  l'aide  de  Dieu  ils  réussiront  et  que  leur  communauté  n'aura  rien 
à  envier  à  aucune  autre. 

K.  Moklès. 

Paris,  octobre  1906. 


ERRATA  AUX  PAGES  257  à  273. 

1°  Nous  avons  introduit  à  tort  «  la  Russie  »  et  «  les  Russes  »,  p.  J57. 
1.  25;  p.  260,  1.  4  et  av.-dern.  ligne,  car  le  mot  arabe  peut  être  traduit  par 
«  les  têtes  ». 

2°  De  même  pour  le  «  Perse  »,  p.  259,  1.  5  et  31  ;  p.  273,  1.  9,  car  on 
peut  traduire  par  un  nom  propre  :  «  Farès  ». 

3°  P.  261,  dern.  ligne,  traduire  :  «  et, que  je  suis  (du  rit)  des  Syriens, 
et  que  je  lui  ai  consacré  cette  poésie  ». 

4°  P.  268,  av.-dern.  ligne,  traduire  :  «  un  bassin  où  déborde  la  puis- 
sance (de  Diem  ». 

5°  P.  270,  1.  13,  traduire  :  «  Visite  (l'église  de)  Saint-Sharbil  ». 

M.  Asin  y  Palai  ios. 


BIBLIOGRAPHIE 


Dragutin  iN.  Anastasijewic,  Die  parânetischen  Alphabete  in  der  grie- 
chischen  Liiteratur,  in-16,  96  pages,  Munich,  Wolf  Sohn,  1905. 

Cette  brochure  est  une  dissertation  inaugurale,  présentée  par  l'auteur  à 
la  Faculté  de  philosophie  supérieure  de  l'Université  de  Munich,  pour  l'ob- 
tention du  Doctorat.  Elle  traite  de  ces  poèmes  alphabétiques  qui  furent 
longtemps  en  vogue,  dans  les  pays  de  langue  grecque,  sous  l'empire  ro- 
main et  à  l'époque  byzantine. 

Une  introduction  donne  d'abord  la  définition  de  ces  poèmes,  dont  quel- 
ques-uns sont  écrits  en  prose.  Une  certaine  correspondance  entre  l'ordre 
alphabétique  et  celui  des  lettres  qui  commencent  chacune  des  parties  suc- 
cessives de  ces  morceaux,  voilà  la  caractéristique  du  genre;  mais  dans  ce 
genre  on  trouve  toutes  les  variétés,  tant  au  point  de  vue  de  la  forme  qu'à 
celui  du  contenu  et  de  la  nature  littéraire  des  différents  poèmes.  Tantôt  ce 
sont  de  simples  acrostiches  alphabétiques,  chaque  lettre  de  l'alphabet  ser- 
vant d'initiale  à  un  seul  vers,  et  chaque  vers  ayant  un  sens  complet;  ailleurs, 
la  même  lettre  est  répétée  plusieurs  fois,  ou  bien,  les  vers  étant  unis  en 
strophes,  les  lettres  de  l'alphabet  commencent  successivement  chacune  des 
strophes,  etc.  Les  sujets  ne  sont  pas  moins  variés  que  les  combinaisons  de 
formes  :  il  y  a  des  prières,  il  y  a  des  chants  d'église,  il  y  a  des  poèmes  de 
circonstance,  il  y  a  surtout  de  la  «  littérature  édifiante  »,  mais  il  y  a  aussi 
des  couplets  erotiques. 

La  dissertation  se  compose  de  deux  grandes  parties  :  dans  la  première, 
l'auteur  étudie  séparément,  en  indiquant  chaque  fois  le  sujet  et  la  forme 
spéciale,  et  en  suivant  l'ordre  chronologique,  jusqu'à  36  poèmes  de  ce 
genre.  Dans  la  seconde,  notablement  plus  courte,  il  groupe  logiquement 
ces  différents  poèmes,  et  les  explique,  soit  par  leurs  origines  qui  remon- 
tent jusqu'aux  poèmes  gnomiques  de  l'antiquité,  soitpar  le  rapprochement 
qu'il  établit  entre  eux  et  certaines  oeuvres  de  la  littérature  du  moyen  âge, 
même  françaises,  telles  que  Y  ABC  à  femmes  et  L alphabet  moral  à  l'usage  des 
grands  enfants. 

Tous  ces  petits  poèmes,  additionnés  ensemble,  ne  donneraient  sans 
doute  pas  une  forte  somme  de  beautés  littéraires,  mais  on  aimerait  tout  de 
même  à  s'en  rendre  compte  directement,  et  l'on  regrette  que  les  citations 
soient  si  rares  :  la  dissertation  ne  renferme  guère  que  des  titres,  des  des- 
criptions et  des  analyses.  Mais,  malgré  cette  sécheresse,  elle  est  très  claire, 


BIBLIOGRAPHIE.  111 

très  bien  ordonnée,  remplie  d'indications  précieuses  :   c'est  une- lecture 
instructive  et  intéressante. 

.1.  Bousquet. 

II.  P.  Dom  Fernand  Cahrml,  Les  origines  liturgiques.  Conférences 
données  à  l'Institut  catholique  de  Paris  en  19Ô6-,  in-8°,  vin  et  314  pages, 
chez  Letouzeyet  Ané,  Paris,  1900. 

Dom  Cabrol  a  réuni  dans  ce  volume  huit  conférences  dans  lesquelles  il 
étudie  la  liturgie  au  point  de  vue  de  l'esthétique,  de  la  science,  des  origines, 
de  la  composition,  du  style  et  des  diverses  familles;  il  termine  par  l'étude 
de  la  messe,  du  baptême,  de  la  semaine  sainte  et  des  origines  de  l'année 
liturgique. 

A  ces  huit  conférences  (p.  1  à  188)  de  tournure  plutôt  littéraire, 
il  a  ajouté  neuf  appendices  serrés  et  documentés  (p.  189  à  372). 
A  le  lire,  on  voit  la  liturgie  quitter  le  domaine  des  formules  et  des  attitudes, 
sur  lequel  seul  nous  sommes  accoutumés  à  la  voir,  pour  vivre  et  progresser 
devant  le  lecteur.  On  part  d'origines  souvent  bien  modestes,  en  tout  cas  ra- 
tionnelles en  même  temps  qu'imagées,  pour  venir,  après  une  longue 
suite  de  transformations,  se  cristalliser  dans  nos  actuels  formulaires  :  C'est 
la  préface  qui  était  d'abord  une  libre  improvisation  et  pouvait  servir  de 
cadre  aux  reproches  et  aux  satires  (p.  77  et  81)  ;  c'est  le  baptême  qui  était 
conféré  d'abord  surtout  aux  adultes  et  qui  se  prolongeait  avec  sa  prépara- 
tion, ses  instructions,  ses  cérémonies  accessoires  durant  tout  le  Carême  et 
jusqu'à  l'octave  de  Pâques  (p.  152);  c'est  l'année  liturgique  qui  était  d'abord 
en  relation  étroite  avec  les  sanctuaires  des  Lieux  Saints  :  on  fêtait  la  Na- 
tivité à  Bethléem,  les  Rameaux  à  Jérusalem,  l'Ascension  sur  le  mont  des 
Oliviers,  la  Pencôte  dans  l'Église  du  Cénacle.  Chaque  fête  était  ainsi  célébrée 
dans  un  endroit  déterminé,  l'année  liturgique  était  toute  topographique 
(p.  178  à  187);  c'est  la  messe  qui  comprenait  à  l'origine  deux  assemblées 
liturgiques  de  caractère  tout  différent  :  1°  la  vigile  où  on  lisait  la  Sainte 
Écriture  et  2°  la  synaxe  liturgique  ou  cène  eucharistique  (p.  364-305). 

Dans  cette  recherche  des  origines  il  faut  se  délier  des  analogies  ingé- 
nieuses trop  chères  aux  folk-loristes  et  ne  pas  conclure  d'un  simple  rap- 
prochement curieux  à  un  emprunt  (p*  197  à  199);  mais  Dom  Cabrol  est 
un  guide  sûr  et,  sous  sa  plume,  comme  il  le  souhaitait  (p.  372),  «  tous 
ces  rites  dont  on  a  perdu  l'intelligence  par  suite  de  l'éloignement,  de  la 
routine,  des  modifications  survenues,  reprennent  vie,  les  formules  don- 
nent tout  leur  sens,  elles  s'éclairent  l'une  par  l'autre  et  on  est  étonné  du 
trésor  de  vérités  et  de  beautés  que  renferme  notre  Missale  Homanum  ». 

F.  Nau. 

H.  A.  Ky3neuoBT>.  II|>eo[,pa.icniauin  rt>  PycCKoâ  HepKBH  (N.  A.  KOUZNETSOV. 
Transformations  dans  l'Église  russe).  Moscou,  Goloubev,  1900,  1  vol.  in  s  , 
164  pages.  Prix  :  75  kopeks. 

M.  Kouznetsov,  avocat,  nous  donne  dans  cette  brochure  un  récit  à  grands 


112  REVUE    DE    L'ORIENT  CHRÉTIEN. 

traits  du  mouvement  d'idées  qui  a  remué  l'Eglise  orthodoxe  russe,  depuis 
le  début  de  l'année  1905,  et  n'est  pas  encore  parvenu  à  son  terme.  Ce 
mouvement,  qui  se  donne  pour  objet  la  «  réforme  de  l'Église  »,  a  eu  pour 
point  de  départ  la  loi  du  17  avril  1905  sur  la  tolérance  et  ne  tend  à  rien 
moins  qu'à  transformer  de  fond  en  comble  l'Église  orthodoxe,  en  substi- 
tuant à  l'ingérence  de  l'État  et  au  régime  bureaucratique  institué  par 
Pierre  le  Grand,  un  libre  gouvernement  conciliaire.  Seulement,  ce  but 
n'est  pas  compris  par  tous  de  la  même  manière  :  tandis  que  les  uns  veu- 
lent seulement  libérer  la  hiérarchie  épiscopale  de  la  tutelle  civile  et  en. 
tendent  bien  laisser  exclusivement  dans  la  main  des  évêques  le  gouver- 
nement de  l'Église,  les  autres  demandent  une  large  participation  du  clergé 
inférieur  et  des  laïques  à  ce  gouvernement,  et  tout  d'abord  au  concile  na- 
tional extraordinaire  dont  la  convocation  est  annoncée  pour  l'année  1907. 
M.  Kouznetsov  prend  énergiquement  parti  pour  ces  derniers  et  appuie 
leurs  revendications  sur  l'histoire  de  l'Église  et  les  nécessités  du  temps 
présent.  A  ses  yeux,  c'est  le  peuple  qui  désormais,  dans  notre  âge  de 
démocratie,  doit  être  l'héritier  des  droits  que  l'ancienne  Église,  dans  ses 
conciles,  reconnaissait  plus  ou  moins  aux  empereurs.  Et  cette  transforma- 
tion, qui  est  un  fait  accompli  dans  la  plupart  des  Églises  orthodoxes  natio- 
nales, doit  tôt  ou  tard  avoir  lieu  dans  l'Église  russe.  —  Quoi  qu'on  puisse 
penser  de  ces  tendances,  cette  brochure  est  fort  intéressante  par  les  lu- 
mières qu'elle  nous  donne  sur  le  contre-coup  des  transformations  politi- 
ques de  la  Russie  dans  l'Église  (1).  La  plupart  des  documents  de  la  ques- 
tion, tels  que  les  mémoires  et  contre-mémoires  de  M.  Witte  et  de 
M.  Pobedonotzev,  ainsi  que  le  rapport  du  Saint-Synode  à  l'empereur  pour 
la  convocation  du  concile,  sont  reproduits  intégralement. 

Antoine  Malvy. 


Université  Saint-Joseph,  Beyrouth,  Syrie.  —  Mélanges  de  la  faculté 
orientale,  tome  I,  grand  in-8°  de  vin  et  378  pages  avec  quatre  planches 
phot.  hors  texte,  1906,  15  francs. 

Ces  mélanges  —  le  titre  seul  le  fait  pressentir  —  présentent  grande 
variété  et  s'adressent  à  toutes  les  catégories  de  lecteurs  :  historiens,  géo- 
graphes, épigraphistes,  coptisants,  arabisants,  etc. 

Le  Père  Lammens  y  publie  deux  articles  :  l'un  d'histoire  sur  le  règne 
du  calife  Moawia  Ier  (p.  1  à  108);  l'autre  de  géographie  sur  la  Syrie, 
tiré  d'une  étude  d'ensemble  sur  le  Liban  à  l'époque  des  Croisades 
(p.  239  à  283).  Le  Père  Mallon,  dans  «  une  école  de  savants  égyptiens  au 
moyen  âge  »  (p.  109  à  131),  nous  fait  part  de  ses  recherches  sur  la  vie 
et  les  œuvres  des  grammairiens  coptes.  Le  Père  L.  Jalabert  publie  des 
«  inscriptions  grecques  et  latines  de  Syrie  »  (p.  132 à  178)  destinées,  selon 

(1)  On  me  permettra  de  renvoyer,  pour  l'exposé  de  cette  question,  les  lecteurs  qui 
ne  savent  pas  le  russe,  à  ma  brochure  sur  La  réforme  de  l'Eglise  russe  (Paris,  Re- 
taux, 1906).  On  y  trouvera  la  traduction  des  principaux  documents. 


BIBLIOGRAPHIE.  1  13 

lui,  à  préparer  partiellement  la  refonte  future  des  «  suscriptions  grecques 
et  latines  de  la  Syrie  »  de  Waddington.  Le  Père  L.  Cheikho  dans'c  un 
dernier  écho  des  croisades  *  (p.  303  à  375)  publie  et  traduit  en  français 
un  texte  arabe  de  la  Bibliothèque  Nationale  de  Paris  contenant  le  récil 
des  expéditions  dirigées  contre  Chypre,  vers  1424,  et  ajoute  divers  ex- 
traits relatifs  au  même  sujet. 

Mentionnons  encore  €  le  cycle  de  la  Vierge  dans  les  Apocryphes  éthio- 
piens» par  le  II.  P.  Chaine,  le  résumé  des  thèses  .les  RR.  pp.  E.  Power 
et  A.  Hartigan  et  les  «  bas-reliefs  rupestres  des  environs  de  Qabélias  »  par 
le  R.   P.   S.  Ronzevalle. 

Rappelons  enfin  que  la  Faculté  orientale  de  l'Université  de  Beyrouth  a 
pour  but  de  donner  un  enseignement  supérieur  qui  embrasse  les  princi- 
pales branches  de  l'orientalisme.  Les  cours  qui  durent  trois  ans  portent 
sur  l'arabe  classique  et  dialectal,  le  copte,  le  syriaque,  l'éthiopien  el 
l'hébreu,  l'histoire  et  la  géographie  et  l'archéologie.  S'adresser  pour  tout 
renseignement  au  chancelier  de  la  Faculté  orientale  de  l'Université 
Saint-Joseph,  à  Beyrouth  (Syrie). 

F.  Nau. 


R.  P.  Constantin  Bâcha,  Kitab  daf  al-hamm...(Lelivrede  l'expulsion  de  la 

tristesse,  d'Elie  le  Nestorien,  métropolitain  de  Nisibe...),  102  pages,  im- 
primé au  Caire  (sans  date).  En  vente  chez  l'auteur,  à  Tripoli  de  Syrie. 

Le  Père  C.  Bâcha,  déjà  connu  des  lecteurs  {ROC,  1(.h»5,  p.  439;  1906, 
p.  102),  a  transcrit  cet  ouvrage  sur  un  ms.  du  Vatican  et  l'a  édité  il  y  a 
plus  de  trois  ans.  Après  une  préface  de  neuf  pages  de  l'éditeur,  on  trouve 
le  texte  arabe  de  la  préface  et  des  douze  chapitres  de  l'ouvrage  d'Elie  Bar 
Schinaya,  évêque  de  Nisibe  en  1014  etmort  à  Maiferqin  en  1049, d'après 
le  Père  C.  Bâcha,  p.  4  (évêque  de  Nisibe  en  1008,  d'après  M.  R.  Duval). 
L'auteur  traite  delà  religion  ,  de  la  reconnaissance,  de  la  chasteté,  de  l'hu- 
milité, de  la  prudence,  du  bon  caractère,  de  la  charité,  de  la  justice  et 
de  la  clémence.  Nous  signalons  cette  ancienne  édition  pour  rendre  ser- 
vice aux  savants  qui  cherchent  le  nom  de  l'auteur  et  le  contenu  de  l'ou- 
vrage (Cf.  Journal  asiatique,  octobre  1906,  p.  268  à  271). 

F.  Nau. 


LIVRES  NOUVEAUX 

I.  _  f.  X.  Funk,  Didascalia  et'Constitutiones  Apostolorum}2  vol.8\  i.\i. 
704  pages  et  \i.iv,  208  pages.  Paderborn,  1906,  34  marks. 

M.  Funk  a  utilisé  tous  les  manuscrits  connus.  Le  premier  volume  ren- 
ferme leshuitlivres  des  Constitutions  Apostoliques  et  les  quatre-  vingt-cinq 
Canons  des  Apôtres.  Les  six  premiers  livres  sont  imprimés  en  face  d'une 
version  latine  de  la  Didascalie;  l'auteur  a  souligné  dans  le  texte  grec  li  3 

passades  qui  ne  figurent  pas  dans   la  Didascalie  et  sont  propres  à  Tinter- 


444  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

polateur.  Les  deux  derniers  livres  sont  accompagnés  d'une  version  latine. 
M.  Funk  a  souligné  dans  le  livre  VII  les  passages  qui  proviennent  de  la 
Didaché. 

Le  tome  II  forme  une  espèce  d'appendice  :  il  renferme  les  citations  de 
la  Didascalie  et  des  Constitutions  Apostoliques  que  l'on  relève  chez  les 
anciens  auteurs  et  les  textes  de  petits  écrits  pseudo-apostoliques,  les  ca- 
nons du  concile  d'Antioche,  la  loi  canonique  des  Apôtres,  les  peines  pour 
les  péchés  et  le  sacramentaire  de  Sérapion. 

Notons  que  les  peines  pour  les  péchés  se  trouvent  dans  le  ms.  Coislin 
211,  fol.  279  v.  Le  premier  canon  manque,  les  sept  suivants  (y  compris 
l'addition  de  Pitra  au  second)  y  forment  une  première  pièce  avec  le  titre 
donné  par  M.  Funk  à  l'ensemble.  Les  canons  9  à  23  forment  une 
seconde  pièce  avec  le  titre  :  'E^i-r([iia  twv  àyfav  ànoatrfXœv.  Il  s'ensuit  que  ce 
texte  si  court  (p.  154  à  157)  semble  cependant  comp  osé  de  trois  parties  : 
1°  d'une  pièce  plus  ancienne  (canons  2  à  8)  ;  2°  d'une  pièce  récente  (canons 
9  à  23)  tirée  des  canons  de  saint  Basile  et  du  concile  d'Ancyre  ;  3°  du  pre- 
mier canon  ajouté  comme  explication  ou  aggravation  du  second  par  le 
compilateur  qui  a  réuni  les  deux  pièces  en  une  seule. 

II.  —  Dom  R.  H.  Connolly,  The  early  Syriac  Creed.  Extrait  de   la    Zeit- 
schriftfiir  die  neutestamentliche  Wissenschaft,  Giessen,  1906. 

Dom  Connolly  s'est  proposé  de  reconstituer  le  Credo  syrien  tel  qu'il 
était  avant  le  concile  de  Nicée.  Il  a  utilisé  surtout  les  Homélies  d'A- 
phraates  qui  lui  avaient  déjà  fourni  un  intéressant  article  sur  les  origines 
dumonachisme(Aaphraates  and  Monasticism,  Journal  oftheological  studies, 
1905,  t.  VI,  p.  522-539)  ;  il  reconstitue  leur  Credo,  identique,  à  peu  de  chose 
près,  au  symbole  des  Apôtres.  Il  commente  longuement  chacun  de  ses  ar- 
ticles et  relève  les  traces  de  Credo  qui  se  trouvent  dans  les  autres  anciens 
documents  syriaques. 

III.  —  Dr  August  Haffner,  Texte  eur  arabischen  Lexicographie,  8°.  Otto 
Harrassowitz,  Leipzig,  1905. 

Cet  ouvrage  comprend  une  introduction  (14  pages),  des  remarques 
(74  pages)  et  trois  textes  arabes  (328  pages)  ;  le  premier  de  ces  textes,  le 
«  Kitàb  al-kalb  ou  al-'ibdâl  »  de  Ibn  es-Sikkît,  est  publié  d'aprèsunms.  de 
Constantinople  et  traite  des  mots  arabes  dans  lesquels  une  voyelle  se  per- 
mute avec  une  autre;  le  second  est  le  «  Kitàb  el-'ibil  »  écrit  par  Al-'Asma-î, 
il  est  publié  ici  dans  deux  rédactions,  l'une,  conservée  dans  des  mss.  de 
Constantinople,  Copenhague,  Madrid  et  Bagdad,  l'autre,  trois  fois  plus 
développée,  dans  un  ancien  ms.  de  Vienne  :  N.  F.  61.  Ce  même  ms.  de 
Vienne  a  fourni  le  troisième  texte  publié  ici  :  le  «  Kitàb  halk  el-'insàn  » 
d'Al-'Asmal.  Ce  dernier  ouvrage,  en  sus  de  son  intérêt  lexicographique , 
nous  donne  un  remarquable  spécimen  des  connaissances  anatomiques 
des  Arabes. 

IV.  —  Louis  Bréhier,  professeur  d'histoire  à  l'université   de  Clermont- 
Ferrand,  Les  Croisades  (Bibliothèque  de  l'enseignement  de  l'histoire  ec- 


BIBLIOGRAPHIE.  445 

clésiastique),   vol.  in-12  de  xin-377  pages,  3  fr.    50.  Paris,   Lecoffre, 
1900. 

L'histoire  des  rapports  entre  l'Église  et  l'Orient  du  vc  au  xvc  siècle  est 
intimement  mêlée  à  l'histoire  générale  du  moyen  âge  :  toutes  les  puis- 
sances de  cette  époque  ont  eu  l'occasion  d'intervenir  en  Orient  ou  ont 
subi  le  contre-coup  des  événements  qui  s'y  déroulaient.  Nous  reprodui- 
sons les  titres  des  chapitres  qui  suffiront  à  montrer  l'étendue  et  l'impor- 
tance de  cet  ouvrage  savant  et  bien  informé  : 

I.  Les  rapports  religieux  entre  l'Orient  et  l'Occident  avant  l'invasion  per- 
sane. —  IL  La  destruction  de  l'Orient  chrétien  et  le  protectorat  franc 
en  Terre  Sainte.  —  III.  Le  protectorat  byzantin  et  l'invasion  des  Turcs. 
Origine  des  Croisades.  —  IV.  La  première  croisade  et  la  fondation 
des  Etats  latins  d'Orient.  —  V.  La  première  destruction  du  royaume  de 
Jérusalem.  —  VI.  Les  tentatives  de  restauration  de  l'Orient  latin 
(1187-1198). —  VIL  Le  Pape  Innocent  III  et  l'Orient  (1198-1210).  —  VIII. 
La  lutte  de  la  papauté  et  de  l'empire  en  Orient  (1210-1244).  —  IX.  La 
perte  de  Constantinople  et  de  la  Terre  Sainte.  —  X.  La  période  des 
théoriciens  et  des  missionnaires  (1291-1342).  —  XL  Les  dernières  croi- 
sades (1342-1390).  —  XII.  La  défense  de  l'empire  byzantin  (1390-1453). 

V.  —  H.  T.  F.  Uuckwortii,  Noies  on  Alexander  Palli's  Romaic  Version  of 

the  New  Testament  Canticles,  8",  30  pages.  Cambridge,  1900,  1  sli. 

M.  Duckworth  reproduit  le  texte  et  la  version  grec  moderne  des  can- 
tiques de  la  Sainte  Vierge,  deZacharie  et  de  Siméon,  puis  il  donne,  en  de 
longues  notes,  la  raison  d'être  de  toutes  les  déformations  introduites,  par 
le  grec  vulgaire,  dans  la  grammaire  et  le  vocabulaire  de  ces  cantiques. 

VI.  —  M.  Viard,  La  Didascalie  des  Apôtres,  introduction  critique,  esquisse 
historique  (thèse  de  doctorat  en  théologie  présentée  à  la  faculté  catholi- 
que de  Lyon),  8°,  92  pages.  Langres,  1200. 

La  faveur  qui  s'attache  de -nos  jours  à  la  Didascalie  tient  peut-être  à  nos 
circonstances  politiques.  Au  moment  où  l'Eglise  cesse  d'être  protégée  par 
le  pouvoir  séculier,  il  est  tout  naturel  qu'on  se  préoccupe  de  modifier 
notre  constitution  ecclésiastique,  toute  basée  sur  l'hypothèse  de  la  protection 
de  l'État,  pour  nous  rapprocher  davantage  de  cette  constitution  du  troi- 
sième siècle  consignée  dans  la  Didascalie  qui  a  conduit  les  chrétiens  à  la 
victoire. 

M.  M.  Viard  n'a  pas  eu  la  prétention  de  nous  donner  une  constitution 
mais  il  est  facile  de  lire  entre  les  lignes  et  d'appliquer  au  temps  présent 
ce  quïl  nous  dit  du  temps  passé. 

Les  diaconesses,  après  avoir  rempli  tous  leurs  devoirs  sociaux,  accom- 
plissaient les  œuvres  de  charité  que  nous  réservions  aux  religieuses.  On 
évitait  ainsi  cette  sélection  à  rebours  qui  ensevelit  depuis  quinze  siècles 
les  meilleurs  dans  les  cloîtres  et  ne  laisse  dans  le  monde  que  les  plus 
matérialistes,  les  plus  déséquilibrés  et  les   plus  immoraux.  Au  bout  de 


116  REVUE    DE    L'ORIENT   CHRÉTIEN. 

quinze  siècles  de  cette  sélection,  la  race  des  psychiques,  pour  employer  le 
langage  de  l'école  d'Alexandrie,  a  disparu,  et  celle  des  hyliques  domine 
dans  les  pays  latins. 

Les  réunions  étaient  privées,  des  serviteurs  (diacres)  veillaient  aux  portes 
et  ne  laissaient  pas  pénétrer  les  païens  :  les  fidèles  prenaient  une  part 
personnelle  à  l'office,  ils  désignaient  leur  pasteur  qui  devait  autant  que 
possible  avoir  dépassé  la  cinquantaine  etc. 

Inutile  d'ailleurs  de  nous  étendre  plus  longuement  sur  ce  sujet.  Nos 
lecteurs  qui  cherchent  de  nouvelles  voies  peuvent  consulter  le  livre  de 
M.  Viard,  ou,  mieux  encore,  la  Didascalie  elle-même. 

VII.  —  J.  J.  Clamageran,  Correspondance  (1849  à  1902), 8°,  xiv-540  pages. 
Alcan,  Paris,  1905,  10  francs. 

M™8  Y'e  Clamageran  consacre  ce  nouveau  volume  (cf.  ROC  1905,  p.  332 
à  333)  à  la  mémoire  de  son  mari.  En  dépit  d'un  bon  nombre  de  lettres  re- 
latives à  l'Urient,  c'est  une  œuvre  politique  formée  de  lettres  choisies.  Il 
est  intéressant  du  moins  d'y  constater  quelle  somme  de  haines,  de  convoi- 
tises, de  préjugés  de  religion  et  de  coterie  entre  dans  la  mentalité  d'un 
protestant  libéral  appartenant  à  la  coterie  dite  républicaine  (1).  Cette  men- 
talité le  ferait  trébucher  à  chaque  pas  sur  la  Liberté.  l'Égalité,  la  Frater- 
nité et  les  Droits  de  l'homme  s'il  n'avait  pris  soin  d'écarter  d'avance  tous 
ces  obstacles  de  son  chemin.  Il  n'a  plus  qu'une  préoccupation,  celle  de 
jouer  le  rôle  qui  doit  conduire  au  pouvoir  et  à  l'argent  lui  et  ses  amis. 
«  Je  débite  à  tout  le  monde  un  mal  affreux  de  Badinguet,  écrit-il  de  Syrie 
en  1853,  je  raconte  tout  ce  qui  peut  servir  à  le  faire  haïr  et  mépriser  et 
je  prédis  une  révolution  prochaine  »  (p.  103).  Il  savait  fort  bien  qu'il  n'é- 
tait pas  prophète,  mais  il  jouait  un  rôle  et  a  ainsi  passé  toute  sa  vie  à  <  dé- 
biter un  mal  affreux  »  d'abord  de  l'empire,  puis  de  l'état-major,  des  con- 
grégations et  des  curés  (2). 

Beaucoup  de  Français  ne  savent  pas  encore  que  le  curé  est  presque  tou- 
jours fils  de  cultivateur  ou  d'ouvrier,  qu'il  a  été  choisi  dans  son  village 
parce  qu'il  était  le  plus  moral  et  souvent  le  plus  intelligent,  qu'il  a  été 


(1)  Il  n'est  peut-être  pas  inutile  de  noter  que  le  mode  de  gouvernement  en  France  n'est 
pas  républicain;  ce  n'est  pas  le  gouvernement  du  peuple  par  le  peuple,  car  la  moitié 
moins  un  des  votants  peut  n'être  pas  représentée  et  a  même  chance  d'être  opprimée  par 
le  représentant  de  la  moitié  plus  un.  On  voit  aussi  le  tapageur  élu  de  quelques  mulâtres 
avoir  la  même  influence  législative  que  l'élu  de  douze  mille  citoyens:  La  raison  demande 
que  tout  élu  d'un  groupe  suffisant  de  Français  (par  exemple  mille  au  minimum)  ait  part 
à  la  législation  dans  la  proportion  du  nombre  des  votants  qui  lui  ont  donné  mandat.  (L'élu 
de  douze  mille  électeurs  disposera  de  douze  voix).  Toute  loi  restrictive  de  la  liberté  de- 
vrait réunir  aussi  les  trois  quarts  ou  même  les  quatre  cinquièmes  des  suffrages  avant  de 
pouvoir  être  appliquée  par  la  force,  sinon  elle  n'est  plus  qu'un  mode  de  tyrannie  bien 
connu  jadis  à  Athènes  :  la  tyrannie  oligarchique. 

(2)  «  Vous  êtes  là  au  confluent  des  deux  pestes  noires  qui  sévissent  en  France  et  eu 
Espagne  »  (14  sept.  1873,  p.  386).  «  Nous  sommes  menacés  d'une  dictature  militaire  inspirée 
et  dirigée  par  les  jésuites  •  (2i  oct.  1896,  p.  493)  ;  «  Chamberlain  qui  est  une  espèce  de  Dé- 
roulède  un  peu  moins  fou  »  (9déc.  1890,  p.  508);  «  Ce  L.  S.  est  un  pur  imbécile  »  (10  juil. 
1901,  p.  520  etc.  etc.). 


BIBLIOGRAPHIE.  11? 

chargé  de  fardeaux  très  lourds  qu'on  ne  peut  porter  sans  héroïsme,  qu'il 
a  l'ingrate  tâche  d'infuser  des  idées  morales  à  des  gens  qui  n'en  veulent 
plus  et  tout  cela,  au  point  de  vue  matériel,  pour  un  millier  de  francs  par 
an.  Le  dernier  d'entre  eux  est  donc  infiniment  supérieur  au  riche  bour- 
geois jouisseur,  qui  se  dit  libéral  dans  le  protestantisme  afin  de  pouvoir 
faire  tout  ce  qu'il  veut,  qui  passe  sa  vie  à  voyager  et  à  politiquer,  et  rentre 
d'Italie  en  France  après  la  Commune  pour  prendre  part  à  la  curée  et  par- 
tager, avec  ceux  de  sa  coterie,  les  honneurs  et  l'argent  (p.  360,  :507). 

Est-il  mort  content,  lui  qui  annonçait,  en  1896,  le  recul  du  socialisme  (p. 
477)  et  qui  trouvait  lourd,  eu  ixos,  mi  budget  de  deux  milliards  (p.  310)? 
lia  pu  voir  à  l'extérieur  l'abandon  de  l'Egypte,  de  Fachoda,  de  Terre- 
Neuve,  nous  avons  vu  depuis  la  triste  aventure  du  Maroc.  Il  a  vu  à  l'inté- 
rieur la  fraction  socialiste  appelée  au  gouvernement  et  nous  voyons  main- 
tenant le  budget  à  quatre  milliards,  l'insubordination  dans  l'armée,  la  con- 
fiscation prochaine  des  héritages  collatéraux  et  l'organisation  d'une  frac- 
tion de  la  nation  en  vue  du  vol  légal.  Puisque  M1'  Clamageran  aimait  lire 
Voltaire,  nous  lui  adresserions  volontiers  l'apostrophe  qu'Alfred  de  Musset 
adressait  à  celui-ci  : 

Es-tu  content,  Voltaire,  et  ton  hideux  sourire 
Voltige-t-il  encor  sur  tes  os  décharnés  ? 

Peut-être  d'ailleurs  est-il  content,  car  beaucoup  de  ces  esprits  de  système, 
soi-disant  libéraux  et  républicains,  ne  sont  que  les  frères  aînés  des  voyous 
de  nos  faubourgs  qui  croient  avoir  gagné  leur  journée  et  avoir  bien  mérité 
de  la  patrie  lorsqu'ils  ont  imité  le  cri  de  certain  animal  de  basse-cour 
pour  ennuyer  un  curé. 

VIII.  —  Christian  Garnier,  Méthode  de  transcription  rationnelle  générale 

(T.  R.  G.)  des  noms  géographiques  s' appliquant  à  toutes  1rs  écritures  usi- 
tées dans  h'  Monde,  4",  xn-150  pages.  Paris.  Leroux,  1899. 

Cet  ouvrage  ne  peut  être  appelé  un  «  livre  nouveau  »  que  parce  qu'il  n'a 
pas  été  remplacé  et  ne  le  sera  sans  doute  pas  de  sitôt.  L'auteur,  fils  de  l'ar- 
chitecte de  l'Opéra,  est  mort  en  septembre  1808.  Sa  méthode  de  transcrip- 
tion, couronnée  par  l'Institut  (prix  Volney),a  pour  but  de  rendre  le  son  aussi 
bien  que  l'orthographe  de  tous  les  noms  propres  étrangers.  Pour  cela,  il 
surmonte  ou  souligne  les  lettres  fondamentales  de  signes  indiquant  les  as- 
pirations, claquements  et.  tonalités  et  d'accents  modifiant,  suintai  des 
règles  fixes,  le  son  des  lettres  fondamentales.  Par  exemple  :  une  virgule 
sous  une  lettre  lui  donne  un  son  nasal,  le  caractère  italique  est  employé 
pour  les  lettres  qui  ne  se  prononcent  pas  etc.  Tous  ceux  qui  ont  souf- 
fert des  différences  qui  existent  entre  notre  écriture  et.  la  prononciation 
'exemple  :  Shakespeare)  apprécieront  l'importance  d'une  méthode  de  trans- 
cription qui  est  aussi  phonétique  qu'orthographique. 


448  REVUE  de  l'orient  chrétien. 


SOMMAIRE  DES  REVUES 

I.  Revue  Biblique  1906.  N°l.  E.  Le^Roy,  Sur  la  notion  du  dogme.  —  H. 
Vincent,  Les  villes  cananéennes.  —  R.  P.  Lagrange,  Notes  sur  les  prophéties 
messianiques  des  derniers  prophètes.  —  Mélanges,  chronique,  recensions, 
bulletin.  —  N°  2.  Msr  Batiffol,  Le  judaïsme  de  la  dispersion  tendait-il  à 
devenir  une  église?  —  R.  Vincent,  Les  villes  cananéennes.  —  Mélanges, 
chronique,  recensions,  bulletin.  —  N°  3.  M.  Louis  de  la  Vallée  Poussin,  Le 
bouddhisme  et  les  évangiles  canoniques.  —  R.  P.  Lagrange,  L'avènement  du 
Fils  de  l'homme.  —  Mélanges,  chronique,  recensions,  bulletin.  —  N°  4.  I. 
Guidi,  L'historiographie  chez  les  Sémites.  —  Me*  Batiffol,  L'Apostolat.  — 
R.  P.  Lagrange,  Pascal  et  les  prophéties  messianiqxies.  —  Mélanges,  chro- 
nique, recensions,  bulletin. 

II.  Byzantinische  Zeitschrift,  t.  XV,  cahiers  3  et  4,  31  juillet  190b.  — 
I  (p.  517  à  621).  J.  B.  Bury,  The  trealise  De  adminislrando  imperio.  —  E. 
W.  Brooks,  The  sources  of  Theophanes  and  the  syriacs  chroniclers.  —  Karl 
Praechter,  Olympiodorund  Synkellos.  —  Ed.  Kurtz,  Die  gegen  Soterichox 
gerichtete  synode  in  Konstantinopel  im  jahre  1157.  —  Ed.  Kurtz,  Georgios 
Bardanes,  metropolit  von  Kerkyra.  —  Dr  Mordtmann,  Siegel  des  Kaisers 
Leontios.  —  0.  M.  Dalton,  Byzantine  silversmilh's  work  from  Cyprus.  — 
G.  Millot,  Dédicace  d'icône.  —  L.  Schmidt,  Zur  frage  nach  der  Volkszahl 
der  Wandalen.  —  II  (p.  622  à  650).  Comptes  rendus.  —  III  (p.  651  à  716). 
Bibliographische  Notizen  und  kleinere  Mitteilungen.  (Indication  et  souvent 
analyse  des  publications  récentes  disposées  par  lieux  communs) 


Le  Directeur-Gérant  : 
F.  Charmetant. 


Typographie  l'irmin-Didot  et  C'e 


IPatrologia  orientalis  (suite) 

(voir  page  4  de  la  couverture). 

Tome  IV.  —  Fasc.  1.  —  Les  Homélies  de  Sévère  d'Antioche,  texte  syriaque 
inédit,  traduction  française  par  R.  Duval  et  M.- A.  Kugener,  avec  le  concours 
deE.-W.  Brooks.  Fasc.'l,  par  Rubens  Duval.  Paru. 

Fasc.  2.  —   Recueil  de  monographies.  —  II.  Histoire  de  S.  Pacôme, 

texte  grec  inédit  des  ms.  de  Paris  881  et  suppl.  480,  avec  une  traduction  fran- 
çaise de  la  version  syriaque  et  une  nouvelle  classification  des  sources  grecques, 
par  J.  Bousquet,  vice-recteur  et  professeur  de  grec  à  l'Institut  catholique  de 
Paris,  et  F.  Nau. 

Fasc.  3.  —  La  Cause  de  la  fondation  des  écoles,  par  Mar  Hadbeschabba 
Arbaia,  évéque  de  Halwan;  texte  syriaque,  publié,  traduit  et  annoté  par 
Mgr  Addaï  Scher,  archevêque  chaldéen  de  Séert. 

Fasc.  4.  —  Histoire  des  patriarches  d'Alexandrie  (suite),  par  B.  Evetts. 

Fasc.  5.  —  The  hymns  of  Severus  of  Antioch  and  others  in  the  syriac 
version  of  Paul  of  Edessa  as  revised  by  James  of  Edessa  ;  texte  syria- 
que, traduction  anglaise  par  E.-W.  Brooks. 


DE  NOMBREUX  OUVRAGES  SONT  EN  PREPARATION.  Mentionnons  : 

Les  différentes  rédactions  de  VEpilome  :  I.  La  Chronique  du  manuscrit  grec 
de  Paris  n°  1712,  texte  grec,  traduction  française  par  J.  Bousquet  et  D.  Ser- 
ruys,  avec  le  concours  de  MM.  Boudreaux,  Ebersalt  et  Franel. 

L'Oraison  funèbre  de  Basile  le  Macédonien,  texte  grec,  traduction  française 
par  D.  Serruys. 

Les  Apocryphes  Coptes  (fascicule  2),  par  E.  Reviixout. 

Vies  de  Sévère,  introduction,  commentaire,  index  et  tables,  par  M. -A.  Kugener. 

Chronique  de  Mahboub  (Ard<;uoç)  le  Grec,  fils  de  Constantin,  évéque  de 
Menbidj  (xe  siècle),  texte  arabe,  traduction  française  par  A. -A.  Vasiliev,  pro- 
fesseur à  l'Université  de  Dorpat  (ROpbeBt). 

Texte  grec  et  versions  d'ouvrages  apocryphes  attribués  aux  apôtres,  etc.,  etc. 

CopticTexts  relatingto  Ecclesiastical  history  (mostly  unpublisbed),  edited 
with  English  translation,  by  \V.  E.  Crum. 

Les  versions  arabes  des  Apocryphes  Apostoliques  :  —  I.LeTestamentum 
D.  N.  J.  C,  texte  arabe  inédit,  traduction  française  par  S.  B.  M»r  Raumam. 
L. Desnoyers  etP.DiB.  —  II. Les  Canons  des  Apôtres,  texte  arabe  en  majeure 
partie  inédit,  traduction  française  par  MM.  J.  Périer  et  J.-B.  Périer.  — La  Di- 
dascalie,  texte  arabe  inédit,  traduction  française  par  P.  Chébli. 

Les  versions  éthiopiennes  des  Apocryphes  du  Nouveau  Testament  : 
—  I.  Le  Testamentum  D.  N.  J.  C,  texte  éthiopien  inédit,  traduction  fran- 
çaise par  M.  l'abbé  Guerrier.  —  II.  Apocryphes  attribués  à  St  Clément, 
texte  éthiopien  inédit,  traduction  française  par  M.  l'abbé  GRÉBAUT.  —  III.  Le 
Fekârê  Iyasus  et  la  vision  d'Abbâ  Sinoda,  texte  éthiopien  inédit,  traduc- 
tion italienne  par  M.  C.  Conti-Rossini. 

L'Histoire  des  conciles  de  Sévère  ibn-al-Moqaffa',  texte  arabe  inédit,  traduc- 
tion française  par  M.  L.  Leroy. 

Mélanges  de  Théologie  jacobite  :  Les  Lettres  encycliques  et  les  Profes- 
sions de  foi  des  évéques  jacobites,  texte  syriaque,  traduction  française  par 
F.  Nau. 

(Demander  tous  renseignements  et  adresser  les  souscriptions   à  la   librairie 
FIRMIN-DIDOT,  56,  rue  Jacob,  Paris.) 


R.  GRAFFIN.  —  F.  NAU 

PROFESSEURS    A    L'iNSTITUT    CATHOLIQUE    DE    PARIS 

JPatrologia  orientalis 

Tome  I.  —  Fasc.  1.  —  Le  livre  des  mystères  du  ciel  et  de  la  terre,  texte 
éthiopien,  traduction  française  par  J.  Perruchon  et  I.  Guioi.  Prix:  6  fr.  50  ; 
franco,  7  fr.  (pour  les  souscripteurs  :  4  fr.  ;  franco,  4  fr.  50). 

—  Fasc.  2.  —  History  of  the  Patriarchs  of  the  Coptic  Church  of  Alexan 
dria,  texte  arabe,  traduction  anglaise  par  B.  Evetts,  I.  Prix  :  7  fr.  ;  franco, 

7  fr.  50  (pour  les  souscripteurs  :  4  fr.  35  ;  franco,  4  fr.  85). 

—  Fasc.  3.  —  Le  Synaxaire  arabe  jacobite,  texte  arabe  inédit,  traduction 
française  par  René  Basset  (Tout  et  Babeh).  Prix  :  10  fr.;  franco,  10  fr.  65  (pour 
les  souscripteurs  :  6  fr.  30;  franco,  6  fr.  95). 

—  Fasc.   4.  —  History  of  the  Patriarchs,   etc.  (suite,  de  300  à  661).  Prix  : 

8  fr.  35;  franco,  8  fr.  95  (pour  les  souscripteurs  :  5fr.  25;  franco,  5  fr.  85). 

Tome  II.  —  Fasc.  1.  —  "Vie  de  Sévère  par  Zacharie  le  Scholastique,  texte 
syriaque,  traduction  française  par  M. -A.  Kugener.  Prix  :  7  fr.  ;  franco,  7  fr.  50 
(pour  les  souscripteurs  :  4fr.  30;  franco,  4  fr.  80). 

—  Fasc.  2.  —  Les  apocryphes  coptes.  I.  Les  Évangiles  des  douze  apôtres 
et  de  saint  Barthélémy,  texte  copte,  traduction  française  par  E.  Revillout. 
Prix  :  5  fr.  ;  franco,  5  fr.  40  (pour  les  souscripteurs  :  3  fr.  15  ;  franco,  3  fr.  55). 

—  Fasc.  3.  —  Vie  de  Sévère  par  Jean,  supérieur  du  monastère  de 
Beith  Aphthonia,  suivie  d'un  recueil  de  fragments  historiques  syriaques, 
grecs,  latins  et  arabes  relatifs  à  Sévère,  par  M. -A.  Kugener.  Prix  :  11  fr.  90; 
franco,  12  fr.  65  (pour  les  souscripteurs  :  7  fr.  50;  franco,  8  fr.  25). 

—  Fasc.  4.  —  Les  Versions  grecques  des  Actes  des  martyrs  persans 
sous  Sapor  II,  par  H.  Deeehaye.  Bollandiste.  Prix  :  9  fr.  50;  franco,  10  fr.  20 
(pour  les  souscripteurs  :  6  fr.  ;  franco,  6  fr.  70). 

Tome  fil,  —  Fasc.  1.  —  Recueil  de  monographies.  —  I.  Les  histoires  d'A- 
houdemmeh  et  de  Marouta,  primats  jacobites  de  Tagrit  et  de  l'Orient  (vie- 
vn°  siècle),  suivies  du  traité  d'Ahoudemmeh  sur  l'homme,  texte  syriaque  inédit, 
traduction  française  par  F.  Nau.  Prix  :  7  fr.  15  ;  franco,  7  fr.  65  (pour  les  sous- 
cripteurs :  4  fr.*50;  franco,  5  francs). 

VONT  PARAITRE: 

Tome  I.  —  Fasc.  5.  —  Le  Synaxaire  éthiopien,  par  René  Basset,  Conti-Ros- 
sini,  I.  Guidi  et  L.  Hackspill.  I.  Le  mois  de  Sanê,  texte  éthiopien,  traduction 
française  par  I.  Guidi.  Paru. 

Tome  II.  —  Fasc.  5.  —  Le  Livre  de  Job,  texte  éthiopien  inédit,  traduction  fran- 
çaise par  E.  PEREIRA.  Puni. 

Tome  III.  —  Fasc.  2.  —  Réfutation  de  Sa'îd  Ibn  Batriq  (Eutychius),  par 
Sévère  Ibn-al-Moqaffa',  évêque  d'Aschmounaïn,  texte  arabe,  traduction 
française  par  P.  Chébli,  prêtre  maronite.  Prix  :  7  fr.  40;  franco,  7  fr.  95  (pour 
les  souscripteurs  :  4  fr.  65;  franco,  5  fr.  20).  Paru. 

Fasc.  3.  —  Papyrus  grecs  relatifs  à  l'antiquité  chrétienne,  publiés  et 
traduits  en  français  par  le  Dr  C.  Wessely,  conservateur  de  la  Bibliothèque 
impériale  de  Vienne. 

Fasc.  4.  —  Le  Synaxaire  arabe  jacobite  (suite),  par  René  Basset. 

Fasc.  5.  —  The  Life  of  Severus,  patriarch  of  Antioch,  by  Athanasius, 
texte  éthiopien  inédit,  traduction  anglaise  par  E.-J.  Goodsped. 

(Voir  la  suite  à  la  page  3  de  la  couverture.) 


I-7v.ll 

Revue  De  L'Orient  Chrétien 

Princeton  Theological  Seminary-Speer  Library 


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